Contenu du sommaire : Mesurer et construire Paris
Revue | Histoire urbaine |
---|---|
Numéro | no 43, août 2015 |
Titre du numéro | Mesurer et construire Paris |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Des mesures de Paris - Dominique Margairaz, Julie Claustre p. 5-11
- Mesurer et localiser le travail des artisans paveurs dans la ville : les dépenses de pavage du Domaine à Paris au XVe siècle - Léa Hermenault p. 13-29 Les dépenses de pavage du Domaine de la ville de Paris au XVe siècle montrent que les axes qui mènent aux portes de l'enceinte de Charles V concentrent les investissements, même si d'autres rues, aux dimensions plus modestes, ont toutefois de plus en plus tendance à faire l'objet de réfections de pavage à partir de la seconde moitié du siècle. Par ailleurs, au même moment, chacune des opérations de la chaîne du pavage des rues (livraison des pavés, transports des matières premières, pavage) fait l'objet d'une spécialisation professionnelle, rendue peut-être possible par une amélioration du contexte économique, et à laquelle doivent s'adapter le receveur des comptes et les scribes en introduisant diverses innovations dans l'écriture comptable de ces dépenses de pavage.Paving expenses of the Domaine of the City of Paris in the 15th century show that most investments were focused on the roads leading up to the gates of the wall of Charles V. However, other streets, some of smaller size, increasingly tended to benefit from paving repairs from the second half of the century. Moreover, over the same period, each part of the street paving process (i.e. the delivery of paving stones, transportation of raw materials, and the actual paving) became a specialised trade, perhaps because an improvement in the economic environment made such specialization possible. The accounts receiver and clerks had to adapt their bookkeeping techniques to these various innovations.
- Mesurer le bâti parisien à l'époque moderne : Les enjeux juridiques et surtout économiques du toisé - Robert Carvais p. 31-53 Mesurer le bâti est une mission traditionnelle dévolue aux constructeurs, qu'ils soient maçons, architectes ou ingénieurs. À la fin du XVIIe siècle, une polémique naît parmi les institutions royales et corporatives pour vaincre les abus commis dans l'évaluation des biens immobiliers et accroître la maîtrise des coûts constructifs. Le toisé, c'est-à-dire la mesure à la toise, mérite d'être constituée en science et pour ce faire d'être régulé. Ce sera tout l'enjeu des débats portés par des architectes, comme Pierre Bullet, devant l'Académie d'architecture. Il s'agissait de trancher entre les deux méthodes pratiquées depuis toujours par les maçons : « la toise bout-avant sans retour » ou « celle aux us et coutume de Paris », voire d'aller au delà. Favorable aux maîtres d'œuvre, la seconde méthode sera normalisée par l'enseignement académique à partir d'Antoine Desgodets, à défaut de réformer de fond en comble les méthodes de mesure selon les outils géométriques, mais aussi par la transformation du statut de l'expert qui démontre les enjeux juridique et politique portés par cette question.Measuring buildings is a traditional task for builders of all sorts, be they masons, architects, or engineers. In the late 17th century, royal institutions and guilds decided to tackle misuses of measurements used to assess buildings, and thus increase control of construction costs. The toisé, that is to say a measurement using an instrument called the toise, was to be transformed into science and therefore had to be regulated. This was the subject that the architects of the Royal Academy, such as Pierre Bullet, had been debating since the beginning of the 18th century. They had to choose between two methods practised by masons: ‘‘la toise bout-avant sans retour'' (a sort of measurement that did not consider irregular or decorative elements) or the method ‘‘according to the Customs of Paris'' – or even to create a more efficient technique. The second method, which was favourable to architects, would be normalised by the academic teaching from Antoine Desgodets' courses and by the transformation of the status of surveyors, which shows very clearly the political and legal stakes raised by this question. The professor of the Academy would have preferred to reform the building measurement methods completely through the use of geometric tools, but he was not allowed to do so. Such a complete overhaul would not occur until the early 19th century.
- L'immobilier parisien au XVIIIe siècle : Un marché locatif - Nicolas Lyon-Caen p. 55-70 Les marchés immobiliers urbains sont généralement analysés à partir des prix de vente. L'extraordinaire concentration de la propriété dans les grandes villes de l'Époque moderne, à commencer par Paris, incite pourtant à penser que ce sont les transactions autour des loyers qui informent, dans une large mesure, la dynamique des échanges. Les Parisiens étant très majoritairement des locataires, l'immeuble est une source de revenus bien plus qu'un investissement en capital. À telle enseigne que la majorité des évaluations immobilières s'effectuent au moyen du principe du denier, c'est à dire en multipliant la valeur locative par un coefficient prédéterminé. Une convention utilisable par tous sert donc à déterminer les prix de vente. Reporter sur les loyers l'explication principale des variations du marché immobilier permet de distinguer des logiques moins évidentes que la rencontre d'une demande et d'une offre sur fond de ségrégation résidentielle. La hausse des loyers qui marque le XVIIIe siècle renvoie ainsi à la multiplication des boutiques, à l'enracinement de la fiscalité sur les revenus ainsi qu'au rôle central du principal locataire, véritable entrepreneur foncier qui concurrence le propriétaire dans l'accaparement de la rente foncière.Urban real estate markets are generally analysed using selling prices. However, the extraordinary concentration of ownership in major cities in 17th and 18th century Europe indicates that rental transactions were in fact what drove the housing market trend. Most Parisians were tenants (nearly 90-95 %): buildings were a source of income, even more than a capital investment. This is so clear that real estate appraisals were usually made using the denier. This simple method of multiplying the income by a predetermined factor (usually 20) could be used by everyone, from the craftsman to the architect. By focusing on rents to explain trends in the housing market, we can cast light on phenomena that are less obvious than the law of supply and demand in a context of residential competition. Rising rents in the 18th century in Paris were thus attributable to the proliferation of shops, to the entrenchment of income-based taxation, and to the central role of the primary tenant. The latter was actually a real estate entrepreneur, competing with landowners to capture the land rent.
- Le déroulement d'un chantier parisien sous l'Ancien Régime : le dégagement des ponts et des quais - Youri Carbonnier p. 71-97 En 1786, après des années de réflexion, la Ville de Paris lance la démolition des maisons bâties sur les ponts. Des sources exceptionnellement généreuses (archives, mais aussi images, en particulier les toiles quasi documentaires d'Hubert Robert) font de ce chantier un observatoire unique de l'activité du bâtiment et des travaux publics. Depuis les appels d'offre et les adjudications jusqu'aux finitions, en passant par les phases les plus concrètes de la démolition, on connaît ainsi l'emprise spatiale du chantier et son organisation, les métiers à l'œuvre, leurs horaires, les malversations de certains entrepreneurs, les nuisances pour le voisinage et les accidents. Par le changement notable qu'il induit dans le paysage du cœur de la capitale, par son organisation complexe et par son montage financier, ce dernier grand chantier de l'Ancien Régime annonce déjà les grands travaux parisiens du XIXe siècle.In 1786, after debating the matter for several years, the City of Paris began to demolish houses built on the bridges of the city. Thanks to exceptionally abundant sources (including archives, as well as images, notably Hubert Robert's paintings which are virtually a documentary resource), this building project offers a unique perspective on building and public works projects of the era. From the contract bidding and awarding process to the final stages, including the actual demolition phase, we can see the spatial impact of the building project and its organisation, the trades involved, their working hours, corrupt dealings of some entrepreneurs, disruptions affecting the neighbouring areas, and accidents. Due to the substantial changes it created in the central Paris landscape, its complex organisation and financial arrangements, this last major Ancien Régime building project already foretold of the major works that would take place in 19th century Paris.
- Chantiers et matériaux de construction à Paris à la fin de l'Ancien Régime : un espace urbain sous tension - Thomas Le Roux p. 99-113 La régulation des chantiers de construction à Paris dans les dernières années de l'Ancien Régime montre un espace urbain sous tension. L'accroissement du secteur du bâtiment croise en effet des volontés réformatrices de la police de plus en plus affirmées. Sur l'espace public, les chantiers posent des problèmes de circulation, de sécurité et de salubrité que les autorités ont du mal à contenir. Indéniablement, la ville doit s'adapter à de nouvelles configurations techniques et économiques. Toutefois, si de multiples projets urbains achoppent, les autorités parisiennes, en premier lieu la Lieutenance générale de police, parviennent, au prix d'un accommodement avec ce secteur économique primordial à la vie de la cité, à réguler au jour le jour les divers embarras qu'il provoque. L'exemple de la production et de l'utilisation du plâtre montre que leur rôle reste essentiel – l'inertie des toutes dernières années révélant combien l'absence d'une politique ambitieuse désorganise la vie urbaine.Regulations affecting building sites in Paris in the final years of the Ancien Régime show an urban area under pressure. Growth in the building sector intersected with the increasingly determined reformism of the police. In the public space, building sites created traffic, safety and hygiene problems that authorities had difficulty controlling. Undeniably, the city had to adapt to new technical and economic configurations. However, while many urban projects hit snags, the Paris authorities – and chiefly the Lieutenant General of Police – successfully found compromises in order to regulate the various daily problems caused by this economic sector of vital importance for the city. The example of the production and use of plaster shows how the authorities' role was essential, and the inertia of the preceding years illustrates how urban life was disorganised due to the absence of ambitious policy.
- Constructions et démolitions dans le faubourg Saint-Antoine (1930-1990) - Pauline Rossi p. 115-135 Depuis les années 1990, l'histoire urbaine du faubourg Saint-Antoine a participé à la redécouverte des tissus constitués. Après le bouleversement typologique provoqué par l'application du Plan d'Urbanisme Directeur, l'urbanisme et l'architecture des faubourgs parisiens furent étudiés pour être pérennisés. L'histoire de ce quartier dans les deux derniers tiers du XX ? siècle permet de mieux comprendre la volonté de renouveau et de modernité qui n'a cessé, depuis l'Entre-deux-guerres, d'orienter les politiques urbaines de la capitale comme œuvres de reconquête. Le faubourg Saint-Antoine, célèbre représentant des quartiers périphériques de l'Est parisien, fut le premier à être accusé d'un retard architectural et urbain mais aussi, le premier à être redécouvert, participant à la naissance d'un nouveau regard, d'un nouvel urbanisme, de nouvelles architectures, réconciliant le rôle mémoriel de la ville et la nécessité de renouveau.Since the 1990s, the urban history of the Faubourg Saint-Antoine has cast light on the aesthetic and urban qualities of anarchic suburban settings. From the Interwar period until the end of the 20th century, the district was accused of suffering architectural and urban delays, creating unfit and insalubrious housing, questioning urbanism and architecture. Therefore, after the Second World War, town planning aimed to promote urban renewal and architectural modernity so that suburban districts could fulfil the needs for housing, comfort and leisure. In 1961 , a new master plan was implemented to reshape Paris, threatening the district until urban history brought the Faubourg Saint-Antoine's qualities to everyone's notice, changing Parisians' point of view, leading to more respectful architectural and urban concepts. Detailed master plans were soon established while the municipality, architects and town planners adapted their work to reconcile urban memory and modernity.
Chantiers de la recherche
- « Napoléon et Paris » au musée Carnavalet : Haussmann avant Haussmann ? - Philippe de Carbonnières, Charlotte Duvette, Thierry Sarmant, Florian Meunier p. 137-155
Études
- Police des signes, ordre et désordre urbains en temps de crise (1814-1816) - Emmanuel Fureix p. 157-176 La discontinuité du temps vécu, de la chute de l'Empire à la Deuxième Restauration, se traduit avec une acuité particulière dans les luttes de signes et de symboles, qui disent les basculements de souveraineté vécus ou espérés. Avant l'âge de la statuomanie, ces signes visuels (drapeaux, cocardes, bustes, etc.) se font plus discrets, moins spectaculaires, mais aussi plus disséminés. Dans un moment postrévolutionnaire où les opinions s'expriment autant par des signes que par des mots, leur place est décisive dans la maîtrise de l'ordre urbain. L'article se propose d'étudier cette « police des signes » dans les villes de France, entre 1814 et 1816. Cette dernière constitue un observatoire pertinent de l'ordre et du désordre urbains en temps de crise, du contrôle des identités politiques visibles, des formes de résistance à l'ordre, et d'appropriations de souveraineté en acte.The discontinuity of time, from the fall of the Empire to the Second Restoration, is reflected with particular acuteness in the fights over signs and symbols, linked with shifts in sovereignty, real or hoped for. Before the age of ‘‘statuemania'', these visual signs (flags, cockades, busts, etc.) became more discreet, less spectacular, but also more widespread. In a post-revolutionary moment, when opinions are expressed as much by signs as by words, their place is decisive in the control of the urban order. The article deals with this ‘‘police of signs'' in French cities, between 1814 and 1816. It permits a better understanding of the urban order and disorder in times of crisis, the control of visible political identities, forms of dissidence, and the appropriations of sovereignty in action.
- Police des signes, ordre et désordre urbains en temps de crise (1814-1816) - Emmanuel Fureix p. 157-176
Hommage
- Le monde urbain dans l'Occident médiéval : les leçons d'Yves Renouard - Philippe Braunstein p. 177-181
Lectures
- Nathalie Preiss, Jean-Marie Privat, Jean-Claude Yon (sous la direction de), Le Peuple parisien au XIXe siècle : entre sciences et fictions, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2013, 239 p. - Eric Fournier p. 183-185
- José Antonio Jara Fuente (coord.), Ante su identidad. La ciudad hispánica en la Baja Edad Media, Cuenca, Ediciones de la Universidad de Castilla-La Mancha, 2013 - Stéphane Péquignot p. 185-187
- Sébastien Hamel, La justice dans une ville du Nord du royaume de France au Moyen Âge. Étude comparée sur la pratique judiciaire à Saint-Quentin, Turnhout, Brepols, 2011 , 411 p. - Julie Pilorget p. 187-189
- Judith Förstel (sous la direction de), Meaux patrimoine urbain, Paris, Somogy (Cahiers du Patrimoine – 104), 2013, 285 p. - Mickaël Wilmart p. 189-190