Contenu du sommaire : Les États-Unis en 2014
Revue | Bulletin de l'Association de Géographes Français |
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Numéro | no 2014/2 |
Titre du numéro | Les États-Unis en 2014 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les États-Unis en 2014 : Les vulnérabilités de l'« hyperpuissance » en question - Frédéric Leriche p. 119-124
- États-Unis : dynamiques économiques, crise et territoires - Laurent Carroué p. 125-137 La Grande Dépression a fortement fragilisé les bases économiques, géopolitiques, géostratégiques et territoriales de la puissance étatsunienne aux échelles mondiale et nationale. Si les systèmes financier et immobilier semblent stabilisés, la situation demeure très fragile comme le montrent l'explosion de la dette publique ou la révolution du gaz de schiste. On doit se demander si, à plus long terme, les réponses apportées ne sont pas une impasse face aux enjeux productifs, sociétaux, urbains et territoriaux du pays.Both at global and national scales, the recent Great Depression has strongly shaken the economic, geopolitical, geostrategic, and territorial bases of US leadership. Even though financial and real estate systems seam stabilized, the situation remains fragile, as shown by the increase of public debt and the “revolution” of shale gas. One must question if, on the long run, the current solutions adopted are not a deadlock, regarding the productive, social, urban, and territorial stakes involved.
- Géopolitique du cyberespace : La cyberstratégie de l'administration Obama - Frédérick Douzet p. 138-149 Le développement exponentiel de l'Internet a engendré de belles crispations territoriales, avec une prolifération des conflits entre une multitude d'acteurs – au premier rang desquels les États‑Unis –, à propos de son contrôle et de sa régulation, son utilisation dans les conflits géopolitiques (guerre économique, combats militaires, renseignement, politique d'influence diplomatique et culturelle) et du le respect des libertés individuelles. Cet article montre comment l'analyse géopolitique permet d'analyser les enjeux et les stratégies développées par les États pour renforcer leur contrôle et leur puissance dans le cyberespace. Il examine l'escalade des discours et des moyens qui caractérisent l'approche de l'administration Obama, dont la cyberstratégie sera l'un des héritages les plus marquants en matière de politique extérieure.The exponential growth of the Internet has generated a proliferation of conflicts between multiple stakeholders —most notably the United States — about its control and regulations, its use in geopolitical conflicts (military and economic warfare, intelligence and soft power), and the respect of civil liberties. This paper shows how the geopolitical approach can help analyze the issues raised and strategies developed by States to reinforce their control and power in cyberspace. The Obama administration's approach to cyberstrategy has been characterized by an escalation of means and discourses. It should constitute a significant legacy of President Obama in foreign affairs.
- Transports en commun et densification : vers une nouvelle configuration urbaine des villes états‑uniennes ? - Gérald Billard p. 150-163 Évoquer le déploiement de transports en commun dans les villes états-uniennes renvoie en premier lieu aux questions de mobilité et notamment à l'usage intensif de l'automobile individuelle dans les déplacements domicile/travail. Néanmoins, depuis plusieurs années, de nombreuses municipalités américaines s'appuient sur l'aménagement des réseaux pour mener des opérations ambitieuses de densification et de diversification fonctionnelle. En effet, le voisinage des stations de tramway ou de métro fait l'objet, comme à Dallas par exemple, de politiques de reconquête urbaine très différentes par rapport à l'agencement suburbain traditionnel.Focusing on the development of mass transit system in the US cities used to be linked to mobility issues and especially as regard as the majority of commuters using their car alone to go to work. Nevertheless, for several years, lots of municipalities have been conducting planning operations so as to promote more density and diversify of the urban landscape. The area around metro or light rail stations, like in Dallas, supports transit-oriented development operations that challenge classic suburban urban development.
- Financiarisation, crise et prix immobiliers : le lotissement des promesses - Renaud Le Goix p. 164-180 Dans le cadre d'une étude de cas sur la région métropolitaine de la Californie du Sud, la question du prix du bien immobilier est mise en perspective de différentes pratiques des acteurs immobiliers et outils des politiques publiques qui rendent tangible la financiarisation de la production suburbaine. Le prix est en effet au cœur d'un système qui repose sur la circulation secondaire du capital, la captation de la rente foncière et l'investissement sur les marges suburbaines. La crise des subprimes a servi de révélateur de la puissance de ces logiques. Le pari sur la valeur immobilière future des biens structure la gouvernance locale, avec des systèmes contractuels entre les promoteurs, les juridictions locales, les districts et les propriétaires. L'étude des trajectoires locales (1980-2010) des valeurs immobilières met l'accent sur la dévalorisation relative d'une grande partie des biens dans ces types de lotissements, mettant à mal l'ensemble du système de production du suburbain.Based on a case study of metropolitan areas in Southern California, the paper aims at analyzing house prices in the light of practices and policies that yield a financialization of the suburban production. Property price is indeed central in a system based on secondary capital flow, suburban investment and land rent ultimately being captured by financial organizations. The subprime crisis acted as a momentum of financialization. A bet, or systemic anticipation on property price growth has been structuring local governance, and series of contractual agreements between developers, jurisdictions, districts and homeowners. The equilibrium of this system derives from a shared belief about housing price continuous growth. The analysis of local trajectories of price (1980‑2010) yields unexpected results: negative trends and relative devalorization of housing is a major issue in suburban subdivisions, a systemic failure of the financialized suburban production system.
- L'évolution des stratégies de contrôle des risques urbains aux États-Unis - Sophie Body‑Gendrot p. 181-195 L'image répressive des États‑Unis repose sur des méthodes policières brutales envers les minorités raciales, des taux massifs d'incarcération, l'usage de la peine de mort. La prégnance de la peur et des paniques collectives dans la culture américaine appelle des demandes de protection que les élus les plus démagogues satisfont en politisant la question de la sécurité. Si les villes américaines ne brûlent plus, l'exil des classes moyennes dans des résidences sécurisées et dans les banlieues, les transformations en consommateurs de minorités raciales accédant aux classes moyennes et le dépeuplement des ghettos y contribuent largement ; mais cela ne rend pas l'ensemble de la ville sûre pour autant. Si la sécurité comme technologie politique a été consolidée depuis le 11 septembre 2001, on assiste dans nombre d'États à d'importantes mutations sous l'effet de l'endettement des États et des décisions de justice : approches policières contraintes de respecter les droits, désincarcération des détenus non-violents et moratoires sur la peine de mort. La co‑production de la sécurité fait appel à de nouvelles formes de gouvernance incluant les citoyens.The repressive image of the United States comes from brutal policing towards racial minorities, massive incarceration rates, death penalty. The importance of fear and of moral panics in American culture calls for protective measures that demagogue authorities meet in politicizing the security issue. If American cities no longer burn, it may be explained by the exile of middle classes to gated communities and to suburbs, the shift of racial minorities into consuming middle classes and the depopulation of ghettos but nonetheless, these trends do not contribute to a safer city as a whole. If security as a political technology has been reinforced after 9/11, important mutations in quite a lot of States have come from their excessive debts and from justice decisions: policing approaches respecting rights, des-incarceration of non-violent inmates and moratoriums on death penalty. Co-producing security requires new forms of governance including citizens.
- Les sans-papiers, un enjeu multiscalaire pour les politiques migratoires aux États‑Unis - Virgine Baby‑Collin p. 196-209 Avec 13 % de leur population née à l'étranger, les États‑Unis sont fortement marqués par le fait migratoire. En 2013, plus d'un migrant sur quatre est sans-papiers. Qui sont ces undocumented, hispaniques pour 80 % d'entre eux, et quelle est leur place dans la société états‑unienne ? Utiles mais méprisés, ils sont l'objet de politiques de contrôle à différentes échelles, productrices d'illégalité mais inégalement répressives selon les lieux. Elles conditionnent leur quotidien et dessinent une géographie feuilletée et différenciée des espaces vécus, selon les juridictions et les législations locales, où alternent, dans des contextes d'incertitude et de fragmentation spatiale, tactiques d'invisibilisation et stratégies de mobilisation. Dans quelle mesure ces situations éclairent-elles les enjeux du débat de la réforme migratoire globale, qui, animant l'arène politique nationale depuis plus de quinze ans, est aujourd'hui de nouveau sur le devant de la scène ?The United States has always been a country of immigration. In 2013, 13% of the population is Foreign Born, but one fourth of them are undocumented. Who are those undocumented, Hispanics for 80%, and what is their place in the american society? In the context of post 9/11, they bear new immigration control policies enforced at different spatial scales, with varied degrees of risk and repression according to the states, counties and cities they live in. Undocumented immigrants hesitate between tactics of invisibilization and mobilization, in a context of uncertainty and spatial fragmentation. How do these situations shed light on the issue of the Comprehensive Immigration Reform, which has been debated for years, and is eventually about to be discussed by the House of Representatives in 2014?
- A Time to Die: The « American Way of Life » in the Anthropocene - Joseph Nevins p. 210-225 Nous vivons à une époque de multiples crises écologiques qui se chevauchent et menacent les fondements mêmes sur lesquels repose le monde contemporain. Cet article affirme que la source de ces crises est ce que nous pourrions appeler le « mode de vie américain ». Ce mode de vie est étroitement lié à des niveaux élevés de consommation et au consumérisme, ainsi qu'à une forme particulière de l'économie politique étroitement associée aux États-Unis. Or, ce mode de vie et le pouvoir politico- économique et militaire qui le permet et le soutient s'étend bien au-delà des limites territoriales des États‑Unis. C'est parce qu'ils sont insérés dans une constellation globale de relations socio‑géographique, c'est aussi parce que des populations en dehors des États-Unis, membres de ce que nous pourrions envisager comme une classe écologiquement privilégiée de la planète, a adopté et mis en pratique les niveaux élevés de consommation et le consumérisme qui reflètent et reproduisent le style de vie "américain" . Il s'agit d'un mode de vie fondé sur le dys‑écologisme : l'appropriation d'une part insoutenable et socialement injuste des ressources de la biosphère et, en corollaire, d'une distribution très inégale des conditions de vie et de mort à travers la planète. Ainsi, tandis que le « mode de vie américain » bénéficie certainement à beaucoup, il contribue à la mort prématurée de beaucoup plus d'habitants de la Terre. Il est donc insoutenable à la fois d'un point de vue écologique et en termes de justice socio-spatiale. Pour cette raison, et d'autres, selon le propos de cet article, le « mode de vie américain » doit être mis à mort.We live in a time of multiple, overlapping ecological crises, ones that threaten the very foundations upon which the contemporary world sits. This article asserts that the source of these crises is what we might call the “American way of life.” This way of life is tightly linked to high levels of consumption and consumerism, as well as to a particular form of political economy closely associated with the United States. Yet the way of life and the political-economic and military power that enables and upholds it go far beyond U.S. territorial boundaries. This is because they are embedded in a global constellation of socio-geographical relations; it is also because populations beyond the United States, members of what we might consider the planet's ecologically privileged class, embrace and practice the high levels of consumption and consumerism that reflect and reproduce the “American” lifestyle. It is a lifestyle predicated on dys‑ecologism: the appropriation of an unsustainable and socially unjust share of the biosphere's resources and, relatedly, the grossly unequal allocation of life and death circumstances across the planet. Thus, while the “American way of life” certainly benefits many, it contributes to the premature death of many more of the Earth's denizens. It is, therefore, unsustainable in both an ecological sense and a socio-spatial justice one as well. For this reason and more, the article argues, the “American way of life” must be made to die.