Contenu du sommaire : Paysanneries et patrimonialisation dans les Suds
Revue | Bulletin de l'Association de Géographes Français |
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Numéro | no 2017/2 |
Titre du numéro | Paysanneries et patrimonialisation dans les Suds |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Paysanneries et patrimonialisation dans les Suds. Ressources, conflits, arrangements - Bénédicte Thibaud, Rémi Bénos p. 187-191
- Pêcheurs des Galapagos et de Madagascar entre patrimonialisation et ouverture géographique : quels arrangements ? - Christophe Grenier p. 192-210 Une approche de géographie comparée permet d'établir les différences de situations géohistoriques, de cultures halieutiques et de patrimoines marins entre l'archipel des Galapagos et le littoral sud-ouest de Madagascar. Celles-ci importent moins, cependant, que les similitudes entre ces deux régions, qui découlent d'un même processus d'ouverture géographique contemporain dans lequel les pêches d'exportation jouent un rôle majeur. Dès lors, les aires marines protégées ne parviennent pas à arrêter l'exploitation forcenée des ressources halieutiques, qui dégrade des écosystèmes marins exceptionnels, bouleverse les populations locales, entraîne divers conflits, et réduit ainsi les possibilités d'arrangements entre pêcheurs et patrimonialisation.A comparative geographical approach allows to expose the differences of geohistorical situations, halieutic cultures and marine heritages between the Galapagos archipelago and the southwestern coast of Madagascar. These differences are however less important than the similarities between both regions, which experience the same contemporary process of geographical opening, where export fisheries play a major role. Because of this process, marine protected areas are not able to stop the plundering of halieutic ressources, which destroys exceptional marine ecosystems, drastically changes local communities, entails various conflicts and reduces therefore the possibilities of arrangements between fishermen and patrimonialization.
- Territoire et biodiversité : mises en patrimoine et anticipations des acteurs. Une relecture à partir de la Haute Bénoué (Cameroun) - Christine Raimond, Eric Garine, Olivier Langlois p. 211-227 Après dix ans d'application du plan d'aménagement du parc de la Bénoué et d'immigration continue de nouveaux agriculteurs et éleveurs, comment se recomposent les territoires et les rapports de force entre d'une part, autochtones et allochtones utilisateurs des ressources naturelles et, de l'autre, les agents de conservation de la biodiversité ? Les enjeux fonciers révélés par le zonage du parc national dans un contexte d'accroissement démographique exponentiel aboutissent à de nouvelles alliances, notamment avec les autorités traditionnelles peules jusqu'alors marginalisées, mais qui réaffirment ainsi leurs droits sur le territoire dans le processus de patrimonialisation de la nature. Nous montrons comment les stratégies locales à l'œuvre s'inscrivent dans la continuité du modèle culturel ancien de chacune de ces communautés, centré sur le territoire et non sur la biodiversité qu'elle contient. Les débats sur la reconnaissance des pratiques et des savoirs locaux, ainsi que sur la complémentarité entre biodiversité emblématique et ordinaire, ne trouvent pas d'échos sur ce terrain submergé par une immigration incontrôlée, directement reliée au contexte d'insécurité régionale.After ten years of implementation of the development plan of the Parc de la Bénoué and the continued immigration of new farmers and herders, what were the evolutions of the territories and the power relations between, on the one hand, indigenous and non-natural users of natural resources, and, on the other hand, biodiversity conservation agents? The land issues revealed by the zoning of the national park in the context of exponential population growth lead to new alliances, notably with the previously marginalized traditional authorities, which reaffirm their territorial rights in the process of nature patrimonialization. We show how the local strategies at work are in keeping with the old cultural model of each of these communities, centered on the territory and not on the biodiversity it contains. Discussions on the recognition of local practices and knowledge, as well as on the complementarity between emblematic and ordinary biodiversity, do not find any echoes in this area overwhelmed by uncontrolled immigration directly linked to the context of regional insecurity.
- Arrangements locaux autour de trois fronts écologiques patrimonialisés en Afrique du Sud, Argentine et Chili - Sylvain Guyot p. 228-239 Le processus de patrimonialisation de la nature intervient comme un processus de reconquête d'espaces et de ressources identifiés sur le temps long par des usages « traditionnels », comme l'agriculture, l'élevage ou la pêche de subsistance. Au-delà de la ligne de front conflictuelle induite le plus souvent par de tels processus, semblent émerger plusieurs formes d'arrangements (spatial et actoriel) qui permettent aux populations locales d'exister dans les jeux d'acteurs et de bénéficier d'une dynamique, dont ils se sentaient a priori exclus. L'objectif de cet article est de mettre en parallèle trois exemples pris en Afrique du Sud, Argentine et Chili qui illustrent différentes formes d'arrangements, plus ou moins efficaces, tous liés au tourisme, et produits ou coproduits par les populations locales.The heritage making of nature is a process of reconquest of spaces and resources identified in the long term by traditional uses, as agriculture, farming or subsistence fishing. Beyond the conflictual frontline resulting from such processes, seem to arise various forms of arrangements (spatial and actorial) that allow local people to be part of stakeholders' games and to benefit from a dynamic, from which they felt to be excluded. The aim of this paper is to analyze in parallel three examples chosen in South Africa, Argentina and Chile, illustrating various forms of arrangements, more or less efficient, and produced or co-produced by local people.
- Muyong et subak. Production agricole, patrimoine culturel et enjeux environnementaux dans les rizières en terrasses de Bali (Indonésie) et du pays Ifugao de Luçon (Philippines) - Yves Boquet p. 240-279 Les rizières en terrasses de Bali et du Nord des Philippines ne sont pas seulement des sites spectaculaires de production agricole dans des contrées collinaires ou montagneuses. Leur développement par les Balinais hindouistes et les Ifugao non christianisés comprend une forte dimension religieuse en même temps qu'une complexe organisation sociale autour de la gestion des ressources en eau et des forêts. L'essor récent du tourisme, couplé à la patrimonialisation, d'origine externe, de ces espaces agricoles conduit aujourd'hui à plusieurs défis pouvant remettre en cause l'équilibre de ces sociétés : surfréquentation touristique, perte d'authenticité, abandon de la terre par les jeunes. Ces agricultures locales délicates sont-elles durables dans le contexte de la mondialisation ? Quels arrangements peuvent permettre leur survie ?The terraced rice fields of Bali and the northern Philippines are not just spectacular agricultural production sites located in hilly or mountainous areas. Their development by the Hindu Balinese and the non-Christianized Ifugao includes a strong religious dimension as well as a complex social organization around the management of water resources. The recent rise of tourism, coupled with the UNESCO world heritage recognition of these agricultural areas, leads today to several challenges that may jeopardize the balance of these societies: tourism overcrowding, loss of authenticity, abandonment of farming by young people. Are these sophisticated local farming systems sustainable in the context of globalization? Which arrangements can insure their survival?
- De la « zona del silencio » à la « Reserva de Biosfera de Mapimi » Exemple de discours et pratiques de conservation au Mexique - Frédérique Blot, Marie-Zoé Wurtz, Ana Besteiro, Alexandra Angéliaume, Javier Ramirez, Victor Reyes Gomez p. 280-305 Cette contribution se propose d'étudier les « arrangements » liés à l'articulation des processus de conservation et de globalisation dans le cas particulier d'une des premières réserves de biosphère d'Amérique Latine et de la première réserve de biosphère Mexicaine, emblème d'un modèle qui se veut « gagnant-gagnant ». L'analyse des conditions d'émergence de cette réserve et l'étude du vécu des habitants permet de montrer que si pour certains habitants, la RBM représente une ressource en accroissant des opportunités de valorisations des activités de l'ensemble des familles, en revanche, pour d'autres habitants, elle constitue un frein à leurs activités et à leurs projets : le développement d'activités minières est par exemple restreint alors même que l'extraction de minerais revêt une importance historique hautement revendiquée dans la région. Et paradoxalement la conservation assurée par la circonscription et la régulation de l'espace pourrait contribuer à occulter des enjeux extérieurs à même de mettre en danger la biodiversité que l'on souhaite protéger.This contribution proposes to study the "arrangements" linked to the articulation of the processes of conservation and globalization in the particular case of one of the first biosphere reserves of Latin America and the first Mexican biosphere reserve, which is emblematic of a ‘win-win' model. The analysis of the conditions of emergence of this reserve and the study of the experience of the inhabitants makes it possible to show that if for some inhabitants, the RBM represents a resource by enhancing opportunities of valorising the activities of all the families, for other inhabitants it limits their activities and their projects: the development of mining activities is restricted, for example, while ore mining is of historical importance and highly valued in the region. Paradoxically, the conservation provided by the regulation of space could help to obscure external stakes that could endanger the biodiversity that we want to protect.
- Développement touristique, approches patrimoniales et arrangements sociaux en versant sud des Annapurna (Népal) - Mauve Létang, Pierre Dérioz, Justine Le Noac'h p. 306-329 Première région de trekking du Népal, le massif de l'Annapurna présente aujourd'hui un système touristique en mutation – diversification des clientèles internationales et des pratiques touristiques, développement du tourisme intérieur, déploiement rapide d'un réseau routier, affirmation du rôle organisateur de la ville de Pokhara. Les ressources patrimoniales que mobilise l'activité touristique tendent à intégrer les cultures locales, l'architecture ou à la qualité des produits agricoles et des traditions culinaires villageoises, paradoxalement assez peu la composante agraire des paysages ruraux, affectés par la déprise consécutive à l'émigration de travail massive des jeunes hommes. Cet effort de promotion des territoires montagnards met en jeu des acteurs nombreux, entre lesquels s'élaborent diverses formes « d'arrangements ». Par le prisme de cette notion peu usitée en géographie, l'article analyse comment les acteurs composent entre eux pour prendre en charge ce développement touristique, individuellement et/ou collectivement, Il montre aussi que ces reconfigurations du système touristique comme de l'espace rural, par l'effet réseau des arrangements qu'elles suscitent, créent des opportunités pour certains acteurs, tout autant qu'elles renforcent les inégalités intersectionnelles au sein de la société villageoise.Top trekking region of Nepal, the Annapurna area offers nowadays a mutating touristic system – diversification of international clients and of the touristic practices, growth of internal tourism, fast extension of road network, affirmation of the organizing role of Pokhara. Patrimonial ressources employed by the touristic activity tend towards an integration of local cultures, architecture, or the quality of agricultural products and local culinary traditions. Paradoxically, it is not the case about agricultural components of rural landscapes, which are affected by the decline due to massive young mens' work outmigration. This effort to promote mountain territories brings into play many actors, and creates several forms of arrangement. Through the prism of this little used notion in geography, this article analyses the way actors are dealing with each other to take charge, individually or/and collectively, of this touristic development. It also shows that these reconfigurations of the touristic system and of the rural space, because of the networks created by those arrangements, are creating new opportunities for some actors, as much as they strengthen the inter-sectional disparities within the village society.
- Le « Gabon vert », pilier de l'émergence ? Exemple du parc national de la Lopé : ressources, conflits et arrangements - Caroline Moumaneix, Rémy Nkombe p. 330-352 Depuis 2009, le gouvernement gabonais défend un programme qui permettrait au Gabon de devenir un pays émergent : « le Plan vert ». Des actions sont annoncées dans divers domaines dont l'environnement et l'écotourisme avec un réseau de parcs nationaux créés en 2002 (30 000 km2, 11 % du territoire), dont celui de la Lopé. Ces parcs seraient des outils de politiques de développement territorial. Or, la mise en protection et la patrimonialisation donnent lieu à des contraintes pour les populations locales autour de pratiques et d'usage des ressources naturelles. La mise en tourisme de la nature, à l'initiative d'étrangers, ne bénéficie pas toujours aux populations locales, dépendantes des ressources naturelles. Le discours officiel des gestionnaires des parcs, écho de la politique du « Gabon vert », met en avant la mise en place de cogestion avec les locaux, les perspectives de développement et de diversification économique liées à l'écotourisme. Ces politiques questionnent la gouvernance des aires protégées, la marginalisation des populations locales et bouleversent leurs territoires, pratiques et identités. Les conflits d'usage sont récurrents autour de l'utilisation des ressources et des pratiques. Certains arrangements sont possibles, notamment quand les moyens institutionnels manquent. Nous nous appuierons sur une recherche en cours sur le parc national de la Lopé.Since 2009, the Gabonese government defends a program which would allow Gabon to become an emerging country: the “Green Plan”. Actions are announced in diverse domains, as environment and ecotourism, with a network of national parks, created in 2002 (30 000 sq. km, 11% of the territory), including the one of Lopé. These parks are presented as tools for territorial development policies. Yet, setting aside land for protection and heritage gives rise to constraints for local populations over practices and use of natural resources. The putting in tourism of nature, on foreigners' initiative, does not still benefit to the local populations, dependent on natural resources. Park managers' official discourse, echo of the “Green Gabon” policy, puts forward the implementation of joint co-management with the locals, the perspectives of development and economic diversification related to ecotourism. These policies question protected areas governance, local populations' marginalization and change their territories, practices and identities. Usage conflicts are recurring on practices and resources use. Some arrangements are possible, in particular when institutional means are lacking. We shall base this study an on-going research on Lopé National Park.