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Revue | Revue française d'histoire des idées politiques |
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Numéro | no 46, 2e semestre 2017 |
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- Lefort lecteur de Machiavel : le travail continué de l'œuvre - Thierry Ménissier p. 9-32 Dans quelle mesure la pensée de Machiavel a inspiré l'œuvre de Claude Lefort ? Alors que, pour marquer l'influence du Florentin sur le philosophe français, les commentateurs ne retiennent le plus souvent que le moment explicite du Travail de l'œuvre Machiavel (1972), nous faisons l'hypothèse que cette influence est plus profonde, et que, conjuguée à l'apport d'autres courants (le trotskisme, la phénoménologie de Merleau-Ponty) et à la critique du marxisme soviétique, elle a contribué à donner à la pensée de Lefort certains de ses caractères distinctifs. Lefort est tout autant machiavéliste que machiavélien, c'est ce qui apparaît lorsqu'on compare sa pensée de la démocratie et le modèle machiavélien de la république.Lefort on Machiavelli: Machiavelli still in the making
To what extent did Machiavelli's thought influence Claude Lefort's works? Whereas most commentators focus almost exclusively on the period of Le travail de l'œuvre Machiavel (1972 – eng. tr. Machiavelli In the Making, Northwestern University Press, 2012), we want to suggest that this influence goes far deeper and that, combined with what other currents brought (Trotskyism, Merleau-Ponty's phenomenology) and with the criticism of the soviet brand of Marxism, it served to characterize distinctively Lefort's thinking. Comparing his conception of democracy to Machiavelli's republican model, Lefort appears to be as much a machiavellist as a machiavellian. - Au-delà du nihilisme : de l'Internationale lettriste à l'Internationale situationniste - Jérôme Désert p. 33-72 L'Internationale lettriste (1952-1957) s'affirme comme une tentative de dépassement de l'art et de la politique en une synthèse révolutionnaire inédite. Surmontant la tentation nihiliste initiale, les fondateurs de l'Internationale situationniste (1957-1972) entendent agir au niveau des superstructures culturelles et incarner une nouvelle avant-garde, expression de l'optimisme révolutionnaire marxiste.Beyond nihilism: from the Letterist International to the Situationist International
The Letterist International (1952-1957) claimed to be an attempt at going beyond art and politics through a revolutionary synthesis as yet unheard of. Overcoming their initial nihilistic temptations, the founders of the Situationist International (1957-1972) intended to act on the cultural superstructures and embody a new avant-garde expressing its Marxist revolutionary optimism. - L'Europe des Six ou la naissance d'un régime international dans l'après-guerre (1945-1955) - Maryliz Racine p. 73-92 Entre 1945 et 1954, la France a entretenu des relations paradoxales avec l'Allemagne ; elles étaient à la fois des ennemis héréditaires et, dès 1950, elles se trouvaient à partager un destin commun en Europe. Même si les membres du gouvernement français ont perçu en l'Allemagne de l'Ouest un État encore puissant et ayant le potentiel d'être à nouveau la source d'une guerre européenne, ils étaient conscients du besoin d'une cohésion européenne afin de poursuivre la reconstruction du continent et pour renforcer leur position par rapport au péril soviétique grandissant. Ils ont par conséquent échafaudé un régime international dans lequel la CECA et le projet de la CED incarnaient un moyen par lequel les normes comportementales allaient être instaurées.The Inner Six: birth of an international post-war regime (1945-1955)Between 1945 and 1954, France maintained paradoxical international relations with Germany; although hereditary enemies they came to share a common destiny in Europe as soon as 1950. Even though the members of the French government still perceived West Germany as a powerful state which had the resources to become once more the triggering factor of a new European war, they were aware of the need of cohesion in Europe in order to reconstruct the continent and confront the soviet menace on reinforced positions. They drew up plans for an international regime in which the ECSC and the EDC project would ensure the enforcement of normative behavior.
- La Nouvelle Droite et le nazisme. Retour sur un débat historiographique - Stéphane François p. 93-115 Pionnière du combat identitaire en France, qu'elle a contribué à théoriser, mais aussi à diffuser, la Nouvelle droite fut accusée, dès les années 1970, d'être une machine à recycler les thèses nazies, voire d'être une expression savante du néonazisme. Nous proposons de revenir sur ce débat, et de montrer que cette accusation, si elle est pertinente par certains aspects, n'en est pas moins incomplète, oubliant (volontairement) d'autres références, en particulier, celle, primordiale, de la « Révolution conservatrice » allemande des années 1920 et 1930.The Nouvelle Droite (New Right) and Nazism. Looking back at the historiographical debate
The “Nouvelle Droite” (New Right) pioneered the identity struggle in France and contributed to its theorization. Back in the 70' they were already being accused of recycling Nazi theses and even of presenting a scholarly version of neo-Nazism. We intend to look back at this debate and show that this accusation, though relevant in certain ways, remained incomplete, as it (purposely) shunned other references, most notably the primordial relationship to the German Conservative Revolutionary Movement of the 20' and 30'. - Perspectives giacomettiennes : l'apport épistémologique de Jean Leca aux sciences sociales - Jean Zaganiaris p. 117-137 Si l'on évoque régulièrement les travaux de Jean Leca au sujet de la théorie politique, des relations internationales et des politiques publiques, son apport épistémologique est par contre peu souligné. En commentant les approches des sous-disciplines constitutives de la science politique, Jean Leca a souhaité attirer l'attention sur les différentes perspectives à partir desquelles on peut construire en objet d'étude les concepts, les institutions et les phénomènes sociaux qui s'offrent au regard du chercheur.Giacometti's perspective: Jean Leca's epistemological contribution to the social sciences
Whereas Jean Leca's works on political theory, international relations and public policies are frequently commented, his epistemological contribution is hardly noted. Commenting on how the various components of politicial science are investigated, Jean Leca wished to draw attention on the various perspectives from which social concepts, instituions and phenomena opened to scrutiny could be framed into proper objects of study. - Le perfectionnisme social et la critique feuerbachienne du personnalisme chrétien de Friedrich Julius Stahl - Emmanuel Chaput p. 139-170 La critique feuerbachienne du personnalisme stahlien vise non pas un rejet de toute théorie de la personnalité, mais en propose au contraire une conception intersubjective mettant l'accent sur l'autonomie et la conscience de soi. Le perfectionnisme social de Feuerbach, héritier à la fois de Hegel et Fichte, fonde à ce titre la liberté et la personnalité comme un accomplissement historique progressif résultant de la coordination des activités de chacun au sein d'une société donnée. En cela, sa critique de Stahl n'implique pas seulement un rejet de la monarchie, mais également le projet d'une refondation d'un républicanisme démocratique.Social perfectionism and the Feuerbachian criticism of F. J. Stahl's Christian Personalism
Far from rejecting any theory of personality whatsoever, Feuerbach's criticism of Stahlian Personalism offers an inter-subjective version which emphasizes autonomy and self-consciousness. An heir to both Hegel and Fichte, Feuerbach's social perfectionism establishes therefore liberty and personality as historical progressive accomplishments generated by the coordinated activities of all individual members of a given society. His criticism of Stahl, therefore, implies not only the rejection of monarchy but also the project of founding democratic republicanism anew. - La social-démocratie britannique à l'épreuve du positivisme : la contribution de Sydney Olivier à la Fabian Society - Stéphane Guy p. 171-203 Homme politique et fonctionnaire britannique, Sydney Olivier (1859-1943) fut également l'un des contributeurs au recueil Fabian Essays in Socialism (1889) qui visait à justifier le socialisme par l'histoire. Cet article tente d'expliquer l'incompatibilité entre cette entreprise et les engagements ultérieurs d'Olivier en faveur du pragmatisme, de la réforme et de la démocratie. La critique de la propriété privée que développe l'auteur repose en effet sur une tradition positiviste qui vise à rompre avec un socialisme utopique. À travers le cas du socialisme fabien dans le contexte britannique de la fin du xixe siècle, cet article propose une réflexion sur les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la social-démocratie.British Social-democracy and positivism: Sydney Olivier's contribution to the Fabian Society
A British politician and civil servant, Sydney Olivier (1859-1943) was also a contributor to the Fabian Essays in Socialism (1889), in which he attempted to justify Socialism by history. The present paper tries to explain the incompatibility of such an undertaking with Olivier's later commitments to pragmatism, reform and democracy. His criticism of private property drew on a positivist tradition intent on breaking with Utopian Socialism. Through a study of Fabian socialism within its British context, the present paper offers thoughts about the necessary conditions for the implementation of social-democracy. - Un retour sur Agrarian Justice : Thomas Paine comme penseur de la démocratie des propriétaires - Henri-Pierre Mottironi p. 205-226 L'usage que fait Thomas Paine dans Agrarian Justice (1797) du proviso lockéen afin de défendre l'allocation universelle incite certains auteurs à interpréter son œuvre comme celle d'un lockéen égalitariste. Mais à relire ce pamphlet à la lumière de ses autres écrits, on s'aperçoit que Paine déploie une pensée économique et politique bien distincte de celle de Locke, faisant de lui l'un des premiers penseurs de ce que l'on appelle, aujourd'hui, la démocratie des propriétaires (property-owning democracy).Re-reading Agrarian Justice: Thomas Paine as a thinker of the property-owning democracy
The use Thomas Paine made of the Lockean proviso in Agrarian Justice (1797) in order to vindicate a universal capital grant, induced some of his commentators to see an egalitarian Lockean in him. However, a re-reading of Paine's pamphlet in the light of his other writings proves his political and economical thinking to be clearly distinct from Locke's and apt to make him one of the first thinkers of what we call today the property-owning democracy. - Le chapitre 8 livre XI de L'Esprit des Lois, essai d'interprétation - Guillaume Bacot p. 227-256 Le chapitre 8 du livre XI de L'Esprit des Lois est très difficile à comprendre et a donné lieu à des explications diverses, voire souvent fantaisistes. La publication du manuscrit de la Bibliothèque nationale de France, à la suite d'un travail tout à fait exceptionnel d'établissement du texte, offre une version initiale de cet ouvrage qui permet maintenant de mieux saisir, semble-t-il, les intentions réelles de Montesquieu dans la rédaction ultime de ce curieux chapitre.The Spirit of the Laws, Book XI, chapter 8: an attempt at interpretation
The 8th chapter of Book XI of The Spirit of the Laws is extremely difficult to understand and gave rise to various, sometimes extravagant interpretations. The publication of the manuscript of the Bibliothèque nationale de France, outcome of an exceptional labor of reconstruction, is now offering an original version of the treatise which seems to allow for a better understanding of Montesquieu's real intention in his final version of the intriguing chapter. - François de Colomby, Jean-Louis Guez de Balzac, Cardin Le Bret, Jacques de Cassan et Philippe de Béthune - François Monnier p. 257-259
- François de Colomby (1588-1649) - François Monnier p. 261-279 Neveu de Malherbe, poète médiocre, mais de bonne plume, François de Colomby s'est vu commander par Richelieu un ouvrage de propagande destiné à un public élargi. De l'Autorité des Rois (1631) appartient au genre revendiqué des discours. L'ouvrage, sans prétention apparente, s'adresse aux honnêtes gens, dans l'intention de leur faire comprendre les raisons de l'obéissance due au gouvernement. En ces temps troublés, il s'agit de rappeler chacun à ses devoirs et de démontrer la légitimité de la monarchie absolue de droit divin, régime le plus digne, le plus naturel et le plus juste.François de Colomby (1588-1649)François de Colomby was the nephew of Malherbe. Although a poor poet, his prose was good enough for Richelieu to commission him for a propaganda piece. Intended for a wider readership, De l'Autorité des Rois (On the Authority of Kings) (1631) claimed to belong to the genre of the “Discourse”. This apparently unpretentious work is addressed to honest people in order to make them understand the rationale of due obedience to the government. In those troubled times, it was important to remind each and everyone of their duties and to demonstrate the Divine Right of Kings and the legitimacy of Absolute Monarchy, the most natural and just regime.
- Jean-Louis Guez de Balzac (1597-1654) - François Monnier p. 281-304 À l'époque de la rédaction du Prince (1631), dont la référence à Machiavel est évidente, Guez de Balzac, ce « souverain de la République de Lettres », jouit d'une renommée immense. Sans doute est-ce là la raison qui a conduit Richelieu à s'adresser à cet ambitieux proche des grands, et donc fondamentalement un opposant. Et, effectivement, derrière l'apologiste du régime se cache un esprit fort, qui tente vainement de se jouer du cardinal. Tout l'ouvrage peut se lire entre les lignes, toutes les analyses politiques peuvent se comprendre à contre-sens. Ce qui donne un livre bien curieux.Guez de Balzac (1597-1654)As he was writing his Prince (1631), with its obvious reference to Machiavelli, Guez de Balzac was the “Sovereign of the Republic of Letters” and enjoyed a tremendous renown. That was the probable reason why Richelieu chose this ambitious ally of the Grandees, who was therefore fundamentally an opponent. Indeed, an “esprit fort”, a freethinker who unsuccessfully tried to outwit the Cardinal was hiding behind the apologist of the regime. The whole book can be read between the lines and all its political analyses can be misinterpreted. The result is indeed an odd piece of writing.