Contenu du sommaire : La participation buissonnière
Revue | Participations |
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Numéro | no 19, 2017/3 |
Titre du numéro | La participation buissonnière |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : La participation buissonnière
- La participation buissonnière, ou le secret dans l'ordinaire de la citoyenneté - Catherine Neveu, Maxime Vanhoenacker p. 7-22
- Prendre (sa) part. Habiter, c'est participer - Laetitia Overney p. 23-48 L'article décrit la participation des personnes sans abri dans les Centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Participer lorsque l'on est hébergé dans une institution, ce n'est pas simplement donner son avis dans les dispositifs prévus par la loi 2002-2. C'est chercher à transformer l'espace pour y être bien. Les résidents participent lorsqu'ils prennent part aux espaces collectifs et à la vie commune, se construisent des habitudes de vie, maintiennent un équilibre subtil entre vie publique et vie privée. En rapprochant la participation de l'acte d'habiter, notre ethnographie élargit le répertoire des ressources traditionnellement admises pour participer.This paper describes the participation of the homeless in Centres d'Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS). Participation does not only mean expressing their opinion in participatory processes taking place in the context of law 2002-2. It also means seeking to take charge of their living space, creating for themselves anchorage points that have some of the qualities of a “home.” People housed in CHRS take part in collective spaces and communal life. They try to protect their intimacy and to keep a balance between public engagement and private life. By establishing a link between participation and the way people live in such places, our ethnography sheds a new light on what is generally referred to as participation. It shows often-overlooked political resources.
- D'une rive à l'autre du scoutisme : des aventures buissonnières à l'apprentissage de la citoyenneté - Maxime Vanhoenacker, Thomas Vroylandt p. 49-71 À partir de l'ethnographie d'un rassemblement international de jeunes scouts au seuil de l'âge adulte, cet article interroge le scoutisme comme espace d'apprentissage de la citoyenneté. La participation s'y envisage d'abord comme une invitation à l'aventure, privilégiant le jeu et les liens d'usage au sein d'un petit groupe de pairs. Progressivement élargies au fil du parcours scout, ces situations peuvent se muer en des expériences du commun et de la vie publique adaptées aux attentes juvéniles. Les ancrages affectifs et les ressorts imaginaires du scoutisme sont mis à l'épreuve dans l'exercice de la citoyenneté à l'âge adulte.Based on an ethnography of an international event gathering together scouts at the cusp of adulthood, this paper examines scouting as a playground for citizenship learning. In this framework, the participation of the scouts is first envisaged as an invitation to adventure, in which games and community-living within small peer groups are privileged. Step by step, this experience is extended and turned into an experimentation of public life that matches the expectations of the youth. Scouting's key aspects and tenets—such as their games of make-believe and their formation of affective bonds—are put to the test with the norms of adult citizenship.
- Buissonnière et initiatique : la participation locale à travers les pèlerinages politiques - Elena Apostoli Cappello p. 73-95 En refusant la participation classique, des militants italiens d'extrême gauche cherchent à fuir les catégories pratiques du champ politique ainsi que celles de la science politique, qu'ils appréhendent comme une norme. Ils cherchent à devenir indéfinissables politiquement. Nous analysons dans cet article des rites altermondialistes liés au zapatisme, en ce qu'ils constituent des formes de participation. Les aspects cérémoniaux et initiatiques liés au voyage marquent en effet l'entrée dans une communauté militante et, du point de vue anthropologique et cognitif, construisent une relation entre espace et temps qui s'appuie sur une idée d'Utopie, considérée ici comme une construction culturelle spécifique dont on examinera spatialité et temporalité.La dimension spirituelle expérimentée au cours et autour du voyage fonde le caractère buissonnier de cette participation. On s'intéressera ainsi en détail aux rituels et aux narrations primitivistes qui construisent cette expérience initiatique.By refusing classical participation, radical-left Italian militants seek to escape both the practical categories of the political field as well as those of political science, which they perceive as a norm. They seek to become politically indefinable. We will analyze alterglobalist rites, which are linked to Zapatism in that they constitute forms of participation. The ceremonial and initiatory aspects related to the journey mark the entry into a militant community. From an anthropological and cognitive point of view, they build a relationship between space and time that is based on an idea of Utopia considered here as a specific cultural construction, the spatiality and temporality of which we will examine here.The spiritual dimension experienced during the journey, and which surrounds it, is the basis of this participation. We will analyze in detail rituals and primitivist narratives that build this initiatory experience.
- « Nos vies sont politiques ! » L'afroféminisme en France ou la riposte des petites-filles de l'Empire - Silyane Larcher p. 97-127 Dans quelle mesure des épreuves morales et affectives accumulées dans des trajectoires de vie individuelles peuvent-elles constituer le support d'une constellation d'activités collectives diverses autorisant la construction d'une forme légitime de participation politique ? C'est ce que donne à penser l'expérience afroféministe telle qu'elle s'exprime et se déploie en France de manière protéiforme depuis quelques années dans des espaces variés et hétérogènes, qu'ils soient privés, semi-publics ou publics. Fondé sur la requalification du vécu intime subjectif en épreuve commune soumise à une réflexivité critique construite collectivement, l'afroféminisme s'apparente à une politique du sensible. Basé sur l'attention fine à la polymorphie des expressions politiques afroféministes, aux discours des militantes, et en particulier à l'étude du récit de vie d'une des fondatrices du principal collectif afroféministe français, Mwasi, le présent article vient aussi nuancer et complexifier les analyses courantes de la dépolitisation ou démobilisation politique des classes populaires. Il montre combien, à l'écart des acceptions partisanes ou conventionnelles, la politique conserve pour les dominées, à bien des égards, sa part d'imagination politique émancipatrice, avec pour enjeu essentiel : l'institution jamais acquise de l'égalité dans les rapports sociaux.To what extent may moral and emotional ordeals, accumulated across life trajectories, sustain a set of activities at the root of legitimate political participation? The plural aspects of the afrofeminist experience in contemporary France, unfolding in various and heterogeneous places (whether private, public or semi-public), invite us to address this question. Afrofeminism can be defined as a politics of emotional sensibility, considering the re-characterization of subjective and intimate experiences into a common ordeal that female activists critically and reflexively examine. Drawing on a careful study of the variety of afrofeminist political expressions and discourses of activists—in particular the life narrative of one of the Mwasi Collective's founders—, this article aims to qualify and complicate current analyses of the working classes' de-politicization or political demobilization. It also shows that, for those who are subordinated, politics is in many respects still related to an emancipatory political imagination that crucially challenges equality in social relations.
- Quand Rancière s'invite chez le médecin : expertise, ignorance et émancipation dans un dispositif participatif de soin - Alexandre Fauquette p. 129-162 L'article s'intéresse à un dispositif d'éducation thérapeutique du patient conçu et imaginé par un médecin libertaire qui se réfère au cadre pédagogique du maître ignorant de Jacques Rancière pour rompre radicalement avec les codes traditionnels de la relation médicale et effacer toute forme d'imposition d'un biopouvoir. Il analyse plus spécifiquement les ambiguïtés qui en découlent : si l'espace de participation de ce dispositif de soin alternatif tend à réduire l'asymétrie de la relation médicale, il n'émancipe cependant que les émancipés et ne parvient à rompre totalement avec les formes de domination médecin-patient. L'égalitarisme ranciérien est en effet mis à l'épreuve de la pratique et de la responsabilité médicale, et nécessite des compromis incessants avec l'institution hospitalière. Mais les marges de manœuvre laissées par l'institution hospitalière renforcent dans le même temps le caractère transgressif et buissonnier de ce dispositif.This article examines a therapeutic patient education method designed and created by a libertarian doctor influenced by Jacques Rancière's “ignorant schoolmaster” model, with the aim being to radically break with the traditional codes of the medical relationship and eliminate any form of imposition of biopower. More specifically, the article explores the ambiguities of this alternative approach which, while it does tend to reduce the asymmetry of the medical relationship, only emancipates those who are already emancipated (autonomous) and fails to entirely break with traditional forms of doctor-patient domination. The reality of medical practice and doctors' responsibility toward their patients stand in the way of Rancière's egalitarianism and require constant compromise with the hospital establishment. The leeway left by the hospital establishment also simultaneously accentuates the transgressive nature of this method.
- Quand la participation met en cause l'institution scolaire. L'expérience controversée des écoles expérimentales de la Villeneuve à Grenoble (1972-2005) - Marie-Charlotte Allam p. 163-185 Cet article étudie les pratiques participatives dont les écoles expérimentales du quartier de la Villeneuve de Grenoble furent le terreau entre 1972 et 2005. Il interroge les conditions d'émergence et de pérennisation de formes de démocratie directe au sein de l'institution scolaire. Le texte met à jour la politisation des dispositifs participatifs par les acteurs éducatifs : la redistribution des pouvoirs dans la gestion des établissements suscite des luttes autour de la définition légitime de la participation dans l'école. Celles-ci entravent son institutionnalisation et perpétuent des pratiques clandestines, en dehors des cadres autorisés par l'autorité publique.This article explores the participatory practices of education in the experimental schools of the district of La Villeneuve in Grenoble, France, between 1972 and 2005. It questions the emergence and perpetuation of practices of direct democracy in the French school system. The text analyzes how educational actors make different interpretations of the participatory instruments. In particular, some groups politicize them in a subversive way. The redistribution of power that takes places within these practices arouses conflicts over the definition of participation in school. These conflicts jeopardize the institutionalization of participatory practices and give birth to clandestine ones.
Varia
- Conflit environnemental et participation publique dans les zones semi-arides de l'Ouest des États-Unis : le projet minier de Rosemont (comté de Pima, Arizona) - Anne-Lise Boyer, Claude Le Gouill, Franck Poupeau, Lala Razafimahefa p. 189-217 Cette étude porte sur le processus participatif mis en place dans le cadre de la loi fédérale National Environmental Protection Act aux États-Unis qui, depuis les années 1970, vise à concilier préoccupations environnementales et poursuite de l'exploitation des ressources naturelles. Le conflit autour du projet de mine à ciel ouvert de Rosemont en Arizona dure depuis dix ans en raison de cet encadrement législatif contraignant. Cette étude de cas est donc particulièrement révélatrice des contradictions posées par ces deux orientations divergentes. À partir de l'analyse des commentaires publics recensés dans le cadre de l'évaluation procédurale de ce projet minier, cet article montre que les processus institutionnels top-down tendent à réserver la participation à des catégories restreintes de la population mais plus originalement, ce cas montre aussi qu'ils sont limités par le fait que les partisans et opposants de la mine, derrière leurs positionnements idéologiques antagonistes, partagent les mêmes visions des relations entre activités humaines et nature.This study focuses on the public participation process that was implemented in the United States by the National Environmental Protection Act. It analyzes the stakeholders' discourses, which were produced within institutional forums of participation in the case of the Rosemont mine proposal. Our results show that this kind of public participation reaches a socio-economically large and diverse public. However, the public is strongly controlled by interest groups. Therefore, the participation process can be defined in terms of “quantity” rather than of “quality.” This article reveals that analyzing public participation helps to assess environmental controversies.
- Conflit environnemental et participation publique dans les zones semi-arides de l'Ouest des États-Unis : le projet minier de Rosemont (comté de Pima, Arizona) - Anne-Lise Boyer, Claude Le Gouill, Franck Poupeau, Lala Razafimahefa p. 189-217
Droit de réponse
- Une sociologie critique de la démocratie participative est-elle utile ? - Julien O'Miel, Guillaume Gourgues, Alice Mazeaud, Magali Nonjon, Raphaëlle Parizet p. 221-242
Lecture critique
- Le communalisme comme « utopie réelle » - Paula Cossart p. 245-268