Contenu du sommaire : Cameroun, l'État stationnaire
Revue | Politique africaine |
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Numéro | no 150, 2018/2 |
Titre du numéro | Cameroun, l'État stationnaire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Le Dossier - Cameroun, l'État stationnaire
- L'État stationnaire, entre chaos et renaissance - Fred Eboko, Patrick Awondo p. 5-27
- Ambition développementaliste, État stationnaire et extraversion au Cameroun de Paul Biya. Le projet de construction du port autonome de Kribi - Gérard Amougou, René Faustin Bobo Bobo p. 29-51 Conçue comme point d'orgue d'un ensemble de projets structurants, la construction du port de Kribi est officiellement appréhendée comme la vitrine des Grandes réalisations et de l'émergence. Son opérationnalité actuelle rend compte de la tension qui existe entre la volonté développementaliste affichée par l'élite au pouvoir et les hoquets de l'État stationnaire informés par le jeu des acteurs. Cet article analyse le caractère complexe de cette situation en examinant les effets sociopolitiques induits par des rivalités et/ou des logiques de positionnements d'acteurs nationaux et étrangers impliqués dans son processus d'opérationnalisation.Designed as a starting point for a set of structuring projects, the construction of the port of Kribi is officially understood as the showcase of Great Achievements and Emergence. Its current operationality accounts for the tension that exists between the developmentalist will displayed by the ruling elite and the ‘‘hiccups” of the stationary state informed by the actors. This article analyzes the complex nature of this situation by examining the socio-political effects induced by the rivalries and/or logical positions of national and external actors involved in its process of operationalization.
- Politique de la suspicion et développement urbain au Cameroun. Le Programme participatif d'amélioration des bidonvilles (PPAB) dans la ville de Yaoundé - Patrick Dieudonné Belinga Ondoua p. 53-74 À partir de l'analyse d'un programme de développement urbain, cet article a pour ambition de montrer comment s'est effectué le redéploiement du pouvoir étatique au Cameroun grâce à ce que nous appelons un gouvernement par la suspicion exercé sur la société civile. Suspicion « par le bas », d'une part : la mise en scène du Programme participatif d'amélioration des bidonvilles (PPAB) comme un don de l'État a eu pour effet pervers la diffusion du soupçon et de la méfiance au sein des populations locales à l'égard des actions et des dépenses des acteurs associatifs. Suspicion « par le haut », d'autre part : les responsables du PPAB se sont déresponsabilisés en confiant à une ONG le soin d'opérer en tant qu'agent semi-étatique. Cette dernière a alimenté des formes de surveillance et de contrôle sur les associations locales.Based on the study of an urban development program, this contribution aims at showing how the redeployment of state power in Cameroon has been carried out through a sort of government by suspicion toward civil society. On the one hand, this suspicion politics is bottom-up : the staging of the PSUP as a gift from the state had the perverse effect of spreading attitudes of suspicion on the part of local populations with regards to the actions and expenses of civil society actors and associations linked to the program. On the other hand, suspicion is also top-down : PSUP officials chose to subcontract part of their duties by appointing an NGO to act as a semi-state agent. The latter developed and supported forms of surveillance and control over local associations.
- Politique de réforme et matérialité de la prison au Cameroun - Marie Morelle, Patrick Awondo, Habmo Birwe, Georges Macaire Eyenga p. 75-96 Depuis 2014, l'ONG Amnesty international n'a cessé de critiquer la gestion des détenus liée à la « lutte contre le terrorisme » dans les régions du Nord et de l'Extrême-Nord du Cameroun. Se greffant à d'autres actualités locales (« crise anglophone », arrestation de personnalités publiques accusées de détournement de deniers publics, mais aussi réformes du Code pénal et du Code de procédure pénale), cette nouvelle médiatisation des lieux de détention a relancé le timide débat sur la pénalité et l'enfermement dans ce pays affichant un taux d'incarcération élevé (115 personnes pour 100 000 habitants). Dans cet article, nous proposons de discuter de la question carcérale à partir des enjeux qui se jouent dans sa réforme. Cette entrée permet d'éclairer la dynamique de l'emprisonnement au Cameroun depuis les années 1990, analysée au double prisme des pratiques et des discours des acteurs de la réforme (agences de développement, organisations internationales, organisations non gouvernementales, États) et de ceux qui font l'expérience de la prison autant qu'ils la produisent au jour le jour (gardiens, directeurs, détenus et leurs proches).Since 2014, the non-governmental organization Amnesty International has constantly criticized the management of detainees linked to the “fight against terrorism” in the North and Far-North regions of Cameroon. Adding to other local political and social issues (“Anglophone crisis”, arrest of public figures accused of embezzlement of public funds, reforms of the penal code and criminal procedure code), this new media coverage of places of detention revived the tentative debate on penalty and confinement in this country with a high rate of imprisonment (115 people per 100,000 inhabitants). In this article, we take the penitentiary reform as an entry point to discuss the issue of prison. A focus on the reform makes it possible to shed light on the dynamics of confinement in Cameroon since the 1990s. We do so by analyzing, on the one hand, the practices and discourses of the actors of the reform (development agencies, international organizations, non-governmental organizations, States) and, on the other hand, those who experience the prison as much as they produce it day after day (guards, directors, detainees and their relatives).
- « Gouvernement perpétuel » et démocratisation janusienne au Cameroun (1990-2018) - Mathias Éric Owona Nguini, Hélène-Laure Menthong p. 97-114 Entre les années 1990 et 2010, la démocratisation passive au Cameroun a été capturée par la stratégie dirigeante de ce que nous appelons dans cet article le « gouvernement perpétuel ». Cette démarche de pérennisation du pouvoir central étatique, contrôlé par le président Paul Biya et son régime du Renouveau national, a restreint les possibilités de libéralisation et de démocratisation au Cameroun. C'est pourquoi la démocratie camerounaise est un régime ambivalent et hybride qui oscille entre pluralisme et autoritarisme. Elle prend la forme d'une démocratisation janusienne.Between the 1990s and the 2010s, the political pathway of passive democratization in Cameroon has been captured by a ruling strategy of perpetual government. Thus, this move allowing the state's central power controlled by President Paul Biya and his New Deal regime to have an everlasting tenure, has channelled Cameroon's liberalization and democratization opportunities. That is why the Cameroonian democratization is ambivalent and hybrid balancing between pluralism and authoritarianism. It takes the form of a Janus-faced democracy.
- Utopie et dystopie ambazoniennes : Dieu, les dieux et la crise anglophone au Cameroun - Nadine Machikou p. 115-138 Penser la crise anglophone au Cameroun fondée sur la dénonciation de la marginalisation d'une minorité à travers un détour par le religieux, c'est reconstituer deux dynamiques à l'œuvre. D'une part, il s'agit de la structuration d'une configuration actorielle faite d'autorités politico-administratives (le trône) et religieuses (l'autel), autour d'invocations du divin éclatées entre un « Dieu de paix » et un « Dieu de justice ». D'autre part, il se forme une grammaire protestataire qui, pour se légitimer, s'ancre dans les cieux à travers des prophéties, des appels à prier et à observer des rituels religieux autour de thèmes majeurs tels que la paix, la justice, le salut, la délivrance, le combat, etc. Le présent article met en lumière ce mouvement en soulignant la façon dont les formes symboliques se sont constituées en un appareil de capture de l'attention, d'homogénéisation transcendantale des publics et de sacralisation de la lutte.Analysing the Anglophone crisis in Cameroon which is based on the denunciation of a minority marginalization through a religious tour, lets to reconstitute two dynamics at work. On the one hand, it is the structuring of an actorial configuration made up of politico-administrative authorities (the throne) and religious (the altar), around invocations of the divine split between a “God of peace” and a “God of justice”. On the other hand, a protest rhetoric is formed with the aim of legitimizing the fight by an anchor in the heavens through prophecies, calls to pray and to observe religious rituals around major themes such as peace, justice, salvation, deliverance, fight, etc. This article shows this movement by highlighting the way in which symbolic forms have become an apparatus of capture of attention, transcendental homogenization of audiences, and sacralisation of a struggle.
- Appels et contre-appels du « peuple » à la candidature de Paul Biya : affrontement préélectoral, tensions hégémoniques et lutte pour l'alternance politique au Cameroun - Jean-Marcellin Manga p. 139-160 Cet article interroge les appels et contre-appels à la candidature de Paul Biya en tant qu'outils de participation politique. Les appels à la candidature de l'actuel président donnent à voir la construction de loyautés politiques derrière lesquelles se profilent divers arrangements clientélistes qu'imaginent les catégories dirigeantes en vue de stabiliser leurs positions hégémoniques. À l'opposé, les contre-appels mettent en évidence la manière dont, par des stratégies plurielles, leurs challengers œuvrent à éroder le symbolisme qui, depuis plus de trois décennies, institue Paul Biya comme le candidat naturellement élu à la fonction présidentielle. À travers l'intérêt porté à ces technologies de mobilisation électorale, l'on voudrait surtout mettre en relief la dimension processuelle des élections. Ainsi, l'importance accordée ici au moment préélectoral, plutôt qu'au temps court des opérations électorales, offre une porte d'entrée pour l'étude des dynamiques conflictuelles et contradictoires qui travaillent la société politique camerounaise.This paper questions the “calls” and “counter-calls” for Paul Biya's candidature as a means to participate in political life. The calls for the candidature of the incumbent President show the construction of political allegiances that underlie various clientelist negotiations initiated by political leaders to maintain their hegemonic positions. However, the counter-calls highlight how, through various strategies, their rivals strive to erode the symbolism which, for more than three decades, showcase Paul Biya as the natural candidate to the presidential duty. By focusing on these electoral mobilisation technologies, this article stresses the procedural dimension of elections. Thus, by giving importance to the pre-electoral period rather than to the short electoral operations, the article proposes an original entry point for the study of the conflictual and contradictory dynamics of Cameroon's polity.
Conjoncture
- La République fédérale démocratique en marche : crise politique, état de grâce et avancée néolibérale en Éthiopie - Mehdi Labzaé, Sabine Planel p. 161-178
- Le Mali post « Accord d'Alger » : une période intérimaire entre conflits et négociations - Adib Bencherif p. 179-201
Lectures
- Revue des livres - p. 203-221