Contenu du sommaire : Autour de la revue Dushu
Revue | Agone |
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Numéro | no 52, 2013 |
Titre du numéro | Autour de la revue Dushu |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- La Chine vue par la New Left Review : Éditorial - Philippe Olivera p. 9-10
- Nationalisme occidental et nationalisme oriental [2001] - Benedict Anderson, Cécile Arnaud p. 11-24 Par bonheur, on n'entend plus beaucoup parler des « valeurs asiatiques ». L'idée qu'il existe une forme de nationalisme spécifique à cette région du monde a cependant la vie dure. Son origine première remonte à plus d'un siècle, à l'époque où un impérialisme européen raciste affirmait, pour reprendre le poème de Kipling : « l'Orient est l'Orient, l'Occident est l'Occident, et jamais ils ne parviendront à se comprendre. » Au début du xxe siècle, dans différentes parties d'Asie, un certain nombre de nationalismes ont repris à leur compte cette idée d'une dichotomie raciale irréductible, afin de mobiliser la résistance populaire contre une domination jugée dès lors complètement étrangère. Cette dichotomie est-elle vraiment justifiable, que ce soit théoriquement ou empiriquement ?
- Histoire de deux nationalismes [2005] - Wang Chaohua, Philippe-Étienne Raviart p. 25-50 Si l'on regarde l'histoire, le rôle passé et présent du protectorat américain sur l'île, qui fait contrepoids aux menaces de la RPC, est tout à fait paradoxal. Car, là aussi, il y a une contradiction à la base : le degré d'indépendance de fait dont Taïwan dispose par rapport à la Chine et qui a permis sa démocratisation pacifique depuis les années 1980, se paie d'une dépendance de fait par rapport aux États-Unis. En vérité, depuis que Pékin a abandonné toute aspiration révolutionnaire et noué des liens toujours plus étroits avec Washington, les États-Unis sont devenus l'arbitre de fait des tensions dans le détroit, un fait que Pékin et Taipei répugnent à reconnaître. En d'autres termes, le problème essentiel pour l'île dans ses relations avec la Chine continentale ainsi que dans sa politique intérieure après la démocratisation, c'est l'héritage paralysant du fait qu'elle se définit toujours comme « République de Chine » et qu'elle dépend de la tutelle américaine liée à cette définition.
- Questions tibétaines : Entretien avec Tsering Shakya [2008] - Tsering Shakya, Celia Izoard p. 51-76 Quand il était secrétaire du Parti de la Région autonome, Hu Jintao avait pris des mesures réprimant toute prise de position politique liée à l'identité nationale ; même les mobilisations exigeant l'application de la loi sur la langue tibétaine étaient taxées de nationalisme et de séparatisme. Tous les Tibétains étaient soupçonnés de trahir la Chine. Chacun était devenu suspect. La campagne contre le séparatisme a aussi servi de prétexte pour faire taire toute voix discordante : au sein du parti communiste, ceux qui s'opposaient à une directive gouvernementale étaient souvent accusés de séparatisme. Mais cette politique s'est retournée contre le gouvernement chinois. En se mettant dans l'incapacité de faire la différence entre les véritables opposants et le reste de la population, il a réussi à créer un fossé entre l'État et l'ensemble des Tibétains. Le résultat de cette politique a été d'unir les Tibétains, ce qui n'aurait pas été le cas si seuls les monastères avaient été pris pour cible.
- Le majordome de l'Amérique ? : Le dilemme de la République populaire de Chine dans la crise mondiale [2009] - Hung Ho-fung, Cécile Arnaud p. 77-100 Dès le printemps 2009, les économies d'Asie orientale étaient apparues moins puissantes qu'elles le semblaient. Alors que la brusque contraction de la demande d'importations dans les pays du Nord contraignait les exportateurs asiatiques à un atterrissage brutal, le risque de voir le marché des titres du Trésor américain ou le dollar toucher le fond les plaçait devant un dilemme : soit se débarrasser de leurs actifs américains, quitte à provoquer un effondrement du dollar, soit en acheter encore davantage pour se prémunir contre un krach immédiat, mais en augmentant leur exposition à un krach futur. Malgré tous les discours sur la capacité de la Chine à briser le statut de monnaie de réserve du dollar et à bâtir un nouvel ordre financier mondial, la RPC et ses voisins n'ont guère d'autre choix à court terme que d'entretenir la domination économique américaine en lui octroyant davantage de crédit.
- Les multiples révolutions chinoises [2011] - Mark Elvin, Philippe-Étienne Raviart p. 101-122 Après 1882, et pendant une trentaine d'années, la crainte qu'inspire aux autorités la perspective de tout changement (si l'on excepte les adaptations tactiques aux pressions de l'étranger) va figer la vie politique chinoise dans un conservatisme étroit. Paradoxalement pourtant, c'est durant cette période, en particulier les années 1890, que les idées qui soutenaient le vieil ordre impérial se sont trouvées sapées, presque sans que l'on s'en rende compte, par les questions que ne cessaient de se poser un petit nombre de responsables politiques inquiets et par la préoccupation croissante de quelques représentants – d'une qualité exceptionnelle – de la classe des lettrés. Aussi bizarrement qu'incontestablement, c'est avant tout pendant ces décennies atones – ou presque – qu'une « révolution » politique profonde a pu avoir lieu en Chine au cours de l'époque moderne. Pourquoi ? Parce qu'à la fin de ces années-là, le confucianisme, en tant que vision du monde indiscutée, était effectivement mort. « Mort » en ce sens qu'il n'y avait plus de penseurs originaux de quelque importance capables de revitaliser et développer la pensée confucéenne. D'autre part, et cela est tout aussi décisif, les grandes lignes d'une nouvelle politique avaient été dessinées, même si l'on n'avait pas encore vraiment compris toutes les difficultés que cela devait entraîner.
- Wang Chaohua, Wang Dan et Li Minqi : dialogue sur l'avenir de la Chine [1999] - Wang Chaohua, Wang Dan, Li Minqi, Philippe-Étienne Raviart p. 123-142 Si la question est bien de savoir comment l'histoire se souviendra du mouvement de 1989, il faut considérer ce qui s'est effectivement passé en Chine depuis. Et sous ce rapport, je serais tentée d'admettre – malheureusement – que le 4 Juin ressemble moins au 4 Mai qu'aux révolutions de 1848 et aux révoltes étudiantes de 1968 en Europe. Car, de quelque manière qu'on définisse la nature des conflits de 1989, on peut difficilement nier qu'ils ont eu comme conséquence un renforcement du régime politique en place et un abandon général des questions idéalistes au profit du goût pour la consommation. Ce qui équivaut à une espèce de compromis entre une amélioration matérielle et l'oppression politique. C'est la tendance de fond de l'ensemble de la société.
- La structure sociale vacillante de la Chine [2000] - He Qinglian, Celia Izoard p. 143-179 Au début des réformes, la plupart des intellectuels chinois imaginaient qu'on verrait bientôt se former dans le pays une importante classe moyenne. Ce qui, aux yeux de beaucoup, apporterait la stabilité sociale. Le développement de l'entreprise privée, la redistribution des biens d'État et l'introduction de l'actionnariat ont alimenté l'espoir que les choses évolueraient de cette façon. La puissance qu'a pu revêtir cette idée est illustrée par le fait que certains membres de l'élite intellectuelle considèrent encore aujourd'hui la corruption comme un phénomène bénin, du seul fait qu'elle contribue à faire disparaître l'ancienne économie. La réalité s'est révélée très différente de ces illusions. Non seulement la Chine n'a pas évolué vers une distribution des revenus en forme de diamant, avec une classe moyenne importante au milieu, mais elle se trouve dans la situation inverse : la structure sociale, devenue pyramidale, rappelle celle des pays d'Amérique latine et d'Asie du Sud-Est comme la Thaïlande ou les Philippines.
- Le cinéma documentaire indépendant en Chine [2012] - Ying Qian, Celia Izoard p. 181-203 Si la diffusion de la vidéo numérique a permis l'essor du documentaire indépendant à la fin des années 1990, il demeurait largement confiné à des franges marginales et n'avait que très peu d'impact sur l'opinion publique. La situation a commencé à changer grâce à internet. Le téléchargement de vidéos a permis à des documentaires issus d'une production indépendante de toucher un plus large public. Parallèlement, des groupes militants et de nouvelles organisations sociales ont commencé à se former à partir de 2003, suite au mouvement pour les droits des citoyens. Grâce aux liens de plus en plus nombreux noués entre cinéastes, personnalités de l'intelligentsia et citoyens engagés, un nouveau cinéma politique – doué d'une subjectivité et d'une esthétique spécifiquement militantes – a vu le jour. Ces travaux ne se contentent plus d'observer ou de brosser des portraits empathiques d'individus en situation de victimes, mais reposent sur un parti pris actif, interventionniste, et sur une attitude d'investigation de la part du cinéaste, qui tente de dévoiler la réalité masquée par les apparences.
- Présentation - p. 205-206
- Pas de zone interdite pour la lecture ? : Dushu et l'intelligentsia chinoise [2008] - Zhang Yongle, Philippe-Étienne Raviart p. 207-212 Pour beaucoup d'intellectuels, la croissance rapide des années 1990 justifiait leur confiance dans la modernisation : la privatisation allait conduire au développement économique, qui, à son tour, déboucherait sur la liberté politique ; il était entendu pour eux que ce processus hayeko-friedmannien était un mouvement irrésistible de l'histoire du monde. Et puis les choses ont bougé. Quelques auteurs ont attiré l'attention sur « la face sombre » du modèle de croissance chinois. Des voix nouvelles ont commencé à se faire entendre : le concept de modernisation des années 1980 est apparu de plus en plus problématique et discutable. Des désaccords se sont exprimés qui révélaient la fragilité des fondements intellectuels du consensus antérieur. Revue d'idées, Dushu ne s'est pas contentée d'être le témoin de cette transformation, elle en est devenue un acteur important.
- L'incendie à la porte du château : Entretien avec Wang Hui [2000] - Wang Hui, Philippe-Étienne Raviart p. 213-229 Le bombardement de l'ambassade de Chine à Belgrade a par force rappelé une autre réalité. Le marché mondial – le bombardement l'a bien fait comprendre – n'est pas simplement un espace économique de concurrence : il s'appuie sur un ensemble puissant de structures politiques et militaires. Du coup il devient très difficile d'affirmer que c'en est fini de l'État-nation, quels que soient les changements qu'il ait ou n'ait pas subis. Sous l'étiquette de l'OTAN, du FMI ou de l'OMC, la mondialisation américaine fonctionne comme une autre forme de nationalisme. Après la destruction de l'ambassade, il y a eu un débat indirect entre Zhu Xueqin (un universitaire de Shanghai qui est peut-être le principal porte-parole des libéraux aujourd'hui en Chine) et moi-même sur la guerre des Balkans et la réaction qu'elle a provoquée dans la population. Zhu Xueqin soutenait que le nationalisme était la force la plus dangereuse dans l'histoire moderne de la Chine. Qu'il fallait que nous entrions très rapidement dans le système mondial, parce que le mondialisme était de beaucoup préférable au nationalisme. Je lui ai répondu que c'était une illusion de croire qu'on pouvait les opposer si simplement.