Contenu du sommaire : 1960-2010 : 50 ans d'indépendances africaines.
Revue | Bulletin de l'Association de Géographes Français |
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Numéro | no 2010/1 |
Titre du numéro | 1960-2010 : 50 ans d'indépendances africaines. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Regards géographiques sur cinquante ans d'indépendance (Geographic perpectives on 50 years of independance) - Roland Pourtier p. 3-14
- Villes et citadins d'Afrique noire francophone. Le temps des incertitudes (Cities in French-speaking black Africa. The era of uncertainty) - Alain Dubresson, Sylvy Jaglin p. 15-25 Depuis les années 1960, une vive croissance urbaine caractérise l'Afrique noire francophone, où le nombre de citadins a été multiplié par 11. Cinquante ans après les indépendances, les modalités de peuplement des villes ont changé, les anciens modèles, exode rural et hégémonie des grandes capitales, sont remis en question et on s'interroge beaucoup sur les mobilités circulaires entre villes et campagnes comme sur les facteurs entravant l'urbanisation ou entraînant localement une désurbanisation. Aux indépendances, la ville apparaissait comme le vecteur de la modernité et du changement social. Aujourd'hui, la pauvreté urbaine est alarmante, l'économie informelle est devenue prédominante, la coproduction de la ville ‘ à l'africaine' a atteint des limites que les dynamismes ‘ du bas' ne parviennent plus à amortir. Avec la redéfinition du périmètre d'action de l'État dans la décennie 1980, les politiques publiques ont disparu au bénéfice des fétichismes du développement local, décentralisation, privatisation des services et participation populaire, ainsi que du credo néo-libéral de la bonne gouvernance. Des innovations ont certes été suscitées, mais les inégalités intra urbaines croissantes nourrissent le risque de fragmentation et les solutions alternatives aux défis urbains restent à inventer.Since the 1960s, a rapid urban growth has characterized French-speaking black Africa, where the number of urban dwellers has been multiplied by 11. Fifty years after the political independences, the demographic dynamics of cities have changed and the old models, rural exodus and hegemony of large cities, are being questioned. Nowadays, researchers underline circular mobility between cities and rural areas as well as factors impeding urbanization or explaining local cases of counterurbanization. In the 1960' s, the city appeared to be the trigger of modernity and social change. Today, urban poverty is alarming, the informal economy has become dominant, the ‘ African' coproduction of the city has reached its limits that the grassroots dynamics can no longer overcome. With the redefinition of the scope of state action in the 1980s, public policies have disappeared in favor of the fetishisms of ‘ local' development -decentralization, privatization of services and popular participation -and of the neo-liberal credo of good governance. Innovations have certainly been set up, but multiple intra-urban inequalities are feeding a growing risk of fragmentation, and alternative solutions to urban challenges are yet to be invented.
- Nouvelles dynamiques migratoires (New migration patterns) - Véronique Lassailly-Jacob p. 26-39 L'Afrique subsaharienne est une terre de mobilité depuis des temps immémoriaux. À partir des Indépendances, les migrations de populations en provenance des États issus de l'Empire colonial français d'Afrique noire connaissent de profondes mutations. Les «couples migratoires » qui s'étaient formés pendant la colonisation entre les États de l'AOF et de l'AEF et la France éclatent. Aujourd'hui, l'Afrique subsaharienne s'inscrit dans la mondialisation migratoire même si elle occupe une place encore marginale dans l'espace migratoire mondial. Cet article a pour objet de mettre en lumière quelques unes des nouvelles dynamiques migratoires qui participent au changement des sociétés africaines de l'ex-empire colonial français. Il présente tout d'abord les éléments paradoxaux du contexte migratoire de l'Afrique subsaharienne puis aborde quatre des aspects les plus saillants des mutations récentes des migrations africaines : l'extension planétaire des diasporas dont les transferts financiers et les modèles véhiculés contribuent au changement des régions d'origine, les nouvelles configurations migratoires liées aux politiques d'immigration et d'asile restrictives des pays du Nord, la croissance, la diversité et la fragilité des migrations économiques intra-africaines et, enfin, la montée des migrations forcées dont celle des réfugiés climatiques.Subsaharan Africa has been a land of mobility since very old times. From the time of Independance, migrations from colonized states have known enormous change. The «migratory couples » created during the colonial period between AOF as well as AEF states and France have broken apart. Today, subsaharan Africa is included in the world migratory system even though it occupies a marginal place in the world migratory space. The aim of this article is to shed light on new migratory movements which participate in the change of the African societies belonging to the ancient colonies. First, I will present the paradoxical elements of the migratory context of the subsaharan Africa . Then I will develop four aspects of recent change in migratory movements : world extension of diasporas whose remittances and cultural models participate in the change of the areas of origin ; the new migratory frameworks linked to the restricted immigration and asylum policies of northern countries ; the growth, diversity and fragility of the labour migrations inside the continent ; and finally, the growth of forced migrations including climatic refugees.
- Les réponses de l'agriculture aux défis démo-économiques (The responses of agriculture to demo-economic challenges) - Jean-Louis Chaléard p. 40-55 L'évolution de l'agriculture africaine de ces 50 dernières années est souvent présentée comme catastrophique. Un examen attentif des principales réponses aux défis démographiques et socio-économiques auxquels les agriculteurs ont dû faire face conduit à nuancer ce jugement pessimiste. L'agriculture de ces pays a inégalement, mais en grande partie, fait face à la croissance des besoins. Un des moteurs principaux en a été l'extension des superficies cultivées, dans un contexte de faibles densités dominantes. D'autres changements ont eu lieu : la lente transformation des techniques agricoles, en relation autant avec des facteurs internes que des sollicitations externes ; la réponse à une demande urbaine croissante, qui a entraîné l'essor du «vivrier marchand » ; la recherche par les exploitants agricoles de ressources nouvelles dans un contexte de pauvreté. Mais des problèmes sont apparus ou se sont aggravés (dépendance à l'égard des marchés extérieurs et surtout tensions foncières), auxquels les agriculteurs essaient de répondre dans un contexte de «crise » difficile.The evolution of the African agriculture of the last 50 years is often presented as catastrophic. An attentive examination of the main answers to the demographic and socioeconomic challenges in which the farmers had to face leads us to reassess this pessimistic opinion. The agriculture of these countries has unevenly, but largely, met growing needs. One of the driving forces was the extension of the cultivated surfaces areas, in a context of low densities. Other changes took place : the slow transformation of the agricultural techniques, in relation to internal and external factors ; the answer to an increasing urban demand, which boosted the development of food crops for markets ; the research by the farmers of new resources in a context of poverty. But problems appeared or worsened (dependency towards the overseas markets, and especially land tensions), which the farmers have tried to answer in a difficult context of " crisis".
- Rentes, territoire et développement. Que tout change pour que rien ne change ? (Rents, territories and development : permanence and change) - Géraud Magrin p. 56-68 Les rentes constituent une dimension centrale de l'extraversion qui caractérise les systèmes sociopolitiques et économiques africains. Tirées de l'exportation de matières premières brutes vers le marché mondial, elles n'ont jusqu'ici pas été porteuses de développement, faute d'être investies en faveur des activités productives. Depuis 1960, les sources de rente se sont pourtant diversifiées, et leur montant ont cru : les anciennes rentes agricoles et minières ont été augmentées dans les années 1960-70, marquées par des États forts et une demande mondiale favorable. Avec les crises des années 1980, de nouvelles prennent de l'ampleur : rente de l'aide, des transferts migratoires, des flux criminalisés. Ces systèmes rentiers ont certes contribué à la construction des territoires des jeunes États nations. Mais ils s'accompagnent de fragilités économiques et sociopolitiques défavorables au développement. La décennie 2000 est un moment d'incertitude : les concurrences mondiales pour les ressources naturelles africaines risquent de renforcer les travers des systèmes rentiers (corruption, autoritarisme, conflits), alors que de nouvelles régulations internationales essaient de réconcilier rentes et développement. Si les logiques de fragmentation et de déconnexion entre ressources et territoires semblent dominer, le nouveau contexte offre aussi aux systèmes sociopolitiques rentiers des espaces de bifurcation qui méritent d'être mieux connus.In African history, rents are at the center of sociopolitic and economic systems based on extraversion. Coming from raw material exports to the world market, they haven't brought until now real development, because they have not been invested locally in a productive way. Since 1960, the sources of rents have widened, and their amounts have raised. In the 1960-70s, characterized by strong States and high world prices, the old rents coming from cash crop cultivation and mining increased. The context of crisis starting in the 1980s brought new ones : foreign aid, migrant sendings, criminal flows. Although these rentier-systems have contributed to the territory and State-building processes, they brought about deep economic and sociopolitic fragilities which where not in favour of development. The 2000s are a time of uncertainty : on the one hand, world competition for African natural resources can worsen rent-seeking behaviour and its impacts (corruption, autoritarism, conflicts). On the other hand, new international regulations try to conciliate rentier economies and development. If the territorial fragmentation and the deconnexion between resources and territories seem to be the dominant processes, the new context opens also spaces for bifurcation to the rentier political systems based on extraversion. These spaces need to be better understood and explored.
- Connecter et intégrer. Les territoires et les mutations des transports en Afrique (Connect and integrate : territories and transport mutations in Africa) - Jérôme Lombard, Olivier Ninot p. 69-86 Au cours des cinquante dernières années, les transports ont connu en Afrique des évolutions remarquables, visibles dans les paysages, perceptibles dans la vie quotidienne, inscrites dans les économies. Le développement des réseaux routiers qui s'est accompagné de celui des services de transport a permis l'intégration des territoires nationaux et l'amélioration des connexions internationales. Mais les défis restent importants tant en matière de transport urbain que de désenclavement local et international. Aujourd'hui, l'apparition de nouveaux intervenants dans les transports africains, à différents niveaux, devrait accélérer l'invention et la création tant en matière de production de services que de construction et d'entretien des infrastructures, au sein de modèles qui conjuguent apports extérieurs et africains.During the last fifty years, transports in Africa have known remarkable evolutions visible in the landscapes, observable in everyday life, and registered in the economies. The development of the road networks which came along with that of the services of transport allowed the integration of the national territories and the improvement of international connections. But important challenges remain, both in public transport and in local and international opening up. Today, the appearance of new participants in African transport, at various levels, may accelerate the invention and the creation, both in production of services and construction as well as maintenance of infrastructures, within models which conjugate external and African contributions.
- La révolution des T.I.C. : du téléphone à Internet (The ICT revolution : from phones to the Internet) - Annie Chéneau-Loquay p. 87-104 Le véritable bouleversement dans le monde des télécommunications et d'Internet qui a lieu depuis une quinzaine d'années touche toute l'Afrique. Auparavant, les réseaux de la téléphonie fixe sous monopole de l'État, étaient mal répartis, discontinus avec un service de qualité médiocre à des coûts extrêmement élevés. Ensuite, les innovations technologiques, conjuguées à la baisse des coûts et à la concurrence, ont provoqué contre toute attente, une explosion de la téléphonie mobile. De nouveaux réseaux sont déployés pour la connexion externe et interne du continent et un aménagement numérique des territoires pour un Internet à haut débit est en cours. Du point de vue des usages, un modèle africain s'est créé ; une nouvelle économie informelle du détail et de l'occasion, avec la mutualisation des accès, répond aux besoins spécifiques de populations à faibles revenus. Mais l'offensive des opérateurs pour imposer le téléphone mobile au détriment du fixe, en faire le vecteur d'Internet et un outil multi usages risque de se traduire par une réduction des accès publics et des coûts prohibitifs pour les plus pauvres. Désormais, les références de l'ici et de l'ailleurs, du proche et du lointain se brouillent et le rôle de la diaspora se renforce.The true revolution in the world of telecommunications and the Internet that took place over the past fifteen years has reached all of Africa. Previously, networks of fixed line under the monopoly of the State, were poorly distributed, intermittent with bad services and at a very hight cost. Then, technological innovations, coupled with lower costs and competition, contrary to all expectations, provoked an explosion of mobile telephony. New networks are deployed for internal and external connection of the continent and a territorial development of digital technology for broadband Internet is underway. In terms of uses, an African model has been created and a new informal economy of retail and opportunities, with the mutualization of accesses, meets the specific needs of low-income populations. But the offensive of the operators to impose the mobile phone at the expense of the fixed one, making it the vector of the Internet and a multi purpose tool, may result in reduced public access and prohibitive costs for the poorest. Nowadays, references to «here » and «elsewhere » , «near » and «distant » , have become blurred, and the role of diasporas is strengthening.
- La santé en Afrique sub-saharienne, entre avancées, recul et renouveau (Health in sub-Saharan Africa, between progress, setbacks andrenewal) - Jeanne-Marie Amat-Roze p. 105-118 Les pays qui formaient le Tiers monde en 1950 partageaient les mêmes ordres de grandeur des valeurs des indicateurs sanitaires. Un demi-siècle plus tard, cet ensemble porte les plus forts contrastes du monde. L'Afrique subsaharienne n'a pu suivre les rythmes d'évolution observés en Asie ou en Amérique. Ses progrès ont été plus lents et plus irréguliers. Durant les décennies 1980 et 1990, des blocages, voire des marches arrière, traductions d'un complexe de crises traversées par les États, ont cassé la dynamique observée quelques années plus tôt. Néanmoins, à l'aube du 21e siècle, paraît s'enclencher une inversion de tendance née du sursaut des engagements pour la santé, portée par des coalitions de partenaires engagés dans les Alliances mondiales.The countries which formed the Third World in 1950 shared the same order of magnitude for the values of the sanitary indicators. Half a century later, this group shows the strongest contrasts in the world. Sub-Saharan Africa was not able to follow the rhythms of evolution seen in Asia or Latin America. Its progress was slower and more irregular. During the 1980s and 1990s, stagnation, even setbacks, reflecting a series of crises encountered by States, broke the dynamics observed some years earlier. Nevertheless, at the dawn of the 21st century, a reversal trend has appeared, arising from the surge of commitments to health, carried by partners'' coalitions engaged in the Global Alliances.
- Revanche du religieux : les nouveaux espaces de Dieu (The revenge of religion : new spaces of God) - Maud Lasseur p. 119-130 La résurgence du religieux figure parmi les mutations les plus frappantes qu'a connues l'Afrique francophone (et subsaharienne dans son ensemble) ces dernières décennies. Ce mouvement se présente cependant moins comme un «retour » de la religion que comme un ensemble de recompositions liées à toute une série de bouleversements sociaux, politiques mais aussi territoriaux ayant affecté les États africains. Cet article analyse trois changements géoreligieux majeurs : les transformations dans la géographie des groupes confessionnels, les dynamiques spatiales de reconquête qui caractérisent certains «nouveaux » mouvements religieux et, enfin, l'émergence de villes multiconfessionnelles au sein desquelles sont amenées à cohabiter des identités religieuses diverses et foisonnantes.Resurgence of religion is one of the most striking mutations that have affected French-speaking Africa (and sub-Saharan Africa in its entirety) in the last decades. Nevertheless, this change represents less a “ return” of religion than a set of reorganizations of the religious sphere linked with a series of social, political but also geographical upheavals that have affected African States. This article analyzes three major geo-religious changes : the transformations in the distribution of religious groups, the spatial dynamics of reconquest that characterize some “ new” religious movements and, finally, the emergence of interfaith towns where different and abounding religious identities have now to cohabit.
- France, Afrique, mondialisation. Le « pré carré » français à l'épreuve de la décolonisation et de la mondialisation de l'économie (Africa, France, Globalization. France's « private reserve » and the challenges of decolonization and economic globalization) - François Bost p. 131-144 La pérennité exceptionnelle des relations entre la France et ses anciennes colonies d'Afrique subsaharienne a su passer dans un premier temps le cap des indépendances. La crise économique des années 1980-1990 et la dévaluation du franc CFA en 1994 ont néanmoins fragilisé ce compagnonnage. Désormais, la mondialisation à travers sa logique d'ouverture et l'arrivée de nouveaux pays partenaires risque de malmener ce qui reste encore du «pré carré » en Afrique. Mais ce dernier n'est plus aussi stratégique qu'il ne l'a été pour la France, notamment sur le plan économique.The exceptional continuity of relations between France and its former colonies of sub-Saharan Africa has at first met succesfully the challenge of the independences. The economic crisis of the years 1980-1990 and the devaluation of the franc CFA in 1994 have nevertheless weakened this relation. Today' globalization, with its logic of openness and the arrival of new partner countries may threaten what is left from France's “ private reserve” in Africa. But it is not as strategic any more for France as it was in the past, in particular on the economic plan.
- État et nation : la mémoire des territoires (State and nation : the memory of territories) - Roland Pourtier p. 145-158 La consolidation des États africains depuis les indépendances a représenté un défi politique majeur. Bien qu'imposées par la colonisation les frontières n'ont pas été remises en cause. Les multiples conflits armés qu'ont connus les États après 1960 n'ont pas d'enjeux territoriaux. Ce sont des guerres civiles, les ethnies étant instrumentalisées au service des ambitions politiques. En dépit de ces conflits, les États ont conforté leur unité grâce aux infrastructures de communication et à l'aménagement du territoire. Parallèlement, la production territoriale s'exerce à l'échelle de la décentralisation et à celle de la régionalisation. Depuis les indépendances les liens avec les anciennes métropoles se distendent, de nouveaux acteurs interviennent, pays émergents mais aussi organisations internationales qui soulèvent la question de l'ingérence humanitaire et écologique. La construction de l'État se double d'un processus de «nation building » : la mémoire des territoires concourt à l'émergence des nations africaines.The strengthening of African states since their independance has been a major political challenge. Even though inherited from colonization, national borders have not been questioned. The many armed conflicts in Africa since the 1960' s are not based on territorial claims, they are civil wars, where ethnicity becomes an instrument of political ambition. Despite these conflicts, African States have comforted their unity with infrastructure communications and land planning. Territory is also a product of decentralization and regionalism processes. Since the independances, links with former colonial powers have loosened ; new stakeholders have appeared : emerging countries and international organizations, raising the question of humanitarian and ecological interventionism. State construction is accompanied by a process of «nation building » : the memory of territories contributes to the emergence of African nations.
- Informations AGF - p. 159-160