Contenu du sommaire : Circulation des matières, économies de la circularité

Revue Flux Mir@bel
Numéro no 108, avril-juin 2017
Titre du numéro Circulation des matières, économies de la circularité
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Circulation des matières, économies de la circularité

    • Introduction : circulation des matières, économies de la circularité - Romain Garcier, Laurence Rocher, Éric Verdeil p. 1-7 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce texte d'introduction au dossier de Flux 2017/2 (N° 108) questionne l'émergence de la thématique de la circularité des matières dans les politiques publiques urbaines contemporaines. Les articles ont en commun de porter une attention minutieuse à la matérialité des flux qui traversent et constituent la ville et aux objets sociaux qui la composent. Ils analysent les modalités et les conséquences de leur mise en circulation, ainsi que les régulations et les conflits qui l'accompagnent. Que l'ensemble des articles traite de pratiques et de politiques ancrées dans l'espace de la région de Lyon résulte moins d'une volonté monographique que d'une rencontre en partie fortuite. Mais cela souligne en tout cas l'importance d'une approche toujours attentive aux faits géographiques et aux effets de lieu dans la diversité de leurs échelles. Trois thématiques transversales sont présentes : d'abord, en identifiant de nouvelles ressources, les articles permettent de réfléchir à l'invention et à la construction de nouveaux circuits pour les matières. Ensuite, la régulation de ces circuits implique l'identification de nouveaux acteurs et la mise en place de nouvelles formes de relations avec les producteurs et gestionnaires des matières, formant donc l'espace d'une gouvernance renouvelée. Enfin, si ces circuits se structurent dans un espace qui est celui de la proximité géographique, ils s'inscrivent néanmoins dans une logique relationnelle qui ne cesse de questionner les normes et les échelles. Ce numéro permet ainsi de nuancer et de re-matérialiser les injonctions à faire advenir l'économie circulaire dans les villes.
      This introduction to the special issue Flux 2017/2 (N° 108) questions the growing political injunction to insert urban objects, waste and material flows into the circular economy. The collected papers focus on the materiality of the waste and objects that populate and constitute the city. In addition, the articles analyse how and with which consequences such materials are put in motion and circulate, with special emphasis on the regulations and conflicts that they bring about. Most of the articles present cases studies from the urban area of Lyon, France. This is more by incident than by design. However, this geographical framing highlights the importance of placing and scaling material issues adequately. Three transversal themes are identified. First, all texts show how the invention of new material and waste resources in cities is generative of new flows and spatial circulations. Second, the regulation of such circulations generally rests on new forms of governance, themselves staked on the identification and empowerment of new actors that come between the producers and the managers of the matter that circulates. Lastly, it appears that these new circuits are mostly to be found in a space defined by geographic and relational proximities. Altogether, the contributions of this special issue help nuance and rematerialize the political calls to circularize the urban economy.
    • Structurations de l'espace fécal à Lyon au XVIIIe siècle - Olivier Zeller p. 8-21 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Jusqu'au XVIIIe siècle, les excréments produits par la population de Lyon étaient soit puisés dans les fosses par les maîtres des basses œuvres qui les déversaient dans les cours d'eau, soit ramassés dans les rues par des paysans qui les utilisaient comme engrais. La nouvelle sensibilité aux odeurs et les progrès du discours médical suscitèrent après 1750 des préoccupations d'édilité spécifiques, l'autorité municipale s'appuyant sur les travaux de l'académie des sciences de Lyon. Ceci suscita l'éclosion d'entreprises de vidange proposant des techniques améliorées et un recyclage continu, ce qui répondait aux préoccupations des membres des sociétés d'agriculture. La ville utilisa alors plusieurs de ses faubourgs comme lieux de stockage, ce qui engendra de fortes résistances.
      Until the 18th century, excrement produced by the inhabitants of Lyon were either drawn out of the cesspits by the dirty work masters, who would discharge them in the rivers, or collected by peasants to be used as fertilizer. Sensibility to odours and the evolution of medical discourse created after 1750 new concerns for local ediles with the municipal authority basing their actions on the works produced by the Lyon Academy of Sciences. The result was a flowering of draining companies using improved techniques and continuous recycling, thus satisfying the needs of members of agricultural societies. The town then used several suburbs as storage areas, which produced a strong level of resistance.
    • Des pratiques citoyennes en régime industriel : les courts-circuits du compost - Aurélie Dumain, Laurence Rocher p. 22-35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article porte sur le développement des pratiques de compostage collectif, analysé à partir d'une étude ethnographique menée dans l'agglomération lyonnaise. Il décrit comment des pratiques de détournement des matières fermentescibles des flux de déchets initiées par des habitants et des associations, tendent à être reconnues et institutionnalisées tout en faisant l'objet d'une régulation assez poussée. Cet article propose une analyse des régimes de circulation des déchets à partir d'une observation des opérations par lesquelles des acteurs s'organisent pour faire circuler d'une autre manière les déchets organiques, les détourner d'un régime de circulation qualifié d'« industriel » et les introduire dans un autre circuit, qu'il s'agit de faire advenir, défini comme « proche » et « militant ». Nous montrons comment la mise en circulation de ces matières consiste à « court-circuiter » le système sociotechnique établi de la gestion des déchets, tout en s'y ajustant, et combien à travers la dimension matérielle de ces déchets sont engagés des circuits multiples et imbriqués : d'ordre financier, éthique, écologique, social et politique.
      This article deals with practices of collective composting, analysed on the basis of a field study carried out in the Lyon metropolitan area. These practices, initiated by inhabitants and associations, tend to be recognized and institutionalized. They consist in diverting fermentable materials from waste flows, and rely on a sophisticated regulation, while carrying pragmatic, political and moral values. The analysis aims to highlight the organization through which actors circulate organic waste in a way that favours proximity and citizen involvement, and in so doing, diverts it from mainstream waste management. We show how the circulation of these materials consists in ‘shorting' the established sociotechnical system of waste management, while adjusting to it. As a result, the material dimension of this waste appears as engaging multiple and intertwined circuits defined as financial, ethical, ecological, social and political.
    • Économie circulaire acritique et condition post-politique : analyse de la valorisation des déchets en France - Pierre Desvaux p. 36-50 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se penche sur les reconfigurations des politiques de valorisation des déchets au regard du développement de l'économie circulaire comme un cadrage institutionnel. Le bouclage des flux nécessaire à la réinjection des déchets recyclés dans les sphères de production nécessite en effet pour les pouvoirs publics de repenser les circulations de matières et pour permettre un découplage entre croissance économique et consommation de ressources. Toutefois, la mise en place du cadre législatif européen et national est fortement marquée par le lobbying de grands industriels et tend à les présenter comme solutions privilégiées, constituant en cela un cadre excluant, au détriment de lectures et de pratiques alternatives de l'économie circulaire à plusieurs niveaux. L'article cherchera à questionner cette situation au regard de ce que certains auteurs qualifient de « condition post-politique ». Il s'agira donc de montrer comment la constitution du cadre législatif fait la part belle aux industriels et d'étudier les conséquences de ces choix sur les pratiques de valorisation des déchets mainstream et alternatives dans l'agglomération lyonnaise.
      This article studies the ongoing reorganisation of waste repurposing policies in France through the emerging concept of circular economy as an institutional framework. For public authorities, closing the loops of material consumption requires rethinking material circulation in order to allow a decoupling between resource use and economic growth. However, the European and national legal frameworks are deeply marked by the lobbying of big industrial companies which tend to present themselves as privileged solutions, hence excluding alternative views and practices at different levels. I question this situation by drawing on the debate around what some authors qualify as a ‘post-political condition'. I show how the institutional framework favours large industrial companies and I study the consequences of those choices on the mainstream and alternative waste repurposing practices in Lyon's urban area.
    • Critiques mais non recyclées : expliquer les limites au recyclage des terres rares en Europe - Romain J. Garcier, Fanny Verrax p. 51-63 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les terres rares sont un groupe de dix-sept métaux largement utilisés dans les applications technologiques (électronique et électricité). Alors que les terres rares sont identifiées comme particulièrement « critiques » par les pouvoirs publics français et européens du fait de leur importance économique et de leur vulnérabilité aux pressions géopolitiques, leur recyclage est quasiment inexistant. Pour expliquer cet état de fait, l'article mobilise une revue de la littérature sur le recyclage des terres rares et les résultats d'une enquête menée auprès d'industriels. Il montre que la matérialité spécifique des terres rares rend difficile la production d'information à leur sujet et leur insertion dans des filières de responsabilité élargie du producteur. L'article conclut sur la signification du cas pour le programme de l'économie circulaire.
      Rare earths are a group of 17 metals used in technological applications (electric and electronic devices). Public authorities in France and in Europe have classified rare earths among “critical” materials, recognizing their economic importance and their vulnerability to geopolitical tensions. Yet, they are not widely recycled. To account for this paradoxical situation, the paper draws on an extensive review of the literature on rare earth recycling and analyses the results of interviews conducted with industrial companies. It argues that the specific materiality of rare earths precludes the production of information about them and impinges on their insertion into recycling sectors. The paper outlines the implications for the political significance of the “circular economy”.
    • De la démolition à la production de graves recyclées : analyse des logiques de proximité d'une filière dans l'agglomération lyonnaise - Laëtitia Mongeard p. 64-79 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'activité de démolition produit et met en circulation des quantités considérables de déchets à la matérialité imposante : les déchets inertes, recyclables en matériaux de construction secondaires. Ces déchets font l'objet, comme les autres déchets, d'une injonction à la proximité mais ils se distinguent par une filière de gestion composée d'acteurs privés. En créant un dialogue entre la littérature internationale sur les commodity chains et les travaux relatifs à l'économie de proximité, cet article analyse la spatialité de la filière de production des graves recyclées issues de démolition. La notion de commodity chain est mobilisée pour qualifier une filière locale, décrite à partir des composants analytiques que sont le processus de production, ses acteurs, le cadre réglementaire et son territoire. L'étude s'appuie sur un travail mené sur vingt-quatre chantiers de l'agglomération lyonnaise. En s'appuyant sur les catégories de proximité développées par l'économie de proximité, l'article démontre que la gestion des déchets inertes s'insère dans une logique de proximité sociale entre les acteurs de la filière qui ne va pas nécessairement dans le sens de la proximité spatiale.
      Demolition activities produce large quantities of materially imposing, inert waste which can be reused as secondary building materials. This inert waste, like others, must be managed locally, but it is distinguished by a management sector composed of private actors. Drawing on the international literature on commodity chains and research on economies of proximity, this paper analyzes the spatiality of the production chain of recycled gravel from demolition waste. The notion of commodity chain is mobilized to qualify a local chain, described with the analytical components of the production process, its actors, the regulatory framework and its territory. The analysis is based on the study of 24 demolition sites carried out in the Lyon area. Using the categories of proximity developed in the literature, the article shows that the management of inert waste depends on a logic of social proximity between the actors of the sector that is not necessarily in line with spatial proximity.
  • Varia

    • Le dévoiturage ou la ville sans (sa) voiture : mobilités plurielles, services numériques et vie de quartier - Jean-Michel Deleuil, Emmanuelle Barbey, Antonin Sintès p. 80-87 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La propriété d'un véhicule est source de contraintes en termes d'entretien, de stationnement et de coût, qui nuisent à l'évaluation globale du mode de déplacement voiture. Au point que certaines personnes choisissent de se « dévoiturer » et préfèrent modifier leurs façons de se déplacer, et leur mode de vie en ville. Les offres disponibles en ville dense sont multiples, plus ou moins souples, efficaces, confortables ou coûteuses, selon les motifs, les distances, les besoins en déplacement. Les modes traditionnels, modes doux, transports en commun, train ou taxi ne sont plus les seules alternatives à la voiture ; de nouveaux systèmes émergent : le covoiturage, la location de voiture entre particuliers, l'autopartage ou la mutualisation.Ces changements dans l'offre de mobilité modifient le rapport à la ville, à l'organisation du quotidien des ménages, qui cherchent avant tout à améliorer leur qualité de vie par de nouvelles pratiques de déplacement. Quand la propriété de la voiture individuelle n'est plus vécue comme un facteur d'autonomie mais comme une aliénation, y renoncer permet de repenser l'organisation du quotidien et d'investir autrement le temps et l'espace de la ville, du moins en centre-ville, où l'offre en modes alternatifs est suffisamment dense.
      The property of a vehicle has a lot of constraints in terms of maintenance, parking and costs. This can cause a bad appreciation of the car as mode of travel. To the point that some people finally choose to drop their car and to change their way of moving and living in the city. Alternatives to the car are multiple in dense cities : those are more or less flexible, efficient, comfortable or expensive, according to the motives, the distances or the needs to travel. Traditional modes of transport, eco-friendly modes, public transports, trains or taxis are not the only alternatives to cars anymore. New systems are coming up : carpool, car sharing, car rental between individuals or mutualisation.These mobility changes modify the relationship to the city and the daily life of families, who are actually looking for a way of improving their quality of life by using new moving practices. Indeed, when the property of an individual car is not felt as a factor of autonomy but an alienation, renouncing allows to rethink the daily life organisation and to invest the urban time and space in an other way… at least in the city centre, where the alternative modes offer is dense enough …
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