Contenu du sommaire : Systèmes d'information et gestion de l'urbain (XVIIIe-XXIe siècles)
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Numéro | no 111-112, janvier-juin 2018 |
Titre du numéro | Systèmes d'information et gestion de l'urbain (XVIIIe-XXIe siècles) |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Systèmes d'information et gestion de l'urbain (XVIIIe-XXIe siècles)
- Introduction - Konstantinos Chatzis, Marie Thébaud-Sorger p. 1-6
- Recevoir l'appel urgent à Paris, de 1920 à 1980 : la gestion des flux médicaux et secouristes - Charles-Antoine Wanecq p. 7-18 Cet article vise à analyser la concurrence entre institutions et acteurs chargés de la réception et du traitement des appels urgents à Paris, en particulier dans le domaine des urgences médicales, ainsi que les dispositifs techniques qui permettent ces communications dans l'espace urbain. D'abord liée à une conception policière de la gestion de l'ordre public dans l'entre-deux-guerres, l'alerte des services d'urgence fait l'objet d'un discours médical à partir des années 1950. La gestion médicalisée de l'alerte devient un argument en faveur de l'amélioration de l'efficacité des secours. Le développement de l'équipement téléphonique et de nouvelles pratiques de santé contribue enfin à la formulation d'une critique des usages sociaux de ces services en même temps qu'à un réajustement de leur fonction. Véritable expertise médicale, la pratique de la régulation est ainsi une réponse au besoin de rationaliser les flux dans l'espace urbain.This article analyzes the conflicts between institutions and actors responsible for the reception and the treatment of emergency calls in Paris, especially for medical emergencies, and the technical apparatus that makes possible these communications in urban space. Initially related to security and policing during the interwar period, the alert of emergency services became a medical issue in the 1950s. The management of alerts in the medical domain became thus an argument for the improvement of the efficiency of rescue services. The development of telephone equipment and new health practices finally led to a critique of the social uses of these services and to a change in their functions. As true medical expertise, regulation is an answer to the need to rationalize flows in urban space.
- « Le 175 tombe sur la berge de la Seine – 3 morts » : circulation d'informations, gestion du risque et prévention sur le réseau d'autobus parisien (1920-1980) - Arnaud Passalacqua p. 19-31 En se fondant sur l'analyse microhistorique d'un accident grave survenu en 1947, cet article met en avant les enjeux de la gestion des accidents sur le réseau d'autobus à Paris, des années 1920 aux années 1980. Face à d'autres systèmes de transport, l'autobus présente la spécificité d'être à la fois un système lié à un exploitant marqué par des logiques industrielles et l'un des systèmes évoluant sur un espace public partagé avec bien d'autres. Cette configuration explique que le rôle de l'information dans ce secteur soit crucial, bien qu'elle soit difficile à élaborer. L'article suit ces enjeux d'information pour comprendre comment coexistent différentes façons de formuler, d'analyser et d'utiliser les données d'accidents. D'abord, elles visent l'établissement des responsabilités de l'accident et alimentent les éventuelles procédures qui s'ensuivent. Puis, une fois démultipliées par le nombre d'accidents survenant sur le réseau, elles permettent d'estimer l'ampleur et la nature de ces accidents. Enfin, elles sont à la base de la politique de prévention, qui peut y chercher les points d'amélioration et y lire les effets de ses interventions. Ces pluralités d'informations conduisent à une pluralité de leurs usages, qui viennent se superposer. Les outils disponibles ont joué un rôle-clé dans la constitution d'un appareil statistique efficace, à partir des années 1950, mais le contexte intellectuel ouvert par l'interaction entre collecte de données et mise en place de méthodes psychotechniques dès les années 1920 a favorisé la mise en œuvre de ces outils. Il y a eu un effet de renforcement entre les approches psychotechniques et les approches statistiques qui conduit à faire l'hypothèse que l'accident isolé est difficile à anticiper, prévoir, connaître et traiter, tandis que la masse d'accidents offre des terrains sur lesquels les méthodes quantitatives présentent une efficacité plus visible et contrôlable.Based on a microhistoric analysis of a serious accident in 1947, this paper sheds light on the challenges of accident management on the bus network in Paris, from the 1920s to the 1980s. Contrary to many transport systems, the bus has the specificity of being both a system linked to an operator marked by industrial logics, and one of the systems evolving in a shared public space with many others. This configuration explains why the role of information in this sector is crucial, although it is difficult to collect. The paper follows these information challenges to understand how different ways of formulating, analyzing and using accident data coexist. First, they aim to establish the responsibilities of the accident and feed any subsequent procedures. Then, once multiplied by the number of accidents occurring on the network, they make it possible to estimate the extent and nature of these accidents. Finally, they are at the base of prevention policy, which can use them for areas of improvement and measure the effects of interventions. These pluralities of information lead to a plurality of their uses, which are superimposed. The available tools played a key role in the establishment of an effective statistical apparatus from the 1950s onwards, but the intellectual context opened by the interaction between data collection and the implementation of psychotechnical methods from the 1920s onwards promoted their implementation. There has been a reinforcing effect between psychotechnical approaches and statistical approaches that leads to the hypothesis that the isolated accident is difficult to anticipate, predict, know and treat, while the mass of accidents opens the way to quantitative methods with a more visible and controllable efficiency.
- Le bâtiment, support d'informations, XXe-XXIe siècles - Stéphanie Le Gallic p. 32-43 L'expression « média-building » est forgée par Paul Virilio en 2000 pour qualifier les immeubles avec écrans tels que ceux que l'on peut voir à Times Square et l'on observe depuis une quinzaine d'années une multiplication des expérimentations mêlant l'architecture au numérique. Présentés comme une nouveauté architecturale, on s'accorde en général à reconnaître que les « média-buildings » possèdent en réalité des ramifications qui remontent aux années 1960, à l'époque de la Cybernétique et des théories de la communication de Marshall McLuhan.Pourtant, à la croisée des questions concernant les systèmes d'information et l'urbanisme des grandes métropoles, cet article se propose d'analyser comment l'avènement des « média-buildings » s'inscrit dans des tendances pérennes, largement portées par la publicité extérieure, même si des initiatives artistiques – et parfois libertaires – ont pu contribuer à cette évolution. En nous appuyant en particulier sur l'étude de la publicité lumineuse – et celle des journaux électriques – depuis le début du XXe siècle, nous verrons qu'au-delà des évolutions technologiques, l'affichage d'information s'appuie très tôt sur les organismes de presse, les flux de circulation et la vitesse de transmission de l'information. Finalement, cet article sera l'occasion de montrer que l'avènement des écrans vidéo n'a pas révolutionné le rapport au temps, mais plutôt le rapport à l'espace. Le passage au « média-building » ne serait donc pas l'avènement du bâtiment comme support d'information, mais celui du bâtiment comme support de communication. Ce n'est pas tant la fonction du bâtiment qui change – donnant à la fonction information une part prépondérante – mais la relation entre le bâtiment et le passant.Paul Virilio used the expression “media-building” in 2000 to qualify buildings with screens like those erected in Times Square, and we observe an increase in experiments involving architecture and digital technologies over the past fifteen years. Presented as an architectural novelty, it is generally agreed that “media-buildings” have implications which arose in the 1960s with Cybernetics and Marshall McLuhan's theories of communication.Nevertheless, at the crux of questions concerning information systems and large city planning, this article analyses how the advent of “media-buildings” were anchored in long-lasting trends, widely promoted by outdoor advertising, even if artistic, and sometimes libertarian, initiatives contributed to this evolution. The study of illuminated advertising – and that of electric newspapers – from the beginning of the 20th century shows that, beyond technological evolutions, the display of information was linked from the beginning with press agencies, traffic flows and speed of information transmission. The article demonstrates that the advent of video screens did not revolutionize relationship with time, but rather relationship with space. Thus the development of “media-buildings” does not constitute the advent of the building as information medium, but that of the building as communication medium. It is not the function of the building that changes – giving emphasis to its information function – but the relationship between the building and the passer-by.
- Naissance, réorganisation ou formalisation d'un système d'information ? La propreté des rues de Paris, XVIe-XVIIIe siècles - Nicolas Lyon-Caen, Raphaël Morera p. 44-56 L'organisation des flux de toute nature constitue un enjeu majeur de l'urbanisation, tout à la fois technique, politique et administratif. Parmi eux, celui des déchets conditionne la croissance et la salubrité urbaine. Dans le Paris d'Ancien Régime, les modalités de collecte et d'évacuation des déchets n'ont pas bénéficié de fortes évolutions techniques. En revanche, leur organisation a connu des changements notables. Alors qu'elle relevait très largement de la compétence des citadins eux-mêmes au XVIIe siècle, à travers un système de représentation, elle a progressivement été captée par la monarchie qui y trouvait un intérêt pécuniaire. Ce faisant, la collecte des déchets a été intégrée au système financier et administratif de l'État royal au travers de la Lieutenance générale de police. Elle a surtout été dès lors soumise à un contrôle tatillon à l'origine de la production de données abondantes, localisées et désormais centralisées. De la sorte, les administrateurs du XVIIIe siècle connaissaient bien les flux de matières produites par la consommation urbaine. Pourtant, si ce contrôle fournissait des informations précises, celles-ci n'ont jamais été utilisées que dans une optique comptable, pour vérifier la bonne exécution des marchés, et non dans une perspective prévisionnelle ou anticipatrice.In a context of urban growth, the management of flows of any kind is a technical, political and administrative challenge. Organization of waste collection greatly contributes to a healthy urban environment. In early-modern Paris, from the 16h century up to the French Revolution, the operating methods for waste disposal did not technically evolve. However, they did experience major developments in terms of local politics. In the 17th century, waste management was the concern of local citizens through a system of representation. At the beginning of the 18th century, the State took over the management for fiscal reasons and finally embedded it into its own administration through the Lieutenance générale de police. Henceforth, waste collection was subject to scrupulous controls that produced extensive localized and centralized data. This meant that 18th century administrators were aware of the material flows produced by urban consumption. Although the information was very precise, it was never used for projection or anticipation but only for financial auditing of public procurements.
- Capter et cartographier les pratiques et désirs des Américains en matière de mobilité urbaine (de l'entre-deux-guerres aux années 1960) - Konstantinos Chatzis p. 57-79 Vers 1900, seules 8000 automobiles environ sont immatriculées aux États-Unis. Au seuil de la Seconde Guerre mondiale, leur nombre avoisine les 32,5 millions, à savoir une voiture pour trois Américains de plus de 15 ans, ratio qui passe à 1,7 en 1960 (il sera de 1,09 en 1985). Une telle augmentation du nombre de voitures et des trafics (notamment urbains) sur le réseau autoroutier du pays pousse les ingénieurs de l'État fédéral (Bureau of Public Roads) à entreprendre, à partir des années 1920 notamment, de larges enquêtes de trafic dans le but de concevoir de façon rationnelle un réseau capable de satisfaire les souhaits des ménages américains en matière de mobilité. À partir du milieu des années 1940, une technique d'enquête particulière, la Home interview (« enquête ménages déplacements », en français), va s'imposer comme dispositif central d'obtention d'informations sur les origines et les destinations des déplacements urbains des citadins américains. Le présent article analyse les principales caractéristiques de ce type d'enquête et leur évolution dans le temps, et identifie les conditions d'émergence et les missions que la Home interview est censée remplir pour le compte de la première « société automobile » au monde.In 1900, there were about 8,000 registered motorized vehicles in the United States. Forty years later, their number had soared to around 32.5 million, or one automobile for every three Americans aged 15 years and over (this ratio rose to 1.7 in 1960, and then to 1.09 in 1985). Such an increase in the number of vehicles and the resulting traffic (especially in urban areas) prompted State engineers working for the Bureau of Public Roads, a federal agency, to carry out large traffic surveys in the 1920s and the 1930s, with a view to designing new rational transportation systems capable of fulfilling the mobility needs and desires of American households. From the mid-1940s onwards, a new kind of traffic survey named Home interview emerged as a major tool for obtaining information about the mobility patterns of American citizens. This article tells the story of Home interview (1940s-1960s); it describes the main characteristics of this survey tool as well as its evolution over time, while identifying the conditions of emergence of Home interview and the various goals its users sought to pursue through it.
- Villes et systèmes d'information : de la naissance de l'urbanisme moderne à l'émergence de la smart city - Antoine Picon p. 80-93 La montée en puissance récente de la thématique de la ville intelligente ne doit pas faire oublier l'ancienneté des relations entre villes et systèmes d'information. Cet article entreprend du même coup de replacer cette montée en puissance dans le cadre d'une histoire plus étendue qui débute à la charnière des XIXe et XXe siècles avec l'avènement de sociétés ayant recours à des quantités de plus en plus massives de données pour fonctionner. Il évoque ensuite le moment cybernétique et systémique des décennies 1950-1970 avant d'en venir aux questions soulevées par la thématique de la ville intelligente. À chacune de ces étapes, doctrines et pratiques urbaines se modifient en relation directe avec la question de la ville comme ensemble de systèmes d'informations.This article shows how the recent rise of the smart city approach is actually rooted in a long history of the relations between cities and information systems. This history begins at the end of the 19th century, with the development of information-based societies. It continues during the period of cybernetics and systems theory which proved to be especially influential from the 1950s to the early 1970s. The issues raised by the smart city approach are discussed in the last part of the article. At each of these stages, doctrines and urban practices evolve in direct relation with the issue of the city as a set of information systems.
- Variations d'épaisseur du sol urbain à Paris entre 1807 et 2016 : méthode topo-historique et cartographie - Mathieu Fernandez p. 94-103 En premier lieu, ce texte présente une série d'observations concernant l'histoire cartographique à Paris dont une dimension importante apparaît depuis toujours lacunaire : celle de la progression de la maîtrise topographique du relief durant la première moitié du XIXe siècle. L'enquête historique montre que ce « chapitre » est un complément indispensable pour saisir des évolutions de la cartographie urbaine et les débuts d'une pratique urbaniste à Paris, pour partie occultée par des écrits du Second Empire. En second lieu, notre texte rend compte de la production d'une donnée cartographique neuve donnant un accès à une contribution contemporaine sur la morphologie urbaine. Les études sur le métabolisme urbain posent par exemple la question de la connaissance du stock de matière anthropique contenu dans une ville. Nous démontrons que la connaissance et le traitement par les systèmes d'information géographique (SIG) du relief cartographique historique peut contribuer significativement à cette interrogation.One the one hand, this text presents a set of observations about the cartographic history of Paris, whose a section seems to be since always lacunar: the progression of the topographic control of relief during the first half of XIXth century. The historic enquiry shows that this chapter is an indispensable complement to grasp the evolutions of the urban cartography and the beginnings of an urban practice in Paris, partly occurred by some Second Empire texts. On the second hand, it gives a report about a new cartographic data production, giving access to an actual contribution about urban morphology. Metabolism studies ask for example the question of the knowledge of the stock of anthropic matter contained in a city. We demonstrate that the knowledge and the treatment by geographical information systems (GIS) of historical cartographical relief can significantly contribute to this question.
Entretien
- La dépendance automobile. Retour sur la genèse du concept et ses enjeux politiques - Gabriel Dupuy, Caroline Gallez p. 104-110
Repères bibliographiques
- Réseaux ferrés et territoires. La géographie humaine du chemin de fer – un retour aux sources, Nacima Baron, Pierre Messulam, Paris : Presses des Ponts, 2017 - Sophie Deraëve p. 111-114
- Politique des infrastructures : permanence, effacement, disparition, Dominique Rouillard (dir.), Genève, Métis Presses, 2018 - Denis Bocquet p. 115-117
- Villes en transition. L'expérience partagée des Écocités, sous la direction de Florent Hébert, Marseille : Parenthèses, 2015 - Géraldine Bouchet-Blancou p. 118-119
- L'architecture des déplacements, Gares ferroviaires du Japon, Corinne Tiry Ono, Paris : Infolio, Collection Archigraphy Poche, 2018 - Nacima Baron p. 120-122
- Ouvrages - p. 123