Contenu du sommaire : Les SHS et les questions environnementales, manières de voir, manières de faire
Revue | Sciences de la société |
---|---|
Numéro | no 96, juin 2016 |
Titre du numéro | Les SHS et les questions environnementales, manières de voir, manières de faire |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : les SHS et les questions environnementales, manières de voir, manières de faire, postures de recherche - Philippe Beringuier, Frédérique Blot, Anne Rivière-Honegger
- L'action publique environnementale au prisme des inégalités. La recherche « côté cuisine » - Aurélie Roussary, Valerie Deldreve p. 11-27 L'action publique environnementale au prisme des inégalités. La recherche « côté cuisine » La transition entre recherches antérieures et problématique nouvelle est rarement révélée alors qu'elle contient un intérêt pédagogique et heuristique certain. Cet article expose la cuisine à l'origine des résultats de deux recherches : une analyse de la concertation mise en œuvre pour créer un espace naturel protégé et une analyse de la négociation des ressources prioritaires d'eau potable à protéger. Bien que ces recherches aient été menées séparément, elles se rejoignent sur la conduite d'une posture critique « in itinere » et sur la mobilisation, à des temporalités différentes, de la notion d'inégalité environnementale. Posée comme hypothèse de départ dans la première recherche, et déduite d'un regard analytique a posteriori sur les résultats obtenus dans la seconde, cette notion a permis de mettre au jour et de dépasser les limites des cadres analytiques initiaux. La convergence de ces nouvelles perspectives avec d'autres travaux en termes de justice sociale et de justice environnementale a motivé la construction d'une problématique innovante sur l'effort environnemental demandé par les politiques publiques de l'eau et de la nature.The transition between previous and new research problems is rarely revealed then it contains some educational and heuristic value. This article discusses what is cooking results of two studies : an analysis of the dialogue organized in order to settle a protected natural area and an analysis of the negotiation for the protection of drinking water priority resources. Although these researches have been conducted separately, they led to take a join critical posture, “in itinere”, and to use the concept of environmental inequality, at different times. This notion, which was a starting assumption in the first research and deduced from an analytical look back at the results in the second, has allowed to show and to exceed the initial analytical frameworks limits. The convergence of these new perspectives with other studies carried out in terms of social justice and environmental justice motivated to design an innovative research problem on the environmental effort required by the nature and water policies.
- Anthroposystème de montagne : légitimité des usages et des pratiques - Dolores De Bortoli, Pascal Palu, Dominique Cunchinabe p. 29-45 La démarche de recherche menée depuis plusieurs années a pour objectif de caractériser l'espace de la vallée de Soule dans les Pyrénées atlantiques. Celle-ci semble se singulariser par rapport à d'autres parties du Pays basque nord (côté français) par l'implantation humaine depuis l'époque moderne, le partage des ressources foncières, les utilités des écosystèmes, la construction des paysages et les gouvernances. Il en résulte un espace social et naturel qui constitue aujourd'hui un ensemble de matériaux à partir duquel des constructions pour le futur sont possibles. Notre approche s'appuie sur la notion d'anthroposystème (Lévêque, 2005) qui nous a permis de produire de la connaissance dans une optique de rétrospective – prospective pour contribuer à qualifier ou requalifier un espace de montagne et en déterminer son statut.With a research conducted during several years our goal is to characterize the valley of the Soule in the Atlantic Pyrenees. This seems to stand out compared to other parts of the north basque country (in France state) by human settlement since the modern period, sharing land resources, ecosystem utilities, landscapes structuration and governance. The result is a social and “natural” space today that give a set of “materials” from which one future is possible. Our approach relies on the notion of anthroposystem (Leveque, 2005), which allowed us to generate knowledge from the perspective of retrospective – prospective looking to help qualify or requalify a mountain valley and determine its status.
- Saisir la territorialité par le dessin. Retours méthodologiques - Sabine Girard, Lisa Rolland, Anne Rivière-Honegger p. 47-67 Les cartes mentales font l'objet d'un regain d'intérêt en géographie, notamment dans le champ des interactions sociétés-environnement. Le dessin sur feuille blanche en est une forme, en autorisant une liberté de représentation graphique. Dans le cadre de deux thèses de géographie, l'exercice du dessin couplé à des entretiens semi-directifs est mobilisé, afin de saisir les perceptions de l'espace de groupes de gestionnaires de l'environnement et du territoire. À partir de regards croisés, et de manière réflexive, cet article présente d'une part l'intérêt de cet outil pour saisir les territorialités dans leurs multiples dimensions, et d'autre part les conditions de son utilisation, du choix de la méthode à l'interprétation des résultats.Mental maps are witnessing a return of interest in geography, especially at the point where societies interact with their environments. Drawing on a blank sheet of paper can be one of the forms of these maps as it enables a greater freedom of schematic representations. In the framework of two theses in geography, drawing is realized during semi-structured interviews. The aim is to understand the environmental and land managers perceptions of space. Through different perspectives and reflections this publication shows, on one hand, the advantage of this tool in grasping “subjective territories” and their various dimensions, and on the other hand, its terms of use, the choice of the method up to the interpretation of results.
- Le chimiste, le sociologue et les résidus médicamenteux : l'interdisciplinarité saisie par la pratique - Geoffrey Carrere, Denis Salles p. 69-83 Les préoccupations montantes autour des problèmes de santé-environnement interrogent aussi bien les limites analytiques et méthodologiques des sciences naturelles que des sciences humaines et sociales. L'interdisciplinarité apparaît en ce sens comme une voie heuristique féconde permettant d'embrasser la complexité de ces risques émergents. Toutefois, l'interdis- ciplinarité se construit et ne se décrète pas. Cet article se propose donc d'étudier l'interdiscipli- narité par la pratique, c'est-à-dire par les acteurs qui la mettent en œuvre. Nous présenterons une analyse réflexive de l'interdisciplinarité en tant que sociologues travaillant en collaboration avec des chimistes dans le cadre du programme pluridisciplinaire RESEAU analysant la conta- mination des milieux aquatiques par les composés pharmaceutiques dans le milieu hospitalier. Nous montrerons que loin d'un simple processus de convergence disciplinaire, l'interdiscipli- narité s'inscrit dans des processus plus complexes mêlant périodes de spécialisation et de décloi- sonnement des frontières disciplinaires. C'est en ce sens que nous utiliserons la notion de savoir méréologique pour rendre compte de ces moments d'articulation entre recherche d'un savoir holistique et moments de spécificité disciplinaire.The rising preoccupations about health-environment problems interrogate the analytical and methodological limits of the natural sciences and of the humanities and social sciences. In this way, the interdisciplinary seems to be a promising heuristical way to comprehend the complexity of these emerging risks. However, the interdisciplinary is built and not declared. This paper aims to analyze the interdisciplinary by the practice that is to say through the actors who apply it. we will present a reflexive analysis of interdisciplinary from the point of view of sociologists who work with chemists in the multidisciplinary program RESEAU which analyses the contam- ination of aquatic environment by pharmaceutical compounds in the hospital. we will show that, far from a convergence process, interdisciplinary falls within in complex processes which combine times of specialization and permeability of the disciplinary boundaries. As such, we will use the notion of mereologic knowledge to show these articulation moments between the search of holistic knowledge and moments of disciplinary specificity.
- Construire l'interdisciplinarité dans les recherches sur l'environnement : la mise en œuvre d'un programme de recherche « sports de nature et faune sauvage » - Laine Chanteloup, Clémence Perrin-Malterre, Antoine Duparc, Anne Loison Cet article analyse le développement d'un programme de recherche interdisciplinaire visant à mieux connaître les interrelations entre les pratiquants de sports de nature et la faune sauvage sur le massif des Bauges (Alpes). Ce programme de recherche est construit sur un double partenariat qui est ici analysé : il s'agit d'un partenariat entre chercheurs et praticiens de terrain et entre chercheurs venant de différentes disciplines, les sciences humaines et sociales et l'écologie. L'article revient sur les avantages et limites de la co-construction de ce travail de recherche. Il présente une analyse réflexive des échanges qui ont eu lieu entre les différents partenaires en ce qui concerne : i) la définition du protocole de recherche afin que le travail de recherche soit coordonné sur le terrain et apporte des éléments utiles à la prise de décision des gestionnaires du territoire ; ii) les méthodes mobilisées qui ont permis de croiser différentes données qualitatives, quantitatives et spatialisées (utilisation de l'outil GPS) ; iii) les concepts discutés au sein de la recherche telle que la notion de paysage. Ce retour d'expérience permet d'identifier des éléments favorables au bon déroulement d'une recherche interdisciplinaire et multi-partenariale.This article deals with the construction of an interdisciplinary research program about interrelationship between outdoor activities and wildlife in the Bauges mountains (Alpes). This research program is build on a twofold partnership : a partnership between researchers and local stakeholders, and a partnership between researchers coming from different disciplines, social sciences and ecology. The article emphasizes pros and cons of the research project co-construction. It presents the exchange views between the different collaborators on three main subjects : i) the research protocol which coordinates research on the field and included elements useful for stakeholders decision making ; ii) methodologies which crossed different qualitative, quantitative and spatial datas (GPS) ; iii) concepts used in the research such as the “landscape” concept. The reflective analysis allows identifying some elements favorable for an interdisciplinary research proceeding bringing together different collaborators.
- Quelle contribution des sciences humaines et sociales dans la production des savoirs sur l'eau et le changement climatique ? - Klervi Fustec, Julie Trottier p. 103-117 Cet article étudie la production des savoirs sur l'eau et le changement climatique. Il explore l'articulation entre les sciences humaines et sociales (SHS) et les autres disciplines au sein des projets de recherche. Il se base notamment sur l'analyse de projets financés par l'Union Européenne dans le cadre des 6ème et 7ème Programme Cadre de Recherche et de Développement. Dans un premier temps, il étudie la place des SHS dans les projets de recherche à travers l'étude des institutions et des chercheurs impliqués. Ensuite, il analyse les processus de construction des savoirs et des problèmes environnementaux sous forme de questions globales et quantifiables. Enfin, cet article pose la question de l'interdisciplinarité au sein de ces projets. Cette recherche démontre la prédominance des sciences naturelles sur les sciences sociales. L'interdisciplinarité telle qu'elle est pensée et mise en œuvre participe à l'institutionnalisation de cette situation. Or, les savoirs sur l'eau et le climat sont des construits socio-environnementaux qui véhiculent des représentations particulières de la nature. Cette situation contraint et cadre les politiques environnementales.This article examines the production of knowledge about water and climate change. It explores the manner social sciences are integrated with other disciplines within research projects. It analyses projects funded by the European Union as part of the 6th and 7th Framework Programme for Research and Development. It starts with investigating the role of social sciences in research projects through the study of institutions and researchers involved. Then it analyses the process of knowledge construction and environmental issues expressed as global and quantifiable issues. Finally, this article raises the issue of interdisciplinarity within these projects. This research demonstrates the predominance of natural sciences over social sciences. Interdisciplinarity as thought and implemented contributes to the institutionalization of this situation. However, knowledges on water and climate are socio-environmental constructions that promote specific representations of nature. This process therefore frames and constrains environmental policies.
- Saisir les pratiques agricoles respectueuses de l'environnement.Quelle posture du sociologue face à l'agronome ? - Claude Compagnone Le traitement de la question environnementale en agriculture conduit à mener des travaux qui articulent sciences biotechniques et sciences sociales. Le but de cet article est de rendre compte de la façon dont, dans le cadre de ces travaux, la démarche du sociologue et celle de l'agronome peuvent s'agencer. Il s'appuie sur l'analyse de deux situations opposées auxquelles, en tant que sociologue l'auteur a été le plus couramment confronté : l'une où, en position d'extériorité par rapport aux raisonnements pratiques des agriculteurs, l'agronomie fait appel à la sociologie afin de « faire changer » les agriculteurs ; l'autre, où en position d'intériorité, elle dispute au sociologue la compréhension des pratiques des agriculteurs. L'article présente la démarche du sociologue de compréhension des pratiques des agriculteurs et dit en quoi elle se distingue de celle des agronomes. Il conclut sur le bornage interprétatif et l'émergence de points d'attention pour l'enquête que permet le dialogue interdisciplinaire.Addressing environmental issues in agriculture requires research that brings together the biotechnical sciences and the social sciences. The purpose of this article is to describe how the sociologist's approach and the agronomist's approach can complement one another in this kind of research. To do so, it analyzes two types of situations the author (a sociologist) commonly encounters : In the first case, agronomists – occupying an external position with regard to the practical reasoning of farmers – call on sociologists to assist them in “making farmers change ;” in the second, agronomists – occupying an internal position with regard to the practical reasoning of farmers – challenge sociologists' claim to understanding and interpreting farmers' practices. The article presents the sociologist's approach to understanding how and why farmers adopt different farming practices, emphasizing how this approach differs from that of agronomists. It concludes by considering interdisciplinary boundaries that exist within the study of agriculture and suggests key points of attention for research seeking to transcend these boundaries by fostering interdisciplinary communication.
- L'enquête sociologique à l'épreuve de l'environnement. Comprendre la nature et l'action en train de se faire - Thomas Debril, Pierre-Marie Aubert, Antoine Dore La multiplication des questions environnementales pose à la sociologie une double question, scientifique et politique, que cet article entend aborder sous l'angle de la pratique de l'enquête en contexte de commande publique. Comment intégrer les objets de nature à la description et à l'analyse sociologique ? Comment accompagner la prise en charge des questions environnementales ? Pour répondre à ces questions, cet article prend ses distances avec les implicites d'une commande publique fréquemment exprimés en termes de représentations sociales ou de faisabilité. Il montre les apports d'une sociologie d'inspiration interactionniste à trois moments de l'enquête. Tout d'abord, contre l'implicite théorique faisant des représentations collectives le ressort de l'explication, l'article défend une renégociation de la commande permettant de privilégier l'analyse des actions individuelles et de la nature des échanges entre acteurs. Ensuite, contre l'implicite ontologique entérinant le face à face entre nature et culture, l'article montre l'intérêt d'une approche constructiviste dans le recueil des données mieux à même de saisir les manières dont se redéfinissent mutuellement les deux termes. Enfin, face à l'implicite politique poussant à réfléchir au changement de manière exogène et balistique, l'article défend l'intérêt d'une restitution aux acteurs redonnant sa place aux processus d'apprentissage.The multiplication of the environmental issues lead to a twofold question – scientific and politic – that this paper aims to approach, focusing on the inquiry practices in relation with public sponsors. How to include objects of nature into the sociological analysis ? How to contribute to the management of environmental issues ? To answer to these questions, this paper distances from the hidden meanings of the expectation of the sponsors usually focused on social representation and feasibility. It presents the contributions of an interactionist sociology to tree steps of the inquiry. First, against the theoretical hidden meaning that leads to focus on the social representation as the analysis key, this paper argues for a renegotiation of the expectation of the sponsors in order to favor the analysis of individual actions and of the relationships between actors. Second, against the ontological hidden meaning that leads to ratify the distinction between nature and culture, this paper shows the interests of a constructivist approach for the data collection and the understanding of the mutual definition of nature and culture. Finally, against the political hidden meaning that lead to consider the social change as a hexogen and a ballistic matter, this paper argues for restitutions to the actors that emphasis the learning processes.
- Le poids du contexte dans les études de risques. Réflexions à partir d'une géographie sociale et politique - Julien Rebotier p. 153-167 La géographie des risques interroge le social et le politique aux côtés des aspects physiques de l'aléa, toujours très présents. L'approche contextuelle et par la construction sociale permet de faire émerger les conditions et les processus, éminemment sociaux et contingents, de la fabrique des risques, étroitement liés à la fabrique de l'espace. En inscrivant une géographie sociale et politique des risques dans un champ plus large de sciences sociales, on mobilise des concepts et des cadres méthodologiques à même de développer un questionnement détaché des seules logiques de l'aléa. La compréhension fine des territoires rend possible une interprétation complexe et nuancée des risques, de leurs causes, mais aussi de leurs effets différenciés pour l'espace et les sociétés. Elle interroge également la position du chercheur et le rôle de la recherche publique lorsqu'il s'agit de produire de la connaissance sur des questions de société plurielles, mais souvent rabattues sur le technique et l'opérationnel.Geography of risk acknowledges social and political aspects as key drivers, aside the always-dominant hazard-related environmental elements. Both contextual and social construction approaches allow addressing socially driven conditions and contingent processes of risk construction, which are closely related with the production of space. By embodying social and political geography of risk in a broader social sciences' landscape, we resort to appropriate concepts and methodological frameworks in order to set out autonomous research questions, away from natural environmental framings. A socially and spatially rooted understandings of the production of space gives room to nuanced interpretations of risks, its causes, but also its differentiated implications on societies and places. What are also at stake are the position of the researcher as well as the role of public research in producing knowledge about controversial social issues (like risks), which are often reduced to technical and operational aspects.
- L'anthropologie du « fait environnemental » : retours réflexifs sur une spécialité en devenir - Félicie Drouilleau p. 169-184 Cet article propose un rapprochement des travaux anthropologiques et ethnographiques sur l'écologie, l'environnement et l'énergie autour de la notion de « fait environnemental ». Les développements contemporains de l'anthropologie du « fait environnemental » posent en effet des questions méthodologiques complexes en termes de financement de la recherche, de travail en interdisciplinarité et de collaboration entres approches quantitatives et qualitatives des faits sociaux. À partir de la présentation synthétique de trois terrains menés en Colombie et France, l'auteur indique un certain nombre de fils réflexifs pour cette spécialité naissante.This article aims to define new frontiers for the Anthropology of Environment, called the Anthropology of “Environmental Facts”. The Anthropology of “Environmental Facts” should integrate ecological, environmental but also energy issues. This new delineation should help to reflect on methodological issues such as interdisciplinary collaboration, funding implications, or common work between qualitative and quantitative research. Based on the presentation of three field-works in France and Colombia, the author proposes a reflexive approach for this area of investigation.