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Revue Revue historique Mir@bel
Numéro no 689, 2019/1
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Morts violentes dans la province romaine d'Égypte - Fanny Firon p. 3-24 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    À partir de la documentation disponible pour la province romaine d'Égypte (30 av. J.‑C. – début du ive siècle ap. J.‑C.), l'article propose de revisiter la notion de « mort violente » bien présente dans l'Antiquité romaine et de comprendre quelles formes de violence entrent en jeu. L'étude se limite aux morts individuelles. Elle exclut les morts qui revêtent une dimension collective et qui résultent d'un massacre volontaire d'une partie de la population. Une première partie est consacrée aux indices permettant d'identifier une mort violente. Certaines causes de décès sont explicitement mentionnées dans les sources, tandis que, parfois, seuls des termes spécifiques dénotent implicitement une mort violente. L'analyse scientifique des corps contribue également à mettre en évidence des coups mortels. Une deuxième partie aborde la signification de ces morts violentes. En effet, ces dernières sont, dans une certaine mesure, un indicateur de la violence ambiante dans la province romaine d'Égypte. L'attention que leur porte le pouvoir en place témoigne de la volonté de Rome de gérer la mort et d'encadrer la population. Enfin, le rapport aux défunts décédés de mort violente traduit un imaginaire collectif particulier.
    Violent Death in Roman Egypt
    From the documentation available for the Roman province of Egypt (30 BC – beginning of the fourth century AD), the article proposes to examine the notion of “violent death” in Roman antiquity and to understand what forms of violence are at stake. The study is limited to individual deaths. It excludes the deaths which have a collective dimension and which result from a voluntary massacre of part of the population. The first part is devoted to the clues to identify a violent death. Some causes of death are explicitly mentioned in the sources, while sometimes only specific terms implicitly indicate a violent death. The scientific analysis of bodies also helps to highlight deadly blows. Death is violent when it comes too early, prematurely, when it is due to an accident or violence and when it is felt and perceived as such. A second part addresses the significance of these violent deaths. Indeed, these are, to some extent, an indicator of the prevailing violence in the Roman province of Egypt. They are the mirror of sometimes conflicting interpersonal relationships. Their mention in the administrative and judicial documentation confirms the State's attention to them. Their management by power is a means for Rome to fully affirm its presence, its control and its function as maintainer of public order. Finally, the report to the those dead of violent death reflects a particular collective imagination. On the one hand, the dead are likely to come back to haunt the living. On the other hand, individuals who resort to magic use them as a medium to achieve their ends.
  • Les choix éducatifs des familles parlementaires dans la France moderne (XVIIe-XVIIIe siècles) - Boris Noguès p. 25-56 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article se propose d'éclairer les stratégies éducatives des familles parlementaires françaises des xviie et xviiie siècles, à partir des récits de formation livrés par les individus ou leurs biographes. La collecte d'un peu plus de soixante-dix trajectoires individuelles parisiennes et provinciales permet en effet d'adopter le point de vue familial (et non plus celui des sources scolaires) et illustre les multiples choix qui s'offraient à un milieu où les exigences réglementaires sont légères du point de vue éducatif – les conseillers transmettent la charge leur fils –, mais où les attentes sociales et familiales sont souvent élevées. Il montre d'abord que si la reproduction de la situation paternelle est majoritaire et généralement souhaitée par la famille, bien des enfants choisissent une autre voie. Ceux qui reprennent l'office bénéficient sans surprise d'une éducation associant formation domestique et passage par le collège puis par l'université pour obtenir la licence en droit. Mais ce qui caractérise surtout ce milieu, par rapport aux groupes comparables, et que l'article entend mettre en valeur, c'est son très fort investissement dans l'éducation à travers le recours à de nombreux établissements ; le goût explicite pour les institutions les plus à la mode et les mieux fréquentées, dont les jésuites, et ensuite les pensionnats ; et la volonté enfin de toujours compléter la formation scolaire ou universitaire par des formes de préceptorat ou de cours particuliers, afin de produire des magistrats à la solide culture juridique, mais aussi capables de briller par leurs discours ou leurs relations sociales choisies. Si les spécificités de la culture parlementaire avaient déjà été plusieurs fois soulignées, ce sont donc les moyens de sa construction que cet article entend interroger.
    Educational Choices of French Parlements Families in Early Modern France (xviith-xviiith centuries)The article focuses on the educational strategies of the French Parlements families in the 17th and 18th centuries. It is mainly based on narratives of training, delivered by the individuals themselves or their biographers. The collection of more than seventy Parisian and provincial individual trajectories allows to adopt the family point of view and illustrates the multiple choices which were offered to a social group where the statutory requirements were light – councillors passed on the office to their son –, but where the social and family expectations were often very high. If the reproduction of the paternal situation was the most common and was generally wished by the family, many children chose a different path. Unsurprisingly, those who continued the family tradition benefited from an education associating domestic training, college of humanities and university, to take their law degrees. But what specifically characterizes this social group, relative to similar groups, and what the article emphasizes, it is the very strong investment in the education, with attendance at numerous establishments by students ; the explicit taste for the the most fashionable institutions (the Jesuits, and then the boarding schools) ; and finally the willingness to complete school or university education by preceptorship or private lessons, to produce accomplished magistrates with a solid legal culture, but also capable of shining through their speeches or their chosen social relationships. If the specificities of these particular culture have already been stressed on several times, this article seeks to highlight the means of its construction.
  • Faire vivre et mourir les institutions. Les congrégations soumises au verdict du Conseil d'État (1900-1904) - Antoine Perrier p. 57-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La querelle congréganiste, épisode le plus violent de l'affrontement laïque de la IIIe République, a été principalement réglée par la loi du 1er juillet 1901 dont l'application a été confiée au Conseil d'État. L'analyse de ses assemblées générales met en lumière, grâce au croisement de prises de positions des membres et de données biographiques, l'affrontement de deux camps. Les défenseurs catholiques des congrégations vont alors recourir à des stratégies de fiction juridique pour maintenir l'existence des compagnies religieuses. Le Conseil d'État, pourtant soumis à un devoir de réserve et une obligation de neutralité, devient durant quelques années une arène politique discrète. Cette politisation est limitée par le sens du devoir de hauts fonctionnaires qui parviennent à concilier les exigences de leur service et une opposition rentrée. Cette enquête permet de souligner quelques traits d'une interprétation catholique du droit, qui veut rendre hommage à la vie spontanée des institutions et ne jamais la contraindre. Elle montre aussi les stratégies d'une institution, le Conseil d'État, pour se maintenir dans un contexte politique hostile. Le Conseil a trouvé son équilibre au sein des nouvelles institutions républicaines en arrangeant la cohabitation du nouveau droit républicain avec le droit des régimes qui le précédaient. Chargé de décider de la vie ou la mort d'institutions religieuses, le Conseil d'État organise sa propre survie en ôtant la vie avec parcimonie et en cherchant partout l'harmonie des jurisprudences.
    To Give Life and Kill the Institutions. The Congregations under the Verdict of the Council of State
    The Congregational dispute was one of the most violent episodes in the secular clash of the Third Republic. It was mainly settled by the law of 1 July 1901 whose application was entrusted to the Council of State (Conseil d'État). The analysis of its general assembly highlights, grounded on the combination of members' positions and biographical data, the confrontation of two camps. Catholic defenders of congregations use “legal fiction” strategies to maintain the existence of religious companies. The Council of State, although subject to a duty of reserve and to an obligation of neutrality, became for a few years a discreet political arena. This politicization is limited by the sense of duty of high civil servants who manage to reconcile the demands of their service with an hidden opposition. This survey stresses some of the features of a Catholic interpretation of the law, which seeks to recognize the spontaneous life of institutions instead of coercing it. It also shows the strategies of an institution to maintain itself in a hostile political context. The Council has found its balance within the new republican institutions by arranging the cohabitation of the new republican law with the law of the preceding political regimes. The Conseil d'État was responsible for deciding on the life or death of religious institutions, and organizes its own survival by taking life sparingly and seeking harmony of jurisprudence everywhere.
  • L'hostilité du Parti socialiste SFIO envers le Sénat révélée par les dessins de Robert Fuzier pour le quotidien Le Populaire (1931-1939) - Éric Nadaud p. 77-100 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'œuvre satirique conçue de 1931 à 1939 par le dessinateur Robert Fuzier pour le quotidien du Parti socialiste (SFIO), Le Populaire, est très révélatrice de l'attitude critique des socialistes français envers le Sénat de cette époque. Elle montre que les militants de la SFIO, bien plus préoccupés par la question de la Haute-Assemblée qu'on ne le considère généralement, saisissent toutes les occasions de manifester leur opposition à une institution dont ils n'admettent ni le conservatisme, ni le mode d'élection, ni les pouvoirs exorbitants, en particulier lorsque les gauches sont au pouvoir. Toutefois, sa portée critique diffère selon que l'on considère la période du « néo-Cartel des gauches », de 1932 et 1933, ou celle du Front populaire, de 1936 à 1938. En 1932 et 1933, dans un contexte où les socialistes n'apportent aux gouvernements formés par les radicaux qu'un « soutien sans participation » fort limité, Fuzier persifle l'obstruction des sénateurs avec vigueur, mais sans méchanceté excessive, en évitant d'humilier ces derniers. Mais la victoire du Front populaire aux élections de 1936 modifie sensiblement la donne. Les socialistes sont désormais directement confrontés au Sénat, qui bloque ou dénature leurs projets de réforme, et provoque la chute des premier et deuxième gouvernements Blum. Dès lors, le dessinateur se livre à une attaque en règle, sans ménagement. Il présente la Haute-Assemblée comme l'adversaire du suffrage universel, dénonce l'incapacité de ses pensionnaires à remplir leur mission, et ne reconnaît plus à ses chefs de file la moindre respectabilité. Son œuvre n'en témoigne pas moins du réalisme de la SFIO. Elle ne plaide pas pour la suppression, mais pour la réforme de l'institution. Une solution que les socialistes contribueront à faire prévaloir lors des débats constitutionnels de 1946.
    The Hostility of the SFIO Socialist Party towards the Senate Revealed by Robert Fuzier's Satirical Drawnings for the Daily Newspaper Le Populaire (1931-1939) The satirical work conceived from 1931 to 1939 by the cartoonist Robert Fuzier for the daily newspaper of the Socialist Party (SFIO), Le Populaire, is very revealing of the critical attitude of the French Socialists towards the Senate of that time. It shows that the SFIO activists, much more concerned about the issue of the High-Assembly than is generally considered, take every opportunity to express their opposition to an institution whose conservatism, mode of election and exorbitant powers they do not accept, especially when the lefts are in power. However, its critical scope differs according to whether one considers the period of the “neo-Cartel of the lefts”, of 1932 and 1933, or that of the Popular Front, from 1936 to 1938. In 1932 and 1933, in a context where the Socialists provide to the governments formed by the Radicals only one “support without participation” extremely limited, Fuzier derides the obstruction of the senators with strength, but without excessive malice, avoiding humbling them. But the victory of the Popular Front in the 1936 elections significantly changed the situation. The Socialists are now directly confronted with the Senate, which blocks or distorts their plans for reform, and causes the fall of the first and second Blum governments. From then on, the draftsman engages in a full-scale and uncompromising attack. He presents the High-Assembly as the opponent of universal suffrage, denounces the inability of its residents to fulfill their mission, and no longer recognizes the respectability of its leaders. Nevertheless, his work bears witness to the realism of the SFIO. It does not plead for the suppression, but for the reform of the institution. A solution that the Socialists will contribute to make prevail during the constitutional debates of 1946.
  • André Wurmser, critique littéraire ou comment être intellectuel (et) communiste - Erwan Caulet p. 101-131 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'article est un examen de la critique littéraire d'André Wurmser, aux Lettres françaises puis à l'Humanité mais aussi dans ses ouvrages La Comédie inhumaine (1964) et Conseils de révision (1972). Son but est d'appréhender le travail d'un intellectuel communiste sous l'angle de sa production d'un savoir, en l'occurrence une critique littéraire, et non de son engagement. Il distingue deux grandes périodes dans la pratique critique de Wurmser. La première va de 1948 au milieu des années 1950. Période la plus dure politiquement, la plus étroite idéologiquement, elle est marquée par une critique de stricte assimilation des livres et des auteurs. Ces derniers sont pensés et appréhendés en étroite conformité avec les cadres idéologiques communistes et réalistes socialistes et de façon volontiers polémique et éditorialisante. Après 1958 principalement, la pratique critique se fait moins dure idéologiquement, moins polémique, aux Lettres françaises surtout mais un peu moins à l'Humanité. Elle conserve toutefois sa tendance à la « pensée d'orthodoxie » des livres et des auteurs comme sa tendance militante et éditorialiste, quoique de façon moins rigide dans les deux cas. Tout cela dessine le strict périmètre d'exercice de l'intellectuel communiste mais aussi ses appétences littéraires : goût pour le réalisme, souci de parler de la société et du monde, fort antiformalisme.
    André Wurmser Literacy Critic or How to Be Communist Intellectual This article examines the literary criticism work of André Wurmser in two periodicals, Les Lettres françaises and L'Humanité, but also in two of his books dedicated to literary criticism production, La Comédie inhumaine and Conseils de révision. The purpose of this paper is to view the work of a communist intellectual from the angle of his production of a knowledge (in this present instance it happens to be a work of literary criticism) and not from the angle of his political commitment. The article distingues two periods in André Wurmser's work as a literary reviewer. The first period runs from 1948 to the mid-1950s. This period, set in a harsh political context, displaying an ideological narrow-mindedness, is marked by a plain assimilation of both books and authors : literary works and writers are thus thought and reviewed in strict accordance with communist and realistic socialist ideological frameworks ; in this period, the tone is willingly polemical and has an editorial touch. After 1958 mainly, the criticism work reveals to be less polemical, less controversial (even though this new tendency seems to be less obvious in L'Humanité from 1972 to 1984). However, even if André Wurmser softens his ideological approach, the “orthodox thought” of books and authors, the militant and editorial posture are still at work, most certainly in a less stiff and harsh way. The whole study of this material draws the precise limits of the sphere of activity of a communist intellectual and also gives an account of his literary appetence ; it portrays André Wurmser's taste for realism, his deep concerns for the society of his time and the world around him, it shows a way of thinking opposed to formalism.
  • Comptes rendus - p. 133-218 accès libre
  • Liste des livres reçus au bureau de la rédaction - p. 221-223 accès libre
  • Ouvrages analysés dans les comptes rendus de la présente livraison - p. 223-224 accès libre