Contenu du sommaire : Rémanences des passés

Revue Sociétés & Représentations Mir@bel
Numéro no 22, 2006
Titre du numéro Rémanences des passés
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation. Rémanences des passés - Michel Pigenet, Danielle Tartakowsky p. 4-16 accès libre
  • 1. Retour de guerres

    • Souvenir de la Grande Guerre dans l'histoire culturelle britannique depuis les années Soixante - Jay Winter p. 17-31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article est consacré au souvenir de la Grande Guerre en Grande-Bretagne depuis les années 1960 et se propose d'étudier quelques vecteurs de transmission d'une histoire où se noue histoire familiale et grande histoire, à travers à ce mode de diffusion majeur qu'a été la télévision. L'attention se portera également sur d'autres déterminants culturels, économiques et politiques. En effet, un des véhicules de ce « boom mémoriel » pourrait bien être l'extériorisation, ou l'expression dans l'espace public, du discours intériorisé de la psychanalyse. L'industrie du patrimoine en constitue un autre. Elle a permis aux gens ordinaires de contester les récits qui leur étaient présentés comme l'« héritage » de la nation. L'émergence de l'histoire orale est également significative. Les historiens de l'oralité ont, en particulier, rendu possible que les voix des femmes soient entendues comme l'étaient les récits de guerre masculins, si centraux dans le boom mémoriel.
      This essay is about the memory of the Great War in Great Britain since the 1960's, and studies some vectors of transmission of a history in which family history and national history are linked, through television, this major tool of communication. The article also focuses on some other cultural, economic, and political determinants. The author suggests that one of the media of this “memory boom” could be the externalisation, or the expression in the public sphere, of the internalized language of psycho-analysis. Another medium is the industry of memory. It allowed ordinary people to contest the narratives which were presented to them as the nation's “heritage”. Here the emergence of oral history as the people's repository of narratives about the past, was of significance as well. In particular, oral historians made it possible for women's voices to be heard alongside the masculine narratives of war which have been so central to the memory boom.
    • Mémoires oubliées, mémoires ravivées : l'identité de l'Italie contemporaine en question - Antonio Bechelloni, Bruno Groppo p. 32-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse aux rapports entre mémoire et identité nationale en Italie, en mettant l'accent sur la mémoire de la Seconde Guerre mondiale et, particulièrement, sur les années 1943-1945, qui furent celles de l'Occupation allemande et de la Résistance. Il prend comme point de départ la situation des années Quatre-vingt-dix en Italie et les débats qui se sont développés autour de thèmes de l'identité nationale, de la Résistance, de la politique antisémite du fascisme italien et des massacres perpétrés par les troupes allemandes contre la population civile sous l'Occupation.
      This article is about the relationships between memory and national identity in Italy, emphasizing the memory of World War II, and more particularly, the years 1943-1945, during the German occupation and the Resistance. It starts with the situation in the 1990's in Italy and the debates which developed around the themes of national identity, of the Resistance, of the anti-Semite policy of Italian fascism and of the slaughters committed by the German army against the civilian population under the Occupation
    • Les aventures de l'Enola Gay - Marianne Debouzy p. 49-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'exposition prévue en 1995, Le Dernier acte : la bombe atomique et la fin de la Seconde Guerre mondiale au Musée National de l'Air et de l'Espace du Smithsonian à Washington devait commémorer le cinquantième anniversaire du largage des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. Le projet de l'exposition présentait le contexte historique de l'évènement, les débats qui avaient précédé la décision des dirigeants américains. Elle faisait une place aux souffrances des victimes japonaises occultées par une censure maintenue pendant des décennies. Enfin, elle faisait état des débats entre historiens et mentionnait ceux qui établissaient un lien entre l'utilisation de la bombe et le début de la Guerre Froide. Ces travaux mettaient en cause la version « officielle » selon laquelle la décision avait été prise uniquement pour sauver des vies. L'offensive menée contre le projet de l'exposition jugé « anti-patriote » par les lobbies de l'industrie aéronautique et de l'American Legion reçut le soutien de politiciens du Congrès qui, demandèrent la démission du directeur du musée et l'annulation de l'exposition. Ce « scandale » s'inscrit dans le contexte politique des années Quatre-vingt dix : guerres culturelles, victoire des Républicains au Congrès en novembre 1994, renouveau d'un patriotisme virulent. Cette bataille illustre l'opposition entre historiens en quête d'une vérité complexe aussi objective que possible et groupes sociaux et politiques désireux de s'approprier le passé pour voir triompher une certaine idée de la nation et de son histoire.
      The planned National Air and Space Museum's exhibit in Washington for the fiftieth anniversary of the dropping of the atomic bomb on Hiroshima and Nagasaki to put and end to World War II was meant to raise such large questions as : Why were the bombs used ? Were there alternatives ? Why were civilians targeted ? How was the bomb linked to the emerging Cold War ? The exhibit did not stick to the “official” version according to which the dropping of the bomb only aimed at saving American lives. The offensive launched against the exhibit as unpatriotic by the lobbies of the Air Force Association and the American Legion was relayed by eighteen Congressmen who asked for the resignation of the director of the Museum and the cancellation of the project. This “scandal” has to be set in the political context of the 1990's : cultural wars, the 1994 Republican victory in Congress, the emerging new patriotism. This battle illustrates the opposition between historians who try to approach a complex truth as objectively as possible and social and political groups eager to appropriate the past so as to promote a certain idea of the nation and its history.
  • 2. La discordance des temps

    • Appropriation du passé et nationalisme hindou dans l'Inde contemporaine - Claude Markovits p. 63-80 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine un type particulier d'appropriation du passé dans l'Inde contemporaine par un courant politique qui est celui du nationalisme hindou. À partir de l'analyse d'un évènement symbolique, la destruction d'une mosquée dans une petite ville de l'Inde du Nord en décembre 1992 par une foule d'émeutiers hindous, on cherche à cerner la manière dont les nationalistes hindous tentent de reconstruire l'histoire indienne en effaçant tout son versant islamique. Après une présentation du contexte politique spécifique dans lequel se produisit l'événement, il s'agit d'en décrypter le sens en le replaçant dans la continuité d'une tentative de faire de l'hindouisme, phénomène religieux amorphe et peu historisé, une religion historique sur le modèle de l'islam ou du christianisme : d'où l'importance donnée au personnage de Rama, héros d'une des deux grandes épopées indiennes, le Ramayana, et assimilé à un avatar du grand dieu Vishnu. En détruisant une mosquée construite au xvie siècle sur ordre de l'empereur moghol Babur, située sur l'emplacement supposé d'un temple dédié à Rama, les nationalistes hindous cherchaient à déraciner symboliquement l'islam du sol indien, pour affirmer l'autochtonie unique de l'hindouisme. On lit dans cette fureur destructrice une pratique de substitution au génocide, qui peut cependant servir de justification à des massacres ponctuels, comme ceux auxquels on a assisté au Gujerat en 2002.
      This article focuses on a particular kind of appropriation of the past in contemporary India by Hindu nationalism. It looks at one symbolic event, the destruction of a mosque in a small town of North India in December 1992 by a crowd of Hindu rioters, and seeks the interpret it as part of an attempt by Hindu nationalists to reconstruct the history of India by erasing its islamic component. Starting with a brief presentation of the specific political context of the event, it then proceeds to tease out its meaning by framing it within the perspective of an attempted reconstruction of hinduism as a "historic" religion similar to islam or christianity : hence the place given to Rama, both the hero of one of the great Indian epics, the Ramayana, and an avatar of the great god Vishnu. Through destroying a mosque built in the sixteenth century on the order of the Mogul emperor Babur, on the supposed location of an ancient temple dedicated to Rama, Hindu nationalists sought to symbolically uproot islam from the soil of India, in order to make a statement of the unique autochtony of hinduism. This destructive fury can be seen as a substitute for genocide, and has been used as a justification for massacres, such as the one that took place in Gujarat in 2002.
    • Vues d'Afriques : Entretien avec Jean-Pierre Dozon, Jean Fremigacci et Lucile Rabearimanana Paris, 18 avril 2005 - Michel Pigenet, Danielle Tartakowsky p. 81-92 accès libre
    • Une vérité sans réconciliation. Mémoire et histoire du sida dans le post-Apartheid - Didier Fassin p. 93-103 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'expansion inédite du sida et les polémiques qui l'ont entourée, dans les années qui ont suivi la fin de l'Apartheid, offrent un contrepoint douloureux à l'imaginaire national de réconciliation de l'Afrique du Sud. À travers les accusations de racisme et les soupçons de complot, c'est une mémoire enfouie qui resurgit au moment même où le passé semblait s'éloigner, où l'avenir tant attendu devenait un présent. Au-delà des controverses scientifiques et des errements du pouvoir qu'elles révèlent, c'est ainsi une vérité historique refoulée qui se fait jour dans la société sud-africaine et qui peut prendre les formes les plus extrêmes de violence.
      The unprecedented expansion of AIDS and the controversies around it, in the years following the end of Apartheid, are a painful contrast with the national image of reconciliation in South Africa. Through accusations of racism and suspicions of conspiracy, a buried memory surfaces at the very moment when the past seemed to be receding, when the long expected future was becoming the present. Beyond the scientific controversies and the errors of the political power they reveal, a repressed historical truth emerges in the South African society that can take the most extreme forms of violence.
    • Trace(s) du paysage. Monuments et « lieux de mémoire » au Japon - Murielle Hladik p. 104-119 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La mise en lumière des différences culturelles Orient/Occident permet de préciser les notions de lieux de mémoire, de monuments et de paysage. Au Japon, les « lieux célèbres » (meisho), liés à des traditions littéraires et picturales, ont été recensés dans des recueils de voyage (Meisho-zue) largement diffusés durant l'époque Edo (vers 1600-1868). La présente étude est basée sur l'importance de ces « lieux célèbres » qui peuvent être considérés comme autant de matrices d'un arrière-plan culturel de représentations collectives du territoire et qui contribuent à la formation d'une identité nippone. Elle se focalise sur un cas exemplaire : le site de Hiraizumi – décrit par le poète Bashô – où la mémoire semble être conservée davantage par le texte que par le support matériel, avec la disparition de l'architecture (de tout vestige matériel) contrebalancée par la préservation dans le langage de la trace du paysage. Elle permet aussi d'analyser le paysage de l'après-guerre, en traitant de l'opposition et de la complémentarité entre effacement et mémoire. Elle permet enfin de considérer sous un jour nouveau les lieux abandonnés, voire marginaux, qui ont été valorisés par les travaux de photographes et d'artistes contemporains.
      Cultural differences between East and West are presented in relation to the notions of « landmark », « place of memory », and « landscape ». In Japan, the « famous places » associated with the literary tradition and the visual arts were cited in guide books (meisho-zue) that circulated widely during the Edo period (c.1600-1868). The present study focuses on the power of those « famous places » (meisho), which can be seen as a cultural background of collective representations and play an important role in the construction of a « Japanese identity ». This will be revealed by means of a case study : the site of Hiraizumi (described by the poet Bashô), the memory of which is preserved much more through text than through its material existence, as the absence of architectural traces is balanced by the preservation of language as a trace of a landscape. This study also examines post-war landscape and deals with the opposition and complementary roles of erasing and memory. Finally, it will shed light on contemporary abandoned or marginal sites that have provided subject-matter for the recent work of photographers and artists.
  • 3. Pratiques

    • Les murs peints de l'Afrique du Sud post-Apartheid - Élisabeth Deliry-Antheaume p. 121-147 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      D'un mur à l'autre, d'une ville à l'autre, graffitis et peintures murales apparaissent comme une invitation à relire l'histoire sud-africaine. Cet article est inspiré du regard que permet de porter l'appareil-photo avec ses capacités d'enregistrement et de cadrage. Il décrit et commente les expressions populaires graphiques qui ornent les murs de la ville post-apartheid et ouvre de nouvelles perspectives de recherche pour tenter de mieux comprendre les dynamiques politiques et sociales à l'œuvre dans la nouvelle Afrique du Sud.
      Graffiti or mural paintings on many walls, from one city to another township can be seen as an invitation to re-visit South African history. This article is inspired by the camera's capacities to catch a certain reality through capturing and framing. It describes and comments on the graphic popular expressions adorning the walls of the post-Apartheid city and opens new opportunities of research for a better understanding of the political and social dynamics in new South Africa.
    • Espagne ou les mémoires interdites : Entretien avec Montse Armengou, Barcelone, 20 mai 2005 - Michel Pigenet, Phryné Pigenet, Danielle Tartakowsky p. 148-157 accès libre
  • Bibliographie

  • Lectures

  • Hors cadre