Contenu du sommaire : Renouveler la sécuritisation : théorie et pratiques
Revue | Etudes Internationales |
---|---|
Numéro | vol. XLIX, no 1, hiver 2018 |
Titre du numéro | Renouveler la sécuritisation : théorie et pratiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Section thématique
- Théories de la sécuritisation, 1989-2018 - Thierry Balzacq p. 7–24 La sécuritisation est considérée par de nombreux chercheurs comme l'une des approches les plus influentes en études de sécurité. Ce statut découle tant de sa capacité à dialoguer avec des théories relevant de familles épistémologiques différentes que de sa malléabilité empirique. Mais des voix, essentiellement sociologiques, s'élèvent pour réclamer une révision durable de son périmètre initial. Certaines souhaitent un retour à la quintessence de la philosophie du langage austinienne ; d'autres voudraient voir davantage de pratiques ; enfin, d'autres plaident pour une étude des instruments de sécurité. Ce numéro thématique postule qu'aucune de ces propositions ne détient à elle seule la clé du renouveau de la sécuritisation et suggère de revenir au terrain pour apprécier les apports réels des unes et des autres. Ce faisant, il rejoint, renforce et élargit d'autres tentatives en cours pour dépasser les clivages qui ont conduit les études de la sécuritisation dans une impasse.Securitization is considered by many scholars as one of the most influential approaches in security studies. Its status derives from its compatibility with theories from a variety of epistemological families and its empirical malleability. However, a number of voices, primarily in sociology, are calling for a meaningful review of its initial boundaries. Some urge a return to a quintessentially Austinian philosophy of language ; some want more emphasis on practices ; and others argue for a study of security instruments. This thematic issue posits that none of these proposals in themselves contain the key to renewing securitization, and instead suggests returning to a more empirical approach to assess scholarly contributions. In so doing, it joins, strengthens, and expands on other ongoing attempts to transcend the divisions that have led securitization studies to an impasse.
- Construction de la menace et construction des problèmes publics : les mobilisations pro-« barrière frontalière » de l'Arizona - Damien Simonneau p. 25–56 Aux États-Unis, la gestion de la migration mexicaine passe par des moments de sécuritisation des mobilités, nichés dans des controverses techniques, partisanes, fédérales et citoyennes. L'article interroge l'opportunité d'une configuration d'acteurs de l'Arizona de présenter les mobilités transfrontalières comme une menace dont la gestion passerait par l'érection de « barrières ». Il s'interroge sur leur rôle dans la période ante-Trump dans la fixation des débats autour du « Build the wall ». L'analyse présente la centralité que constitue l'outil « barrière » dans leur entreprise de sécuritisation face à des dissensions locales, mais aussi la publicisation du récit pro-barrière via des séquences d'affrontements avec le gouvernement fédéral dans les arènes médiatiques, parlementaires ou judiciaires. Sur le plan théorique, une telle analyse propose de repenser le rapport entre acteurs sécuritisant et public en alliant deux corpus : les théories de la sécuritisation post-Copenhague et la construction des problèmes publics.In the United States, the management of Mexican migration involves moments of securitization related to mobility, and set against a backdrop of technical, partisan, federal, and public controversies. This article asks whether it is expedient for certain Arizona actors to portray cross-border mobilities as a threat to be managed by building “walls.” It questions the role these actors played in the pre-Trump era in setting the terms of the “build the wall” debate. The analysis highlights the central role of the “wall” as a securitization tool for dealing with local opposition, but also the publicization of the pro-wall narrative through a series of confrontations with the federal government in the media, parliamentary, and judicial arenas. On a theoretical level, the analysis calls for a reassessment of the relationship between securitizing actors and the public using two corpora : post-Copenhagen theories of securitization and the construction of public problems.
- L'écrit comme pratique de sécuritisation : analyse des évolutions législatives sur la nationalité française - Sarah Perret p. 57–82 Cet article analyse le rôle de l'écrit législatif dans le processus de « sécuritisation » identitaire en France, en étudiant spécifiquement les évolutions législatives en matière de nationalité depuis la loi de 2003 « relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ». Il démontre que la loi, à travers sa dimension écrite et son cadre étatique légitimateur, agit aussi bien au commencement de la sécuritisation que dans sa finalisation. L'étude de la situation d'énonciation législative du corpus des quatre lois ayant fait évoluer les droits et les conditions d'accès à la nationalité française (2003, 2006, 2007, 2011) révèle que la sécuritisation opère un processus de légitimation à partir de mécanismes analogues au concept de « violence symbolique » de Pierre Bourdieu, c'est-à-dire à travers des actes d'énonciation sécuritisants non reconnus comme tels par l'audience.This article analyzes the role legislative texts play in the identity process in France by examining the evolution of French nationality legislation since the passage of the 2003 law on immigration control, the residence of foreign nationals in France, and nationality. It shows that legislation, through its written dimension and the legitimizing framework of the state, has played a role both in instigating and finalizing the securitization process. Our examination of the situation in which the four laws amending the rights and conditions of French citizenship (2001, 2006, 2007, 2011) were enunciated reveals that securitization operates using mechanisms similar to Pierre Bourdieu's concept of “symbolic violence,” i.e., by enouncing securitization acts that are not recognized as such by the audience and that consequently legitimize the securitization process.
- Sécuritisation et construction d'un complexe de sécurité régional dans la Corne de l'Afrique - Sonia Le Gouriellec p. 83–104 Comment se forment et se cristallisent les complexes de sécurité régionaux (csr) ? En 2003, B. Buzan et O. Waever avaient présenté la Corne de l'Afrique comme un proto-csr (après avoir été un pré-complexe pendant la guerre froide), mais ils n'avaient pas développé les outils analytiques permettant d'expliquer le passage à un csr à part entière. Nous montrons que l'émergence d'une puissance régionale, l'Éthiopie, joue un rôle essentiel dans la formation d'un csr. Cette puissance régionale devient un agent performatif des processus de sécuritisation. Cet article a une ambition empirique et théorique. D'une part, nous démontrons comment un double processus de sécuritisation – de la menace terroriste djihadiste dans la Corne entre 1998 et 2005 et de « l'État failli » somalien – a mené à l'intervention éthiopienne en 2006. Nous analysons ensuite l'aboutissement du csr.How do regional security complexes (rscs) emerge and take shape? In 2003, B. Buzan and O. Waever described the Horn of Africa as a proto- rsc (after having been a pre-rsc during the Cold War), but did not have the analytical tools to explain the transition to a full-fledged rsc. We show how the emergence of a regional power, in this case Ethiopia, played a key role in the formation of an rsc. The regional power became an active agent in the process of securitization. This article seeks to provide both an empirical and a theoretical contribution. We show how a double process of securitization—of the jihadist terror threat in the Horn between 1998 and 2005, and of the Somali “failed state”—led to the 2006 Ethiopian intervention. We then analyze the outcome of rsc formation.
- Sécuritisation et logiques institutionnelles : les obstacles à la sécuritisation de l'environnement à l'Onu - Lucile Maertens p. 105–131 Depuis les années 1990, l'Onu produit et diffuse un discours construisant l'environnement comme une menace contre la sécurité internationale. Ce processus de sécuritisation ne fait toutefois pas l'unanimité au sein d'une organisation internationale composée d'acteurs multiples aux stratégies différenciées. Quels sont les obstacles à la sécuritisation de l'environnement à l'Onu ? Que nous apprennent-ils du processus de sécuritisation ? Comment l'exemple onusien nous renseigne-t-il sur la relation entre sécuritisation et logiques institutionnelles ? Cet article vise à répondre à ces questions à partir du cas de la sécuritisation de l'environnement à l'Onu. Il dévoile les interactions entre logiques institutionnelles et sécuritisation, qu'il étudie à l'aune des obstacles rencontrés dans la construction discursive de la menace, dans la diffusion du cadrage sécuritaire et dans les pratiques de sécuritisation.Since the 1990s, the un has generated and disseminated a discourse that constructs the environment as a threat to international security. Such a process of securitization does not, however, have unanimous support within this international organization made up of multiple actors with different strategies. What are the obstacles to the securitization of the environment within the un ? What do they tell us about the securitization process ? How can they inform our understanding of the relationship between securitization and institutional logics ? This article seeks to answer these questions by examining the case of environmental securitization within the un. It explores the interactions between institutional logics and securitization, analyzing them with respect to the barriers encountered in discursive threat construction, the dissemination of the security framework, and securitization practices.
- Théories de la sécuritisation, 1989-2018 - Thierry Balzacq p. 7–24
Section non thématique
- La vocation défensive du jihād, son histoire et sa réalité juridique contemporaine - Jabeur Fathally p. 133–176 Considéré comme le concept le plus controversé – et souvent mal compris – de la religion musulmane, le jihād se trouve, depuis de nombreuses années, au centre de tous les débats et analyses. Cet article se propose de revisiter l'évolution historique du concept du jihād défensif pour confirmer l'existence d'une tendance doctrinale stable, continue et majoritaire qui limite le jihād à cette vocation défensive (jihād al-dafāa) aussi bien dans la doctrine juridique musulmane classique que dans les écrits des juristes et théologiens musulmans depuis la période dite de la renaissance. Cette stabilité doctrinale nous permet, ensuite, de défendre l'idée selon laquelle le jihād peut être assimilé à une forme spécifique de légitime défense qui se rapproche, à certains égards, de celle développée par le droit international contemporain et que l'adhésion des pays musulmans aux différents instruments du droit international ne peut pas être complètement dissociée de cette évolution historique du jihād défensif.Considered the most controversial—and often misunderstood—aspect of the Muslim religion, jihād has been the focus of widespread debate and study for many years. This article revisits the historic evolution of the concept of defensive jihād and confirms the existence of a continuous and stable majority doctrinal trend that limits jihād to this defensive vocation (jihād al-dafāa), both in classic Muslim legal doctrine and in the writings of Muslim legal scholars and theologians since the so-called Renaissance period. This doctrinal stability supports the idea that jihād can be viewed as a specific form of legitimate self-defence similar, in some ways, to the concept as developed in contemporary international law. Added to this is the argument according to which Muslim countries' adherence to instruments of international law cannot be completely dissociated from the historic evolution of defensive jihād.
- La vocation défensive du jihād, son histoire et sa réalité juridique contemporaine - Jabeur Fathally p. 133–176
Essai bibliographique
- Islam, islamisme et relations internationales - Vassily Klimentov p. 177–190