Contenu du sommaire : Analyse Économique du Droit : Enjeux Théoriques et Empiriques

Revue Revue d'économie politique Mir@bel
Numéro vol. 129 ,mars- avril 2019/1
Titre du numéro Analyse Économique du Droit : Enjeux Théoriques et Empiriques
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • L'analyse économique du droit : bilan et perspectives - Bruno Deffains, Claudine Desrieux p. 137-141 accès libre
  • Subjective Probabilities of Sanction, Norms, Legitimacy and Everyday Life Crimes in Europe - Cyndie Deffin, Maïva Ropaul p. 143-168 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Les crimes de la vie quotidienne sont généralement définis comme des pratiques injustes et contraires à l'éthique commises sur le marché par des personnes qui se considèrent elles-mêmes et qui sont perçues par les autres comme des citoyens respectables. Cet article étudie les principaux moteurs de ce comportement criminel spécifique sur la base d'une analyse économétrique transnationale des données de l'Enquête sociale européenne 2010. Il se concentre en particulier sur la probabilité subjective de sanction, l'internalisation des normes et la légitimité perçue du système judiciaire. Trois crimes du quotidien sont examinés : les fausses demandes de réclamations d'assurance, l'achat de biens potentiellement volés et les infractions routières. En contrôlant les variables socio-démographiques, le capital social et les effets fixes des pays, nous constatons que l'internalisation des normes est associée négativement à la criminalité quotidienne, alors que la légitimité perçue des institutions judiciaires a un effet non significatif. Les résultats sont ambigus pour la probabilité subjective des sanctions. Enfin, notre travail souligne la difficulté d'utiliser les données d'enquête dans l'analyse de la criminalité. Codes JEL: D8, K14, K42
    Crimes of everyday life are usually defined as unfair and unethical practices committed in the marketplace by people who see themselves, and who are seen by others as respectable citizens. This paper studies the main drivers of this specific criminal behavior based on a cross-nation econometric analysis of data from the 2010 European Social Survey. In particular, it focuses on the subjective probability of sanction, norm internalization and the perceived legitimacy of the judicial system. Three, everyday crimes are examined in detail: false insurance claims, the purchase of potentially stolen goods, and traffic offenses. After controlling for sociodemographic variables, social capital and country fixed effects, we find that norm internalization is negatively associated with everyday crime, while the perceived legitimacy of judicial institutions is non-significant, and the results are ambiguous for the subjective probability of sanctions. Finally our work highlights the difficulty of using survey data in crime analysis. Codes JEL: D8, K14, K42
  • Correction Activities by France's Supreme Courts and Control over their Dockets - Pierre Bentata, Romain Espinosa, Yolande Hiriart p. 169-204 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'objectif de cet article est d'observer la façon dont les Cours Suprêmes utilisent leur pouvoir de choisir les cas qui leur sont soumis pour corriger les décisions des cours d'appel selon leur propre interoprétation du droit. En France, deux Cours Suprêmes existent, le Conseil d'État pour les affaires administratives et la Cour de Cassation pour les affaires civiles. ces deux cours ont fait l'objet, à des dates différentes, d'une réforme qui modifia leur pouvoir discrétionnaire de choix des cas à revoir. En conséquence, si les Cours prennent des décisions différentes pour des cas similaires, cela peut s'expliquer par des attitudes correctrices différentes ou par des stratégies de sélection des cas différentes ou encore par une combinaison des deux. Il est donc nécessaire de dinstinguer l'impact de ces différentes stratégies pour comprendre les comportements des Cours et être en mesure de les comparer. Pour ce faire, nous menons une étude économétrique visant à comparer les attitudes correctrices des deux Cours et à déterminer si ces attitudes sont influencées par la possibilité de sélectionner les cas à revoir. A partir d'une base de données originale comprenant l'ensemble des cas environnementaux jugés par les deux Cours entre 1956 et 2010, nous menons une analyse contrefactuelle pour comparer les décisions des deux Cours avant et après les réformes les autorisant à sélectionner les cas à revoir. Nous observons que les deux Cours ont une attitude correctrice similaire tant qu'elles sont soumises à la même règle de sélection des cas. Par ailleurs, nous observons que les Cours utilisent leur pouvoir de sélection des cas pour favoriser les plaignants de telle sorte que leur comportement modifie la probabilité de victoire des plaignants et défendeurs depuis le procès en première instance jusqu'à l'appel devant la Cour Suprême. Classification JEL : K32, K41
    The aim of this paper is to observe how supreme courts use their discretionary power over their dockets to correct appellate courts' decisions relative to their own interpretation of the law. There are two supreme courts in France, the Conseil d'État for the administrative branch, and the Cour de Cassation for the civil one. In both courts, at different dates though, a reform took place that gave them discretionary control over their dockets. Hence, a difference in the supreme courts' decisions might be due to either different correction activities, selection strategies, or both. Accordingly, it is necessary to distinguish between them before drawing any conclusions about supreme courts' behaviors. We develop an econometric approach to assess whether the correction activities are similar between supreme courts, and whether these activities are affected when the supreme courts can select cases. Using an original database of all environmental cases determined by the supreme courts between 1956 and 2010, we rely on a counterfactual approach to compare cases across the courts before and after the reforms. Our study concludes that correction activities do not differ across the courts as long as they are submitted to the same selection rule. We also find that the supreme courts use the possibility of selection to increase their pro-plaintiff correction activities in a way that affects the overall probability of success of plaintiffs and defendants. Classification JEL : K32, K41
  • The Deterrent Effect of French Liability Law: the Example of Abusive Contract Terms - Sophie Bienenstock p. 205-234 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La plupart des régimes de droit civil et de common law reposent sur le principe de stricte égalité entre le préjudice subi et le montant des dommages-intérêts alloués à la victime. Cette règle d'indemnisation, appelée le principe de réparation intégrale du préjudice, est particulièrement stricte en droit français et n'admet que de très rares exceptions. Cet article soulève la question de l'efficacité de la règle de réparation intégrale dans le cas particulier des clauses abusives dans les contrats de consommation. Les clauses abusives, interdites dans les contrats de consommation, sont réputées non écrites, étant entendu que le reste du contrat demeure valable. Le consommateur peut en outre obtenir des dommages-intérêts en réparation de son préjudice conformément à la règle de réparation intégrale. L'article étudie l'effet dissuasif des règles de responsabilité civile dans le cas particulier des clauses abusives. Il s'agit notamment de déterminer si la règle de réparation intégrale permet de dissuader le professionnel d'insérer des clauses abusives dans le contrat. Nous montrons que le droit français ne dissuade pas le rédacteur du contrat de prévoir des clauses abusives. Plus généralement, nous soutenons que le principe de réparation intégrale n'incite pas au respect de la loi. Nous soutenons que l'introduction de dommages-intérêts punitifs en droit français constituerait un dispositif incitatif efficace, notamment en présence de fautes lucratives. Classification JEL: K12; K42; D21
    Most civil and common law regimes rest on the principle of equivalence between the prejudice and the amount of damages allocated to the victim. This rule of compensation is particularly strict in French law and allows for no exception, whether in contract or in tort law. We question the efficiency of this rule in the specific case of abusive or unfair terms in consumer contracts. French law strictly forbids such terms in any contract signed by a professional party and a consumer. When found in a consumer contract, the forbidden term is removed from the contract, the rest of which remains valid, and the consumer can obtain damages to repair the prejudice in accordance with the rule of equivalence between damages and compensation. Based on the example of unfair contract terms, the paper raises the issue of the deterrent effect of French liability law. More specifically, we ask the following question: is the rule of equivalence between damages and compensation efficient to prevent unlawful behavior? We show that French consumer law does not efficiently prevent abusive contract terms from being enforced. More generally, we argue that the strict equivalence between damages and compensation does not create efficient incentives for the parties. We argue that the introduction of punitive damages in French law would serve as an efficient incentive device, namely in the presence of lucrative faults. Classification JEL: K12; K42; D21
  • Stigmatization, Liability and Public Enforcement of Law - Clemens Buchen, Bruno Deffains, Alberto Palermo p. 235-259 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La mise en oeuvre des règles de responsabilité implique de choisir entre un régime de responsabilité pour faute ou sans faute. Dans cet article, nous analysons les déterminants du respect des règles de droit lorsqu'il existe des coûtes liés à la stigmatisation en plus des incitations économiques standard. Ce coût de stigmatisation ne correspond donc pas à un simple transfert de ressources. Nous montrons que lorsque le standard définissant le régime de responsabilité pour faute est égal au niveau de dissuasion, le résultat n'est jamais optimal. Le régime de responsabilité optimal dépend des montants de dommages constatés et du coût de la stigmatisation. Classification JEL: K13, K42, D62
    In the theory of public enforcement of law the choice of the liability rules is between strict liability and fault-based liability. In this paper, we study the determinants of compliance when in addition to standard economic incentives wrongdoers take into account stigmatization costs. In this context, this cost is not simply a transfer of resources. We show that a non-guiltiness standard — the fault standard equal to the deterrence level — is never optimal. In this scenario, we show how the optimal policy choice depends on the interplay between the magnitude of the harm and the stigmatization cost. Classification JEL: K13, K42, D62
  • Exploitative Abuse and Abuse of Economic Dependence: What Can We Learn From an Industrial Organization Approach? - Patrice Bougette, Oliver Budzinski, Frédéric Marty p. 261-286 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article analyse les concepts d'abus d'exploitation et de dépendance économique, non seulement sous le prisme de la jurisprudence concurrentielle européenne mais également sous celui de l'économie industrielle. Bien que les racines théoriques de ces concepts reposent sur la théorie économique, ils ont été ignorés ou peu pris en compte dans le contexte de l'application du droit de la concurrence. Une approche fondée sur les effets (effects-based) devrait tenir compte de ces pratiques et pourrait fournir des indications sur la façon d'analyser leurs impacts. Nous nous appuyons sur deux exemples tirés des industries agro-alimentaires et de l'économie numérique. Le présent article souligne l'existence d'un paradoxe : bien que les modèles d'organisation industrielle fournissent des outils pertinents pour caractériser ces abus, évaluer leurs effets et concevoir des mesures correctives, ils demeurent peu utilisés dans la pratique décisionnelle. Classification JEL: K21, L12, L40, L42
    This article conducts a detailed analysis of the concept of economic dependence and exploitative abuse based on how their treatment in competition law and economics and their enforcement in European case law have evolved. Although the theoretical roots of these concepts lie in economic theory, these issues have been ignored or considered only scantily in the context of competition law enforcement. An effects-based approach should take these problems into account and could provide insights into how to portray the impacts of these abuses. We draw on two examples – from the agri-food industries and the digital economy – of relevant economic dependence issues. This paper highlights the existence of a paradox: although industrial organization models provide relevant tools to characterize these abuses, assess their effects, and devise remedies, it seems that they are seldom used by competition law enforcers. Classification JEL: K21, L12, L40, L42