Contenu du sommaire

Revue Le Moyen Age Mir@bel
Numéro tome 124, no 2, 2018
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Narratio patriarcae. Origine et fortune d'un récit sur le Proche-Orient musulman vers 1200 - Jean Donnadieu p. 283-305 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    La chronique de Richard de San Germano pour l'année 1214 présente un texte, comme étant le rapport qui aurait été adressé à Innocent III par le patriarche de Jérusalem. Il s'agit d'un exposé sur l'organisation de la confédération ayyoubide au début du XIIIe siècle, alors placée sous l'autorité du sultan Al'-Adil et sur la situation du Proche-Orient. Il est donné ici une analyse et une traduction de ce court document, qui porte généralement dans l'érudition moderne et les catalogues le nom de Narratio patriarcae ou encore de Relatio tripartita ad Innocentium de viribus Agaranorum. Nous nous sommes proposé d'une part de revenir sur l'origine et la nature de ce document, faisant état d'une proposition de paix à l'initiative du sultan entre chrétiens et musulmans. Tout dans ce texte, très partiellement informé sur le monde proche-oriental des années 1200, soulève des questions : l'identité de son auteur, la véracité des informations contenues dans ce rapport et le sens qui pourrait être accordé à celui-ci. En tout cas il s'accorderait assez bien avec des aspects de la politique orientale du pape avant la Quatrième croisade. D'autre part, ce document a connu une incontestable fortune. On le retrouve au moins dans une soixante de manuscrits, échelonnés du XIIIe au XVIe siècle, le plus souvent associé à des morceaux de nature proche ou même éloignée.
    The chronicle of Richard of San Germano for the year 1214 presents a text that forms the report that would have been addressed to Pope Innocent III by the patriarch of Jerusalem. This was a statement on the organization of the Ayyubid confederation at the beginning of the 13th century, at which time it had been placed under the authority of the Sultan Al-Adil, and on the situation in the Middle East. An analysis of this short document, as well as a translation, are also provided, bearing the name Narratio patriarcae or Relatio tripartita ad Innocentium de viribus Agaranorum inmodern scholarship. We decided, firstly, to return to the origin and the nature of this document, reporting on a peace proposition that came about between Christians and Muslims on the initiative of the sultan. All aspects of this text, which provides a very incomplete picture of the Middle Eastern world of the 1200s, raise questions. These uncertainties relate to the identity of its author, the veracity of the information contained within the report, and the meaning that might be attributed to it. In any case, it would have chimed well with certain aspects of the pope's eastern policy before the Fourth Crusade. Secondly, we wish to emphasize that the great influence that this document went on to have is undeniable. It features in no less than 60 manuscripts that span the xiii
    th to the 16th centuries. It was most often associated with pieces of musicfrom nearby or even from far away.
  • Les sources de l'Ovide moralisé, livre I. Types et traitement - Irene Salvo García p. 307-336 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Sur les 4 300 vers qui forment le livre I de l'Ovide moralisé, un peu plus d'un tiers – 1 600 vers, soit environ 37 % – correspond à la traduction du livre I des Métamorphoses d'Ovide. Ainsi, la plus grande partie du livre est originale ou provient d'autres sources. Dans notre étude nous avons conclu qu'une proportion d'environ 43 % à 45 % du livre I peut être reliée à la glose à Ovide incarnée par les commentaires latins aux Métamorphoses. Nous avons constaté, par exemple, que plusieurs gloses du livre I coïncident avec le commentaire Vulgate. Pour compléter la traduction et l'interprétation au-delà de la glose, l'auteur de l'Ovide moralisé inclut des contenus tirés des mythographes, qui dans le livre I coïncident significativement avec le troisième Mythographe du Vatican. Enfin, des données tirées du Nouveau Testament et d'autres œuvres de doctrine chrétienne (12 %) et des sources historiographiques telles que l'Historia scholastica de Pierre le Mangeur ou l'Ancien Testament (8 %) complètent les sources potentiellement utilisées par l'auteur.
    Of the 4,300 verses that form Book I of Ovide moralisé, a little over a third – 1,600 verses, around 37% – comprise the translation of Book I of Ovid's Metamorphoses. Thus, the majority of the book is original or comes from other sources. In our study, we concluded that a proportion of around 43–45% of Book I can be linked to Ovid's gloss, embodied by the Latin commentary on Metamorphoses. We have found, for example, that many glosses to Book I coincide with those of the Vulgate commentar. In order to complete the translation and interpretation beyond the gloss, the author of Ovide moralisé included contents taken from the mythographers, which in Book I coincides to a significant degree with the third Vatican Mythographer. Lastly, information taken from the New Testament and other works from the Christian doctrine (12%) and historiographic sources such as the Historia scholastica of Petrus Comestor or the Old Testament (8%) complete the sources potentially used by the author.
  • Les infâmes, les histrions et les jongleurs (XIIe – début du XIIIe siècle). Nouvelles distinctions et usages judiciaires - Bruno Lemesle p. 337-354 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Dans la seconde moitié du XIIe siècle, le canoniste Rufin invente une distinction juridique entre jongleurs et histrions grâce à laquelle les premiers ne sont pas considérés comme des infâmes dès lors qu'ils ne se comportent pas comme les seconds. Cette distinction sera reprise par les théologiens une vingtaine d'années après Rufin, dans un contexte différent. Alors que le canoniste se sert de la distinction pour permettre aux jongleurs honnêtes d'accuser dans les procès ecclésiastiques, les théologiens l'évoquent dans la casuistique des péchés. Dans les deux cas cependant, elle apparaît comme étant de nature juridique et morale. On montre que la réhabilitation juridique de certains jongleurs fait partie d'une entreprise beaucoup plus large de redéfinition des infâmes en rapport avec les transformations procédurales qu'elle accompagne. Loin de chercher à construire les conditions d'une exclusion sociale par l'infamie, les canonistes inventaient un répertoire de normes souple capable de s'adapter à chaque type de situation. La réhabilitation juridique des jongleurs ne peut pas non plus se comprendre sans leur réhabilitation morale dans la casuistique des péchés, celle-ci permettant également à ceux qui les rémunéraient d'être exonérés d'un grave péché.
    In the second half of the XIIth century, the canonist Rufin devised a legal distinction between jugglers and minstrels, as a result of which the former were not considered evildoers since they did not behave like the latter. This distinction would be brought up again by theologians around twenty years after Rufin's death, in a different context. While the canonist made use of the distinction in order to allow honest jugglers to make accusations in ecclesiastic trials, theologians depicted this as belonging within the casuistry of sins. However, in both cases, this distinction appears to be of a legal and ethical nature. We show that the legal rehabilitation of certain jugglers formed part of a much broader endeavor to redefine evildoers in relation to the procedural transformations that accompanied it. Far from seeking to construct the conditions for social exclusion due to villainous acts, the canonists invented a repertoire of flexible norms capable of adapting themselves to each type of situation. The legal rehabilitation of jugglers cannot be understood without taking into account their moral rehabilitation within the casuistry of sins, since this also enabled those who paid them to be exonerated from a grave sin.
  • Une traduction médiévale inconnue du Bellum Iugurthinum - Francesco Montorsi p. 355-370 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Salluste est l'un des auteurs classiques dont la fortune est la plus durable dans les siècles qui suivent la fin de l'Empire romain. Sa réception est aujourd'hui enrichie par la découverte d'une adaptation du Bellum Iugurthinum jusqu'ici passée inaperçue, qui s'avère être la seule traduction française médiévale du classique latin. Cette version abrégée est contenue dans une chronique universelle datant de la fin du XIIIe siècle, la Chronique dite de Baudouin d'Avesnes. La présente contribution trace les contours de cette version apportant un éclairage sur l'identité de son auteur, sur ses techniques d'adaptation, ainsi que sur les procédés d'imbrication des sources qui président à la construction de la trame du passage. L'édition de plusieurs extraits significatifs est également fournie.
    Sallust is one of the classical authors whose work had the most enduring influence in the centuries that followed the end of the Roman Empire. His reception is today enriched by the discovery of an hitherto unknown adaptation of Bellum Jugurthinum, which happens to be the only medieval French translation of the classical Latin text. This abridged version is contained within a universal chronicle dating from the end of the thirteenth century, the Chronique dite de Baudouin d'Avesnes (Chronicle Attributed to Baudouin d'Avesnes). The present contribution sketches the outlines of this version, clarifying the identity of its author, its adaptation techniques, as well as the methods for interweaving sources that preside over the construction of the fabric of particular passages from the abridged work. We also provide the edition of several significant extracts from this French translation.
  • Dossier

    • Le Modèle absolu de la princesse charitable. La première légende vernaculaire de sainte Élisabeth de Hongrie et sa réception - Levente Seláf p. 371-396 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article vise à présenter la première légende vernaculaire de sainte Élisabeth en vue de la préparation d'une édition critique. Composée entre 1243 et 1264, elle est constituée de la traduction du témoignage des quatre servantes de la sainte, de son procès de canonisation, d'un prologue pieux et d'un passage généalogique. L'analyse de la légende prouve qu'elle a servi de modèle non seulement à Rutebeuf pour sa Vie de sainte Elysabel, mais également pour la Vie d'Isabelle de France d'Agnès d'Harcourt. Par cette voie on peut prouver que le modèle de sainteté dynastique des Árpáds, la famille royale hongroise, a été envié et partiellement imité par les monarques capétiens dans la deuxième moitié du XIIIe siècle. L'analyse de la tradition textuelle a permis de classifier les manuscrits, et de prouver que le prologue a eu une vie indépendante du texte de la légende. Une analyse comparative poussée des légendes françaises des saintes vierges à la lumière des parentés textuelles avec la vie de sainte Élisabeth est proposée pour le futur.
      This article seeks to present the first vernacular legend of St. Elizabeth in light of the composition of a critical edition. Written between 1243 and 1264, it was comprised of a translation of the testimony of the saint's four servants, her canonization process, a pious prologue, and a genealogical passage. An analysis of the legend proves that it served as a model not only for Rutebeuf for his Vie de sainte Elysabel (Life of St. Elizabeth), but also for Agnes of Harcourt's The Life of Isabelle of France. As such, we can prove that the model of dynastic sanctity of the Árpáds, the Hungarian royal family, was envied and partially imitated by the Capetian monarchs in the second half of the xiiith century. An analysis of the textual tradition allowed manuscripts to be classified and helped to prove that the prologue had a life independent of the text of the legend. In light of textual relations with the life of St. Elizabeth, a thorough comparative analysis of French legends about virgin saints is proposed for the future.
  • Articles

    • Albret contre La Trémoille. L'héritage des seigneurs de Craon-Sully au XVe siècle - Pierre Courroux p. 397-418 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Deux des plus grandes baronnies de France, Sully et Craon, furent à la fin du XIVe siècle mises entre les mains d'une héritière convoitée, Marie de Sully. D'abord fiancée au fils aîné du duc de Berry, elle épousa par la suite Guy VI de La Trémoille, favori du duc de Bourgogne. Guy VI fut toutefois capturé à Nicopolis, et mourut en captivité en 1397, et Marie de Sully se remaria à Charles d'Albret, cousin germain du roi de France et futur connétable. Lorsqu'elle mourut en 1410, la coutume donnait aux enfants de son premier mariage, les La Trémoille, la quasi-totalité de l'héritage. Mais la dame de Sully, par des actes répétés et enregistrés devant notaires, les avait expressément déshérités au profit des enfants de son second mariage, les Albret. Cet article se propose de retracer la querelle entre les deux familles, qui dura plus de quarante ans, et se greffa sur des conflits extérieurs : guerre civile entre Albret-Armagnacs et La Trémoille-Bourguignons, puis querelle entre le favori de Charles VII, Georges de La Trémoille, et le sire d'Albret, partisan du connétable de Richemont. À travers ces péripéties se pose la question de la possibilité ou non pour une grande dame de contrevenir à la coutume pour disposer librement de ses biens.
      Two of the largest baronies in France, Sully and Craon, were placed in the hands of a sought-after heiress at the end of the XIVth century, Marie de Sully. Having first been the fiancée of the eldest son of the Duke of Berry, she then married Guy VI de La Trémoille, the favorite of the Duke of Burgundy. Guy VI was, however, captured at Nicopolis, dying in captivity in 1397, and Marie de Sully would remarry Charles d'Albret, the first cousin of the king of France and a future constable. When she died in 1410, the custom of the time dictated that almost all of the value of the inheritance was to be bestowed upon the children of her first marriage, within the La Trémoille family. But the Dame de Sully, through repeated, recorded actions taken in the presence of notaries, had expressly disinherited them in favor of the children of her second marriage, within the Albret family. This article seeks to retrace the dispute between the two families, which lasted for around forty years, and which was grafted onto external conflicts: the civil war between the Albrets of Armagnac and the La Trémoille of Burgundy, then a dispute between the favorite of Charles VII, Georges de La Trémoille, and the sire of Albret, a supporter of the constable of Richemont. In light of these tribulations, the question arose about the feasibility, or not, of a great dame going against tradition and giving away her wealth in the manner she saw fit.
  • Bibliographie

  • Comptes rendus

  • Ouvrage reçus

  • Nécrologie