Contenu du sommaire : Nicaragua : une crise révolutionnaire
Revue | Problèmes d'Amérique Latine |
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Numéro | no 112, printemps 2019 |
Titre du numéro | Nicaragua : une crise révolutionnaire |
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Dossier. Nicaragua : une crise révolutionnaire
- Présentation - Gilles Bataillon, Garance Robert p. 5-8
- Nicaragua (2018-2019). Une crise révolutionnaire - Gilles Bataillon p. 9-45 Depuis avril 2018, le Nicaragua connaît une crise qui rappelle par maints aspects celle qui marqua la fin du régime somoziste il y a quarante ans. Parti d'un refus d'un projet de réforme de la sécurité sociale, le mouvement de contestation s'est rapidement généralisé. En quelques jours c'est non seulement la jeunesse, mais le patronat, les Églises, les mouvements féministes qui en ont appelé lors de manifestations qui ont été crescendo d'avril à juillet 2018 à une démission du gouvernement et à l'organisation d'élections généralisées. Comment comprendre ce mouvement qui témoigne de l'effondrement de la légitimité du régime d'Ortega et Murillo ? Quel type de dictature tente d'instituer les dirigeants sandinistes au Nicaragua ? Quelle est la nature de la crise qui secoue le Nicaragua depuis avril 2018 ?Nicaragua, a revolutionary crisis
Since April 2018, Nicaragua has experienced a crisis reminiscent of the one that marked the end of the Somoza regime forty years ago. Provoked by the refusal of a social security reform project, a protest movement quickly spread. Within days, this movement of young people began also to attract employers, churches and women's movements who called – during increasing demonstrations from April to July of 2018 – for a resignation of the government and for the organization of general elections. How best to understand this protest movement, a testimony to the collapse of the legitimacy of the Ortega and Murillo regime? What kind of dictatorship are the Sandinista leaders trying to establish in Nicaragua? What is the nature of this crisis that has been affecting Nicaragua since April 2018? - « Le sandinisme appartient au passé » - Delphine Lacombe, Madelaine Caracas p. 47-62 Dans cet entretien avec Delphine Lacombe, Madelaine Caracas, co-fondatrice et porte-parole de la Coordination universitaire pour la démocratie et la justice, opposante politique à la dictature nicaraguayenne actuelle, revient sur sa participation aux événements d'avril et mai 2018 qui ont marqué la contestation du pouvoir incarné par la présidence du couple Daniel Ortega – Rosario Murillo. Elle évoque les premières manifestations contre l'inaction gouvernementale pour éteindre l'incendie qui a ravagé la réserve forestière Indio Maíz. Elle revient sur les mobilisations contre la réforme de l'Institut de sécurité sociale, qui fortement réprimées, ont entraîné le basculement du pays dans la crise. Elle relate sa participation au « dialogue national » entre la société civile et le pouvoir, organisé sous l'égide de la conférence épiscopale. Elle revient enfin sur ce que représente à ses yeux le sandinisme aujourd'hui et sur la capacité de « l'Unité nationale bleue et blanche » à incarner à présent une alternative politique.“The sandinism belongs to the past”. Interview with Madelaine Caracas
In this interview with Delphine Lacombe, Madelaine Caracas, co-founder and spokesperson for the University Coordination for Democracy and Justice, political opponent of the current Nicaraguan dictatorship, talks about her participation in the events of April and May 2018 which marked the contestation of power embodied by the presidency of the couple Daniel Ortega – Rosario Murillo. It evokes the first demonstrations against government inaction to extinguish the fire that ravaged the Indio Maiz forest reserve. She returns to the mobilisations against the reform of the Social Security Institute, which heavily repressed, have led to the country's tipping into crisis. She relates her participation in the “national dialogue” between civil society and power, organized under the auspices of the Episcopal Conference. Finally, she returns to what Sandinism is today and the capacity of “National Blue and White Unity” to embody a political alternative. - Témoignage d'un étudiant nicaraguayen de la révolte d'avril à juillet 2018 - Pablo Rodriguez p. 63-70 Ce témoignage d'un étudiant nicaraguayen, prononcé en novembre 2018 lors d'une réunion publique à Paris, retrace la manière dont ce jeune a vécu les évènements, depuis les prémisses des premières manifestations jusqu'à l'aggravation de la crise. Il propose également de distinguer différentes étapes dans la manière de se mobiliser, conditionnée par le renforcement de la répression gouvernementale, du mois d'avril au mois de juillet 2019.Testimony of a Nicaraguan student during the civic insurrection in Managua
This testimony from a Nicaraguan student, delivered in November 2018 during a public meeting in Paris, describes the way this young man lived the events, from the premises of the first protests to the crisis' intensification. It also aims to distinguish different stages of the mobilizations and the government's repressive reactions, from April to July 2018. - Voice et Exil. Itinéraire d'une opposante Azul y Blanco - Benjamin Moallic p. 71-82 Composé à partir du témoignage d'une jeune nicaraguayenne réfugiée en Espagne à la suite des répressions de mai-juin 2018, ce récit met en lumière la façon dont des sympathisants du Front ont pu basculer dans la critique puis le rejet du sandinisme. Revenant sur les contradictions du régime ortéguiste, on y voit une jeune fille être peu à peu prise par les évènements puis par la répression menée par le FSLN. Contrainte à l'exil, son histoire témoigne de la stratégie jusqu'au-boutiste de dictature ortéguiste et d'une réflexion plus profonde sur les peurs de ses fidèles.Voice and exile. Itinerary of an opponent Azul y Blanco
Based on the testimony of a young Nicaraguan girl who ran away from the repression of May-June 2018 and took refuge in Spain, this story highlights how Front supporters have turned towards criticism and then rejection of Sandinism. Returning on the contradictions of the orteguist regime, we see a young girl gradually being caught up in the events and then in the repression led by the FSLN. Forced to exile, her history demonstrates the extreme strategy of the Orteguist dictatorship and a deeper reflection on the fears of his followers. - La jeunesse révoltée d'avril à travers les yeux des adultes - José Luis Rocha, Garance Robert p. 83-100 En 2016, beaucoup ont dit ou pensé que la jeunesse nicaraguayenne était apathique, individualiste et désintéressée des problèmes de leur pays. A peine deux ans plus tard, depuis l'inattendu mois d'avril 2018, ces mêmes personnes ont été témoins de l'engagement de la jeunesse “autoconvoquée” voulant changer le Nicaragua, décision que certains ont payé de leurs vies ou en sacrifiant leur liberté. Ces jeunes ont été les têtes de file d'un mouvement social qui continue à résister. Comment les yeux des adultes nicaraguayens ont-ils perçu ce retournement ? Cet article s'attache à décrire et analyser différentes positions d'adultes des générations antérieures – de la critique acerbe à un optimisme enthousiaste – sur l'attitude et les actions de la jeunesse étudiante nicaraguayenne, depuis 2016 jusqu'à la crise politique actuelle.The rebellious youth of April through older generations' eyes
In 2016, a lot of people said or thought that the Nicaraguan youth was apathetic, individualist and distant from their country's issues. Less than two years later, especially since the unexpected events of April 2018, these people witnessed the independent youth of Nicaragua fighting to change their country, a decision that lead some of them to paying the highest price, losing their lives or their freedom. These young students have been the leaders of a social movement that continues to resist. How have the older generations of Nicaraguans reacted to this movement? This article aims to explain and analyze the different aspects of this question: from scathing criticism to an enthusiastic optimism by older Nicaraguans towards the attitude and actions of the student movement from 2016 to the current political crisis.
Varia
- Comment Managua fut vers 1979 le lieu d'un événement linguistique révolutionnaire - Sacha Bourgeois-Gironde p. 101-114 La révolution sandiniste en 1979 a coïncidé avec la structuration de la communauté sourde nicaraguayenne, jusque-là composée d'individus isolés, sans moyen d'expression et de communication collectif. Du fait du regroupement de ces personnes sourdes, à cette époque, dans deux écoles de Managua, une langue des signes autonome, hors des cadres prévus par les planificateurs linguistiques, a vu le jour. Elle n'emprunte ni à un espagnol signé ni à une langue des signes internationale. La seule réunion des sourds nicaraguayens a fait émerger une langue originale, unique dans l'histoire des langues des signes, l'Idioma de Señas de Nicaragua (ISN), qui est le fruit d'une fusion horizontale de protolangages privés d'individus finalement mis en contact. Les linguistes du MIT, eux-mêmes alors en pleine effervescence révolutionnaire à la suite des publications de Chomsky, s'emparent du cas nicaraguayen comme un phénomène unique d'apparition d'une langue afin de discuter d'hypothèses fondamentales sur la nature du langage. Nous rapportons ici les débats principaux qui continuent à animer la linguistique jusqu'à ce jour.How Managua was around 1979 the place of a linguistic revolutionnary event
The Nicaraguan Revolution in 1979 was concomitant with the structuration of the deaf community in Nicaragua. Until that date deaf people lived in isolation all over the country and lacked any common mean of expression and communication. After they were enrolled in two main schools in Managua, an autonomous sign language emerged, outside of the framework imagined by the linguistic planners. That sign language (afterwards called the Idioma de Señas de Nicaragua, ISN) does not consist in a form of signed Spanish and does not borrow either to any international sign language. It is the result of a horizontal fusion of idiosyncratic protolanguages when their speakers are finally reunited. This phenomenon was unique in the history of sign languages and has quickly intrigued the linguists at MIT, who were themselves a period of revolutionary ebullition, after the publication of Chomsky's work on the nature of language. They conceived of the emergence of ISN as a living test of their hypotheses. We report in this article some of the debates that continue to interest linguists till today. - Retour sur la notion de « travail esclave » au Brésil : ZARA et les travailleurs migrants boliviens - Fabien Lemozy p. 115-129 La notion de travail esclave est régulièrement utilisée pour désigner des formes d'exploitations qui peuvent paraître de plus en plus diverses. Au Brésil, la main-d'œuvre bolivienne des ateliers de confection est particulièrement concernée par ce terme, tant ces migrants sont associés à la clandestinité, la précarité et l'exploitation. À travers l'affaire de travail esclave qui a touché la multinationale ZARA en 2011, nous interrogerons la valeur heuristique de cette catégorie au Brésil, dont la singularité permet d'envisager le travail dans la confection seulement comme une expérience de la domination, et non comme une expérience de l'émancipation, effaçant ainsi la capacité d'action des migrants.Feedback to the notion of “slave labor” in Brazil : ZARA and bolivian migrant workers
The concept of slave labor is regularly used to designate forms of exploitation that may appear more and more diverse. In Brazil, the Bolivian workforce of garment factories is particularly concerned by this term, as these migrants are associated with clandestinity, precariousness and exploitation. Through the slave labor case that affected the multinational ZARA in 2011, we will question the heuristic value of this category in Brazil, whose singularity allows to consider the work in the confection only as an experience of domination, and not as an experience of emancipation, thus denying the ability of migrants to act.
- Comment Managua fut vers 1979 le lieu d'un événement linguistique révolutionnaire - Sacha Bourgeois-Gironde p. 101-114