Contenu du sommaire : Fiscalité du patrimoine
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 161, juillet 2019 |
Titre du numéro | Fiscalité du patrimoine |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Fiscalité du patrimoine - Sandrine Levasseur p. 5-18
- Les déterminants sociaux du sentiment d'injustice fiscale - Kevin Bernard, Alexis Spire p. 19-48 En France, le niveau atteint par les prélèvements est de plus en plus contesté. À partir d'une enquête statistique inédite, l'article montre que l'exaspération à l'égard des prélèvements est étroitement liée à un sentiment d'injustice fiscale plus ou moins marqué selon les prélèvements et selon certaines caractéristiques sociales. Toutes choses égales par ailleurs, le sentiment d'injustice est particulièrement prégnant chez les femmes, les contribuables peu diplômés, les habitants en zones rurales, et il varie fortement avec l'âge. Les membres des classes populaires se montrent particulièrement critiques tandis que les bénéficiaires de niches fiscales sont plus satisfaits. Le jugement porté sur les différents prélèvements révèle deux conceptions de la justice fiscale, l'une valorisant l'objectif de réduction des inégalités est l'apanage des fonctionnaires et des contribuables orientés à gauche, et l'autre, défendue par les cadres, les chefs d'entreprise et professions libérales privilégiant l'initiative économique.The social determinants of a sense of unjust taxation
In France, the level reached by direct taxation is coming increasingly into question. Using a previously unpublished statistical survey, this article shows that the exasperation with regard to these levies is closely linked to a feeling of unfair taxation that is more or less pronounced depending on the particular tax and on certain social characteristics. Other things being equal, the feeling of injustice is particularly widespread among women, poorly educated taxpayers, and people in rural areas, and it varies greatly with age. People from the middle and lower classes are also particularly critical, especially in the event of a dispute with the tax authorities. People's judgments of the different levies reveals two conceptions of tax justice: one view valuing the goal of reducing inequality is more prevalent among civil servants and taxpayers on the left, and the other, popular among executives, entrepreneurs and professionals, favours taxation that does not undermine economic initiative. - Le patrimoine et l'endettement des ménages français en 2015 : Enseignements de l'enquête européenne HFCS et comparaisons internationales - Luc Arrondel, Jérôme Coffinet p. 49-75 Le succès du livre de Thomas Piketty en 2013, Le capital au XXIe siècle, a remis la thématique des inégalités au cœur des débats de politique économique. Par ailleurs, la crise financière de 2008 a modifié les comportements des épargnants, ces derniers privilégiant la prudence dans leur portefeuille. Les comparaisons spatio-temporelles de la distribution du patrimoine et sa composition apparaissent donc essentielles pour analyser ces questions de politique publique.À ce titre, l'enquête européenne Household Finance and Consumption Survey, qui collecte des informations sur le patrimoine, le revenu et les habitudes de consommation des ménages, semble particulièrement intéressante. Ces données permettent de comprendre les comportements d'épargne et d'endettement des ménages, d'évaluer les vulnérabilités financières et les effets de la politique monétaire.L'enquête réalisée fin 2014-début 2015 montre que la concentration des actifs financiers et professionnels des ménages français est plus importante que celle des biens immobiliers. L'épargne risquée et de long terme est davantage détenue par les plus riches mais la détention d'actions stagne à des niveaux relativement faibles.En moyenne, les ménages français déclarent posséder 268 000 euros de patrimoine brut. La moitié est endettée, en moyenne à hauteur de 37 000 euros. Le décile des Français les plus riches détient environ 46 % de la richesse totale, le centile le plus aisé, environ 15 %. La hausse de l'endettement concerne davantage les ménages aisés, disposant de capacités de remboursement plus importantes ou de patrimoines substantiels. La situation des ménages ne semble donc pas faire porter de risque majeur à la stabilité financière en France.Wealth and indebtedness of French households in 2015The success of Thomas Piketty's 2013 book, Capital in the 21st Century, has put the theme of inequality at the heart of economic policy debates. In addition, the financial crisis of 2008 has changed the behavior of savers, who now favor prudence in their portfolio. Spatio-temporal comparisons of the distribution of wealth and its composition therefore appear essential for analyzing these public policy issues.The European Household Finance and Consumption Survey collects information on household wealth, revenue and consumption habits. Those data enable a better understanding of savings and indebtedness behaviors, as well as an evaluation of financial weaknesses and monetary policy effects.The 2014-2015 wave shows that the concentration of financial assets is higher than that of real estate. Risky and long-term savings are essentially held by wealthy households, but stockholdings remain low.On average, French households claim to have 268,000 euros of assets gross. Half are indebted, on average up to 37,000 euros. The decile of the richest French holds about 46% of the total wealth, the richest percentile, about 15%. Increasing indebtedness essentially concerns wealthy people. Hence, the household situation does not reveal any major risk on financial stability in France.JEL classification: D84, D91, E21, G11
- Loi de finances 2018 et fiscalité du capital : Fondements et impact sur les taux marginaux supérieurs - Céline Antonin, Vincent Touzé p. 77-112 Dans cet article, nous étudions l'impact de la loi de finances 2018 (LF2018) sur les taux d'imposition marginaux supérieurs. Nous revenons d'abord sur l'évolution de la fiscalité du capital au cours du temps, son incidence sur les choix économiques et sur la mesure des taux marginaux d'imposition. Nous discutons ensuite des arguments économiques qui ont conduit à l'adoption du prélèvement forfaitaire unique (PFU) et à la suppression partielle de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Enfin, nous calculons les taux marginaux économiques avant réforme pour différentes classes d'actifs, puis évaluons l'impact de la loi de finances 2018.Nous montrons que le remplacement de l'ISF par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) a permis de ramener les taux marginaux supérieurs en dessous de 100 %. Nos calculs mettent également en évidence deux effets de la réforme sur l'assurance vie : le PFU réduit la fiscalité pour des retraits avant 8 ans ; pour la partie des contrats supérieure à 150 000 euros, la fiscalité devient indépendante de l'horizon de détention. L'imposition des plus-values réalisées sur valeurs mobilières ne dépend également plus de l'horizon de détention. De plus, la baisse de l'impôt sur les sociétés contribue à réduire les taux marginaux de façon non négligeable. Enfin, c'est au niveau des revenus obligataires que la baisse de fiscalité est la plus forte.2018 Finance Act and capital taxation – principles and impact on higher marginal tax rates
In this article, we study the impact of the 2018 Finance Act (LF2018) on higher marginal tax rates. We first turn to changes in capital taxation over time and the impact on economic choices and the measurement of marginal tax rates. We then discuss the economic arguments that led to the adoption of the single flat-rate PFU levy (the prélèvement forfaitaire unique) and the partial abolition of the ISF wealth tax (impôt de solidarité sur la fortune). Finally, we calculate the marginal pre-reform economic rates for different asset classes, then evaluate the impact of the 2018 Finance Act. We show that the replacement of the ISF by the IFI property wealth tax (impôt sur la fortune immobilière) has helped to bring down the top marginal rates below 100%. Our calculations also highlight two effects of the life insurance reform: the PFU reduces the tax on withdrawals before 8 years; for the part of the policies above 150,000 euros, the taxation becomes independent of the time period held. The taxation of capital gains realized on securities also no longer depends on the time period held. In addition, the fall in corporation tax (IS) is helping to reduce marginal rates significantly. Finally, it is with respect to bond income that the tax reduction is the strongest. - L'évolution de long terme des transmissions de patrimoine et de leur imposition en France - Clément Dherbécourt p. 113-144 Cet article analyse l'évolution des taux effectifs d'imposition des héritages et donations en France des années 1870 à nos jours. Sur le long terme le taux d'imposition a évolué du fait des changements de barèmes, de la manière dont l'administration a évalué les biens transmis, mais aussi des changements dans la structure des transmissions. La période 1930-1950 est celle où les successions et donations ont été les plus taxées, notamment en ligne directe. À partir des années 1950 on assiste à une grande divergence des taux d'imposition entre les enfants et les conjoints d'une part et les parents éloignés et non-parents d'autre part. En ligne indirecte, le taux d'imposition moyen a très fortement augmenté au cours du temps pour atteindre 20 à 25 % aujourd'hui. À long terme l'augmentation de la part des successions et donations en ligne directe dans l'ensemble des transmissions a eu pour effet de modérer le taux moyen d'imposition. Cet effet pourrait se retourner dans les prochaines décennies du fait des évolutions démographiques.Trends in the long-term transmission of wealth and its taxation in France
This article analyzes changes in the effective rates of inheritance and gift taxes in France from the 1870s to the present. Over the long term, the tax rate has changed due to changes in tax scales and in the way the administration has valued the property passed on, as well as changes in the structure of the transmissions. The period 1930-1950 witnessed the heaviest period of taxation of inheritances and gifts, especially direct inheritances. From the 1950s, tax rates began to diverge sharply between children and spouses on the one hand and distant and non-parental relatives on the other. For indirect inheritances, the average tax rate has risen sharply over time to reach 20% to 25% today. In the long run, the increase in the proportion of direct inheritances and gifts in all transmissions has had the effect of moderating the average tax rate. This trend could be reversed in coming decades because of demographic changes. - Individualisation du patrimoine au sein des couples : quels enjeux pour la fiscalité ? - Nicolas Frémeaux, Marion Leturcq p. 145-175 Nous montrons dans cet article que la manière dont le patrimoine est détenu au sein des couples a profondément évolué au cours de la période 1998-2010, conduisant à une individualisation du patrimoine et à une augmentation des inégalités de patrimoine au sein des couples. Celles-ci accompagnent les changements majeurs dans les modes de vie en couple : généralisation de la cohabitation hors mariage, essor du Pacs comme alternative au mariage et recours plus fréquent à un contrat de mariage, qui ont pour conséquence une séparation du patrimoine au sein des ménages. Nous montrons ensuite que cette tendance à l'individualisation du patrimoine au sein des couples n'a cependant pas été prise en compte dans le système fiscal, qui tend à faire l'hypothèse d'une mise en commun des ressources au sein des ménages. Ce phénomène invite à se questionner sur les principes de justice qui sous-tendent l'imposition du patrimoine des couples, que ce soit à travers les revenus, la détention ou la transmission des patrimoines. La fiscalité actuelle fait preuve d'incohérences dans le traitement fiscal des couples. L'objet de cet article est de documenter ces faits et d'ouvrir des pistes de réflexions.The individualisation of wealth within couples: The implications for taxation
We show in this article that the way in which wealth is held within couples has profoundly changed during the period 1998-2010, leading to an individualisation of wealth and an increase in wealth inequality within couples. This development goes in hand with major changes in the lifestyles of couples: the generalization of out-of-wedlock cohabitation, the expansion of PACS civil partnerships as an alternative to marriage, and the more frequent use of marriage contracts, which is resulting in the separation of assets within households. We then show that this trend towards the individualisation of wealth-holding within couples has not been taken into account in the tax system, which tends to assume that resources are pooled within households. This phenomenon calls for a re-examination of the principles of justice that underlie the taxation of the wealth of couples, whether that takes place in respect to income or the possession or transmission of assets. Current taxation is inconsistent in the tax treatment of couples. The purpose of this article is to document this state of affairs and to open up avenues for reflection.JEL classification: D31, H31, J12 - Un impôt immobilier tout en un : rendement, progressivité et faisabilité - Guillaume Bérard, Alain Trannoy p. 177-224 Nous étudions la faisabilité d'un impôt foncier unique (IFU) sur le patrimoine foncier et immobilier des ménages qui remplacerait tous les impôts existants portant sur ce type de patrimoine, en particulier, la taxe foncière, l'IFI, les DMTO, la taxe sur les plus-values immobilières et l'impôt sur les revenus fonciers perçus par les propriétaires bailleurs. La valeur du patrimoine net de la dette immobilière, moins un abattement sur la valeur de la résidence principale de 50 000 euros, serait taxée au taux de 1 % jusqu'au seuil de l'IFI (soit 1,3 million d'euros) et à hauteur de 1,5 % au-delà. Les recettes seraient partagées entre l'État et les collectivités territoriales au moyen d'un fonds de péréquation. Après avoir présenté les raisons qui légitiment notre proposition de réforme, nous procédons à une première évaluation du rendement de l'impôt et du profil de la charge fiscale en fonction du revenu, de la taille familiale et de l'âge en mobilisant l'enquête Patrimoine de l'INSEE. La décorrélation partielle des revenus et des patrimoines immobiliers permet difficilement d'en faire un grand impôt de rendement, même si la recette fiscale espérée est équivalente à la recette perdue des impôts remplacés. Un plafonnement de l'IFU en termes de revenu disponible briderait assez rapidement son rendement.An all-in-one property tax that is high-yielding, progressive and reliable
We examine the feasibility of a single property tax on the property and real estate holdings of households that would replace all the existing taxes on this type of wealth, in particular, the property tax, the IFI tax, the DMTO tax, the tax on real estate capital gains and the tax on rental income received by landlords. Net property worth, after deducting real estate debt and 50,000 euros for the value of the principal residence, would be taxed at a rate of 1% up to the threshold of the IFI (1.3 million euros) and at 1.5% beyond that. The revenue would be shared between the State and the local authorities through an equalization fund. After presenting the reasons underlying our reform proposal, we first assess the profile of the tax yield and tax burden according to income, family size and age by drawing on the INSEE wealth survey (enquête Patrimoine). The partial decorrelation of real estate income and assets makes a large tax yield difficult, even if the expected tax revenue is equivalent to the revenue lost from the taxes replaced. A cap on a single property tax in terms of disposable income would bring down its yield fairly quickly.JEL classification: H23, H61, H71, R51 - Vieillissement et épargne des ménages : Comment favoriser une meilleure accumulation du capital ? - André Masson, Vincent Touzé p. 225-286 Cet article s'intéresse à l'accumulation de patrimoine des ménages et à sa transformation en capital productif dans un contexte de population vieillissante. S'appuyant sur des constats négatifs réalisés à deux niveaux, d'abord microéconomique puis macroéconomique, il propose enfin un ensemble de remèdes.D'un point de vue microéconomique, la forte accumulation et concentration de patrimoine par les seniors, associée à une faible détention d'actions, s'expliquerait pour l'essentiel par de forts comportements de précaution. Pour pallier l'incertitude financière induite par l'allongement de la durée de vie (baisse du pouvoir d'achat de la pension, dépenses nouvelles en cas de dépendance, etc.), les seniors averses au risque et à l'ambiguïté adopteraient des stratégies de sur-épargne et d'investissement dans des actifs peu risqués (assurance-vie, immobilier).Le constat macroéconomique confirme la hausse historique du poids du patrimoine dans le PIB et sa faible contrepartie en actifs productifs. Il révèle aussi la baisse inquiétante du taux d'investissement net, qui apparaît corrélée à la baisse de la productivité par tête, et la dépendance accrue du financement de l'économie nationale aux investisseurs étrangers.Une série de remèdes sociaux, fiscaux, financiers et institutionnels sont avancés. Combinés les uns aux autres, ils pourraient réduire les incertitudes financières posées par l'allongement de la durée de vie, favoriser une meilleure circulation du patrimoine entre les générations et encourager l'orientation de l'épargne vers des actifs investis à long terme dans le secteur productif national.Population aging and household savings
This article focuses on the accumulation of household wealth and its transformation into productive capital in a context of an aging population. By drawing on negative observations made at two levels, first microeconomic then macroeconomic, a set of remedies is proposed. From a microeconomic point of view, the great accumulation and concentration of wealth by older people, combined with a low level of shareholding, can be explained mainly by strong precautionary behavior. To alleviate the financial uncertainty induced by the lengthening of the life span (decrease in the purchasing power of pensions, new expenses in the event of dependency, etc.), senior citizens who are averse to risk and ambiguity are adopting strategies of over-saving and investing in low-risk assets (life insurance, real estate). The macroeconomic finding confirms the historical rise in the weight of wealth in GDP and its low counterpart in productive assets. It also reveals a worrying fall in the net investment rate, which appears to be correlated with the decline in per capita productivity and the increased dependence on foreign investors for financing the national economy. A series of social, fiscal, financial and institutional remedies are envisaged. Taken together, they could reduce the financial uncertainties posed by a lengthening life expectancy, promote a better flow of wealth between generations and encourage the orientation of savings towards the long-term investment of assets in the national productive sector.