Contenu du sommaire : Les chapitres cathédraux et la mort
Revue | Le Moyen Age |
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Numéro | tome 124, no 3, 2018 |
Titre du numéro | Les chapitres cathédraux et la mort |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Introduction - Thierry Pécout p. 547-552
- Une lecture des obituaires de quelques cathédrales de France septentrionale, XIIe–XVe siècle - Vincent Tabbagh p. 553-580 Constitués à partir du XIIe siècle, les obituaires, qui recensent sous forme de calendrier les défunts pour lesquels le clergé de la cathédrale doit prier chaque jour à perpétuité, témoignent de l'importance prise, en ces églises comme en tant d'autres, par l'entretien de mémoires individuées destinées au salut de l'âme de chacun. Régulièrement renouvelés, ils enregistrent aussi les dons faits pour financer ces célébrations quotidiennes, et donc les distributions en argent que perçoivent chanoines, chapelains et clercs qui les assurent et en tirent des revenus substantiels et régulièrement augmentés. Évêques et chanoines sont les plus nombreux bénéficiaires de ces anniversaires : une église particulière assure d'abord la mémoire salutaire de ses membres, quoiqu'une minorité d'entre eux s'en soit faite participante en en fondant un. Leur famille charnelle s'y trouve également associée. En revanche, les laïcs sans relation de sang avec eux, à l'exception des princes de la région, connaissent une exclusion progressive.Composed from the xiith century onwards, obituaries, which identified—in the form of a timeline—the dead for whom the clergy were obliged to pray each day for all eternity, testify to the importance ascribed to the maintenance—in these churches as in so many others—of individual memories intended for the salvation of each person's soul. Being regularly updated, they also recorded the donations made to finance these daily commemorations, and thus the monetary distributions that canons, chaplains, and clerics earned, which maintained their living standard and gave rise to substantial and regularly increased incomes. Bishops and canons were the most frequent beneficiaries of these anniversaries. A specific church would first of all ensure the salutary remembrance of its members, although a small number of church members were made to participate by founding a church. An individual's earthly family also became involved. Nonetheless, lay people with no blood relation to them, with the exception of the princes of the region, were faced with increasing exclusion.
- Des cathédrales sans sépulture canoniale (1200–1500) : le cas de Chartres et de quelques autres - Jean-Vincent Jourd'heuil p. 581-614 On pense souvent que les chanoines sont nécessairement inhumés dans leur cathédrale, surtout à la fin du Moyen Âge. Or aucun des nombreux testaments de chanoines de Chartres n'y élit sépulture. Il y a même une grande dispersion de leurs corps dans la cité et ses faubourgs. Aucun évêque n'est inhumé dans sa cathédrale. Cette pratique est parfois justifiée par l'existence d'un interdit. Les chanoines et les évêques finissent par expliquer que Notre-Dame est une église fondée avant l'Incarnation et qu'elle mérite à ce titre la préservation de la virginité de son sol. L'absence de toute sépulture dans une cathédrale française passerait pour extraordinaire, mais la comparaison avec d'autres cathédrales révèle que l'interdit des corps est attesté au XIIIe siècle dans plusieurs cités, et plus tard encore : à la fin du XVe siècle, celui-ci se retrouve à Saint-Jean de Besançon et peut-être aussi au Puy. Une cathédrale et ses abords immédiats ne doivent plus être perçus comme les lieux nécessaires de l'inhumation des chanoines entre 1200 et 1500.We often assume that canons were necessarily buried within their cathedrals, especially in the Late Middle Ages. Yet none of the numerous wills left by the canons of Chartres indicated a desire to be buried there. One even finds that their remains are widely dispersed across the city and its suburbs. No bishop is buried within his cathedral. This practice is often justified by the existence of a ban. Canons and bishops end up explaining that Notre-Dame is a church that was founded before the Incarnation and that, as such, the purity of its soil deserves to be protected. The absence of any sepulchers in a French cathedral appears extraordinary, but a comparison with other cathedrals reveals that the ban on bodies is attested in several cities in the XIIIth century, and even later: at the end of the XVth century, such a ban appeared in Saint-Jean de Besançon and perhaps also at Le Puy. A cathedral and its immediate vicinity must no longer be viewed as having been the necessary places of burial for canons between 1200 and 1500.
- La mort et les chapitres cathédraux dans la Bourgogne des XIIIe–XVe siècles - Jacques Madignier p. 615-650 Durant les trois derniers siècles du Moyen Âge, les chapitres cathédraux d'Autun et Chalon-sur-Saône s'efforcent de définir leur politique en matière de mort en tenant compte de la situation propre à leur cité épiscopale : la topographie, les équilibres qui se sont établis entre les différentes composantes sociales et politiques, les privilèges anciens dont jouissent les différentes institutions religieuses. Les rituels d'accompagnement des mourants vont rester très proches dans les cités autunoise et chalonnaise. Ce n'est pas le cas pour les offices de commémoration, pour les ensevelissements et les lieux d'inhumation. Dès le XIIIe siècle, la cathédrale d'Autun devient nécropole épiscopale ; la cathédrale de Chalon doit attendre la fin du XVe et le début du XVIe siècle pour le devenir à son tour.Throughout the last three centuries of the Middle Ages, the cathedral chapters of Autun and Chalon-sur-Saône attempted to define their policy with regard to death by taking into account the particular situation of their episcopal city, including the topography, the balances that had been established between the different social and political organizations, and the long-standing privileges that the different religious institutions enjoyed. The supporting rites for the dying would continue to play a defining role in the cities of Autun and Chalon-sur-Saône. This was not the case for commemoration services, burials, and places of burial. The cathedral of Autun became an episcopal necropolis in the XIIth century, whereas the cathedral of Chalon had to wait until the end of the XVth century and the beginning of the XVIth century in order to become one too.
- Rituels, pratiques et espaces funéraires des évêques et des chanoines de Cambrai. Un bilan provisoire (1350-1500) - Monique Maillard-Luypaert p. 651-688 Grâce à des sources indirectes comme les dossiers testamentaires, les comptes des offices capitulaires, les chroniques, il est possible de se faire une idée assez précise de la liturgie des morts à la cathédrale de Cambrai et de glaner des informations sur les sépultures épiscopales et canoniales pour la fin de la période médiévale. Les rites et les pratiques funéraires varient quelque peu selon qu'il s'agit d'un évêque ou d'un membre du chapitre. On suivra ici le dernier voyage du défunt, du lit mortuaire à la tombe. À l'intérieur de l'édifice, les sépultures étaient inégalement réparties entre trois ensembles : le chœur, réservé aux mausolées des évêques, les nefs et les chapelles où s'entassaient vaille que vaille dalles funéraires et épitaphes des dignitaires et des chanoines. La décoration des tombeaux est le reflet de la personnalité des défunts, de leur dévotion particulière, mais aussi de leurs moyens financiers et de leurs goûts artistiques.Thanks to indirect sources such as wills, the accounts of capitulary offices, and chronicles, it is possible to get a fairly accurate picture of the liturgy of death at the cathedral of Cambrai and to glean information on episcopal and canonical sepulchers for the end of the medieval period. The rites and funerary practices vary somewhat depending on whether the deceased is a bishop or a member of the chapter. Here we intend to follow the final journey of the deceased, from the deathbed to the grave. In the building's interior, the sepulchers were unequally divided up between three assemblies: the choir—reserved for the mausoleums of the bishops—, the naves, and the chapels, where—for better or worse—tombstones and the epitaphs of dignitaries and canons were bunched together. The decoration of the tombstones reflected the personality of the deceased, their particular devotion, and also their financial means and their aesthetic tastes.
- Le coût du salut. Les fondations religieuses des chanoines de la cathédrale d'Angers (milieu XIVe–début XVIe siècle) - Jean-Michel Matz p. 689-706 Comme toutes les églises à la fin du Moyen Âge, la cathédrale d'Angers a vu un essor important des demandes de messes perpétuelles dans les procédures du salut, sous la forme soit d'un simple anniversaire soit d'une chapellenie qui suppose un service régulier, mensuel ou hebdomadaire, voire quotidien pour les plus fortunés. L'article s'intéresse à un problème relativement peu abordé par l'historiographie de la mort : non pas le sens religieux et la signification spirituelle de ces fondations, mais leur dimension économique et le montage financier qui les sous-tendent et sont censés garantir leur perpétuité jusqu'au Jugement Dernier. Après une présentation du corpus relativement abondant des sources (manuscrits nécrologiques, testaments…), l'étude aborde successivement les conditions financières de la fondation des anniversaires et des chapellenies, en mettant en valeur les conséquences de la monétarisation progressive de l'économie à la fin du Moyen Âge.Like any other church at the end of the Middle Ages, the cathedral of Angers underwent a significant increase in the demand for mass services – endless when it came to salvation procedures – either embodied by a simple anniversary, or by chantries, which implied a regular service (monthly, weekly, or even daily for the wealthiest individuals). This article deals with a problem that has been largely avoided by the historiography of death. This relates not to the religious meaning or the spiritual significance of these foundations but rather their economic dimension and the financial arrangements that underpin them, all of which were meant to guarantee their perpetuity until the Last Judgement. After presenting the fairly large corpus of sources (handwritten obituaries, wills…), this study successively brings up the financial conditions surrounding the establishment of anniversaries and chantries by recognizing the consequences of the progressive monetization of the economy in the late Middle Ages.
- La place des chanoines dans l'obituaire du chapitre cathédral de Limoges du XIIIe siècle - Jean-Loup Lemaitre p. 707-720 Le chapitre cathédral de Limoges a laissé une importante documentation nécrologique, mais qui n'est pas toute conservée en original. On s'est intéressé ici à la situation au XIIIe siècle, à travers l'obituaire (3G 11) qui compte 370 entrées, dont 84 additionnelles. 145 de ces entrées concernent les chanoines, mais ne sont pas toutes des fondations d'anniversaires, car ces derniers voisinent avec les élévations d'offices au rit double et des fondations multiples. Au total ce sont 107 chanoines de Limoges qui apparaissent dans l'obituaire. Nous avons ainsi la liste complète des doyens de 1218 à 1308. Les notices sont assez détaillées, donnant pour la plupart l'assiette de la fondation, les débiteurs, la part de l'Œuvre (la baylie des anniversaires) pour assurer les distributions. Il n'est par contre jamais question d'absoute sur la sépulture des chanoines, ni de remarques sur la liturgie à suivre, sauf sur le luminaire et les sonneries de cloches. Les élévations d'offices au rit double font connaître les saints préférés des chanoines, parmi lesquels de nombreux saints locaux.The cathedral chapter of Limoges left behind a significant obituary, albeit one that has not been entirely preserved in its original form. We have made it our mission to explore the situation of the xiiith century through this obituary (3G 11), which includes 370 entries, 84 of which are extras. Of these entries, 145 concern canons, but not all are anniversary donations, since these latter entries came hand in hand with the raising of offices to the double rite, as well as with multiple donations. In total, 107 canons from Limoges feature in the obituary. We thus have the complete list of deans from 1218 to 1308. The records are fairly detailed, outlining—for the most part—the basis of the donation, the debtors, and the « part de l'Œuvre » (overseen by the bailiff of anniversaries) so as to ensure a proper distribution. Yet it was never a question of carrying out a process of absolution over the sepulchers of canons, nor of making comments on the liturgy to follow (only with regard to the lighting and the ringing of the bells). The raising of offices to the double rite meant that the favorite saints of the canons became known, among whom were to be found many local saints.
- Concurrence ou cogestion ? La mort, un enjeu fondamental des relations entre Église séculière et communautés régulières (Provence, XIIe–XIVe s.) - Anne Chiama p. 721-732 La montée en puissance des ordres militaires et mendiants dans les trois provinces ecclésiastiques provençales à partir du XIIIe siècle est traditionnellement présentée comme un coup porté à l'influence de l'Église séculière, des prélats et des chapitres cathédraux, dans des contextes géopolitiques locaux et régionaux complexes et changeant. Plusieurs exemples tirés d'un corpus de sources ecclésiastiques encore largement inédites montrent que les relations entre les communautés religieuses sont souvent houleuses : celles-ci prennent régulièrement la forme de conflits parfois longs et d'arbitrages entre les différentes composantes du clergé provençal autour du partage des droits funéraires entre chaque communauté, de la répartition des revenus afférents à l'administration de la mort ou encore de la prise en charge des défunts et la célébration de leur mémoire. À travers le prisme des activités funéraires, il s'agit de questionner cette idée de concurrence et même de rivalité entre les communautés.The increasing power of military and mendicant orders in the three Provençal ecclesiastical provinces from the thirteenth century onwards is traditionally portrayed as a blow to the influence of the secular Church, prelates, and cathedral chapters, occurring within complex and changing local and regional geopolitical contexts. Various examples taken from a corpus of ecclesiastical sources that are still largely unpublished show that relations between the religious communities were often fractious. This often resulted in conflicts—sometimes lengthy ones—, as well as arbitrations, between the different elements of the Provençal clergy regarding the sharing of funeral rights between each community, the distribution of the revenue associated with the administration of death, and even the process of managing the dead and celebrating their memory. Through the lens of funeral operations, we examine this notion of competition and even rivalry between the communities.
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 733-818
- Ouvrages reçus à la rédaction de la revue - p. 821-826