Contenu du sommaire : La renommée des villes
Revue | Histoire urbaine |
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Numéro | no 56, décembre 2019 |
Titre du numéro | La renommée des villes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier. La renommée des villes
- La renommée des villes ou comment une ville communique-t-elle sur son image ? : Enjeux et perspectives historiques - Thibault Tellier p. 5-10
- Babylone, ville des dieux et des rois - Laura Cousin p. 11-33 Au premier millénaire av. J.-C., Babylone est la capitale politique et religieuse du pays. La ville se trouve par conséquent sous une double influence : celle du roi temporel et celle du roi des dieux, Marduk (divinité poliade de Babylone et chef du panthéon babylonien), ainsi que de son puissant clergé. Par conséquent, à l'intérieur même de Babylone, les principaux marqueurs symboliques et architecturaux semblent être ceux du pouvoir religieux, tandis que le complexe palatial se distinguerait par sa monumentalité. Fondée sur l'étude conjointe des données issues des sources cunéiformes et des rapports de fouilles, cette étude s'interroge sur la construction de l'identité et de la renommée de Babylone comme capitale religieuse de la Mésopotamie et tente de mettre en évidence comment le pouvoir royal parvient à demeurer visible à l'intérieur de la ville de Marduk.In the first millennium BCE, Babylon was the political and religious capital of its kingdom. The city thus came under a twofold influence: that of the temporal king and that of Marduk, the king of the gods (Babylon's patron deity and the chief god of the Babylonian pantheon), and his powerful clerics. As a result, even within Babylon, the primary symbolic and architectural markers appear to be those of the religious powers; whereas the palace complex stood out for its monumental size. Based on a combined study of cuneiform sources and excavation reports, this paper focuses on the construction of the identity and renown of Babylon as the religious capital of Mesopotamia, and endeavours to shed light on how the royal power remained visible in Marduk's city.
- La ville sainte : renommée et image religieuse de Lyon à l'époque moderne - Nicolas Guyard p. 35-51 À partir du XVIIe siècle, les élites lyonnaises (re)découvrent leur histoire, dans une construction religieuse qui s'appuie sur les modèles indépassables de Jérusalem et Rome. Cette construction de la renommée de la ville de Lyon comme ville sainte et sacrée s'effectue principalement sous l'impulsion des historiographes locaux, qui mettent en récit la sainteté urbaine et en images par le biais de l'inscription. Ce processus de différenciation apparaît comme un espace d'autonomie face à une monarchie de plus en plus intrusive. Au XVIIIe siècle, cette image religieuse connaît une forme de sécularisation, avant un retour dans les premières décennies du XIXe siècle. Cette renommée sainte, désormais, sert à rendre visible le renouveau militant catholique qui touche la ville de Lyon à cette époque.Beginning in the 17th century, the elite of Lyon (re-) discovered the city's history, in a religious construction based on the superlative models of Jerusalem and Rome. This construction of Lyon's reputation as a holy and sacred city was mainly driven by local historiographers who used inscriptions to narrate and illustrate the city's holiness. This process of differentiation was a place for autonomy as the monarchy grew increasingly intrusive. In the 18th century, this religious image became secularised before being revived in the first decades of the 19th century. This reputation for holiness then gave visibility to a renewed Catholic activism affecting Lyon during that period.
- Béziers en Languedoc ou les voies de la non-renommée - Sidonie Marchal p. 53-69 Située en Languedoc, la ville de Béziers ne bénéficie aujourd'hui d'aucune renommée particulière. Inscrite dans une démarche historique qui questionne les voies de patrimonialisation des vestiges matériels hérités du passé, cet article interroge les raisons qui peuvent expliquer à Béziers la non-transmission dans la longue durée d'un récit territorial reconnu et partagé. Plusieurs facteurs explicatifs sont ici envisagés : si sur quatre siècles, plusieurs récits territoriaux se succèdent, aucun d'eux ne se fixe dans la durée. L'image de la ville qui perdure toutefois dans les guides et récits de voyage est celle d'une cité renversée ou ruinée et plusieurs fois relevée. Le rapport à l'identité antique de la ville est particulièrement caractéristique de ce renversement : des facteurs culturels, politiques et linguistiques peuvent expliquer cette non-transmission dans la longue durée.Located in Languedoc, the town of Béziers enjoys no particular fame today. In a historical approach that looks at the process through which the material remnants of the past become heritage, this paper looks at the reasons why Béziers did not transmit a recognised, shared territorial narrative over the long term. Several explanatory factors are put forward: while several different territorial narratives arose successively over four centuries, none of these prevailed. The enduring image of Béziers in guides and travel narratives is that of an overthrown or ruined city that picked itself up time after time. The relationship to Béziers' ancient identity is especially typical of this overthrowing: cultural, political and linguistic factors may explain why this narrative was not transmitted over the long term.
- La BD, pomme de discorde identitaire en ville nouvelle : Saint-Quentin-en-Yvelines, 1975 - Frédéric Theulé p. 71-87 Au cours des années 1970, la construction des villes nouvelles de la région parisienne amène les aménageurs de ces « centres urbains nouveaux » à développer des techniques de promotion de la ville parfois particulièrement innovantes. À Saint-Quentin-en-Yvelines paraît ainsi, en 1975, une publicité sous forme de bande dessinée. Créé sous l'impulsion de l'établissement public d'aménagement (EPA), destiné aux habitants comme aux investisseurs privés, cet objet promotionnel paraît dans la presse nationale et dévoile un récit aux accents modernistes et utopistes. La vie en ville nouvelle est ainsi décrite comme l'exact contrepoint de ce qu'est la vie en banlieue à cette époque, et provoque l'ire de certains élus locaux – notamment communistes. Ce sont deux grammaires de la ville qui se confrontent alors, deux familles de « mots de la ville », deux systèmes de valeurs, deux visions politiques.During the 1970s, the building of new towns in the Paris region prompted the developers of these ''new urban centres' to use new promotional techniques that were sometimes very innovative. In Saint-Quentin-en-Yvelines, a comic book was published in 1975 to advertise the city. Commissioned by the public urban development company and intended for both residents and private investors, this comic book was published in the French press and presented a narrative tinted with modernism and utopianism. It described the new town as the exact opposite of suburban life at the time, angering certain local officials – notably those from the communist party. Two grammars of the city face off, two families of ''words of the city'; two value systems and two political viewpoints.
- Le nom sans la chose : Enjeux toponymiques autour des « 4 000 » à La Courneuve - Valérie Foucher-Dufoix p. 89-108 Comment expliquer la persistance de l'usage d'un nom face à la dissolution physique du lieu qu'il est censé désigner, la survie d'un nom sans la chose et son pouvoir potentiel à continuer à la faire exister ? Comment interpréter ces décalages entre l'histoire d'un nom, ses usages et l'objet qu'il désigne ? De nouveaux toponymes peuvent se décréter mais quelles sont les conditions de leur succès, de leur appropriation ? Une simple affaire de temps ? Depuis maintenant plus de quarante ans, certains grands ensembles stigmatisés ont fait l'objet de grands projets urbains. Ils sont fondés sur des stratégies de réparation des territoires et de reconnaissance de ses habitants mais aussi de banalisation passant par l'effacement nominatif et l'imposition de nouveaux toponymes parallèlement à la démolition. Nous proposons de suivre les tribulations nominatives du grand ensemble des 4000 à La Courneuve, des stratégies langagières qui s'y sont déployées et l'existence encore aujourd'hui de la réactivation régulière de ce nom montrant son poids dans l'imaginaire urbain.How to explain the persistent use of a name whereas the physical place it referred to has disappeared, or the survival of a name without a referent, and its potential power to bring the thing into existence? How to interpret these gaps between the history of a name, its uses, and the object it refers to? New toponyms can be introduced, but what are the conditions for their success or appropriation? Is it just a matter of time? For more than 40 years now, certain notorious housing estates have been the site of major urban renewal projects. These projects are based on strategies of repairing local territories and acknowledging residents, while also erasing names and applying new toponyms during the demolition process. We endeavour to track the name changes affecting the housing estate ‘‘of the 4,000'' in La Courneuve, following the language strategies applied there and the continued frequent reactivation of this name, which shows the weight of the urban imagination.
- Histoire d'une métamorphose urbaine : La transformation de l'image de Lille au service du développement territorial post-industriel (1974-2004) - Thibault Tellier p. 109-128 Cet article rend compte du cheminement politique qui a conduit Lille et sa région à opérer une transformation en profondeur de son image au cours des années 1970-2000. Territoire jusque-là reconnu pour son caractère avant tout industriel, ce dernier a progressivement évolué vers d'autres formes de développement, notamment culturel. Sous l'impulsion de processus complexes liés à la mutation de l'action publique, c'est bien à une métamorphose urbaine à laquelle on assiste pour le territoire lillois à l'âge post-industriel.This paper explains the political process that prompted Lille and the surrounding region to overhaul its image over the period 1970-2000. As a region previously known for its mainly industrial aspects, Lille gradually shifted to other forms of development, notably cultural. Driven by complex processes connected to a mutation in government action, this is indeed an urban metamorphosis that we have witnessed for the Lille region in the post-industrial era.
Quartier libre
- Aix-les-Bains, la création de la Ville d'Eau et la publicité - Joël Lagrange p. 129-152 Aix-les-Bains fut, au XIXe siècle, l'une des plus importantes Ville d'Eau d'Europe et, au XXe siècle, la plus fréquentée des stations thermale de France. Elle doit son rang tant à la qualité de ses eaux et de son environnement, qu'à la ténacité des acteurs économiques et politiques qui ont assuré sa promotion depuis le XVIe siècle. La publicité pour la ville thermale a d'abord été portée par les médecins, relayés par les récits des visiteurs puis par les guides touristiques. Enfin, à la fin du XIXe siècle, l'administration municipale s'est emparée de la promotion touristique avec l'aide de ses comité de publicité et office de tourisme. Cette publicité a forgé une image stéréotypée de la station thermale, déformée au prisme de l'intérêt des baigneurs en villégiature qui, finalement, s'est cristallisée dans l'urbanisme.Aix-les-Bains was, in the 19th century, one of the most important Villes d'Eau (spa towns) in Europe and, in the 20th century, the busiest spa town in France. It owes its rank both to the quality of its waters and its environment, and to the tenacity of economic and political players who have promoted it since the 16th century. First recommended by doctors, then by visitors to the resort and tourist guide books, until finally, at the end of the 19th century, the municipal administration took over promotion of tourism with the help of its advertising committee and tourist office. This campaign gave a stereotypical image of the spa, distortedby the interests of ‘‘curistes'' and other visitors to the resort, which ultimately influenced urban planning.
- Aix-les-Bains, la création de la Ville d'Eau et la publicité - Joël Lagrange p. 129-152
Étude
- Le port de Marseille dans la première moitié du XVIe siècle : Un creuset de la relation entre le pouvoir municipal et le roi de France - Auderic Maret p. 153-176 L'entretien du port de Marseille entraîne dès la création de la commune de Marseille au XIIIe ? siècle une collaboration avec le comte de Provence au regard de l'ampleur de l'entreprise. Suite au transfert de souveraineté de 1481 qui fait de l'ancien comté une province française, cette collaboration est maintenue et se renforce au cours du XVIe siècle en raison de la croissance économique et démographique de la ville mais aussi du contexte méditerranéen qui fait de Marseille une place stratégique. Il s'agit dans cet article d'envisager comment cet entretien du port devient l'objet autour duquel se construit et s'approfondit la relation entre le pouvoir municipal et le souverain.After the creation of the commune of Marseille in the 13th century, there was a collaboration between the city and the count of Provence to maintain the port because of the cost of this undertaking. After 1481 and the integration of the county of Provence into the French royal domain, this collaboration still existed, and it was even strengthened during the 16th century thanks to the demographic and economic growth of the city, but also thanks to the Mediterranean context in which Marseille took on a strategic position. In this article, I propose to study how the harbour maintenance became one of the topics on which the links between municipal authorities and the sovereign were built and reinforced.
- Le port de Marseille dans la première moitié du XVIe siècle : Un creuset de la relation entre le pouvoir municipal et le roi de France - Auderic Maret p. 153-176
Notes critiques
- Cédric David, Logement social des immigrants et politique municipale en banlieue ouvrière (Saint-Denis, 1944-1995). Histoire d'une improbable citoyenneté urbaine, thèse en histoire, sous la direction de Marie-Claude Blanc-Chaléard, 2016, 643 pages hors annexes - Janoé Vulbeau p. 177-181
- Guy Burgel, Nicolas Ferrand, Un demi-siècle d'urbanisation dans la région lyonnaise 1962-2010, Ministère de la Transition écologique et solidaire, Ministère de la Cohésion des Territoires (Plan urbanisme, construction et architecture, PUCA), 2017, 171 p., cartes, graphiques, tableaux avec la participation de Lise Bourdeau-Lepage, Galia Burgel, Éric Charmes, Marie-Flore Mattéi - Gilles Montigny p. 182-186
Recensions
- Brigitte Blanc, La cité internationale universitaire de Paris. De la cité-jardin à la cité-monde, Lyon, Editions Lieux-Dits, 2017, photographies de Philippe Ayrault, collection Patrimoine d'Ile-de-France dirigée par Julie Corteville, 390 p. - Loïc Vadelorge p. 192-193
- Eleonora Canepari, La construction du pouvoir local. Élites municipales, liens sociaux et transactions économiques dans l'espace urbain. Rome, 1550-1650, Rome, École Française de Rome, 2017, 400 p. - Vincent Meyzie p. 193-195
- Albane Cogné, Les propriétés urbaines du patriciat (Milan, XVIIe-XVIIIe siècle), Rome, École française de Rome, 2017, BEFAR 377, I-XIV, 626 p. - Éric Hassler p. 195-197
- Éric Lengereau, Architecture, urbanisme et pratiques de l'État, 1960-2010, Paris, Comité d'histoire du ministère de la Culture, 2017 - Daniel Le Couédic p. 197-199
- Adelaide Millán da Costa, Amélia Aguiar Andrade y Catarina Tente (dirs.), O papel das pequenas cidades na construção da Europa medieval, Lisbonne, Instituto de Estudos Medievais, 2017 - Denis Menjot p. 199-201