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Revue | Revue d'économie du développement |
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Numéro | volume 1, no 4, 1993 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Croissance, distribution et ressources humaines : comparaison internationale et spécificités régionales - François Bourguignon p. 33 pages Il existe une double relation de causalité entre croissance et répartition des revenus. D'une part, la répartition influence le taux de croissance à travers ses effets sur l'accumulation des facteurs de production. D'autre part, la croissance économique modifie la répartition des revenus en faisant varier les rémunérations relatives des facteurs de production ainsi que leur distribution dans la population. C'est principalement la première relation qui est étudiée dans cet article à partir d'une analyse en coupe transversale d'un échantillon de 35 pays en voie de développement. L'estimation d'un modèle structurel simple conduit aux principaux résultats suivants : (I) L'inégalité des revenus affecte négativement la croissance à travers ses effets défavorables sur les taux de scolarisation et l'accumulation de capital humain, (II) Mais elle affecte aussi la croissance positivement à travers un effet favorable sur l'accumulation de capital physique, (III) Au total, l'effet de l'inégalité des revenus sur la croissance est significativement négatif, (IV) Le capital humain semble se trouver au centre d'un cercle vertueux où croissance et égalité des revenus s'entretiennent mutuellement, (V) L'introduction de l'inégalité des revenus dans les équations de croissance et d'accumulation de facteurs ne réduit que marginalement la signification des variables indicatrices régionales habituellement introduites dans ces régressions.A twofold causal relationship links growth and income distribution. On one hand, income distribution affects growth through its effect on the accumulation of productive factors. On the other hand, growth may modify income distribution through a change in the remuneration rates of productive factors and the structure of their ownership in the population. It is the firts relationship that it is analyzed in the present paper in a cross section of 35 developing countries. The estimation of a simple structural model leads to the following main results : (i) Income inequality affects growth negatively through its negative impact on the accumulation of human capital, (ii) But it also affects growth positively through a positive impact on the accumulation of physical capital, (iii) The overall effect of income inequality upon growth is significantly negative. (iv) Human capital is at the center of a virtuous circle whereby growth and income equality are self-reinforcing phenomena, (v) The significance of income distribution in equations of growth and factor accumulation reduces only marginally the significance of the usual regional dummy variables.
- Les effets de l'éducation sur la production agricole. Application à la Côte-d'Ivoire - Marc Gurgand p. 18 pages L'effet de l'éducation des ménages ruraux sur la production agricole se décompose en un effet sur l'efficacité technique (effet de qualification) et un effet sur la répartition du travail familial entre les activités agricoles et non agricoles (effet d'allocation). L'existence d'un effet de qualification positif, si elle est largement admise, n'est cependant pas confirmée par les rares études sur l'Afrique subsaharienne. Nos estimations fondées sur des données ivoiriennes invitent également à la prudence. Par ailleurs, les ménages les plus éduqués réduisent la part de l'agriculture dans leur activité, sans doute pour se concentrer sur des emplois plus rémunérateurs ou plus prestigieux. Aussi, comme le montrent nos données, l'éducation entraîne-t-elle souvent une diminution de la production agricole totale. Par conséquent, même si l'effet de qualification était positif, il ne serait guère intéressant de le considérer isolément. Sans remettre en question son effet sur le développement en général, il convient donc de souligner qu'en Afrique subsaharienne l'éducation ne vaut pas par son effet sur l'agriculture.The effet of rural households' education on agricultural production breaks up into an effect on technnical efficiency (worker effect) and an effect on the households' time allocation between on-farm and off-farm activities (allocative effect). Although the presence of a positive worker effect is widely acknowledged, the few existing studies on Sub-Saharan Africa fail to support this view. Skepticism is further warranted by our estimates based on Ivoirian data. Moreover, educated households decrease the share of their on-farm work, very likely in view of more attractive activities. As a result, our data also indicate that education often brings a reduction in total agricultural output. There¬ fore, it would be of little interest to look at the worker effect on its own, even if it were positive. Although no doubt is cast on the effect of education on economic development in general, we want to emphazise that its importance in Sub-Saharan Africa does not rest on its effect on agricultural production.
- Impact des politiques économiques en situation de rationnement de crédits : illustration à l'aide d'un MCEG appliqué au cas du Rwanda - Bernard Decaluwé, Fabien Nsengiyumva p. 39 pages Plusieurs auteurs ont théoriquement montré qu'il fallait tenir compte, dans l'évaluation des politiques de stabilisation, de la liaison directe qui existe entre le secteur réel et les variables monétaires dans le cas des économies financièrement réprimées. Cette liaison résulterait du fait que les unités de production sont obligées de recourir au crédit pour financer une partie ou la totalité de leur fonds de roulement (le working capital). Dans ce contexte, toute politique, de type monétaire ou autre, qui modifie le coût et/ou la disponibilité du crédit, affecte également l'offre agrégée. Ce travail examine dans quelle mesure cette liaison influence les résultats des politiques économiques dans une économie financièrement réprimée. L'instrument privilégié pour réaliser cet objectif est un modèle calculable d'équilibre général (MCEG) qui englobe le secteur réel et le secteur financier. Ce modèle est directement appliqué à l'économie du Rwanda avec les données des années 1986 et 1987. Les résultats obtenus montrent que le sens et l'ampleur des effets des politiques économiques sur les variables importantes de l'économie considérée sont effectivement différents de ceux dégagés d'un modèle qui ignore cette liaison directe entre l'activité de production et les variables monétaires via le financement par le crédit du fonds de roulement des unités de production. Ces résultats montrent cependant que l'influence que peut avoir cette liaison dépend aussi de la structure du secteur réel et du fonctionnement du secteur financier. Nous obtenons notamment que les instruments de contrôle quantitatif et sélectif du crédit en vigueur, le comportement des banques et le poids des unités de production structurées dans les différentes branches de production déterminent l'importance de cette liaison au niveau des conséquences des politiques économiques.The transmission channel between monetary instruments and the supply side of the economy via credit financing of working capital needs has been theoretically shown to be a crucial link in the evaluation of the effects of stabilization policies in financially repressed economies. We consider that this credit link must be taken into account in the evaluation not only of monetary policies but also of any other non-monetary policies likely to modify the cost and/or the availability of credit. In addition, the influence of this link on the effects of policies would depend on the structure of the real and financial sectors. To verify these hypotheses, we construct a real and financial Computable General Equilibrium (CGE) model, which is calibrated with the 1987 data of Rwanda. This model is composed of two versions of which only one introduces the use of bank credit by firms to finance their working capital needs. The comparison of the results obtained from simulations of alternative policies with these two versions allows us to assess the importance of the monerary transmission channel. Our results show that the sign and level of the effects of economic policies on real micro/macro variables do, in fact, differ between the two versions. We also obtain that the instruments of quantitative and selective credit control in force, the banks' behavior and the relative size of non-structured production units in all sectors determine the influence of that credit link on the results of economic policies.
- La levée des contrôles des marchés de grains en Ethiopie (mars 1990) - Jean-Paul Azam p. 22 pages On analyse les effets sur les prix des grains sur les marchés urbains de la politique de libéralisation lancée par le gouvernement de Mengistu en Ethiopie. On développe d'abord un cadre théorique pour identifier les effets contradictoires du système des quotas en vigueur sous le Derg. Il y avait d'abord une taxe forfaitaire sur les paysans, poussant les prix vers le bas, et une taxe localement non linéaire sur les commerçants, poussant les prix dans l'autre direction. L'application économétrique présentée montre que la libéralisation a eu en moyenne un effet négatif significatif sur certains prix de grains importants sur les marchés urbains. Ce diagnostic est corroboré par notre analyse du changement de la dispersion spatiale des prix de grains, qui suggère que, bien qu'un certain arbitrage se faisait avant la libéralisation, cette dernière a amélioré l'unification du marché. Comme le montre l'analyse théorique, cette réduction de la dispersion spatiale des prix est un ingrédient majeur pour déterminer les gains de l'échange que les agents économiques peuvent retirer de l'unification des marchés.The impact on grain prices in urban markets of the liberalization policy launched by the Mengistu government in Ethiopia is analysed in this paper. A theoretical framework is first presented for identifying the contradictory effects of the quota system in force under the Derg. There was first a lump-sum tax on the farmers, pushing prices downwards, and a locally non linear tax on the traders, pushing prices the other way round. The econometric application shows that the liberalization move had on average a significantly negative impact on some important grain prices in urban centres. This diagnosis is corroborated by our analysis of the change in the spatial dispersion of grain prices, which suggests that although some arbitrage was already taking place before liberalization, the latter anhenced unification. As shown by our theoretical analysis, this reduction in spacial price dispersion is a basic ingredient in determining the gains from trade that the economic agents can get from improved market unification.
- Les problèmes de la transition hors du socialisme africain - Paul Collier, Jean-Paul Azam p. 27 pages Cet article analyse trois réformes de politique économique communes en Afrique : la libéralisation financière, la levée des contrôles de prix à la consommation et la libéralisation commerciale. On soutient que la libéralisation financière n'est pas seulement très coûteuse fiscalement, mais que les bénéfices résultant d'une amélioration de l'intermédiation financière dépendent d'une amélioration budgétaire préalable visant à réduire la dette publique. C'est donc intrinsèquement un processus lent. Au contraire, la levée des contrôles de prix est sans problème, et dans la plupart des cas sévères, la levée des contrôles peut remonétariser les transactions, en accroissant ainsi le seigneuriage. La libéralisation commerciale est analysée au moyen d'un modèle d'économie politique de l'aide étrangère. Le gouvernement maximise en prenant les préférences du donateur, caractérisées par une courbe d'offre, comme contrainte. Si la situation qui en résulte ne respecte pas la compatibilité macro-économique, les agents privés réagissent en spéculant. Alors que la libéralisation financière est intrinsèquement difficile, et que la levée des contrôles des prix est très simple, la libéralisation commerciale s'avère très sensible à la conception détaillée de la politique.The paper considers three policy reforms current in Africa : financial liberalisation, consumer price decontrol and trade liberalisation. It is argued that financial liberalisation is not only fiscally very costly, but that the gains from improved financial intermediation depend upon a prior fiscal improvement to reduce public indebtedness. It is therefore intrinsically a slow process. By contrast, price decontrol is straightforward, and in most severe cases, decontrol may remonetise transactions, actually increasing seigniorage. Trade liberalisation is analysed through a political economy model of foreign aid. Donor preferences are characterised by an offer curve, subject to which the government maximises. If the resulting outcome breaches macroeconomic compatibility, private agents respond by speculating. Whereas financial liberalisation is intrinsically difficult and price decontrol straightforward, trade liberalisation is shown to be highly sensitive to detailed policy design.