Contenu du sommaire : Agrégation
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | Vol. 72, no 4, octobre-décembre 2019 |
Titre du numéro | Agrégation |
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Articles
- Tupaia, an Indigenous Collaborator on Board Captain Cook's Endeavour - Jean-Stéphane Massiani p. 387-399 Cet article met en lumière le rôle capital joué par Tupaia, grand prêtre des Îles de la Société, dans l'exploration du Pacifique par James Cook lors de sa première circumnavigation. Embarqué à bord de l'Endeavour en juillet 1768, ce précurseur d'Omai passa près de dix-huit mois avec l'équipage et servit de guide, d'interprète et d'intermédiaire entre les explorateurs britanniques et les diverses populations indigènes rencontrées, avant de mourir prématurément à Batavia sur le chemin du retour en Angleterre.This article focuses on the significant part played by Tupaia, a high priest from the Society Islands, in the exploration of the Pacific by James Cook on his first circumnavigation. This precursor to Omai got on board the Endeavour in July 1768, and spent almost eighteen months with the crew, serving as guide, interpreter and intermediary between the British explorers and the various indigenous populations encountered, before meeting an untimely death in Batavia on the voyage home to England.
- Invitation and the Ethics of Hospitality in Howards End - Catherine Lanone p. 400-415 À partir de la définition ironique de la voix narrative que donne Virginia Woolf, comparant Forster à une « hôtesse attentionnée », et en s'inspirant de l'analyse que fait Anne Dufourmantelle du pouvoir de la douceur, cet article se propose d'étudier les implications esthétiques, sociales et éthiques de la représentation de l'invitation et de l'hospitalité dans Howards End de E. M. Forster. L'invitation semble d'abord relever du genre de la comédie de mœurs, mais est utilisée par Forster pour mieux explorer la façon dont la logique capitaliste détermine les limites spatiales, mais aussi sociales et genrées, que le récit s'attache à montrer et subvertir. Le roman met en scène trois moments où s'effondre la logique de l'hospitalité, tandis que le biotope permet une résolution, un retour vers l'hospitalité et le dissensus, qui n'ignore pas la fragmentation.Using Woolf's criticism of Forster's narrator as a “careful hostess” as a starting point, and drawing upon Anne Dufourmantelle's concept of gentleness, this paper considers the aesthetic, social and ethical implications of the representation of invitations and hospitality in E.M. Forster's Howards End. Invitations that might seem to belong merely to the realm of the comedy of manner allow Forster to explore the way in which spatial, gendered and social boundaries are upheld by capitalist structures, and to seek to subvert them. The novel dramatises three moments in which the ethics of hospitality is betrayed, offering a return to the biotope as a resolution which may only partly repair the longing for unconditional hospitality and dissensus.
- « Don't begin with proportion » : le postulat contradictoire de la mesure dans l'adaptation de Howards End (James Ivory) - Laurent Mellet p. 416-429 Cet article propose plusieurs interprétations du postulat de la mesure, observable dans l'adaptation de Howards End par la société de production Merchant-Ivory. Alors que, dans le roman de Forster, on refuse d'abord de faire le choix de la mesure (proportion) et qu'un certain nombre de contradictions s'avèrent être au cœur de l'écriture des personnages comme des logiques narratives, le film d'Ivory fait de cette mesure un postulat narratif et formel. Nous proposons une lecture de l'adaptation orientée par ce rapport contradictoire au roman, avant de suggérer que ce choix témoigne d'une conception de l'adaptation plus originale que ce que la critique retient le plus souvent des films produits par la Merchant-Ivory, et qui signale un retour à certaines logiques forstériennes.This article looks at the possible meanings of the basic premise of “proportion” which is to be found in the Merchant-Ivory adaptation of Howards End. While in Forster's novel, the initial choice of proportion is refused and a whole range of contradictions informs characterisation and the narrative, Ivory's film is premised on such a formal and narrative choice. We offer an interpretation of the film based on this apparently contradictory relation with the book and suggest that this premise testifies to a more original approach and practice of adaptation than is usually observed in the Merchant-Ivory productions, and which in fact recalls and reactivates some Forsterian tropes.
- Interview avec John Ashbery - Béatrice Pire p. 430-436
- « On the surface of it » : John Ashbery au miroir - Antoine Cazé p. 437-451 Quel reflet de soi John Ashbery offre-t-il dans le « miroir convexe » de ses poèmes ? À partir d'une analyse de l'apparente obscurité d'une poésie peut-être sans sujet, cet article montre en quoi une surface textuelle aux limites de l'illisible permet à son auteur de réfléchir aux conditions même de visibilité sur lesquelles se fonde l'écriture. Prenant pour fil directeur la conférence sur John Clare prononcée en 1989 par John Ashbery à Harvard, nous explorons ce que le poète appelle la « condition de difficile visibilité » (« Sunrise in Suburbia ») dans laquelle se déploie son écriture, qui trouve son accomplissement dans les longues séquences de vers si caractéristiques que sont « Self-Portrait in a Convex Mirror » ou le plus ancien « The Skaters ». Il s'agit de comprendre en quoi ce déploiement, qui n'est pas pour autant une quelconque explication, configure un sujet dont « l'infinité de replis » (Louis Marin) constitue une profondeur en trompe-l'œil.What mode of self-reflection does the “convex mirror” of John Ashbery's poetry provide? Starting from the obscurity of a poetry apparently devoid of any subject, we show how a textual surface flirting with illegibility enables the poet to reflect upon the very conditions of visibility on which poetic writing is based. We use Ashbery's 1989 lecture on John Clare to explore what the American poet calls “the premise of difficult visibility” (“Sunrise in Suburbia”) in which his writing unfolds—a writing at its most self-reflective in long poetic sequences such as “Self-Portrait in a Convex Mirror” or the earlier “The Skaters.” We intend to understand how this unfolding (which is not an “explanation” of any sort) serves to shape a subject whose “infinite folds” (Louis Marin) create a trompe-l'œil depth.
- Gold and Bones: Remains of the Quest in Song of Solomon - Claudine Raynaud p. 452-468 L'un des mystères du Chant de Salomon tourne autour du contenu du sac de Pilate, son « héritage », qui s'avère n'être ni l'or convoité ni les ossements du vieil homme blanc assassiné, mais les os de son père qu'elle doit alors inhumer. Cet essai retrace le symbolisme du contenu du sac, l'or et les os, qui fonctionne comme métonymie du roman lui-même à travers les projections et les interprétations, erronées, puis rectifiées qu'il suscite. La quête de l'or poursuivie par Milkman se résout lorsqu'il redirige sa recherche vers sa lignée et sa liberté de voler. Le motif de la relique, du memento mori, tel que le texte le retravaille, conduit à une analyse de ce qui reste du corps du père mort (le père de Pilate, celui de Ruth, celui de Guitar), de ce qu'il en est de la division entre corps et chair. Lié à la thématique du lynchage, le sac qui renferme les os du père noir cristallise le sujet profond de ce roman que Morrison a écrit à la mémoire de son père défunt, « Papa. »One of the narrative mysteries in Song of Solomon revolves around the contents of Pilate's bag, her “inheritance,” which turns out to be neither the coveted gold nor the murdered old white man's bones, but her father's bones that she must then bury. This essay traces the symbolism of the contents of the bag, gold and bones, as a metonym for the novel itself through projections and false, then corrected, interpretations. Milkman's search for gold is resolved in redirecting his quest towards his lineage and his freedom to fly. The motif of the relic, of the memento mori, reworked as it is in the text, leads to an investigation of what remains of the dead fathers' bodies (Pilate's, Ruth's, Guitar's), of the split between body and flesh. Linked to the thematics of lynching, the bag that encloses the black father's bones crystallizes the deep subject of a novel that Morrison wrote in memory of her dead father, “Daddy.”
- Rebranding Soft Power: Assessing Obama's Smart Power Strategies - Maud Quessard p. 469-485 Pour faire face aux défis du vingt-et-unième siècle (guerres hybrides et compétition de puissances), et restaurer l'image du leadership américain après des années de guerres lointaines, la diplomatie publique (Public Diplomacy) de l'ère Obama a fait l'objet de transformations significatives. Contribuant à la modernisation et au renforcement des outils du soft power gouvernemental, amorcés à la fin de l'ère Bush, cette « nouvelle diplomatie publique » est élaborée par le département d'État dirigé par Hillary Clinton qui impose sa propre marque, « L'État du vingt-et-unième siècle ». Celle-ci participe du rééquilibrage entre les outils du hard et du soft power et privilégie les stratégies d'engagement, en faisant de la connectivité un atout. Associant le secteur privé, la société civile et les grandes entreprises, le smart power de l'ère numérique tente de s'adapter aux menaces protéiformes du vingt-et-unième siècle et de favoriser une hégémonie plus discrète des États-Unis. À l'heure de la gouvernance globale, il s'agit de convaincre et de fédérer les acteurs étatiques et non-étatiques (grandes entreprises, ONG ou simples citoyens) qui complexifient les enjeux diplomatiques et utilisent d'autres voies que celles du protocole pour servir leurs intérêts. Mais dès la fin du premier mandat, ces stratégies d'engagement se heurtent à la réalité des conflits en Afrique (Libye) et en Syrie, à la réémergence de la compétition de puissance après 2014, et aux actes terroristes qui visent à nouveau les États-Unis ; en réponse, le retour à la militarisation des outils de la politique étrangère du second mandat d'Obama ne laisse que peu d'alternative à une nouvelle phase de déclin du soft power américain.During Obama's first term American Public Diplomacy was remodelled into a “smart” tool to meet the challenges of the twenty-first century (including hybrid warfare and power competition) and to restore American leadership after years of conflicts abroad. With Hillary Clinton at the head of the Department of State (2008-2012) the first Obama administration advocated a more balanced use of hard and soft tools, and launched new strategies of “smart engagement” through connectivity and public-private partnerships. Hillary Clinton managed to define a “new public diplomacy” for the twenty-first century, and tried to promote the US as a more benign hegemon. Using civilian power as a privileged asset to promote American interests abroad, Secretary of State Clinton imposed her own unique brand of American soft power. But right at the end of Obama's first term the conflicts in Africa (Libya) and Syria, the re-emergence of Russia and terrorist threats directly targeting US citizens, after 2014, led to more militarisation of US foreign policy tools, and consequently to a decline of American soft power.
- Tupaia, an Indigenous Collaborator on Board Captain Cook's Endeavour - Jean-Stéphane Massiani p. 387-399
Varia
- “A Paper-Knife Stuck between the Pages”: Virginia Woolf Cutting through the Fabric of the Everyday - Pauline Macadré p. 486-500 Si la table est souvent évoquée comme instrument privilégié de réflexion philosophique ou phénoménologique lorsqu'il s'agit de théorie de la connaissance et de perception de la réalité, cet article se concentre plutôt sur ce qui est posé sur la table. Il s'agit d'évaluer l'évolution des valeurs symboliques des tasses et soucoupes, couverts, assiettes et verres, qui encombrent la fiction de Virginia Woolf, tantôt instruments de consommation triviale ou gages de bonnes manières dans une société largement codifiée par un héritage victorien qui imposait aux femmes leur conduite — domestique —, tantôt cristallisant les émotions des personnages, ou pointant vers une forme d'harmonie collective ou artistique. La solidité rassurante des objets familiers ancrant les personnages dans une forme de réalité matérielle est chez Woolf déformée par des métamorphoses inquiétantes qui transforment l'objet en chose inhabituelle, inutilisée et inutilisable, faisant signe vers un réel lacanien qui ne peut qu'échapper à la sagacité humaine.“Think of a kitchen table then, […] when you're not there”: in Virginia Woolf's literary works, the abstract kitchen table recurs as a puzzling riddle, a metaphor for the complicated existence of a seemingly “objective” reality, a reality escaping the personal sphere of perception. This paper, however, focuses on what is actually laid on the table and on the shifting symbolic values of the teacups and saucers, knives and forks, plates and glasses that crowd Woolf's fiction—ranging from trivial instruments of consumption, tokens of good manners crystallising gender-related expectations in the context of a highly codified society inherited from the Victorians, to transient repositories of emotions, communal and artistic harmony. The reassuring solidity of familiar objects anchoring the characters in “reality” gradually turns into uncanny metamorphoses of shapeless, misused, unused, and unusual things that point to what Lacan calls the “Real” escaping our grasp, while exhibiting its very unattainability.
- “A Paper-Knife Stuck between the Pages”: Virginia Woolf Cutting through the Fabric of the Everyday - Pauline Macadré p. 486-500