Contenu du sommaire : Récits en mouvement et journalisme numérique

La notion de « mouvements sociaux » s'agissant des mobilisations en Europe orientale et centrale avant 1989 était-elle perçue comme telle par les grande agences occidentales de l'information (AFP, AP, Reuters) ? Cet article tente de répondre à cette question en se basant sur des écrits, des livres et des interviews d'agenciers.

Le mouvement social des Gilets jaunes en France est atypique. Il s'est construit à la fois sur le terrain et sur les réseaux sociaux numériques et il a recherché une visibilité médiatique mais sans porte-paroles. Protéiforme, il a posé aux journalistes de nombreuses difficultés dans son traitement médiatique, un phénomène renforcé par la méfiance à l'égard des médias. Le mouvement des Gilets jaunes aura ainsi favorisé, au sein de la profession des journalistes, une réflexion sur les pratiques professionnelles et l'écosystème médiatique que nous avons voulu saisir à travers une série d'entretiens. Derrière certains invariants partagés par la plupart des journalistes interrogés, il en ressort un ensemble d'oppositions révélatrices des tensions qui traversent les représentations du journalisme en France. La question de la temporalité, avec un temps long qui s'oppose au direct, celle des formats médiatiques, les promesses du numérique sont autant de points de divergence parmi les journalistes. Émerge in fine un impensé, celui des conséquences sur le journalisme de la mondialisation de certains formats de l'information.

Cet article analyse la couverture des mouvements sociaux brésiliens par des médias français, entre 2013 et 2016, en cherchant à comprendre pourquoi les mouvements de Juin 2013 et postérieurs ont réussi à entrer et à s'inscrire dans l'agenda médiatique et l'espace public français. A partir d'une étude quantitative d'environ 400 textes, en recourant à un logiciel d'analyse d'enquête et à une analyse qualitative des discours, nous envisageons cette question centrale en identifiant les revendications intégrant l'agenda médiatique, les auteurs des textes et images médiatiques, ainsi que les paroles autorisées à circuler et les imaginaires construits autour de chaque mouvement. Notre corpus est composé de deux types de médias différents : la presse traditionnelle française, avec Le Monde, Le Figaro et Libération, dans les versions papier et numérique ; et un site internet engagé, Autres Brésils.

Cet article propose de suivre la médiatisation transnationale d'une polémique déclenchée le 8 juin 2015 par les propos d'un scientifique jugés dégradants sur la condition de la femme dans le milieu scientifique. L'importante couverture médiatique de cette controverse sur les sites d'information en ligne interroge le niveau d'investissement et l'intérêt des journalistes à traiter cette mobilisation native de Twitter. Afin de saisir l'évolution du traitement médiatique de cette mobilisation nous adoptons une méthode mixte. Nous avons mené une analyse quantitative de l'évolution chronologique du lexique à partir d'articles des sites d'information (N=134) sur la période du 9 juin au 19 décembre 2015 ainsi qu'une analyse qualitative d'un échantillon d'articles basée sur une grille d'analyse interprétative du discours de presse. Les principaux résultats suggèrent que la proximité géographique, la position et le style journalistique de la rédaction sont des facteurs favorisant l'intérêt, l'investissement ou encore l'engagement du journaliste. Aussi, l'effet de suivisme et la logique concurrentielle réduit la volonté d'engagement du journaliste.

À l'aube des premières élections libres en Tunisie, l'affaire de la Manouba a fait le tour des médias nationaux et internationaux. Alors qu'un groupe salafiste occupe la faculté de lettres de la Manouba, les universitaires s'engagent dans une lutte pour la défense des libertés académiques. Cet article retrace l'usage des différents supports médiatiques dans la construction de cette affaire en problème public capable d'attirer l'attention politique, jusqu'à introduire les libertés académiques dans la nouvelle Constitution, en écriture à l'époque. En partant de cette affaire, nous aborderons les enjeux de l'usage des supports numériques par les réseaux salafistes, afin de diffuser leur propagande, face à l'usage d'une multiplicité de supports pour institutionnaliser une cause, à l'image de ce qui a été fait par les universitaires. Nous aborderons également les travaux sur le cadrage de la cause réalisés par les deux partis opposés dans l´affaire, ainsi que l'influence de l'usage de certains supports et de certains cadrages dans la mise en circulation internationale des discours sur le genre et du danger islamiste.

Le cadre consiste à mettre en œuvre des « schèmes d'interprétation pour localiser, percevoir, identifier et étiqueter des événements et des situations, en vue d'organiser l'expérience et orienter l'action » (Céfaï, Trom, 2001 : 52). Ainsi, à partir du mouvement des Gilets Jaunes en France, le cadrage médiatique égyptien et la réappropriation locale de cette mobilisation étrangère semblent intéressants à étudier dans un contexte hostile à la contestation. Il sera question dans le cadre de cet article d'analyser le discours télévisuel des émissions de talk-shows et les réactions des internautes face à ce cadrage opéré par des journalistes pro-gouvernementaux. À partir d'un corpus audiovisuel, l'objectif sera d'observer si le clivage de la société égyptienne actuelle s'applique à un corpus socionumérique. Partant du cadrage effectué par les médias mainstream en Égypte, des citoyens s'adonnent à des joutes verbales qui cristallisent souvent une opposition frontale et binaire qui subsume l'opinion des uns et des autres à l'échelle nationale. Le mouvement des Gilets Jaunes n'est qu'un motif, comme un autre, pour affirmer ou réaffirmer ses opinions quant à la situation politique égyptienne.Les auteurs mettent en perspective deux moments de saillance – avant et après la visite de Macron en Égypte le 27 janvier 2019 – à travers une analyse du discours du dispositif télévisuel de deux émissions de talk-shows (Ala masouleyaty [J'en suis responsable], Kol Yoaûm [Chaque jour]) ainsi que les réactions sur les réseaux socionumériques (Youtube et Facebook).

Si l'on veut mieux saisir le narratif à travers les réseaux sociaux, on doit prendre en compte leur rôle spécifique d'intermédiaires symboliques collectifs ainsi que le langage utilisé non seulement en termes de structures formelles, mais également comme une donnée sociale. Notre réflexion porte sur la mise en récit de l'engagement pour la construction d'identité d'une action civique. Positionnées entre journalisme et activité civique sur les réseaux sociaux, les interventions du mouvement #NoiConstruimUnSpital [#OnBâtitUnHôpital] de l'organisation roumaine « Dăruieşte viaţă » [Donne vie] sur les réseaux sociaux sont faites des microrécits toujours liées aux actions « sur terrain » des acteurs réels. On parle ainsi d'une hypernarratologie médiatique. En effet, une narratologie refondée, car ce que le récit médiatique contemporain impose, c'est une redéfinition des conditions mêmes d'existence du récit actuel, à l'aide de cette narratologie fondée sur des bases un peu différentes. L'article dresse un panorama des échanges médiatiques parues à l'intersection du renouveau du narratif et l'incidence des nouvelles technologies au sujet de l'engagement citoyen, engagement concrétisé dans un mouvement social pour la construction d'un hôpital et du bien collectif également.

Entre 2015 et 2018, le Congo-Kinshasa a vécu une période d'un foisonnement sans précédent de la parole citoyenne autour de l'alternance du pouvoir, la première de l'histoire souhaitée pacifique. Le bien-être social pour les citoyens, apparaît comme un des enjeux majeurs d'une énonciation qui, à l'échelle individuelle puis collective, appelle à l'expression d'une citoyenneté voulue active dans le cadre de la mobilisation pour les changements sociaux politiques. Le présent article analyse, en essayant de les comprendre, comment les pratiques médiatiques digitales et des réseaux sociaux contribuent à l'émergence d'un espace public digital ou cyberespace et d'un espace composite où le en ligne et le hors ligne convergent.