Contenu du sommaire : Socialisations par l'espace, socialisations à l'espace
Revue | Sociétés contemporaines |
---|---|
Numéro | no 115, 2019/3 |
Titre du numéro | Socialisations par l'espace, socialisations à l'espace |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Socialisations par l'espace, socialisations à l'espace : Les dimensions spatiales de la (trans)formation des individus - Joanie Cayouette-Remblière, Gaspard Lion, Clément Rivière p. 5-31
- Une topogenèse des dispositions : La socialisation par l'espace de travail des employés d'un hôtel de luxe - Amélie Beaumont p. 33-63 Cet article analyse les configurations spatiales du travail pour se confronter à l'hypothèse de la socialisation entre groupes sociaux différents, en particulier dans les métiers de service. À partir de l'analyse des espaces d'un hôtel de luxe, qui révèle la nette hiérarchisation entre clients et employés, deux schèmes de socialisation sont dégagés, qui permettent de penser les effets ambivalents des configurations spatiales sur les individus. Le schème de subalternisation, issu de la constante minoration dont sont l'objet les employés dans l'organisation spatiale du travail, s'active dans le quartier de l'hôtel, au sein duquel les employés tendent à reproduire un entre-soi de service. Le schème d'acculturation, issu de la proximité avec les classes supérieures à l'hôtel, s'exprime davantage dans les mobilités de loisirs et le soin du domicile, c'est-à-dire lorsque l'emprise de l'hôtel diminue. Cet article soutient ainsi que le travail dans les services produit conjointement chez les travailleurs des tendances à l'adoption de nouveaux traits culturels, et des tendances à la séparation culturelle.A Topogenesis of Dispositions. The Work Space Socialization in a Luxury Hotel
This article examines the spatial configurations of work to confront the hypothesis of an acculturation to the practices of the upper class for employees in service occupations. From the analysis of the spaces of a luxury hotel, which reveals the clear hierarchy between clients and employees, two patterns of socialization are identified. The subalternization pattern, resulting from the constant undervaluation of employees in the spatial organization of work, is active in the hotel district, in which employees tend to remain in their closed group of service workers. The acculturation pattern, resulting from the proximity with the upper classes at work, is more evident in leisure mobility and home care, i.e. when the hotel's hold on employees decreases. Thus, this article argues that working in service occupations jointly produces trends towards the adoption of new cultural traits, and trends towards cultural separation. - « Je sortais tout le temps en Belgique » : Le rôle de la fête dans une trajectoire de mobilité sociale - Garance Clément p. 65-91 L'article porte sur les effets de la fréquentation d'espaces festifs internationaux (ici des bars, des salles de concerts et des boîtes de nuit situés en Belgique) dans la trajectoire d'une femme ayant connu différents déplacements sociaux, des classes populaires vers les classes moyennes et supérieures. L'analyse s'appuie sur le cas d'Amina Messaoudi, née en 1959 dans une ancienne ville industrielle du nord de la France, d'un père ouvrier du textile et d'une mère nourrice, tous deux originaires d'Algérie. L'article replace les expériences festives dans une biographie familiale, étudie les propriétés des lieux festifs fréquentés et examine les dispositions qui y sont incorporées et actualisées. En adoptant une perspective biographique, il montre que la fête offre une opportunité de faire fructifier un capital culturel hérité, mais relativise aussi le poids de l'éclectisme social et culturel dans les trajectoires de mobilité sociales féminines. Si les espaces récréatifs et culturels nocturnes constituent bien des cadres de socialisation, leur rôle transformateur reste limité. D'une part, les sorties festives n'ouvrent un horizon social que lorsqu'elles permettent l'activation de dispositions déjà acquises au cours de l'enfance. D'autre part, la « fragilité » de la mobilité sociale initiée par les sorties montre que l'accumulation d'un capital culturel non certifié peut accompagner une forme d'illusion promotionnelle, lorsqu'elle ne s'appuie pas sur une base objective pour confirmer la pente ascendante de la mobilité.“I would always go out in Belgium.” The Role of Parties in a Path of Social Mobility
This paper questions the way attending international social events (in bars, concert halls and clubs) affects the trajectory of a woman who moved away from the working class to reach the middle and higher class. It builds on the case of Amina Messaoudi, born in 1959 in a Northern French industrial city, daughter of a textile worker and a nanny, both originating from Algeria. Carrying out the sociology of a unique case helps underlying the social conditions that make festive events an opportunity for social mobility. It shows that parties give an opportunity to make inherited resources flourish but also brings a more nuanced picture on the power of cultural and social eclecticism in feminine upward mobilities. First, parties only open new social horizons because they allow for the activation of dispositions already acquired during childhood. Second, the fragility of the social mobility initiated by parties indicates that accumulating uncertified cultural capital can lead to a kind of promotional illusion. - Réapprendre l'espace après la migration : La construction de rapports différenciés à la ville d'immigrés latino-américains aux États-Unis - Ana Portilla p. 93-121 À partir du cas d'immigrés latino-américains installés en Californie, cet article met en lumière le rôle primordial de l'espace dans les socialisations postmigratoires. Il compare les rapports à l'espace des membres de deux groupes d'interconnaissance appartenant à différentes fractions des classes populaires immigrées du quartier de Fruitvale, à Oakland. L'article analyse d'abord les conditions dans lesquelles émergent des usages et représentations différenciées de l'espace environnant, en soulignant notamment le rôle des origines sociales et du genre, ainsi que des configurations familiales au pays d'accueil. Les appartenances sociales, les dynamiques de groupe, et les ressources matérielles dont disposent les enquêtés à leur arrivée aux États-Unis conditionnent ainsi les manières dont ces hommes et ces femmes « apprennent » la ville après l'émigration, à s'y déplacer et à valoriser ou dévaloriser ses sous-espaces. Le quartier opère plus largement et à long terme dans les schèmes mentaux comme le cadre de référence à partir duquel se constituent des manières d'investir et de voir la ville, à l'aune duquel ces immigrés se situent spatialement et socialement. Finalement, l'article montre comment ces socialisations divergentes à l'espace participent à la production de différents styles de vie caractéristiques des inégalités qui traversent les classes populaires immigrées installées de longue date aux États-Unis.Relearn the Space after Migration. Building Differential Relationships at the City of Latin American Immigrants in the United StatesThis article explores the central role of space in processes of socialization after migration. Based on an ethnographic study of immigrants from Latin American living in Oakland, California, we compare the uses and representations of the city and the neighborhood of two distinct social groups among the immigrant working-classes of the Fruitvale neighborhood. First, we show the conditions under which emerge different ways of seeing and investing one's neighborhood and city in everyday life. We analyze how class position in the country of origin, gender, and family relations in the U.S. all participate in this process. Indeed, social position, group dynamics, and the material resources individuals possess when they arrive to the U.S. condition the ways in which immigrant women and men “learn space” after emigrating: how they learn to move through the city, but also how and why they come to view its subspaces positively or negatively. Nevertheless, despite the observed diversity in the ways in which space is utilized and viewed, we see that the Fruitvale neighborhood operates as a common frame of reference from which these immigrant men and women situate themselves both in geographic and social space. This allows us to see how divergent spatial socializations lead to different working class life styles, and reveals the social inequalities that exist within immigrant working class groups established in the United States.
- Aux frontières de la mobilité sociale : Espaces et socialisations dans les bidonvilles et cités de transit de l'après-guerre - Margot Delon p. 123-149 À partir du cas des bidonvilles et cités de transit de l'après-guerre à Nanterre, cet article questionne les rapports entre socialisations spatiales et mobilité sociale. La première partie montre comment ces espaces résidentiels se singularisent par des socialisations des enfants et adolescents à une triple frontière, urbaine, sociale et raciale. La seconde partie souligne le rôle des acteurs extérieurs – bénévoles, militants – qui ont perturbé ces dynamiques en socialisant les enfants et les adolescents des bidonvilles et cités à différentes dispositions propices à une mobilité ascendante. Des portraits de famille mettent également en évidence la façon dont ces socialisations affectent les trajectoires en fonction des ressources familiales et des aspirations migratoires (et dans une moindre mesure du sexe et de la génération).At the Borders of upward Mobility. Spaces and Socialization in Slums and Transit Camps of Post-War FranceBased on the case of slums and transit camps of Post-War France, this article focuses on the relations between spatial socializations and upward mobility. These residential spaces socialize children and teenagers to a triple border urban, social and racial. But because activists from the outside visited a lot some slums and transit camps, these dynamics were disrupted and socialization processes to upward mobility took place. Family portraits also illustrate how these socializations affect trajectories depending on family resources and migratory expectations (and secondarily on sex and generation).
- « Et si le luxe c'était l'espace ? » : Le rôle de l'espace du logement dans la socialisation des classes supérieures du pôle privé - Lorraine Bozouls p. 151-179 En s'appuyant sur une enquête auprès de ménages du pôle privé des classes supérieures dans des quartiers aisés de la proche banlieue parisienne, cet article décrit les stratégies résidentielles mises en œuvre par les ménages afin de contrôler les conditions de socialisation du groupe familial. La propriété d'une maison de valeur dans des quartiers marqués par l'entre-soi est un signe de leur statut social. Elle participe à la reproduction sociale en transmettant aux enfants un capital économique et des dispositions de classe. Avec la recherche du logement, son aménagement et sa décoration, les femmes contribuent au positionnement social du ménage et deviennent des « maîtresses de maison ».“What if Space Were Luxury?” The Role of Housing Space in the Socialization of the Upper-classes Households of the Private PoleBased on a fieldwork with households from the private pole of upper classes living in affluent neighbourhoods of the suburbs of Paris, this article describes the residential strategies implemented by households to control the socialization conditions of the family group. The ownership of a house of value in homogeneous neighbourhoods is a marker of their social status. It participates in social reproduction by transmitting to children an economic capital and class dispositions. With the search for housing, its layout and decoration, women contribute to the social positioning of the household and become true housekeepers.
- Mieux comprendre les peurs féminines : la socialisation sexuée des enfants aux espaces publics urbains - Clément Rivière p. 181-205 Si l'accès plus difficile des femmes aux espaces publics urbains a été mis en lumière de longue date par la recherche en sciences sociales, la connaissance des processus socialisateurs qui sous-tendent cette différenciation sexuée demeure lacunaire. S'appuyant sur une enquête par entretiens menée auprès de 88 parents de 123 enfants âgés de 8 à 14 ans (69 garçons et 54 filles) à Paris (France) et Milan (Italie), cet article décrit la façon dont les parents encadrent de manière différenciée les usages que les enfants font de ces espaces selon le sexe biologique de ces derniers. Cette approche de l'action socialisatrice des parents apporte un éclairage empirique sur la sociogenèse des manières d'agir des femmes adultes dans les espaces publics urbains, l'encadrement parental contribuant à la formation de dispositions sexuées.Better Understanding Women's Fears: The Gendered Socialization of Children to Urban Public Space
Unequal access of men and women to urban public space is old-established by social research. However, the understanding of the socialization processes underlying these gendered inequalities is incomplete. Drawing on in-depth interviews conducted in Paris (France) and Milan (Italy) with parents (n = 88) of children aged 8 to 14 (n = 123), this article focuses on parental supervision of children's urban practices. The analysis describes the transmission of different norms and representations according to children's biological sex and sheds an empirical light on the fabric of gendered uses of public space.