Contenu du sommaire : Carrières de femmes
Revue | Revue d'histoire des sciences humaines |
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Numéro | no 35, 2019 |
Titre du numéro | Carrières de femmes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Revue en lutte - p. 5-7
Dossier
- Les carrières de femmes dans les sciences humaines et sociales (XIXe-XXe siècles) : une histoire invisible ? - Aude Fauvel, Jean-Christophe Coffin, Thibaud Trochu p. 11-24
- La féminisation professionnelle d'une discipline sous tension - Nicolas Ginsburger p. 25-58 Dans les pays germanophones, l'évolution de la féminisation de la géographie universitaire au XXe siècle fait se succéder l'âge des « pionnières » à celui des « conquérantes », puis l'époque d'une présence féminine normalisée (quoique toujours minoritaire) dans les principales catégories professionnelles de la discipline, et du développement d'un féminisme critique, marginal mais actif. Cependant l'étude du champ disciplinaire en termes de féminisation permet également de considérer ses ailes « humaine » et « physique », de mesurer la diversité des modes de professionnalisation, de saisir sa sensibilité aux événements politiques et militaires du XXe siècle et de décrire certains phénomènes de transferts culturels internationaux et de mise en place de réseaux scientifiques, à différentes échelles. L'évocation des carrières de femmes permet ainsi de proposer une « autre » histoire de la discipline.In the German-speaking countries, the presence of women in academic geography developed over the twentieth century from the epoch of the ”pioneers” to that of the ”conquerors”, and on to becoming a standard (though still minority) feature in the main professional categories of the discipline. It went together with an active, although marginal, critical feminism. Examining feminisation in this disciplinary field additionally sheds light on geography's ”human” and ”physical” branches, the variety of career paths available, the discipline's receptiveness to the political and military events of the 20th century, certain international cultural transfers, and the establishment of scientific networks on different scales. The perspective of women's careers thus makes it possible to propose an ”other” history of the discipline.
- Terre promise ou terre interdite ? - Lucie Begert, Izel Demirbas, Aude Fauvel p. 59-96 La Suisse est le premier pays à avoir accepté de former les femmes à la médecine dans des conditions strictement identiques à celles des hommes en 1867. Dès cette date, cette contrée devint le centre mondial de l'éducation médicale féminine, la plupart des premières doctoresses y ayant séjourné. Mais si des historiens ont souligné ce rôle de la Suisse comme terre d'accueil internationale pour les étudiantes, moins se sont en revanche interrogés sur les effets de cette féminisation estudiantine précoce au plan local. S'appuyant sur une reconstitution statistique de la démographie étudiante et sur un examen qualitatif de parcours professionnels, cet article montre que si les Suisses acceptaient que les femmes étudient la médecine, ils étaient plus réticents à les voir pratiquer. Après avoir étudié les caractéristiques de ce double standard, il dévoile ensuite comment des doctoresses ont toutefois réussi à passer ces barrières et à faire carrière en Suisse dès le XIXe siècle.Switzerland is the first country that accepted to train women as physicians in the same exact conditions as men in 1867. From this date on, Switzerland became a central place for female medical education, almost all the first women doctors of the world having stayed there at some point. Several historians have stressed this international role played by Switzerland. Yet fewer have examined the impact that this feminisation had on the medical profession at the local level. Based upon a statistical reconstitution of student demography and a qualitative analysis of individual trajectories, this article shows that while the Swiss were okay with the idea of women studying, they were much more reluctant to see them practice. This article studies this double standard and then explores how some women doctors managed to overcome it and to develop alternative career strategies in Switzerland from the 19th century onward.
- Femmes et professeurs de français, de la Libération aux années 1980 - Clémence Cardon-Quint p. 97-133 La féminisation des corps enseignants du second degré entre 1950 et 1980 est particulièrement marquée en français. Le recours au genre comme catégorie d'analyse peut-il éclairer les dynamiques propres à ce sous-groupe professionnel ? Dans les années 1950, le débat virulent qui oppose défenseurs des lettres classiques et promoteurs des lettres modernes se déploie sans que ses implications différenciées pour les hommes et les femmes ne soient mentionnées. Les inégales perspectives de carrière entre les deux sexes retiennent moins l'attention que la hiérarchie qui subordonne les modernes aux classiques. Enfin, la teneur des échanges relatifs à la rénovation de l'enseignement du français confirme la faible saillance de la question du genre dans ce milieu pourtant très féminisé.The feminisation of secondary school teaching staff between 1950 and 1980 was particularly evident in French. Can gender as a category of analysis shed light on the developments of this occupational sub-group? In the 1950s, the virulent debate setting defenders of classics against advocates of French and modern literatures took no account of its different implications for men and women. The unequal career prospects between the two sexes received less attention than the hierarchy that placed classics above French and modern literatures. The contents of the discussions concerning over-hauling the teaching of French literature and language confirms the low priority of the gender issue, despite the large proportion of women in this field.
- D'épouse dévouée à professeur de faculté, itinéraires de quelques femmes psychologues des années 1930 aux années 1960 - Annick Ohayon p. 135-150 Parmi les trajectoires de femmes qui firent ou tentèrent de faire carrière dans la psychologie scientifique après la Première Guerre mondiale, deux périodes se distinguent. Dans la première (années 1920 et 1930), les « épouses dévouées », qui consacrèrent leur vie à soutenir la carrière de leur mari et collaborèrent de manière significative à leurs recherches, sans bénéfice social (Mmes Piéron et Wallon) cotoient les femmes investissant un champ nouveau, la psychologie du travail, leur permettant une réelle professionnalisation (Dagmar Weinberg et Suzanne Pacaud). Après la guerre, les portraits de trois femmes qui firent une carrière éminente sont ici dessinés : Hélène Gratiot-Alphandéry, Bärbel Inhelder et Juliette Favez Boutonier, première femme titulaire d'une chaire de psychologie à la Sorbonne. L'absence de reconnaissance dont cette dernière fit l'objet s'explique par le clivage entre une approche clinique plus féminisée, renvoyant au monde professionnel, et une approche expérimentale se voulant plus scientifique.The trajectories of women who pursued, or attempted to pursue, a career in scientific psychology after the First World War fall into two distinct periods. In the first one (1920s and 1930s), alongside the “devoted wives”, who dedicated their lives to supporting their husbands' careers, and were important collaborators in their research, but without any social recognition (Mrs Piéron and Mrs Wallon), there existed women who chose the new discipline of occupational psychology, which offered them a real career (Dagmar Weinberg and Suzanne Pacaud). For the post-war period, we describe the outstanding careers of three women, Hélène Gratiot-Alphandéry, Bärbel Inhelder and Juliette Favez Boutonier, the first woman to hold a Chair in Psychology at the Sorbonne. The lack of recognition received by Favez Boutonier is due to the discipline's division between a clinical approach, favoured by women, and focusing on the world of work, and an experimental approach that claimed greater scientificity.
- La carrière de Marinette Dambuyant, professeure de philosophie, psychologue et indianiste dans l'ombre d'Ignace Meyerson - Noemí Pizarroso López p. 151-181 L'exploration des premières années de la correspondance entre Marinette Dambuyant et Ignace Meyerson fait apparaître trois dimensions qui traversent sa biographie : l'enseignement, comme professeure de philosophie au lycée ; son engagement social et politique ; la recherche, où l'Inde se dessine comme objet de prédilection. Centré sur l'histoire de la personne en Inde ancienne, son travail de recherche est parallèle à celui de Jean-Pierre Vernant sur la Grèce, autre pilier du projet meyersonien. Or, contrairement à son collègue et camarade, elle est restée méconnue. Cet article met en lumière la participation aussi effective et essentielle que discrète de cette femme à la formulation du programme de recherche du fondateur de la psychologie historique. Il analyse la trajectoire existentielle et intellectuelle de Dambuyant, en étroite liaison, savante et personnelle, avec Meyerson, tout en signalant les difficultés qui ont fait obstacle au développement et à la visibilité de la carrière d'une femme dans l'ombre d'un « grand homme », lui-même resté peu connu.The early years of Marinette Dambuyant's correspondence with Ignace Meyerson reveal three lasting biographical strands: teaching (as a secondary school philosophy teacher); her social and political commitment; and her research (her interest in India is already taking shape). Focusing on the history of the person in ancient India, her research work parallels that of Jean-Pierre Vernant on Greece, another eminent figure in Meyerson's orbit. However, unlike her colleague and friend, she has remained unknown. This article highlights Dambuyant's discreet, but active and essential contribution to Meyerson's research programme in historical psychology, the discipline he founded. It analyses Dambuyant's existential and intellectual trajectory, in her close, scholarly and personal relation with Meyerson. It also formulates the obstacles to the development and visibility of a woman's career in the shadow of a “great man”, who himself has remained little known.
Document
- Dossier Deborah Lifchitz - p. 183-195
- Deborah Lifchitz, une carrière d'ethnologue française dans l'entre-deux-guerres - Marianne Lemaire p. 197-213
Varia
- Les réunions de « dames » du Club psychologique du Gros Caillou - Florent Serina p. 217-232 Au milieu des années 1920 un club dédié à l'étude collective des théories du psychiatre suisse Carl G. Jung vit le jour à Paris, à l'initiative de l'une de ses disciples bâloises. Quand bien même ce groupe de patients et d'amateurs était mixte, les femmes, animées par des idéaux mêlant aspirations spirituelles et féministes, n'en constituaient pas moins la colonne vertébrale. En éclairant à travers le club dit du Gros Caillou un pan inexploré de l'histoire socio-culturelle de la psychologie de l'inconscient dans la France de l'entre-deux-guerres, cette enquête nourrie d'archives encore inédites met en relief un modèle de féminité contrastant avec les représentations généralement associées aux théories psychanalytiques freudiennes.In the mid-1920s, a circle devoted to the group study of the theories of the Swiss psychiatrist Carl G. Jung was founded in Paris, on the initiative of one of his women disciples from Basel. Although this Psychological Club of patients and amateur scientists was mixed, women, inspired by ideals that combined spiritual and feminist objectives, constituted the group's core. The Club psychologique du Gros Caillou gives us access to an unexplored area of socio-cultural history concerning the psychology of the unconscious, in inter-war France, and, incorporating unpublished archives, highlights a model of femininity that contrasts with the representations generally associated with Freudian psychoanalytic theories.
- Les réunions de « dames » du Club psychologique du Gros Caillou - Florent Serina p. 217-232
Débats, chantiers et livres
- Les neurosciences sociales : un phénomène de société - Wolf Feuerhahn, Rafael Mandressi, Alain Ehrenberg, Fernando Vidal p. 235-258
- Robert E. Lerner, Ernst Kantorowicz: A Life - Agnès Graceffa p. 259-263
- Theodore M. Porter, Genetics in the Madhouse. The Unknown History of Human Heredity - Michel Armatte p. 265-270
- Roman Jakobson, Claude Lévi-Strauss, Correspondance. 1942-1982 - Frédéric Keck p. 271-272
- Nicole Mathieu, Les relations villes/campagnes. Histoire d'une question politique et scientifique - Jean Reynès p. 273-276
- Dotan Leshem, The Origins of Neoliberalism. Modeling the Economy from Jesus to Foucault - Yann Giraud p. 277-280
- Thibaud Trochu, William James. Une autre histoire de la psychologie - Jean-Louis Fabiani p. 281-284
- Gilles Laferté, Paul Pasquali et Nicolas Renahy (dir.), Le Laboratoire des sciences sociales. Histoires d'enquêtes et revisites - Christian Topalov p. 285-289