Contenu du sommaire : Genre, politiques sociales et citoyenneté

Lancée au milieu des années 1990, l'approche d'investissement social s'est étendue dans les pays de l'ocde et en Amérique latine. Si depuis les années 1960 les régimes de protection sociale avaient laissé, au nom de l'égalité, une certaine place aux revendications des mouvements des femmes, les politiques publiques valorisant l'investissement social en réduisent aujourd'hui l'importance, et ceci malgré le fait qu'une ‘sensibilité au genre' fasse partie de l'approche. Cet article démontre combien et comment les politiques sociales valorisant l'investissement social, même pénétrées par une certaine ‘sensibilité au genre', constituent une menace pour le projet féministe d'égalité dans la citoyenneté sociale.

Cet article porte sur la dynamique des mouvements des femmes, faite d'échecs et de recommencements. Ute Gerhard rappelle la genèse de celui des années 1970 qui, en Allemagne de l'Ouest surtout, se voulait radical et multiforme — avec les faiblesses et les forces que suppose un tel mode d'organisation. La chute du Mur, puis la réunification ont engendré des tensions entre féministes de l'Ouest et de l'Est, marquées par des expériences différentes, mais 1989 a aussi ouvert de nouvelles perspectives à l'échelle mondiale pour les politiques de genre. Par-delà les reculs notés dans plus d'un pays, des mouvements qualifiés de ‘féminisme de la troisième vague' ont donné un nouvel écho au fait que les droits de l'homme sont aussi les droits des femmes.

Cet article examine l'articulation entre genre et diversités selon l'origine ethnique / de race et la religion, au regard de la citoyenneté. Il passe en revue les débats et réglementations nationales sur le port du voile islamique en Europe, à partir des résultats du projet veil portant sur huit pays européens. En dépit de stratégies variables quant au port du voile dans le secteur public, il apparaît que les médias traitent la question de ces diverses intersections dans des termes qui effacent la figure des migrant·e·s, présentée comme ‘autre', l'égalité de genre faisant office de stratégie contre l'islam. Mais l'article suggère qu'il existe des limites au populisme et que le recours aux valeurs libérales peut aussi contribuer à la défense de la diversité, dans une optique démocratique.

Les partis politiques sont l'un des obstacles les plus évidents et les plus opaques en même temps concernant le blocage du parcours politique des femmes car ils reposent historiquement, tout comme aujourd'hui, sur les relations des hommes entre eux. Cet article porte sur la naissance, la structuration et les modifications de fonctionnement des partis dans une optique de genre, ainsi que sur la cohérence entre leur intervention et leur structure interne au regard des principes d'égalité et de non-discrimination inscrits dans toutes les Constitutions européennes. L'analyse, qui pâtit du manque de données structurelles, est centrée sur l'Italie et l'Union européenne, et fait ressortir la responsabilité spécifique des partis politiques quant au développement monosexué de la démocratie.

Cet article concerne la présence et la voix des femmes au niveau de la politique institutionnelle. Cet enjeu possède toute son importance au regard de la citoyenneté politique des femmes et s'est notamment traduit, à la fin de la décennie 2000, par une féminisation des fonctions législatives et exécutives. Cependant, nous montrons que la présence des femmes dans la politique institutionnelle n'est pas réductible à la seule féminisation des charges électives et exécutives. En effet, il y a lieu de considérer, au-delà de la « représentation descriptive », la « représentation substantive » des questions de genre. À cet égard, la voix des femmes au sein des groupes féministes dans leurs interactions avec l'État, et en particulier avec les agences étatiques consacrées à l'égalité des chances entre femmes et hommes est d'une importance majeure. Aussi, nous mettrons en avant que le genre peut désormais être utilisé comme une ressource en politique.

En Occident — et singulièrement en France — le féminisme opère par vagues. Ce qui implique des périodes, sinon de reflux, en tout cas de moindre visibilité. La demande de parité qui émerge au milieu des années 1990 suscite, en France, une furieuse dispute, brouille la traditionnelle frontière séparant les féministes égalitaires de celles revendiquant la différence des sexes. Cet article revient sur la genèse de la parité et des débats qu'elle a suscités pour tenter d'analyser la nature des résistances qu'opposent les hommes au partage du pouvoir dans la sphère publique. Il formule l'hypothèse selon laquelle alors que le patriarcat est en déclin perdure la manifestation silencieuse d'un pacte entre les ‘frères', autrement dit d'un fratriarcat d'autant plus solide que la parité menace de brouiller les frontières du privé et du public. Un privé qui est, décidemment, politique.

Cet article explore la façon dont les statistiques de police traitent de la question des violences envers les femmes, qui n'apparaissent pas de façon spécifique dans les publications annuelles des chiffres de la délinquance. Une analyse des conditions de production de ces chiffres, qui représentent les données principales à disposition des décideurs politiques en matière de sécurité, montre le caractère subjectif des données mises en évidence. Loin de faire l'objet d'un simple oubli, les violences envers les femmes sont masquées au terme d'un travail d'invisibilisation et de dépolitisation qui a pour effet de les présenter comme non prioritaires pour l'action publique.

La migration des mères fait depuis peu l'objet d'une attention sociale accrue car elle engendre une reconfiguration des rapports de pouvoir dans la famille. Cependant, les recherches se sont jusqu'à présent focalisées sur l'impact de cette migration sur les enfants laissés au pays, laissant dans l'ombre la situation des maris des migrantes. Cet article présente les résultats d'une enquête de terrain menée aux Philippines auprès des maris de six mères migrantes. L'analyse des entretiens révèle que leur vie quotidienne se trouve bouleversée en raison de l'ampleur des tâches à accomplir. Le plus souvent aidés par des femmes de leur famille étendue pour les soins aux enfants et l'entretien du foyer, ces hommes réinventent leur masculinité et tentent de renforcer leur relation conjugale en recourant à diverses stratégies.