Contenu du sommaire : Hors-champ
Revue | Cahiers du genre |
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Numéro | Hors-série no 4, 2016 |
Titre du numéro | Hors-champ |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Analyse critique et féminismes matérialistes. Travail, sexualité(s), culture - Annie Bidet-Mordrel, Elsa Galerand, Danièle Kergoat p. 5-27
- Matière à penser. Controverses féministes autour du matérialisme - Maxime Cervulle p. 29-52 À partir d'une relecture de la controverse qui, en 1979, opposa Christine Delphy aux britanniques Michèle Barrett et Mary McIntosh, cet article propose de reconsidérer la nature de la tension entre féminismes matérialiste et poststructuraliste qui a émergé en France à partir des années 1990. Ces deux querelles, qui se succèdent historiquement, apparaissent en effet traversées par un même conflit, relatif à la conception du matérialisme. Ce questionnement sur le hors-champ de la ‘méthode marxienne' qu'a empruntée Delphy fait écho aux conflits théoriques qui caractérisent les réceptions croisées des modèles féministes des deux côtés de l'Atlantique et de la Manche. Un retour sur le contexte intellectuel britannique, dans lequel s'est déployée la controverse de 1979, permettra d'éclairer certaines des dynamiques du clivage contemporain qui, au sein des théories féministes, oppose artificiellement idéalisme et matérialisme. Il autorisera en outre une exploration des liens qui unissent les cultural studies et le féminisme poststructuraliste.Based on a re-reading of the controversy that arose in 1979 between Christine Delphy and the British authors Michèle Barrett and Mary McIntosh, this article aims to reconsider the nature of the tension between the materialist and post-structural strains of feminism that emerged in France from the 1990s. These two historically successive disputes indeed appear to have at their heart a similar conflict, which is related to differing conceptions of materialism. This investigation of what the “Marxian method” used by Delphy left aside, echoes the theoretical conflicts that characterize the receptions of feminist thinking on both sides of the Atlantic and of the English Channel. Returning to the British intellectual context within which the 1979 controversy developed allows the author to elucidate some of the dynamics at work in the contemporary divide, which, in feminist theories, artificially opposes idealism and materialism. In addition, it also allows an exploration of the connections that unite cultural studies and post-structuralist feminism.
- Postpostmodernisme ? Théoriser la complexité sociale - Sylvia Walby, Jacqueline Heinen p. 53-72 L'article « Postpostmodernisme ? Théoriser la complexité sociale » a été publié pour la première fois en 1992, conjointement à une série d'autres sur les développements de la théorie féministe. Il note les difficultés des théories sociales traditionnelles à rendre compte, notamment, des processus sociaux à grande échelle, mais récuse les réponses offertes par les postmodernistes. Sont mis en exergue la nécessité d'une perspective globale — point qui n'est pas repris ici — et le besoin permanent de théoriser le changement social pris dans son ensemble, en termes de classe et d'inégalité. Cet article a joué un rôle précurseur dans les productions récentes sur la théorie de la complexité.‘Post-post-modernism? Theorizing social complexity' was first published in 1992 as part of a collection of papers discussing developments in feminist theory. It recognises the difficulties with traditional theories of society, especially with respect to large scale social processes, but refuses the post-modernist response to these problems. It insists on the need for a global horizon (although this section is cut from this new edition) and for the continuing need to theorise large scale social change, class and inequality. This article was a forerunner of recent work on complexity theory.
- La "combinatoire straight". Race, classe, sexe et économie politique : analyses matérialistes et décoloniales - Jules Falquet p. 73-96 L'article retrace d'abord les apports des féministes matérialistes francophones — principalement Guillaumin, Wittig, Tabet et Mathieu. Celles-ci ont transformé la notion de ‘travail', en théorisant l'appropriation des corps comme ‘machines-à-force-de-travail'. Elles ont montré que la sexualité pouvait être appréhendée comme un travail, dans la continuité des rapports sociaux de sexe existants, et profondément dénaturalisé la maternité. L'auteure propose ensuite le concept de ‘combinatoire straight'. Régissant à la fois l'alliance et la filiation, et organisant les dynamiques simultanées et historiques des rapports sociaux de sexe, race et classe, la combinatoire straight constitue un nouvel outil pour analyser la reproduction sociale et pour penser le développement historique du capitalisme, mais aussi l'actualité néolibérale, dans une perspective qui rejoint une partie du féminisme décolonial latino-américain et des Caraïbes.This article starts by reviewing the contributions of francophone materialist feminists – mainly Guillaumin, Wittig, Tabet and Mathieu. They have transformed the concept of ‘labour', by theorising the appropriation of bodies as ‘machines with labour power'. They have shown that sexuality can be understood as labour, in continuity with existing gender-related social relations, and they have profoundly denaturalised motherhood. The author then puts forward the concept of ‘straight matrix'. Governing at once union by marriage and filiation, and organising the simultaneous and historical dynamics of social relations connected to gender, race and class, straight combinatorics constitutes a new tool for analysing social reproduction and analysing the historical development of capitalism, but also the current neoliberal reality, in a perspective that connects with parts of Latin-American and Caribbean decolonial feminism.
- Quelles politiques sexuelles pour les femmes noires ? - Patricia Hill Collins, Brigitte Marrec p. 97-127 Partant du constat du silence des femmes noires sur leur sexualité, de l'invisibilité ou du traitement partiel de cet objet dans les recherches noires ou féministes en général, ce texte dresse le tableau des différentes approches possibles de la sexualité, celle des femmes noires en particulier. Si la sexualité peut se penser comme un système d'oppression autonome parallèle aux autres systèmes de race, de classe, de nation, de genre, on peut aussi la penser comme élément particulier de chaque système spécifique d'oppression. Mais l'analyse de la pornographie, de la prostitution, du viol invite plutôt à la penser comme ‘site d'intersectionnalité' où se rencontrent et s'entrecroisent différents systèmes d'oppression.Starting from the observation that black women tend to be silent about their sexuality, and that this subject is invisible or only partially explored in black studies or feminist research in general, this text provides an overview of the various possible approaches to sexuality, and in particular that of black women. While sexuality can be thought of as an autonomous system of oppression working in parallel to other systems based on race, class, nation or gender, we can also view it as a particular element within each specific system of oppression. But the analysis of pornography, of prostitution and of rape rather invites us to think of it as a “site of intersectionality” where different systems of oppression meet and intersect.
- Un paradigme féministe matérialiste de l'intersectionnalité - Danielle Juteau p. 129-149 Le paradigme féministe matérialiste de l'intersectionnalité introduit les rapports sociaux de sexe dans l'analyse intersectionnelle. Matérialiste, il éclaire ce qui est en amont des catégories sociales, les rapports les constituant comme différenciées, hiérarchisées, antagoniques et indissociables ; féministe matérialiste, il se penche sur le rapport d'appropriation constitutif des classes de sexe comme facteur explicatif des inégalités entre hommes et femmes. L'examen de la violence exercée contre les femmes fait ressortir son apport spécifique.The materialist feminist paradigm of intersectionality introduces gendered social relations into intersectional analysis. Being materialist, it exposes what comes before social categories, the relations that constitute them as differentiated, hierarchical, antagonistic and indivisible; being materialist feminist, it investigates the relationship of appropriation that leads to the creation of gender classes as an explanatory factor in the inequalities between men and women. The analysis of the violence to which women are subjected highlights its specific contribution.
- De la centralité politique du travail : les apports du féminisme matérialiste - Alexis Cukier p. 151-173 L'article examine les apports du féminisme matérialiste pour penser la centralité politique du travail, et plus particulièrement la fonction du travail dans un projet de démocratisation de l'ensemble des rapports sociaux. Il analyse d'abord la manière dont le féminisme matérialiste transforme la compréhension et l'extension du concept de travail, puis la question du rapport spécifique de la classe des femmes au travail, enfin le problème du rapport d'une politique féministe du travail à l'État. Il défend que le féminisme matérialiste permet d'opposer au néolibéralisme la perspective d'un ‘travail démocratique', en insistant sur la nécessaire pars destruens d'un tel travail.This article examines the contributions of materialist feminism in terms of thinking about the political centrality of labour, and more particularly about the function of labour within the project of democratizing of all social relations. It starts by analysing how materialist feminism transforms our understanding of the concept of labour, then looks into the issue of the specific relationship of the class of women to labour, and finally explores the problem of the relationship between a feminist labour policy and the state. It argues that materialist feminism allows us to oppose the perspective of ‘democratic labour' to neoliberalism, by insisting on the necessary critical purchase of such labour.
- La sociologie des rapports sociaux de sexe : une lecture féministe et matérialiste des rapports hommes/femmes - Xavier Dunezat p. 175-198 L'article présente les principaux apports du courant dit de la sociologie des rapports sociaux de sexe au féminisme matérialiste français. D'abord, il retrace les prémisses de ce courant et les lignes de tension qui en sont à l'origine. Ensuite, il montre comment les trois apports épistémologiques majeurs de ce courant (division sexuelle du travail, rapport social, consubstantialité) fondent une sociologie matérialiste des rapports sociaux et de leur articulation. Enfin, il interroge le ‘travail d'émancipation' en pointant les ambivalences qui structurent la production des subjectivités dominées, les dynamiques mobilisatrices, l'organisation du travail militant.This article presents the main contributions made by the school of thought known as the sociology of gendered social relations to French materialist feminism. First, it summarizes the premises of this theory and the tensions out of which it arose. It then shows how three major epistemic contributions from this school (the gendered division of labour, social relations, consubstantiality) provide the foundations for a materialist sociology of social relations and of their articulation. Finally, it explores ‘emancipatory work' by highlighting the ambivalences that structure the production of dominated subjectivities, the dynamics that lead to people becoming politically active, and the organisation of activist work.
- Pour une société du `ibcare`/ib - Evelyn Nakano Glenn, Séverine Sofio p. 199-224 Dans cet article désormais classique, l'auteure plaide pour la construction d'une société qui reconnaisse la valeur du care. Le travail bénévole du care a toujours été considéré comme une obligation familiale, et non comme une contribution au bien public, tandis que le travail rémunéré du care s'est trouvé assigné de façon disproportionnée aux groupes infériorisés de la population, tels que les femmes de couleur et les migrantes. De fait, on accorde aussi peu de valeur au travail du care lui-même qu'à celles qui l'accomplissent. Or, dans une société où l'on reconnaîtrait que le care est un vrai travail, non seulement pourrait-on considérer les bénéficiaires de ce travail comme des citoyen∙ne∙s à part entière, mais aussi reconnaître comme un service public précieux le care ainsi dispensé. Atteindre ces objectifs implique de repenser des notions fondamentales telles que la citoyenneté sociale, d'amorcer des changements dans le domaine du care rémunéré et de faire évoluer les pratiques d'emploi pour permettre aux travailleur∙e∙s de concilier leur travail et leurs responsabilités en matière de care.Creating a society that recognizes the value of caring labor is critical to resolving the contemporary crisis of care. Unpaid caring has been treated as a family obligation rather than a public societal contribution, while paid caring has been assigned disproportionately to devalued sections of the population that are stereotyped as inferior, such as women of color and immigrant women. Thus caring labor and those who do it are devalued. A caring society would recognize caring as real work, view care receivers as full citizens entitled to care, and acknowledge that caregivers perform a valuable societal service. Reaching these goals would require us to rethink such basic concepts as social citizenship and to institute changes in paid caring and employment practices to accommodate workers' caring responsibilities.
- Régulation de l'emploi des femmes au Brésil : entre avancées et résistances - Vivian Aranha Sabóia, Jacqueline Heinen p. 225-241 Les luttes féministes et les luttes de femmes pour l'égalité des sexes sont à l'origine d'une série de dispositions internationales remontant à plus d'un demi-siècle, qui visent à combattre les discriminations. Grâce aux luttes sociales, elles ont été ratifiées par le Brésil et ont conduit, au cours des vingt dernières années, à l'adoption de multiples outils en faveur de l'égalité des sexes. Toutefois, comme le montre cet article, les dispositions légales en question ne suffisent pas à éliminer les inégalités qui pèsent sur la vie professionnelle des femmes.Feminist struggles and the struggles of women for gender equality have sparked a series of international measures that go back over half a century, aimed at fighting discrimination. Thanks to social struggles, these have been ratified by Brazil and have led, over the course of the past twenty years, to the adoption of numerous tools for the promotion of gender equality. However, as this article shows, the legal provisions in question are not enough to cancel out the inequalities weighing upon women's professional lives.
- Que vont devenir les actions du Secrétariat de politique pour les femmes (SPM) au Brésil ? - Lourdes Maria Bandeira, Helena Hirata p. 243-246