- Lutter contre les violences de genre. Des mouvements féministes à leur institutionnalisation : Introduction - Pauline Delage, Marylène Lieber, Natacha Chetcuti-Osorovitz p. 5-16

- Le continuum de la violence sexuelle - Liz Kelly, Marion Tillous p. 17-36
Cet article traite de l'emploi du concept de continuum en matière de violence sexuelle dans le cadre d'une recherche et du débat touchant à cette question. Deux des objectifs initiaux de cette recherche étaient d'explorer les liens entre les différentes formes de violence sexuelle et d'examiner l'idée, qui émergea à l'occasion d'un travail effectué dans un refuge pour femmes battues, que la plupart des femmes font l'expérience de la violence sexuelle au cours de leur vie. C'est en analysant les entretiens compréhensifs réalisés avec des femmes que le concept de continuum de la violence sexuelle a été mobilisé pour décrire les résultats dans deux domaines
Liz Kelly's seminal article which we decided to translate seems essential to us to understand how the widely used and applied concept of the continuum of sexual violence, or violence against women, initially emerged. It shows how feminist research in the 1970s and 1980s emphasized the link between different forms of violence and thus contributed to establish women as a subject in the common experience of gender-based violence. In addition, differences between women, in terms of social status, whether class-based or linked to actual or alleged migration paths, are left largely unaddressed in this article. However, reflecting back on the concept of continuum raises questions about its multiple uses and meanings, whether in activist, institutional or professional circles: rather than levelling the severity of violence or equalizing forms and effects, the continuum underlines how domination and appropriation of women's bodies by men is a structuring link.
- L'enquête VIRAGE (VIolences et RApports de GEnre) - Elizabeth Brown, Alice Debauche, Magali Mazuy, Pauline Delage, Marylène Lieber p. 37-50
En France, l'enquête VIRAGE (VIolences et RApports de GEnre) est une enquête de victimisation qui s'intéresse principalement aux violences de genre. Nous avons choisi de donner la parole à certaines des chercheuses qui ont, en 2015, conceptualisé et mené cette vaste enquête pour faire suite à l'enquête ENVEFF (ENquête nationale sur les Violences Envers les Femmes en France) réalisée en 2000.
- L'histoire féministe de la « psychologisation des violences » - Stéphanie Pache p. 51-70
À partir d'une recherche sur l'histoire de la psychologie féministe nord-américaine, cet article aborde la façon dont les travaux de psychologues féministes sont mobilisés pour dénoncer les violences envers les femmes et revendiquer des politiques publiques pour lutter contre celles-ci. Dans un contexte où les effets psychiques de l'oppression des femmes sont devenus une évidence, il s'agit de retracer l'histoire d'un processus de politisation de la psychologie dont on ne semble parfois retenir aujourd'hui que les éléments les plus conservateurs. Le cas des approches psychologiques des violences envers les femmes éclaire également plus globalement les enjeux de la qualification d'un processus de « psychologisation ».
Based on research on the history of North American feminist psychology, this article discusses how the work of feminist psychologists is being used to expose violence against women and to advocate for public policies to address such violence. In a context where the psychological effects of the oppression of women have clearly been established, the aim is to review the history of the process leading to the politicization of psychology, of which we now sometimes seem to consider only the most conservative elements. The case of psychological approaches to violence against women also sheds light more generally on the issues involved in qualifying a process as “psychologization”.
- Les violences conjugales à la marge : le cas des femmes migrantes en Suisse - Faten Khazaei p. 71-90
Suivant des travaux sur la (re)production des frontières par le bas, dans les pratiques des agents et des agentes de terrain et de leurs usages du droit, cet article analyse les enjeux liés aux autorisations de séjour des femmes migrantes confrontées aux violences conjugales. À travers le cas suisse, et par l'analyse des documents légaux et administratifs qui règlent la situation des migrantes, l'auteure montre comment ces femmes sont mises devant un choix impossible entre se séparer du conjoint ou rester en Suisse. L'article démontrera comment la mise en œuvre du droit devient un instrument de contrôle de la migration et renforce les frontières de l'Etat, en distinguant celles qui sont jugées aptes à recevoir une protection et celle qui, privées de ce droit, doivent partir.
In line with research on the (re)production of borders from below in the practices of field officers and their application of the law, this article analyzes issues related to residency rights for migrant women confronted with domestic violence. Based on the Swiss case, and by analyzing the legal and administrative documents that regulate the situation of migrant women, the author shows how these women are confronted with the impossible choice of either leaving their husbands or remaining in Switzerland. The article shows how the law becomes an instrument of migration control and strengthens the borders of the State, by drawing a distinction between those who are considered eligible for protection and those who are not and therefore are forced to leave.
- Violences sexuelles à l'encontre des femmes : De la dénonciation à la prise en charge institutionnelle à Genève - Véronique Ducret, Pauline Delage, Marylène Lieber p. 91-107

- De la banalisation des violences de genre en école d'ingénieur·e·s - Coline Briquet p. 109-128
Alors que de nombreuses études ont été consacrées à la sous-représentation numérique des filles dans les formations scientifiques et technologiques en France, très peu de travaux ont analysé les rapports sociaux de sexe entre élèves, ou abordé les éventuelles violences de genre que peut vivre la minorité féminine dans ces établissements. En se basant sur les résultats d'une enquête menée auprès d'élèves en école d'ingénieur·e·s en 2016 sur les conditions d'études des filles, cet article vise à dresser un état des lieux des violences sexistes et sexuelles, verbales et physiques, et à analyser les mécanismes qui favorisent la sur-sexualisation de la vie associative et banalisation de ces violences sur de nombreux campus. L'article explore tout particulièrement les stratégies de déni, d'évitement et d'euphémisation de la part des filles face à l'humour sexiste.
While many studies have focused on the under-representation of female students in STEM education in France, very few have analyzed the social gender relations between students, or addressed the possible gender violence that the female minority may experience in these institutions. Based on the results of a survey conducted among engineering students in 2016 on the study conditions of female students, this article aims to draw up a picture of gender-based and sexual, verbal and physical violence, and to analyze the mechanisms that lead to the oversexualization of campus life and the normalization of this violence on many campuses. In particular, the article explores the female students' strategies of denial, avoidance and minimization in dealing with sexist jokes.
- Enquêtes nord-américaines sur les violences homophobes et transphobes en contexte scolaire : l'invisibilisation du sexisme - Line Chamberland p. 129-155
Cet article propose une lecture critique de trois enquêtes réalisées respectivement au Canada anglais, au Québec et aux États-Unis, sur le climat scolaire et les violences interpersonnelles entre pairs fondées sur la non-conformité aux normes sexuelles et de genre, dans le milieu scolaire. Il relève l'ampleur de ces violences, qui peuvent toucher tous les élèves, ainsi que la victimisation relativement plus importante des jeunes trans ou non cisgenres et des élèves dont l'expression de genre est non conforme aux normes de genre. Toutefois, ces enquêtes mettent au second plan l'analyse des violences sexistes ou subies en tant que filles, y compris par les filles non hétérosexuelles, de même que l'examen des auteur·e·s des violences interpersonnelles. Tout en constatant l'enchevêtrement et le caractère systémique des violences liées à la sexualité et au genre, ces études négligent de considérer l'asymétrie entre filles et garçons et le rôle des violences interpersonnelles dans la reproduction des rapports sociaux de sexe.
This article provides a critical reading of three studies conducted respectively in English-speaking Canada, Quebec and the United States, on the school environment and interpersonal violence between peers based on non-conformity with sexual and gender norms in schools. It examines the extent of these forms of violence, which can affect all students, as well as the relatively greater victimization of trans or non-cisgendered youth and students whose gender expression is not in line with gender norms. However, these studies overlook the analysis of sexist violence or violence experienced as girls, including by non-heterosexual girls, as well as the inquiry on the perpetrators of interpersonal violence. While acknowledging the intertwined and systemic nature of sexuality- and gender-related violence, these studies fail to address the asymmetry between girls and boys and the role of interpersonal violence in the reproduction of social gender relations.