Contenu du sommaire : Penser avec Colette Guillaumin aujourd'hui
Revue | Cahiers du genre |
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Numéro | no 68, 2020 |
Titre du numéro | Penser avec Colette Guillaumin aujourd'hui |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Sciences en danger, revues en lutte. Éditorial - p. 5-13
Dossier. Penser avec Colette Guillaumin aujourd'hui
- Colette Guillaumin. Penser la race et le sexe, hier et aujourd'hui - Maira Abreu, Jules Falquet, Dominique Fougeyrollas-Schwebel, Camille Noûs p. 15-53
- Questions minoritaires, réponses majeures : remarques sur la colère majoritaire - Sara Garbagnoli, Camille Noûs p. 55-73 En écho à diverses controverses sur le genre et sur la race qui ont traversé le champ politique français au cours des dernières années, les savoirs minoritaires se sont heurtés à une nouvelle vague de fortes résistances. En analysant les permanences rhétoriques du discours anti-minoritaire ainsi que ses spécificités actuelles (opposition à ladite « théorie du genre », rejet de la catégorie de race), l'article démontre que la pensée de Colette Guillaumin demeure pertinente pour analyser la logique et les enjeux de cette offensive. Dans tout son œuvre, Guillaumin a réfléchi aux oppositions que soulève la prise de parole minoritaire et a contribué à forger les concepts ciblés par les attaques en cours (minoritaire, race, racisation).Echoing various controversies on gender and race that have arisen in the French political arena in recent years, minority knowledge has faced a new wave of strong resistance. By analyzing the rhetorical persistence of anti-minority discourse as well as its current specificities (opposition to the so-called “gender theory”, rejection of the category of race), the article shows the ongoing relevance of Colette Guillaumin's ideas today in analyzing the rationale and stakes of this offensive. Throughout her work, Guillaumin has been engaged in reflecting on the oppositions raised by minority voices and has helped to forge the concepts targeted by the current attacks (minority, race, racization).
- Le confinement des femmes dans l'espace : Les apports de Colette Guillaumin à l'étude des politiques de lutte contre la traite des femmes - Estelle Miramond p. 75-95 S'appuyant sur la thèse de Colette Guillaumin selon laquelle le confinement dans l'espace est l'un des principaux moyens de l'appropriation de la classe des femmes par la classe des hommes, cet article montre comment les politiques internationales de prévention et de prise en charge des victimes de traite ont contribué au déploiement de logiques d'appropriation et d'immobilisation des femmes. Prenant pour terrain d'étude les programmes anti-traite développés entre le Laos et la Thaïlande, trois niveaux de confinement des femmes dans l'espace sont identifiés : la dissuasion et l'interdiction faites aux jeunes filles et femmes pauvres et non accompagnées de franchir des frontières internationales, l'immobilisation de celles identifiées comme victimes de traite dans des centres de réhabilitation, enfin l'incorporation de la clôture et du travail dévalorisé à travers les enseignements et règles diffusées dans ces espaces.Based on Colette Guillaumin's argument that confinement in space is one of the main means of appropriation of the class of women by the class of men, this article shows how international policies for the prevention and care of victims of trafficking have contributed to the deployment of logics of appropriation and immobilization of women. Taking the anti-trafficking programs developed between Laos and Thailand as a field of study, three levels of confinement of women in space are identified: the deterring and prohibiting of poor and unaccompanied girls and women from crossing international borders, the immobilization of those identified as victims of trafficking in rehabilitation centers, and finally the incorporation of closure and devalued work through the teachings and rules promoted in these spaces.
- Du sexage en contexte colonial. L'exemple de Lifou, Kanaky-Nouvelle-Calédonie - Hélène Nicolas, Camille Noûs p. 97-119 Cet article propose de faire dialoguer le concept de sexage avec des perspectives féministes décoloniales. En effet, ce concept est-il valide dans l'analyse de sociétés autres qu'occidentales, en particulier les colonisées ? Si les rapports sociaux de sexe contemporains à Lifou, île de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie, peuvent en effet être qualifiés de sexage, cela était-il aussi pertinent durant l'époque précoloniale ? La colonisation a-t-elle par ailleurs imposé des formes de sexage extra-communautaires ? Quelles sont les résistances des femmes lifoues ? Et qu'apporte ce concept à l'analyse du genre en situation coloniale ?This article attempts to establish a dialogue between the concept of sexage and decolonial feminist perspectives. Indeed, is this concept valid for the analysis of non-Western societies, especially those that have been colonized? If contemporary gender relations in Lifou, an island in Kanaky-New Caledonia, can indeed be qualified as sexage, was it the case during the pre-colonial era? Did colonization also impose extra-community forms of sexage? How do Lifou women resist? And what does this concept bring to gender analysis in a colonial context?
- `ibSexitud`/ib : rapports d'appropriation et pratiques génocidaires. Une lecture de Colette Guillaumin par Angélica Gorodischer - Michèle Soriano, Camille Noûs p. 121-143 Cet article interroge la lecture de la pensée de Colette Guillaumin par l'écrivaine féministe argentine Angélica Gorodischer à partir d'une de ses conférences de 2005 sur le « contrôle des corps ». Il examine par ailleurs l'actualité de cette pensée matérialiste en Argentine à travers sa diffusion, dix ans plus tard, dans la revue Mora. Dans les deux cas, la critique de l'idéologie naturaliste est mise en valeur ainsi que le dévoilement de la violence sociale, politique et économique qui perpétue la performativité des catégorisations issues de cette idéologie. Le « sexage » ne peut être conçu que dans ce continuum de la violence, symbolique et matérielle. L'hypothèse qui sous-tend cette réflexion serait que les convergences observées dans ce corpus limité sont un exemple parmi d'autres possibles, car la pensée féministe argentine croise de multiples façons la pensée matérialiste, très prégnante dans la tradition nationale.This article questions the reading of Colette Guillaumin's thought by Argentinian feminist writer Angélica Gorodischer based on one of her lectures in 2005 on the “control of bodies”. It also examines the topicality of this materialist thought in Argentina through its publication, ten years later, in the Mora journal. In both cases, it focuses on the critique of the naturalist ideology and on the revelation of the social, political and economic violence that perpetuates the performativity of the categorizations stemming from this ideology. Sexage can only be understood within this continuum of symbolic and material violence. The underlying hypothesis is that the convergences observed in this limited corpus are one example among other possibilities, since Argentine feminist thought intersects in many ways with materialist thought, which is very much present in the Argentinian context.
- Analyser des terrains contemporains à partir du couple notionnel « majoritaires/minoritaires » - Ryzlène Dahhan, Pauline Picot, Damien Trawalé, Claire Cossée, Aude Rabaud p. 145-171 Cette contribution repose sur un travail collectif entre membres du Réseau thématique 24 de l'Association Française de Sociologie autour des propositions conceptuelles de Colette Guillaumin. Celles-ci nous ont en effet permis d'analyser l'articulation des rapports sociaux et les processus de minorisation à l'œuvre sur nos différents terrains. Nous entendons ainsi contextualiser et questionner la conceptualisation de la relation « majoritaire/minoritaire », en l'articulant à d'autres concepts et théories, afin de la rendre opératoire. Notre analyse se décline selon trois axes complémentaires : montrer les ressorts symboliques de la minorisation à travers le concept de « forme mentale », réfléchir à la possible prise d'autonomie des minoritaires par rapport aux majoritaires dans leurs façons de s'autodéfinir, saisir les processus imbriqués de minorisation sexiste et raciste en jeu entre personnes racisées.This contribution is the result of a collective work of members of the RT24 network of the French Sociological Association (AFS) around the concepts proposed by C. Guillaumin. The latter have enabled us to analyze the articulation of social relations and the processes of minoritization at work in our various terrains. Our intention is to contextualize and question the conceptualization of the “majority/minoritized” relationship, by linking it to other concepts and theories, in order to make it operational. Our analysis is structured around three axes that complement one another: to show the symbolic forces of minoritization through the concept of “mental form”, to think about the possible autonomy of minorities in relation to the majority in their ways of self-defining, and to capture the interlocking processes of sexist and racist minoritization at work between racialized people.
- Présentation de deux articles antiracistes de Colette Guillaumin (Droit et Liberté 1967, 1973) - Maira Abreu p. 173-183
- Liste des travaux de Colette Guillaumin - p. 185-190
Hors-champ
- Du rire à la joie : psychanalyse, féminisme et politique - Laurie Laufer p. 191-218 En France, dans le sillage du mouvement de Mai 68, émerge spontanément et joyeusement le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), à l'initiative d'Antoinette Fouque et de Monique Wittig. Au cœur de leur débat, de leur relecture critique des textes freudiens et lacaniens se trouvent pensé à nouveau frais le discours et la théorie de la psychanalyse sur « La femme », « le féminin », « la sexualité féminine » « la différence des sexes ». Les dogmes théoriques concernant « le continent noir » romantiquement évoqué ainsi par Freud sont revisités, voire renversés. Les querelles autour du terme même de « féminisme » produisent et ouvrent à d'autres discours. Freud a toujours considéré que la théorie psychanalytique était open to revision et Lacan que la psychanalyse gagnerait à être en « extension ». Que se passe-t-il lorsque la théorie et la pratique psychanalytiques rencontrent les discours féministes ? L'horizon s'ouvre-t-il pour le discours psychanalytique, sa théorie, sa pratique ? Une ouverture, une révision peuvent-elle s'opérer ? Un renversement du dogme, une nouvelle joie de la pratique analytique ?Open to revision: this is Freud's expression to describe psychoanalytic theory. A few decades later, Lacan would speak of psychoanalysis in ‘extension'. What happens when feminist approaches intersect with analytical practice and theory?This article proposes a study of the effects of this encounter that took place in the years following 1968, when the Women's Liberation Movement (MLF) emerged in France amidst the struggles and joyful effervescence of the time. In the context of disputes over the term "feminism" itself, the work of Antoinette Fouque and Monique Wittig, and the development of materialist and differentialist tendencies, psychoanalysis also became an object of debate. The discourse and theory of psychoanalysis on “the woman”, “the feminine”, “feminine sexuality”, “the difference between the sexes” were revisited, challenged and discussed. The excitement and energy of the time opened new horizons and an extension for psychoanalysis, caught and exposed in the issues of the time.
- Nosotras : un féminisme latino-américain dans le Paris des années 1970 - Maira Abreu p. 219-255 Cet article propose d'analyser la trajectoire du Groupe Latino-Américain des Femmes à Paris. Ce groupe, né en 1972, publie un bulletin bilingue (portugais et espagnol) Nosotras entre 1974 et 1976. C'est sur la base des textes qui y sont publiés et à partir des entretiens que j'ai cherché à comprendre comment ces femmes avaient théorisé leur propre oppression, comment elles avaient développé l'idée d'un « nous, les femmes » et d'une « spécificité latino-américaine ». À partir des problèmes posés par leur vécu en tant que femmes latino-américaines en Europe et de la prise en compte de leur impossibilité à séparer leurs multiples « appartenances », elles ont cherché à thématiser les diverses formes de domination subies tout comme à élaborer des stratégies de lutte et d'alliances leur permettant de faire face à cette réalité.This article examines the trajectory of the Latin American Women's Group in Paris. Formed in 1972, this group published the bilingual (Portuguese and Spanish) newsletter Nosotras between 1974 and 1976. Based on the texts published in this newsletter and interviews, I have tried to understand how these women theorized their own oppression, how they developed the idea of “we, the women” and of a “Latin American specificity”. Based on the problems they were facing as Latin American women in Europe and the fact that it was impossible to separate their multiple “affiliations”, they sought to thematize the various forms of domination they experienced and to develop strategies of struggle and alliances to confront this reality.
- Du rire à la joie : psychanalyse, féminisme et politique - Laurie Laufer p. 191-218
Hommage
- Hommage à Cynthia Cockburn - Danielle Chabaud-Rychter, Jacqueline Heinen p. 257-263
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 265-279