Contenu du sommaire : Linguistique et ethno-linguistique océaniennes
Revue | Journal de la Société des Océanistes |
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Numéro | no 151, 2020 |
Titre du numéro | Linguistique et ethno-linguistique océaniennes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Hommage à Françoise Ozanne-Rivierre et à Jean-Claude Rivierre
- Françoise Ozanne-Rivierre et Jean-Claude Rivierre, deux linguistes engagés auprès des Kanak et de leurs langues - Isabelle Leblic p. 125-158
- Les jeux de ficelle en Nouvelle-Calédonie - Françoise Ozanne-Rivierre, Isabelle Leblic p. 159-176 Les jeux de ficelle sont attestés dans de nombreuses régions du monde. Ils sont également présents en Nouvelle-Calédonie et Françoise Ozanne-Rivierre a réalisé dans les années 1965-1967 une enquête anthropologique sur la question dans la région paicî-cèmuhî où elle avait accompagné son époux pour sa première mission de terrain en Nouvelle-Calédonie, notamment dans la région de Touho. Une partie de ses notes était rédigée et accompagnée de nombreuses notes manuscrites, le tout totalement inédit.String figures are attested in many parts of the world. They are also present in New Caledonia and in the years 1965-1967 Françoise Ozanne-Rivierre carried out an anthropological fieldwork on the question in the Paicî-Cèmuhî region where she accompanied her husband on her first field mission to New Caledonia, in Touho's aera. Some of her notes were written and accompanied by many handwritten notes, all totally unpublished.
- Les jeux de ficelle en Nouvelle-Calédonie : une recherche de terrain inédite de Françoise Ozanne-Rivierre (1941-2007) - Agnès Henry, Éric Vandendriessche, Françoise Ozanne-Rivierre p. 177-196 Cet article présente pour la première fois un corpus de jeux de ficelle inédit, collecté en Nouvelle-Calédonie par Françoise Ozanne-Rivierre dans les années 1960 et retrouvé dans les archives de Jean-Claude Rivierre après son décès en janvier 2018. Ce corpus de plus de 50 jeux de ficelle recueillis dans l'aire paicî-cèmuhî vient enrichir très utilement les rares publications existantes portant sur les jeux de ficelle kanak. La première partie de cet article propose une mise en contexte du travail de Françoise Ozanne-Rivierre sur les jeux de ficelle, tel qu'il nous est parvenu au travers de quelques carnets de notes, accompagnés d'un texte dactylographié et manuscrit. Outre la présentation du corpus collecté, l'étude de ces documents permet de préciser la méthodologie mise en œuvre par la chercheure. La seconde partie donne un aperçu des procédures impliquées dans ce corpus, en présentant étape par étape deux (séries de) jeux de ficelle, illustrées par des photographies, dont certaines réalisées par les époux Rivierre.This article presents the unpublished corpus of string figures collected in New Caledonia by the linguist Françoise Ozanne-Rivierre in the 1960s. Found in Jean-Claude Rivierre's archives, after his death in 2018, this corpus of more than 50 string figures from the paicî-cèmuhî area is a highly valuable contribution, expanding the few publications there are on Kanak string figures. The first part of this article contextualizes Françoise Ozanne-Rivierre's work on string figures, consisting of a few notebooks, accompanied by a typed manuscript. In addition to containing the collated corpus, these documents allow us to highlight the methodology implemented by the researcher. The second part affords an insight into the procedures involved in this corpus, while presenting the making of two (series of) string figures, illustrated by photographs, some of which were taken by the Rivierres themselves.
- Processus évolutifs de langues de l'extrême nord de la Nouvelle-Calédonie : le cas du nêlêmwa-nixumwak et du zuanga-yuanga - Isabelle Bril p. 197-216 Dans le prolongement des recherches d'A.-G. Haudricourt, de F. Ozanne-Rivierre et de J.-C. Rivierre sur les processus évolutifs des langues kanak de la Nouvelle-Calédonie par rapport au proto-océanien, cet article analyse des faits spécifiques à deux langues de l'extrême nord de la Grande Terre, le nêlêmwa-nixumwak et le zuanga-yuanga. Dans ces langues, diverses neutralisations d'oppositions ont réduit l'inventaire des consonnes par rapport au proto-océanien. Dans les langues de l'extrême-nord de la Grande Terre, la structure syllabique est généralement mieux préservée que dans le sud, mais une forte érosion syllabique est aussi à l'œuvre, plus particulièrement en zuanga de Gomen où toutes les consonnes finales ont chuté. En revanche, le zuanga de Gomen a conservé une opposition perdue ailleurs, entre les consonnes dentales et rétroflexes.Following the research led by Haudricourt, Ozanne-Rivierre and Rivierre, on paths of changes among the Kanak languages of New-Caledonia with respect to Proto-Oceanic, this article analyses facts which are specific to two languages spoken in the far north of the Mainland, Nêlêmwa-Nixumwak and Zuanga-Yuanga. In these languages, various phonemic contrasts present in Proto-Oceanic have been neutralised, thus reducing the original consonant inventory. The syllabic structure of the languages in the far north of the Mainland is generally better preserved than in the south, but syllabic erosion is also underway, especially in the Zuanga variety spoken in Gomen, which has lost all its final consonants. On the other hand, the Zuanga variety has kept the Proto-Oceanic contrast between dental and retroflex consonants, which has been lost elsewhere.
- Pre-Root Accretions in Anejom̃ - John Lynch p. 217-222 La langue anejom̃, membre du sous-groupe sud Vanuatu de la branche des langues océaniennes, a fixé, par accrétion, une forme dérivée de l'article proto-océanien *na à la plupart des noms, et une voyelle à la plupart des verbes. Le réflexe de cet article est phonologiquement conditionné, avec des formes différentes selon que la première voyelle de la racine était *a ou une autre voyelle. Mais le constat ainsi formulé connaît de nombreuses exceptions. Le présent article discute ces cas, exceptionnels en apparence, et établit que la plupart d'entre eux peuvent être expliqués par une séquence de règles régulières.Anejom̃, a member of the Southern Vanuatu subgroup of Oceanic, has accreted a reflex of the Proto-Oceanic article *na to most nouns and a vowel to most verbs. The reflexes have phonologically conditioned forms depending on whether the first vowel of the root was or was not *a. But there are many apparent exceptions to this statement. This paper discusses these exceptional cases and shows that most can be explained by a series of regular rules.
- On Rank and Leadership in Proto Oceanic Society - Andrew Pawley p. 223-238 La diffusion initiale des langues océaniennes au-delà de l'archipel des îles Bismarck peut être associée à la dispersion rapide de la culture Lapita à travers le sud-ouest du Pacifique autour de 3 000 av. n.è. La question se pose de savoir quelles formes de pouvoir et d'organisation sociale ont sous-tendu l'expansion Lapita et si la linguistique historique combinée à l'ethnographie comparative peut nous éclairer. Cet article présente un ensemble de données en faveur de l'hypothèse selon laquelle la société proto-océanienne était formée de groupes de descendance hiérarchisés, ayant à leur tête des chefs au pouvoir héréditaire appelés *ta(u)-lapat, et où le rang était basé sur la primogéniture.The initial spread of Oceanic languages beyond the Bismarck Archipelago can be associated with the rapid dispersal of the archaeological culture known as Lapita across the southwest Pacific around 3000 bp. The question arises as to what forms of leadership and social organisation underpinned the Lapita expansion and whether historical linguistics in combination with comparative ethnography can provide clues. The present essay will consider a range of evidence favouring the conclusion that Proto Oceanic society had ranked descent groups headed by hereditary chiefs, termed *ta(u)-lapat, and that rank was based on primogeniture.
- Approche interdisciplinaire des échanges interculturels et de l'intégration des communautés polynésiennes dans le centre du Vanuatu - Aymeric Hermann, Mary Walworth p. 239-262 Le centre du Vanuatu est connu pour ses chefferies à titres et des affiliations claniques qui rappellent celles des sociétés polynésiennes. Par ailleurs, la présence de communautés locutrices de langues polynésiennes à Mele, Ifira et Emae révèle des contacts et des migrations depuis des îles polynésiennes plusieurs siècles avant l'arrivée des Européens. Dans cet article, nous analysons l'ensemble des données linguistiques disponibles afin d'identifier les emprunts lexicaux entre langues polynésiennes et non-polynésiennes. Nous examinons les valeurs sémantiques des formes lexicales discutées en prenant en compte les données ethnographiques et archéologiques disponibles. Cette approche, inspirée de la méthode dite « de triangulation » de P. Kirch et R. Green, nous permet d'explorer les interactions qui ont participé à la constitution d'une sphère interculturelle originale. Nous fournissons également des informations sur les éléments susceptibles de constituer les signatures archéologiques associées aux occupations polynésiennes du Vanuatu central.Central Vanuatu is known for its chiefdoms based on titles and clan affiliations, which are reminiscent of the typical social organization in Polynesia. Moreover, the presence of several Polynesian-speaking communities in the outliers of Mele, Ifira and Emae proves that migrations from Polynesian islands occurred centuries before European contact. In this paper, we analyze the available linguistic data in order to identify loanwords between Polynesian and non-Polynesian languages. We examine multiple sources of information to document the semantic values of the discussed forms, including ethnographic and archaeological sources. This approach, inspired by the ‘triangulation method' developed by P. Kirch and R. Green, provides evidence for specific patterns of interaction that created a unique cultural sphere in central Vanuatu. Furthermore, this paper provides insight onto the kinds of items that should be present in the archaeological signatures of Polynesian occupations in this region.
- L'héritage de Jean-Claude Rivierre dans l'extrême sud de la Nouvelle-Calédonie - Fabrice Wacalie p. 263-270 Le premier terrain d'investigation de Jean-Claude Rivierre sur le territoire calédonien fut l'extrême sud. Il étudia les systèmes phonologiques des trois langues de l'aire linguistique et coutumière drubéa-kapumë : le numèè (Yaté), le kwényï (île des Pins) et le drubéa (Païta et Unya). Dépêché par André-Georges Haudricourt qui mit au jour l'existence de tons dans les années 1960, Jean-Claude vint y étudier la phonologie et, plus spécifiquement, les tons. Il collecta une somme considérable de données qui a donné lieu à un ouvrage important sur la phonologie comparée des dialectes de l'extrême sud paru en 1973. D'autres travaux n'ont pu être publiés (dictionnaire numèè et corpus de textes oraux). Les travaux de Jean-Claude ont été le point de départ de nombreuses recherches scientifiques et de projets destinés à valoriser les langues et la culture kanak de cette région.Jean-Claude Rivierre's first field trip was to the far south. Sent by Haudricourt, who discovered the existence of tones in the 1960s, he went there to study the phonology and, more specifically, the tonology, which would lead to much further research in the field. The first part of this article highlights the work he accomplished in this region; the second part shows how these studies served as a launching pad for further scientific research and projects whose aim it was to promote Kanak languages and culture. Some of his work has been published, some has not, but his work leaves no one indifferent. This legacy, a mine of knowledge for speakers wishing to protect an important part of their cultural heritage, is fundamental for a new generation of researchers.
- Le multilinguisme à l'épreuve des idéologies et représentations des acteurs sociaux : la politique linguistique éducative du Vanuatu - Leslie Vandeputte p. 271-284 Cet article explore la relation ambiguë entre multilinguisme, héritage colonial et politique linguistique nationale. Plus spécifiquement, cette recherche se penche sur le cas du bislama, langue nationale de la République de Vanuatu, parmi les autres langues parlées dans l'archipel à travers l'analyse de la politique linguistique éducative du pays. À l'instar de l'Océanie, le Vanuatu est bien connu pour sa très grande diversité linguistique (Ozanne-Rivierre, 1998 ; François et al., 2015). Dans ce contexte d'hétérogénéité linguistique, le bislama permet la compréhension entre les citoyens mais il ne jouit cependant pas d'un très grand prestige. Suivant les recommandations internationales de l'unesco pour la sauvegarde des langues en danger (1953, 2016), le Vanuatu a récemment (2016) décidé de mettre en œuvre une nouvelle politique linguistique éducative qui promeut plus de 60 langues locales ainsi que le bislama dans les zones urbaines. Cette avancée fait suite à de nombreuses tentatives, d'échecs, et suscite encore des débats au sein de la population quant à la place du bislama que cet article explore et tente d'expliquer.This article explores the ambiguous relationship between multilingualism, colonial legacy and national identity throughout the national language policy. More specifically, this research focuses on Bislama, the national language of the Republic of Vanuatu, among the other languages spoken across the archipelago by analyzing the educative language policy. Vanuatu is well known for its language diversity (Ozanne-Rivierre, 1998 ; Francois et. al, 2015). Within this wide linguistic diversity, Bislama allows cross-comprehension between citizens but is still perceived as a shameful nationalist tool. Following unesco international recommendation for safeguarding endangered languages (1953, 2016), Vanuatu recently (2016) decided to implement a new educative language policy that promotes more than 60 indigenous languages along with Bislama in multilingual urban areas. This policy raises debates and criticism among the population about the role and place of Bislama that this article explores and tries to explain.
- Restituting Language: Ethics, Ideology and the Making of a Dictionary - Christine Jourdan p. 285-296 Je m'intéresse à la dimension éthique du retour des données dans les pays où elles ont été collectées, ici les Iles Salomon. Après avoir discuté la distance qui existe entre les données collectées et les données telles qu'elles sont typiquement restituées par les linguistes et les anthropologues, je prends pour exemple le dictionnaire de Pijin et montre comment les techniques de compilation de dictionnaire et les idéologies linguistiques de mes informateurs conjuguées aux miennes le façonnent et en font un produit loin des données originales. J'interroge la dimension éthique d'une telle transformation. Finalement, j'explique que ce dictionnaire déjà vieux de 20 ans n'est utilisé par personne aux îles Salomon, du fait que les Salomonais apprennent à lire et à écrire en anglais (langue officielle du pays) et non en pijin. Par contre, les jeunes Salomonais présents sur les réseaux sociaux sont en train de développer leur propre orthographe de cette langue, ni pijin ni anglais.I this article, I propose to consider the ethical dimension of the return of data to the research field site, here the Solomon Islands by focusing on the writing the Pijin Dictionary I published in 2002. I start by discussing the disconnect between the linguistic data we gather and the transformation these data undergo before linguists and anthropologists typically return them. I then focus on the making of the dictionary showing how the techniques of dictionary making and linguistic ideology of research participants and collaborators interact with my own to create a product far removed from the original data. I am questionning the ethics of such a transformation. Finally, I explain that though the dictionary is now 20 years, it is not used by Solomon Islanders who are not taught to read and write in Pijin but in English (the official language of the country). Rather, young Solomon Islanders using social media, are developing their own spelling for the language, neither that of Pijin nor that of English.
Hors dossier
- Competitive Hospitality: Ritual Exchanges in the Periphery of West Papua Province, Indonesia - Hatib A. Kadir p. 297-306 Cette recherche se focalise sur le nord de Raja Ampat, dans la province de Papouasie occidentale en Indonésie, en incluant son territoire le plus extérieur, l'île Ayau. Elle montre comment la nature de ces archipels permet aux habitants de chasser et de partager le produit de leur chasse avec hospitalité pendant les fêtes. Les clans familiaux qui savent attraper des tortues et les présenter en grande quantité à Noël peuvent ainsi maintenir leur fierté et leur honneur. Je qualifie ici ce processus « d'hospitalité compétitive ». La coutume (adat) et la religion sont étroitement imbriquées dans la promotion de cette « hospitalité compétitive ». Les objets principaux dont nous allons discuter dans cet article sont la vaisselle et les tortues. Les conditions de navigation difficiles et les distances à parcourir pour chasser les tortues font que cette activité est considérée comme dangereuse. Elle contribue ainsi à la réputation de bravoure des chasseurs et au sacrifice de leurs clans (marga) pour offrir le produit de leur chasse avec hospitalité aux autres clans.This research is based in Northern Raja Ampat, in Indonesia's West Papua Province, including its outermost territory, the Ayau Islands. This research explores how the nature of these archipelagoes allows people to hunt and share through the hospitality of feasts. Family clans who are able to collect turtles and present them in large quantities at Christmas are able to maintain their pride and honor. I refer to this process here as “competitive hospitality”. Custom (adat) and religion are intertwined in promoting this “competitive hospitality”. The main objects discussed in this paper are dishes and turtles. The difficult seas and the distances involved in turtle hunting are considered hazardous. The practice of turtle hunting thus contributes to the reputation of bravery amongst hunters and the sacrifice of their clans (marga) in presenting hospitality to other clans.
- Competitive Hospitality: Ritual Exchanges in the Periphery of West Papua Province, Indonesia - Hatib A. Kadir p. 297-306
Miscellanées
Comptes rendus
- Compte rendu de "Artifak – Cultural revival, Tourism, and the recrafting of History in Vanuatu" de Hugo DeBlock - Marie Durand p. 313-317
- Compte rendu de "Pour une anthropologie de l'incertitude" de Laurent Dousset - Mark Collins p. 317-319
Actes et actualités
- In memoriam Aloï Pilioko (1935-2020) - Christian Coiffier p. 321-326
- Assemblée générale 2020 : bilan exercice 2019 - p. 327-332
- Liste des ouvrages reçus : [La liste précédente est incluse dans le numéro 150] - p. 333-336