Contenu du sommaire : La nouvelle Algérie
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 176, 2021/1 |
Titre du numéro | La nouvelle Algérie |
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- Décennies de stabilité avant la rupture (2000-2020) - Rasmus Alenius Boserup, Isabelle Richet p. 5-15 Cet article analyse quatre phénomènes sociaux et politiques majeurs qui ont précédé la chute d'Abdelaziz Bouteflika, en avril 2019 : la délégitimation de la politique traditionnelle, la marginalisation de la société civile, la paralysie des processus informels de décision politique et la transformation de la politique contestataire. Pris ensemble, ces phénomènes ont contribué à creuser les divisions entre l'appareil d'État et les acteurs sociaux, que le mouvement de protestation de masse qui avait vu le jour deux mois plus tôt a transformées en rupture historique. Le Hirak a ainsi mis fin au modèle d'organisation des rapports entre l'État et la société qui, en dépit de ses nombreux échecs, avait permis de sortir l'Algérie de la guerre civile, et ouvert la voie à l'émergence d'un nouveau régime politique.This article analyses four major social and political transformations that preceded the fall of Bouteflika, in April 2019: the de-legitimation of formal politics, the marginalization of civil society, the paralysis of informal decision-making, and the transformation of protest politics. Together, these processes built a divide between state apparatus and societal actors that the massive protest movement turned into a historical rupture. As such, the Hirak put an end to the model for organizing state-society relation that, in spite of its many failures, brought Algeria out of the civil war—and it paved that way for something else to emerge.
- Le soulèvement populaire algérien à l'aune du Printemps arabe - Louisa Dris-Ait Hamadouche p. 17-26 Un soulèvement politique, pacifique et national, que rythment des manifestations populaires bihebdomadaires, est apparu en Algérie huit ans après le début du Printemps arabe, dont le bilan est très mitigé. En quoi le Hirak est-il comparable aux soulèvements des peuples d'autres pays arabes ? Et ces points de comparaison laissent-ils présager l'évolution du pays ?A peaceful and national political uprising, marked by bi-weekly popular demonstrations, occurred in Algeria eight years after the beginning of the Arab Spring, a movement whose balance-sheet has been rather mixed. How can the Hirak movement be compared to the uprisings of the peoples of other Arab countries? Does the comparison foreshadow the evolution of Algeria?
- Le système politique au cœur de la crise en Algérie - Madjid Benchikh p. 27-39 Le système politique algérien, dont le soulèvement populaire initié en février 2019 demande le démantèlement, a connu quelques transformations depuis qu'il a été mis en place, au lendemain de l'indépendance du pays. Mais, que ce soit dans le cadre du parti unique, entre 1962 et 1988, ou à l'heure des Constitutions de type démocratique et du pluralisme politique, ce système se caractérise fondamentalement par ce que l'auteur appelle « l'emprise du commandement militaire » et dont il analyse ici les mécanismes.The Algerian political system, whose dismantling was demanded by the popular movement starting in February 2019, had undergone a number of transformations since its implementation in the aftermath of the independence of the country. Yet, whether within the framework of the single-party system, between 1962 and 1988, or in the era of democratic Constitutions and political pluralism, the system was characterised by what the author refers to as the “grip of the military command”, whose mechanisms he analyses.
- Le Hirak ou la fête dans la contestation - Atmane Aggoun p. 41-52 Fruit d'une enquête ethnographique sur le Hirak à Béjaïa, en Kabylie, cet article analyse la mise en scène, au cœur même de la protestation politique, des arts de la rue : fête, humour, charivari nocturne. À la fin de ce parcours entre les différentes formes rituelles dramatiques élaborées dans le contexte autoritaire algérien, l'auteur s'interroge sur le caractère inédit de la « révolution du sourire ».Based on an ethnographic study of the Hirak movement at Béjaïa, in Kabylie, the article analyses the staging of street artistic performances at the heart of the political protest: celebration, humour, nocturnal hullabaloo. At the end of this journey through the various dramatic ritual forms created within the authoritarian Algerian context, the author raises a number of questions about the novelty of the “smiling revolution”.
- Portrait d'une société en mouvement - Karima Dirèche p. 53-65 Cette contribution aborde la mobilisation citoyenne initiée en Algérie le 22 février 2019 en déconstruisant les représentations, telles qu'elles ont prévalu dans les discours politiques et les travaux en sciences sociales, d'une société dépolitisée et enfermée dans le traumatisme des années 1990. Elle démontre que le Hirak est l'expression de dynamiques profondes de mutations et de changements qui ont travaillé, par le bas et silencieusement, la société dans ses composantes multiples.In order to analyse the citizen mobilisation which started in Algeria in February 2019, the author deconstructs the representations of a depoliticized society trapped in the trauma of the 1990s, that have dominated the political discourse and social science research. She demonstrates that the Hirak movement was the expression of far-reaching changes and mutations that have quietly affected the various components of society at the grassroots.
- Gestion de crise et légalité constitutionnelle : le pouvoir face au Hirak - Myriam Aït-Aoudia p. 67-79 Afin d'éviter le double écueil, normatif et rétrospectif, répandu dans la littérature académique, cet article se propose de saisir la dynamique politico-institutionnelle enclenchée en Algérie depuis février 2019 comme un processus ouvert et incertain. Il souligne en particulier l'évolution improvisée et erratique des différentes « solutions » de sortie de crise mises en œuvre par le pouvoir.To avoid both the normative and retrospective pitfalls quite common in the academic literature, the article analyses the political and institutional dynamic initiated in Algeria in February 2019 as an open and uncertain process. It stresses in particular the improvised and erratic evolution of the various “solutions” to the crisis implemented by the authorities.
- Hirak : la difficile relève politique - Hassane Zerrouky p. 81-92 En treize mois, le Hirak a modifié le visage de l'Algérie. Ce mouvement de contestation a fait émerger au sein d'une société que l'on pensait socialement résignée, et en dehors de tout cadre partisan, une myriade d'acteurs structurés de manière horizontale et porteurs d'une volonté de changement que l'opposition politique a été incapable d'assumer. Reste à savoir si ces forces, que le pouvoir tente d'étouffer pour imposer son agenda, préfigurent la relève politique de demain.In thirteen months, the Hirak movement has transformed the face of Algeria. In a society deemed socially resigned and outside of any partisan framework, this protest movement has led to the emergence of a myriad of actors organized horizontally and eager for a change that the political opposition has been unable to carry out. It remains to be seen whether these forces, that the authorities are trying to stifle in order to impose its programme, prefigure the future new political leadership.
- Les islamistes ont-ils gagné en Algérie ? - Anne-Clémentine Larroque p. 93-103 Le Hirak a dès le départ suscité des interrogations sur le retour des islamistes au pouvoir en Algérie. Les souvenirs de la décennie sanglante ont été relayés par les parents des jeunes révolutionnaires à l'origine du mouvement. Très méfiants de ce fait à l'égard de l'islamisme en politique, ces derniers ont cependant accepté le soutien apporté par des activistes rigoristes. Ainsi, parmi les acteurs de la révolte pacifique, des groupes islamistes entendent bien s'élever grâce au jeu électoral de la démocratie, qu'ils soutiennent désormais. Ils justifient leur légitimité par l'islamisation massive et profonde des différentes couches sociales de la population algérienne depuis les années 1990.From the start, the Hirak movement raised questions about a possible return of the Islamists to power in Algeria. The memories of the bloody decade have been relayed by the parents of the young revolutionaries who initiated the protest. As a consequence, the leaders of the movement were wary of Islamism in politics, yet they accepted the support offered by rigorist activists. Among the actors of the peaceful revolt, Islamist groups intend to emerge thanks to the democratic electoral process which they now support. They base their legitimacy on the massive and far-reaching Islamisation of different strata of Algerian society since the 1990s.
- Les relations France-Algérie et le soulèvement du Hirak - Didier Le Saout p. 105-118 Comment le soulèvement populaire de 2019 interagit-il avec les relations qu'entretiennent la France et l'Algérie ? Résultat d'une enquête sur les lieux de la protestation du Hirak à Paris, cet article présente les jeux et enjeux des diplomaties algérienne et française dans leurs constructions concurrentielles des émotions de colère, de sympathie et de culpabilité, pour interroger ensuite ces représentations officielles dans leur rapport aux émotions populaires partagées par les contestataires.How has the 2019 popular upheaval affected the relations between France and Algeria? Based on a study of the centres of the Hirak movement in Paris, this article first presents the competitive uses of emotion of wrath, empathy and culpability by the French and Algerian diplomacies. It then questions these official representations in relation to the popular emotions shared by the protesters.
- Sur « place » - Kamel Daoud p. 119-130 La place publique, centrale dans l'espace urbain, est le lieu où naissent le rassemblement et la protestation, et c'est aussi l'endroit où se révèle le revers de la ville, ses populations de chômeurs, de déclassés, désœuvrés volontaires, de visiteurs et riverains. Une « coupe » verticale dans cet espace, à Oran, seconde ville d'Algérie, donne à voir une architecture, des mentalités, mais aussi des contradictions, des personnages hors du portrait type du militant algérien. Une ville qui, parce qu'elle n'est pas la capitale, révèle mieux le pays profond. Celui qui fut la force du soulèvement du 22 février 2019.The public square, which is so important in the urban space, is the site where gatherings and protests emerge. It is also the site where the dark side of the city is revealed: groups of unemployed, members of the underclass, voluntary idlers, visitors and residents. A vertical cross section of this space in Oran, the second city of Algeria, lets us see an architecture, mentalities, but also contradictions and characters that escape the typical portrayal of the Algerian militant. Because it is not the capital, it is a city that better reveals the deep country, which gave its strength to the upheaval of February 22th, 2019.
- Le référent, une figure à interroger - Sandrine Perera p. 131-143
- L'article 49, alinéa 4 C : De la volonté des constituants à la pratique politique - Vincent Boyer p. 145-148
- Repères étrangers : (1er juillet – 30 septembre 2020) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 149-159
- Chronique constitutionnelle française : (1er juillet – 30 septembre 2020) - Jean Gicquel, Jean-Éric Gicquel p. 161-193