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Revue | La Revue de l'IRES |
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Numéro | no 101-102, 2020/2-3 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les logiques plurielles d'une très faible participation : retour sur les scrutins auprès des salariés des très petites entreprises - Tristan Haute p. 3-27 En France, deux scrutins ont été organisés en 2012 et en 2017 auprès des salariés des très petites entreprises (TPE, moins de 11 salariés) pour compléter la mesure de la représentativité syndicale dans le secteur privé. Or, ces votes sur sigles, sans élu, par Internet ou par correspondance n'ont absolument pas mobilisé les salariés (10,4 % de participation en 2012 et 7,3 % en 2017).Alors que plusieurs travaux se sont intéressés à la mise en place difficile de ces scrutins et aux pratiques syndicales déployées pour mobiliser les salariés des TPE, cet article propose différentes pistes explicatives complémentaires de la très faible participation électorale enregistrée. Celle-ci s'explique moins par les opinions des salariés que par des facteurs structurels, à savoir les spécificités de ce scrutin sans enjeu, les caractéristiques sociales et économiques des salariés des TPE et la faiblesse des implantations et des contacts syndicaux dans les TPE. Certaines branches d'activité où les enjeux du vote sont un peu plus saillants et où des syndicats corporatifs développent des activités de service, comme la branche des assistantes maternelles, sont d'ailleurs marquées par une mobilisation électorale significativement plus importante.In France, two ballots of employees of small businesses (known as “TPE” or “very small businesses,” those with fewer than 11 employees) were held in 2012 and in 2017 to help gauge the level of union representation in the private sector. However, these votes for union organizations, without named candidates, conducted over the internet or by post, failed to rally employees (10.4 % turnout in 2012 and 7.3 % in 2017).While several studies have looked at the difficulties of holding of these ballots and at union methods of mobilising employees of small businesses, this article provides various further ways of explaining the extremely poor turnout recorded. It has less to do with the opinions of employees than with structural factors, to wit the specificities of a ballot in which nothing is at stake, the social and economic characteristics of employees of small businesses, and the insufficiency of union presence and contacts in such businesses. Meanwhile, certain business sectors where the stakes of the ballot are a little more relevant and where corporate unions are developing service activities, such as that of the childcare assistant, show a considerably higher level of voter mobilisation.
- Les relations de travail dans les entreprises associatives. Salariés et employeurs bénévoles face à l'ambivalence de leurs rôles - Simon Cottin-Marx p. 29-48 Le monde associatif est-il un monde du travail comme les autres ? Pour répondre à cette question, les sociologues ont forgé la notion d'entreprise associative, soulignant que ces organisations employeuses oscillent entre deux registres, celui de l'engagement et celui du monde professionnel. Dans cet article, à partir d'une enquête auprès de salariés et d'employeurs associatifs, l'auteur regarde tour à tour ce que l'engagement fait aux salariés, et ce que le salariat fait à l'engagement des employeurs bénévoles. Car travailler dans le monde associatif, c'est (souvent) travailler « pour la cause » et « avec » des bénévoles. C'est aussi travailler « pour » des bénévoles, pour qui le rôle d'employeur est une responsabilité souvent inattendue et difficile à prendre en charge. Autant de spécificités qui marquent les relations de travail dans les petites entreprises associatives et déstabilisent aussi bien la posture salariale que la posture de l'employeur.Is the world of the not-for-profit organisation a working world just like any other? To answer this question, sociologists have forged the idea of the “associative enterprise,” underlining the fluctuation of these employers between two modes, those of the cause-driven organisation and the world of business. In this article, based on a survey of not-for-profit employers, and of employees of such organisations, the author examines in turn how cause-driven activity affects employees, and how having paid employees affects the activism of not-for-profit organisations. Working in the not-for-profit sphere (often) means working “for the cause” and “with” volunteers. It can also be a matter of working “for” not-for-profit organisations, for which the role of employer is often an unexpected responsibility and one that is difficult to manage. These peculiarities are characteristic of labour relations in small not-for-profit enterprises and undermine the relative stances of employer and employee.
- Nouvelles formes d'emplois et de travail, nouveaux enjeux syndicaux ? - Marie-Christine Bureau, Frédéric Rey, Carole Tuchszirer p. 49-72 Cet article interroge les voies possibles d'un renouvellement de l'action collective face à un certain nombre de mutations qui affectent le monde du travail : la place du digital, l'essor des plateformes numériques, le développement de nouvelles formes de travail indépendant. Au terme de notre enquête de terrain, nous avons identifié quatre configurations susceptibles d'éclairer ces nouveaux enjeux syndicaux associés aux transformations de l'emploi et du travail. Dans tous les cas, il existe du « grain à moudre », qu'il s'agisse des thèmes traditionnels de la revendication collective (rémunération, temps de travail, santé), ou des questions de protection et d'autonomie, telles qu'elles sont posées par les nouvelles formes de travail et d'emploi. En outre, de nouveaux acteurs collectifs ont émergé, avec lesquels les organisations syndicales tentent – ou non – de travailler à la « mouture » de nouveaux droits.This article examines the potential routes to a revival of collective action in the face of a number of changes impacting the world of work: the importance of information technology, the rise of online platforms, and the development of new forms of freelance work. From our field research, we have identified four patterns liable to shed light on these new issues for unions arising from shifts in the nature of jobs and of work generally. In each case, there is plenty to be considered, whether in relation to the traditional themes of collective demands (pay, working hours, health), or questions of protection and independence posed by the new types of work and jobs. Furthermore, new collective players have emerged, with which unions are trying – or not – to work in the establishment of new rights.
- L'accompagnement des « personnes éloignées de l'emploi » : contours et enjeux d'une relation sociale non stabilisée - Julie Couronné, Léa Lima, Frédéric Rey, Barbara Rist, Nicolas Roux p. 73-98 L'article s'intéresse aux représentations et pratiques de l'accompagnement des personnes dites très éloignées de l'emploi. Les acteurs de ces dispositifs mettent en avant les vertus de la relation d'accompagnement ainsi que l'« autonomie » et la participation des accompagné·es, au-delà du « contrat » qui ordonnerait la relation ainsi que les droits et devoirs des deux parties prenantes de l'accompagnement. Celui-ci apparaît en effet dans toute sa complexité, au travers de différents types de relations : des relations interpersonnelles, des relations de prestation et des relations de travail. Les dynamiques ainsi que les régulations professionnelles de l'accompagnement visent à s'adapter à la diversité, à l'évolution et aux singularités des situations. Mais les professionnel·les ne disposent pas toujours des moyens en interne et dans leur environnement local pour répondre aux attentes des accompagné·es, qu'elles aient trait au retour à l'emploi ou à la vision égalitaire de l'accompagnement qui leur est proposée.This article looks at the representations and practices of support services for the long-term unemployed. Proponents of such measures extol the virtues of the support relationship as well as the independence and involvement of those being supported, over and above the “contract” formalising the relationship as well as the rights and obligations of both parties to the support relationship. The complexity of this interaction is readily apparent, spanning various types of relationship: interpersonal, professional and that of service provision. The dynamics and professional regulation of support services are aimed at adapting to its variable and ever-evolving nature and the idiosyncrasies of each situation. However, support providers do not always have the resources at their disposal, within their organisation and in the local area, to meet the expectations of support recipients, whether in relation to getting back into work or to an egalitarian vision of the support offered.
- Entre « culture de prévention » et contre-pouvoir : la formation en santé au travail des représentants du personnel - Louis-Marie Barnier, Paul Bouffartigue, Sonia Granaux, Jean-René Pendariès p. 99-125 Comment sont formés les représentants des salariés dans les instances compétentes en matière de santé et sécurité au travail ? Une enquête fondée principalement sur l'observation, en 2016-2017, de cinq stages d'accompagnement à une prise de mandat en comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), assurés par cinq organismes distincts, montre qu'ils empruntent de manière différenciée à trois modèles de la prévention des risques professionnels : « juridico-technique », « ergonomique », et « syndical ». Ces modèles sont associés à des visions diversifiées du rôle de l'instance – entre intégration aux services hygiène et sécurité environnement (HSE) de la direction et contre-pouvoir syndical – ainsi que des compétences de l'élu – un expert technique parmi d'autres, ou avant tout un représentant d'un collectif. La formation en santé au travail des représentants des travailleurs au sein du comité social et économique (CSE) sera confrontée à cette même diversité, et rendue plus exigeante par l'intégration de ses liens avec les enjeux de gestion de l'entreprise.How are staff representatives on statutory committees trained in occupational health and safety? A study based mainly on the observation, in 2016-2017, of five preparatory courses for future members of hygiene, safety and working conditions committees (CHSCT), from five different providers, shows that they subscribe in varying proportions to three models of workplace risk prevention: “legal-technical,” “ergonomic” and “union.” These models are linked to varying perspectives on the role of the statutory committee – between working closely with environmental health and safety (HSE) management on the one hand and embodying union counterpower on the other – as well as to the remit of the elected person: a technical expert like any other, or first and foremost a representative of a collective. Occupational health training for workers' representatives on the economic and social committee (CSE) will come up against the same variability, and is made more demanding by having to incorporate its ties to the management of the business.
- L'accord d'entreprise mondial, instrument de politiques pour les groupes transnationaux - Pauline Barraud de Lagerie, Arnaud Mias, Camille Phé, Laurence Servel p. 127-148 Cet article montre que la négociation collective transnationale d'entreprise ne s'assimile plus à la production de chartes éthiques négociées, mais s'inscrit plus nettement dans les politiques d'entreprises des groupes multinationaux en matière de responsabilité sociale des entreprises. Les directions d'entreprise sont davantage à l'initiative de la négociation et les accords signés sont mobilisés comme instruments de régulation entre le groupe et ses filiales. La sophistication du contenu des accords, l'élargissement thématique, ainsi que l'introduction de procédures de suivi sont des évolutions qui signalent ce basculement et qui justifient de parler aujourd'hui d'« accords d'entreprise mondiaux ». Restituant les processus de (re)négociation dans trois grandes entreprises françaises, l'article identifie deux nouvelles logiques à l'œuvre – constitutionnelle et instrumentale – qui sont autant de façons de s'éloigner de la logique « instituante », longtemps prégnante, des accords-cadres internationaux.This article demonstrates that transnational collective bargaining within a company is no longer tied to the drafting of negotiated ethical charters but is rather more connected to the business-wide policies of multinational groups on the matter of corporate social responsibility. Company management has become more of an active instigator of negotiations, and the agreements signed are used as regulatory instruments between the group and its subsidiaries. The increasingly sophisticated content of the agreements, the broadening of their scope and the introduction of monitoring procedures are indicative of this shift and call for the use of the term “global company agreements.” Through a reconstruction of the process of (re)negotiation in three big French companies, this article identifies two new rationales at work – constitutional and instrumental – each representative of a distancing from the hitherto pervasive bottom-up rationale of international framework agreements.