Contenu du sommaire : Vivre de la politique : rémunération des élus et indemnisation des mandats
Revue | Revue Française de Science Politique |
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Numéro | vol. 71, no 1, février 2021 |
Titre du numéro | Vivre de la politique : rémunération des élus et indemnisation des mandats |
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Articles
- Vivre de la politique : Rémunération des élus et indemnisation des mandats - Didier Demazière, Rémy Le Saout p. 7-28 Nous interrogeons la formule wébérienne « vivre de la politique » au moyen d'une analyse de l'indemnisation des mandats électifs et des revenus perçus par les élus. À partir d'une discussion de la « paying politicians litterature », nous montrons que ces travaux sont concentrés sur les mandats les plus centraux, qu'ils sont dominés par des approches en termes de choix rationnel et qu'ils sont limités par la faible mobilisation de données empiriques et de perspectives longitudinales. Aussi nous proposons une approche processuelle de l'indemnisation des mandats, qui situe la rémunération des élus dans le déroulement de leurs carrières. L'hypothèse est que « vivre de » désigne un phénomène aux frontières floues et fragiles, dont les variations peuvent être renseignées à partir des arbitrages auxquels les élus sont confrontés, entre divers engagements et activités, et différentes sources de revenus. Ce programme de recherche est mis en œuvre dans les différentes contributions de ce numéro thématique.We shall examine the Weberian concept of “living from politics“ by analysing compensation for elected mandates as well as the salaries of elected representatives. Starting from a discussion of the existing “paying politicians litterature“, we shall argue that studies have largely focused on the most visible offices and that they are overwhelmingly influenced by rational choice theory ; ultimately, existing studies are also hampered by a lack of empirical data and longitudinal analysis. We therefore propose a process-based approach to political compensation, which contextualises elected officials' salaries within their career trajectories. Our hypothesis is that “living from“ is in fact a situation with fragile, porous boundaries, with variations that can be shaped by the various negotiations elected representatives must undertake to balance their different commitments, activities, and income sources. This research agenda is reflected in the various contributions to this special issue.
- Professionnalisation et indemnisation des élus : Explorer la dépendance économique aux mandats politiques - Didier Demazière, Rémy Le Saout p. 29-50 Cet article explore une dimension négligée des processus de professionnalisation de l'activité politique : leurs fondements économiques et plus précisément les rémunérations des élus. La question centrale est la suivante : comment des élus en viennent-ils à vivre de leur(s) mandat(s) électif(s) et comment cette situation perdure-t-elle ? Elle est traitée à partir d'une enquête par entretien auprès d'élus occupant des positions intermédiaires complétée par une enquête par questionnaire. L'analyse met en avant la notion de dépendance économique aux mandats afin d'appréhender la tension entre, d'une part, les engagements dans l'exercice des mandats, l'insertion croissante dans la position d'élu et les progressions de carrière, et, d'autre part, les incertitudes qui caractérisent les mandats, leurs conditions de renouvellement et les rétributions monétaires qui en découlent. Pour rendre compte de ces processus graduels et incertains, l'analyse mobilise des études de cas et met en évidence quatre séquences qui dessinent les contours d'un modèle processuel des carrières indemnitaires.This article shall explore an overlooked dimension of the growing professionalisation of political activity : its economic underpinnings and more specifically, politicians' salaries. The main question asked is the following : how have elected officials come to live off of their political office(s), and how has this situation managed to persist over time ? We shall base our discussion on research interviews conducted on elected representatives in mid-level positions, which were later supplemented by a questionnaire survey. Our analysis shall highlight the notion of economic dependence on political office in order to understand the tension between, on the one hand, commitments stemming from one's mandate, growing investment in one's role as an elected official and one's possibilities for career advancement, and on the other, the uncertainties of public office, including re-election or reappointment and the monetary compensation that may or may not stem from the former. In order to describe these gradual and changeable processes, our analysis examines a number of case studies and highlights four sequences that provide the outline to a procedural model of compensation trajectories.
- Les tensions et arbitrages au cœur de la professionnalisation politique intermédiaire : Le cas des adjoints des villes - Rémi Lefebvre p. 51-72 L'article porte sur les cas de professionnalisation politique intermédiaire et une catégorie spécifique d'élus (les adjoints de communes urbaines) et leur rapport à la rémunération. Il s'appuie sur un corpus de 56 entretiens. Comment les adjoints arrivent-ils à concilier leur métier et leur mandat, souvent chronophage, alors qu'ils ne peuvent vivre exclusivement de leurs indemnités ? Quelles sont les conditions de possibilité de cette conciliation ? À quelles réalités économiques correspond-elle ? Les adjoints sont-ils en mesure de moduler activité professionnelle et activité politique pour ajuster leurs sources de revenus ? La rémunération est certes le résultat de calculs d'utilité mais les transactions dont elle relève sont socialement situées et s'apparentent à des arbitrages. Si la situation des élus est source de tensions financières et personnelles entre leur engagement politique, leur activité professionnelle et la sphère « hors-travail », l'enquête montre que ces élus recherchent un équilibre entre ces divers éléments. Trois séries de variables sont analysées : l'investissement dans le mandat et le montant de l'indemnité perçue, le type de profession occupée et l'inscription dans la sphère familiale.This article looks at mid-level political professionalisation and a specific category of elected officials – deputy mayors – and their relationship to financial compensation. It draws on a corpus of 56 interviews. How do deputy mayors manage to reconcile the duties of their office – which are often hugely time-consuming – with their professional occupations, given that they cannot live off of their political salaries alone ? What conditions make this balancing act possible, and to what economic realities do they correspond ? Are deputies able to modulate their professional and political activities in order to adjust their income sources ? Financial compensation is course the result of value-based calculations, but the transactions that it corresponds to are socially situated and resemble forms of self-negotiation. Although the situation of elected officials often causes financial and interpersonal tensions between their political engagement, their professional activity and their “non-working“ life, this survey demonstrates that elected representatives are constantly looking to balance these different elements. Three sets of variables are analysed : personal investment in one's office and the kind of compensation received ; the type of professional occupation exercised ; and engagement in the family sphere.
- Les rapports problématiques aux indemnités des « petits » élus dans les mondes ruraux : Une régulation par la modestie et sous contrôle local - Patrick Lehingue, Sébastien Vignon p. 73-95 Destinés à remédier à la « crise des vocations » en milieu rural, deux dispositifs législatifs votés en 1991 et 2019 visent à rendre obligatoires puis à revaloriser fortement les indemnités des élus des communes de moins de 3 500 habitants. Mais tout se passe comme si une amélioration des conditions matérielles d'exercice des mandats décidée au sommet se heurtait à la réticence des titulaires de « petits mandats », en engendrant des arbitrages tendus. L'article vise à mettre à l'épreuve la thèse du more to less qui voudrait que les élus tendent à s'attribuer des augmentations de revenus quand ils le peuvent. En fait, les rapports à l'indemnité sont beaucoup plus complexes et, de manière imbriquée, mettent en jeu l'état de la législation, les codes moraux en vigueur, la morphologie des arènes et la surveillance des administrés ou des pairs dans les structures intercommunales.Aimed squarely at dealing with the “vocational crisis“ in rural areas, two legislative measures were adopted in 1991 and 2019 with a view to first making compensation mandatory for elected office holders in municipalities with fewer than 3 500 inhabitants, and then scaling up this compensation, respectively. But it seemed as though improving the material conditions of rural office holders – a decision taken from the top down – met with resistance on the part of “low-level“ elected representatives, leading to tense negotiations. This article tests out the “more to less“ theory, according to which elected officials tend to increase their salaries whenever they can. In fact, the relationship of political officials to compensation is much more complex and involves the intertwined issues of existing moral codes, current legislation, the shape of political arenas, and the monitoring of peers or constituents via intermunicipal structures.
- Les « vies d'après » des députés français : Des reconversions professionnelles lucratives limitées - Louise Dalibert p. 97-117 Cet article étudie le devenir des parlementaires après leur passage par le palais Bourbon. Majoritairement, ils cherchent à se maintenir dans l'espace politique, notamment en exerçant des mandats locaux qui sont devenus, au fil du temps, plus rémunérateurs, au point de concurrencer le mandat parlementaire. De ce fait, les cursus politiques classiques se reconfigurent. Lorsqu'ils quittent définitivement la vie politique, les ex-députés choisissent massivement de prendre leur retraite. Néanmoins, un peu plus d'un tiers se reconvertit professionnellement. Ces bifurcations professionnelles sont largement tributaires des professions initialement occupées par les élus avant leur carrière politique. Les titulaires de fonctions proches du politique (auxiliaires politiques et hauts fonctionnaires) sont plus susceptibles d'opérer des « reconversions lucratives » que leurs homologues qui, initialement éloignés du monde politique, soit retournent à leur première activité (lorsque l'écart de revenus est faible), soit tentent de se maintenir dans le monde politique (lorsque l'entrée en politique a généré un gain important de revenus).This article examines what happens to members of parliament after the end of their time at the Palais Bourbon. Overwhelmingly, these individuals attempt to remain in the political sphere, in particular by running for local offices which have, over time, become more lucrative, sometimes even rivalling parliamentary compensation. As a result, traditional political trajectories have been altered. When former parliamentarians definitively leave politics, the vast majority of them simply retire. However, more than a third of these ex-elected officials pivot professionally, usually returning to the occupation that they exercised before running for office. Those who had professions that were politics-adjacent (for instance, parliamentary assistants, cabinet members, political staff, and high-ranking civil servants) are more likely to succeed with a “lucrative pivot“ than their counterparts who came from a sector entirely divorced from politics and who then seek either to return to their original occupations (if there was not a significant difference in income), or to remain in the political sphere (when entering politics meant a substantial income boost).
- Vivre de la politique : Rémunération des élus et indemnisation des mandats - Didier Demazière, Rémy Le Saout p. 7-28
Chronique bibliographique : genre
- Chronique bibliographique : Sur le genre - Lucie Bargel, Marion Charpenel, Alban Jacquemart, Camille Masclet p. 119-120
- Lectures critiques - Gabrielle Schütz p. 121-124
- Comptes rendus - p. 125-149