Contenu du sommaire : Le handicap, une caractéristique parmi d'autres : une approche croisée du handicap au cours de la vie
Revue | Revue française des Affaires sociales |
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Numéro | no 1, janvier-mars 2021 |
Titre du numéro | Le handicap, une caractéristique parmi d'autres : une approche croisée du handicap au cours de la vie |
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Le handicap, une caractéristique parmi d'autres : une approche croisée du handicap au cours de la vie
- Avant-propos - Mélissa Arneton, Laurence Joselin, Séverine Mayol, Zineb Rachedi p. 7-21
- Appréhender la pluralité des personnes handicapées et la complexité de leurs expériences : que faire des différences ? - Myriam Winance p. 23-36
- Les enquêtes quantitatives portant sur le handicap : des ressources à mobiliser pour étudier l'intersectionnalité - Pascale Roussel p. 37-42
- Handicap et genre dans la formation des couples. Des ressorts sociologiques classiques ? - Célia Bouchet p. 43-68 Alors que les déterminants sociodémographiques de la formation du couple sont documentés, la façon dont le handicap s'inscrit dans ces mécanismes a peu été explorée, a fortiori en tenant compte de spécificités genrées. À partir de 37 entretiens auprès de personnes ayant grandi avec une déficience visuelle ou un trouble dys, nous constatons que certains ressorts façonnant les dispositions à la vie de couple, les contextes de rencontre et les processus d'appariement, habituellement lus au prisme de la classe sociale ou de l'âge, sont également sensibles à des caractéristiques de handicap : visibilité de la condition, nature des limitations, proximité avec des dispositifs institutionnels spécialisés. Par ailleurs, si les personnes interrogées semblent s'aligner sur certains standards masculins et féminins classiques de la conjugalité hétérosexuelle, deux dimensions laissent voir des intrications plus complexes entre handicap et genre : les perceptions de violence et les rapports à la dépendance humaine et financière.While the socio-demographic determinants of the forming of couples are well documented, the way in which disability fits into these mechanisms has yet to be thoroughly investigated, especially in light of gender particularities. Based on 37 interviews with individuals who had grown up with a visual impairment or learning difficulties, we found that some of the factors shaping the disposition to live as a couple, the venues where partners meet, and the matching process, which are usually observed through the lens of social class or age, are also sensitive to disability characteristics : how visible their impairment is, what limitations people encounter, and how familiar they are with institutions in the disability sector. Furthermore, although the interviewees seemed to align themselves with certain conventional male and female standards of heterosexual conjugality, two dimensions reveal more complex interrelationships between disability and gender : perceptions of violence, and relationships to human and financial dependence.
- Les effets de l'interaction du genre et du handicap : l'expérience de femmes handicapées en matière de sexualité - Justine Madiot p. 69-86 Cet article présente les résultats d'un groupe de parole créé dans le cadre d'une enquête sur la parole des femmes handicapées sur le handicap, le genre et la sexualité. L'objectif était d'expérimenter un dispositif participatif de partage de leur parole et de leurs expériences en tant que femmes handicapées, et d'analyser les effets de l'interaction du genre et du handicap sur leur vie intime et quotidienne. La visibilisation de leurs récits s'inscrit dans le cadre de la montée en puissance des débats publics et politiques sur le handicap et la sexualité, dans lesquels leur parole est peu mobilisée. Les récits des enquêtées mettent en évidence la construction capacitiste des normes de genre, de sexualité, de parentalité, et l'influence des stéréotypes de genre sur la construction sociale du sujet féminin handicapé. Ils alertent sur les conséquences de ces stéréotypes sur la santé sexuelle des enquêtées.This article presents the results of a focus group set up as part of a survey on the discourse of disabled women, regarding disability, gender and sexuality. The aim was to experiment with a participatory mechanism for sharing their voices and experiences as women with disabilities, and to analyse the effects of the interaction of gender and disability on their intimate and daily lives. We shine a light on their stories in a context of growing public and political debate on disability and sexuality, in which they are seldom called upon to participate. The respondents' accounts highlight the ableist construction of gender, sexuality, and parenting norms and the influence of gender stereotypes on the social construction of women with disabilities. They raise concerns regarding the consequences of these stereotypes on respondents' sexual health.
- Arrangements autour des stigmates de la maladie chronique chez les adolescent·e·s - Séverine Dessajan p. 87-106 À partir d'une recherche en sociologie compréhensive, menée en partenariat avec le service de gastro-entérologie de l'Hôpital Necker–Enfants malades, nous avons rencontré vingt-quatre adolescent·e·s atteint·e·s de maladie chronique digestive, recueilli leur expérience de la maladie, leur quotidien. Le statut de malade donne une étiquette à l'adolescent·e, qui n'en veut pas forcément, qui ne veut pas être stigmatisé·e, d'autant plus qu'il ou elle se trouve dans ce cycle de vie, synonyme de construction individuelle. Nous avons cherché à comprendre les variations de comportements de ces adolescent·e·s. Or ces variations peuvent être de trois types : selon que l'expérience de la maladie remonte à la naissance ou qu'elle se soit déclarée au moment de l'entrée au collège, selon que la maladie est visible que ce soit par les symptômes ou par le traitement, enfin selon qu'on soit fille ou garçon, le rapport au corps, à la maladie et au traitement est différencié. Quels arrangements mettent-ils ou elles en place pour accepter les stigmates associés à ces pathologies ?Through a verstehen-sociological survey, carried out in partnership with the Hôpital Necker's gastroenterology department, we met with 24 teenagers living with chronic digestive diseases, and interviewed them on their experience of the disease and their daily life. Their status as ill people puts a label on these teenagers, which can be unwelcome. They do not want to be stigmatized, especially at a time of their life that is defined by a cycle of individual identity construction. We have sought to understand the variations in these adolescents' behaviour. These variations can be of three types, depending on the following : whether they have experienced the disease since birth or if it emerged around the time they entered middle-school ; whether the disease is visible through symptoms or through treatment ; and finally, their sex and their relationship to their body, the disease and the treatment. What arrangements do they put in place to come to terms with the stigma associated with these conditions ?`np pagenum="089"/b
- L'influence du parcours scolaire et de la famille sur l'expérience des étudiants handicapés dans l'enseignement supérieur - Anaelle Milon p. 107-124 Cet article s'intéresse aux vécus et aux parcours dans l'enseignement supérieur d'étudiants reconnus handicapés par l'institution universitaire. À partir de données qualitatives issues d'une enquête longitudinale, menée dans le cadre d'une recherche doctorale compréhensive, il questionne l'influence de la scolarité antérieure et de la famille sur l'expérience et l'apprentissage universitaires de l'étudiant. Apprendre à l'université renvoie à des processus de cognition et de socialisation qui sont influencés par des variables contextuelles, liées aux environnements d'apprentissage, mais aussi par les caractéristiques personnelles de l'étudiant. Le passé scolaire de l'étudiant, son origine sociale et l'engagement de ses parents dans sa scolarité sont susceptibles d'avoir une influence sur le vécu de l'expérience universitaire et de produire des différenciations dans les parcours étudiants. L'université apparaît comme un espace transitionnel, un passage vers le devenir adulte, un lieu d'apprentissage mais également un lieu d'expérimentation et d'émancipation.This article looks at the experiences and paths in higher education of students whom the university institution recognizes as disabled. Using qualitative data from a longitudinal survey, conducted as part of comprehensive doctoral research, it explores the influence of family and prior education on the student's learning and academic experience. Learning at university relates to processes of cognition and socialization that are influenced not only by contextual variables related to learning environments, but also by the student's personal characteristics. Their educational and social background and their parents' involvement in their schooling are likely to impact their experience of university and produce differentiation in student paths. The university emerges as a transitional space, a passage towards adulthood, a place of learning as well as experimentation and emancipation.
- Quels chemins pour retrouver un emploi quand on a perdu sa santé au travail ? - Manuella Roupnel-Fuentes p. 125-143 Cette enquête qualitative porte sur l'épreuve de la recherche d'emploi de personnes reconnues administrativement en situation de handicap à la suite d'un accident de travail ou d'une usure professionnelle. Après une longue période d'interruption d'activité professionnelle, ces travailleurs et travailleuses ont participé à des dispositifs de remobilisation professionnelle. Ils ont été interrogés dans ce cadre (n = 34) puis deux ans après (n = 26). L'étude longitudinale a permis de mettre en lumière la diversité des parcours suivis à l'issue de ce module : ces trajectoires vers l'emploi ont pu être réussies, heurtées ou bloquées. Dans les parcours qui ont abouti à un emploi, la réinsertion professionnelle est surtout permise par une adaptation des formes et du contenu du travail aux contraintes de santé. Mais une partie des personnes interrogées a connu des itinéraires heurtés, entravés notamment par des difficultés pour accéder à une reconversion totale ou à une formation, et les amenant à retrouver des emplois précaires. D'autres enfin ont vu leurs perspectives de réinsertion bloquées par leur état de santé mais aussi par l'état du marché du travail, les conduisant à un fort découragement voire à renoncer à pouvoir un jour retrouver le chemin de l'emploi.This qualitative survey focuses on the job-seeking experience of people who are administratively recognized as being disabled as a result of a workplace accident or repetitive stress injuries. After extended interruptions in their professional activity, these workers took part in professional remobilization schemes. They were interviewed during this process (N=34) and two years later (N=26). Our longitudinal study shows that respondents could follow very different paths after participating in these modules : their paths to employment may have been successful, rocky, or blocked. In those pathways that successfully led to employment, reintegration into the labour market was made possible primarily by adaptation of the forms and content of work to workers' health constraints. However, some of the interviewees had encountered obstacles on their path to employment, and especially difficulties in gaining access to partial or complete re-skilling, which caused them to end up in precarious jobs. Finally, others saw their prospects of reintegration stalled by their state of health and/or by the state of the labour market, which strongly discouraged them and even led some to give up the idea of ever being able to find employment again
- « Quelqu'un qui m'a conduit à merveille » : le rôle-modèle comme figure émancipatrice des systèmes de handicap et de genre dans deux trajectoires éducatives - Elena Pont p. 145-165 Nous avons mené, en Suisse romande, une recherche sur la reconstruction des trajectoires éducatives et professionnelles de personnes paraplégiques. Les récits de vie livrés par dix informateurs et informatrices, cinq femmes et cinq hommes, indiquent qu'ils et elles élaborent des modèles d'expérience d'empowerment, ou de reprise de pouvoir sur un parcours de vie contraint, face aux traitements assurantiels qui les orientent vers une palette limitée d'emplois jugés « possibles » pour elles/eux. Les récits révèlent que le modèle d'empowerment de la figure vicariante (un·e rôle-modèle, une personne dont le parcours constitue un exemple de réussite), permet aux informateurs et informatrices de choisir des trajectoires éducatives ou professionnelles qui contrecarrent les assignations assurantielles. L'objectif est ici de montrer que la figure vicariante contribue au développement, chez les informateurs et informatrices, de leur autonomie et des identités sexuées qui la soutiennent. Les trajectoires de formation d'une informatrice et d'un informateur sont mises en regard. Elles montrent que dans leur réhabilitation éducative, la figure vicariante, leurs auto-attributions sexuées et leurs représentations de genre sur les mondes de la formation et du travail, ont joué des rôles décisifs.We conducted research in Romandy on the reconstruction of the educational and professional trajectories of paraplegic people. The life stories told by ten informants, five women and five men, indicate that they develop models of experiences of empowerment, or of regaining power over a constrained life course, faced with precautionary treatments which direct them towards a limited range of jobs deemed “possible” for them. Their stories reveal that the empowerment model of the vicarious figure (a role-model, a person whose life course is an example of success) allowed informants to choose educational or professional trajectories that contradicted precautionary assignments. The aim here is to show that the vicarious figure contributes to the development of the informants' autonomy and the gendered identities supporting it. The educational trajectories of a man and a woman are compared, showing that in their educational rehabilitation, the vicarious figure, their gendered self-assignments and their gender representations in the worlds of education and work have played decisive roles.
- Les caractéristiques du handicap : des perspectives contextuelles et culturelles - Gaëlle Lefer Sauvage, Cendrine Mercier p. 167-178
- Appel à contribution pluridisciplinaire sur : Le handicap, une caractéristique parmi d'autres. Une approche croisée du handicap au cours de la vie. Pour le numéro de janvier-mars 2021 de la RFAS : Le dossier sera coordonné par : Laurence Joselin, IR en psychologie, INSHEA, Zineb Rachedi, MCF en sociologie, INSHEA, Mélissa Arneton, MCF en psychologie de l'éducation, INSHEA et Séverine Mayol, IR en santé publique, CHU de Nantes - p. 179-185
Autres thèmes
- Agir vers son rétablissement avec un handicap psychique : un parcours de reconnaissance(s) - Élodie Gilliot, Sarah Jones, Nicolas Chambon, Marie-Carmen Castillo p. 189-210 Cet article propose de documenter comment la perspective novatrice du concept de rétablissement se déploie aujourd'hui dans le champ du handicap, que ce soit dans une perspective de recherche, de soutien ou d'existence, thématisant sur ces différents plans la question de la reconnaissance. Il s'appuie sur les données recueillies au sein d'une recherche mixte (quantitative et qualitative) pluridisciplinaire (sciences humaines, sociales et médicales) destinée à explorer les parcours et facteurs de rétablissement des personnes vivant avec des troubles psychiatriques sévères, ciblant parmi cette étude les personnes ayant choisi d'évoquer la reconnaissance de leur handicap et les impacts associés. Après avoir situé le principe de rétablissement et quelques-uns de ses apports dans les conceptions et pratiques de la santé mentale, une réflexion, pour partie expérientielle, est proposée sur les différentes étapes que peuvent être amenées à traverser les personnes concernées par un handicap psychique, tant pour se reconnaître elles-mêmes que pour être reconnues. Une dernière partie explore la manière dont les diverses formes de reconnaissance du handicap (sociale, administrative, psychique…) peuvent soutenir, ou au contraire entraver, le pouvoir d'agir des personnes qui œuvrent en direction d'un mieux-être personnel, leur rétablissement.This article documents how an innovative perspective on the concept of recovery is currently unfolding in the field of disability, from the points of view of research, support, or life with disability. In doing so, it thematizes the issue of recognition from these different perspectives. The article is based on data collected through mixed (quantitative and qualitative) multidisciplinary research (in social and medical sciences) designed to explore the pathways to and factors in the recovery of people living with severe psychiatric disorders. The main focus is on those people in the sample who have chosen to discuss recognition of their disability and the associated impacts. We begin by situating the principle of recovery and some of its contributions within the conceptual and practical frameworks of mental health care. We then propose a partly experiential reflection on the different stages that people affected with a mental disability can potentially go through to both recognize themselves and be recognized. In the last part of the article, we explore the way in which various forms of recognition of disability (social, administrative, psychological, etc.) can support or, on the contrary, hinder the empowerment of people working towards personal well-being and recovery
- Le non-recours aux établissements et services médico-sociaux du secteur handicap, témoin d'une inadéquation entre offre et demande - Sophie Bourgarel, Bénédicte Marabet, Isabelle Gérardin, Lucile Agénor, Marianne Schmitt p. 211-233 Pourquoi des personnes en situation de handicap, disposant d'une orientation vers un établissement ou un service spécialisé, ne sollicitent-elles pas leur admission ? Pour répondre à cette question et donner à voir des situations individuelles dans un contexte où l'offre apparaît comme insuffisante, mais aussi trop centrée sur les établissements, 103 entretiens dans quatre départements métropolitains ont été réalisés.Qui sont ces personnes en non-recours ? Elles apparaissent souvent concernées par un handicap moteur ou psychique. Moins de la moitié n'a jamais fréquenté d'établissements médico-sociaux (ESMS). Le non-recours est peu fréquent pour les enfants orientés vers un Service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) et, à l'inverse, il est plus souvent observé pour des adultes orientés en foyer de vie. La moitié des personnes interrogées n'a pas pris contact avec l'ESMS suggéré par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Toutefois, un tiers affirme qu'il fera appel à un ESMS, tôt ou tard.Des solutions alternatives à l'ESMS sont construites par les familles. Elles reposent le plus souvent sur un ou deux professionnels libéraux, essentiellement orthophoniste, kinésithérapeute et psychologue.La cause principale du non-recours semble être liée à l'inadéquation de l'offre existante par rapport aux besoins ou souhaits des familles ou bénéficiaires. La deuxième cause repérée est le refus des candidatures par les ESMS sollicités. Le troisième motif de non-recours relève d'une stratégie de sécurisation de parcours. Une partie des non-recours est liée à une décision d'orientation unilatérale des commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH).Les souhaits exprimés tout au long des interviews montrent l'intérêt des personnes pour une vie « chez soi », et plaident pour mieux organiser un étayage au domicile, sur un mode différent des services médico-sociaux actuels.Why do people with disabilities who have been referred to a specialized institution or service not apply for admission ? We held 103 interviews in 4 départments in mainland France to shed light on individual situations and answer this question, in a context where the supply appears to be not only insufficient, but also too focused on specialized institutions.Who are these individuals not taking up the offer ? They often appear to have a physical disability or a mental illness. Less than half of them have never been to a sociomedical institution (ESMS) for disabled people. Non-take-up is uncommon in children referred to specialized home care services and, conversely, it is more often observed in adults referred to a residential facility for adults with light disability. Half of our respondents did not contact the ESMS to which they were`np pagenum="213"/b referred by their local public support institution (MDPH). However, a third said that they would eventually use an ESMS, sooner or later.Respondents' families had set up alternative solutions to ESMSs. They usually relied on one or two independent professionals, mainly speech therapists, physiotherapists and psychologists.The main cause of non-take-up seems to be the mismatch between the existing offer and the needs or wishes of beneficiaries or their families. The second cause we identified is ESMSs rejecting applications. The third reason pertains to strategies respondents set up to secure their trajectory. Part of non-take-up is due to a unilateral decision by the Commission on disabled people's rights and autonomy (CDAPH).The wishes expressed throughout the interviews show respondents' interest in living “at home”, and make the case for a better organization of at-home support, with a different approach from that of current sociomedical services.
- Agir vers son rétablissement avec un handicap psychique : un parcours de reconnaissance(s) - Élodie Gilliot, Sarah Jones, Nicolas Chambon, Marie-Carmen Castillo p. 189-210