Contenu du sommaire : États-Unis. Grand Miroir
Revue | Humanisme |
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Numéro | no 281, juin 2008 |
Titre du numéro | États-Unis. Grand Miroir |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Atlantique - Bertrand Levergeois p. 1
Positions
- Trois années de lumière : Et quelques nuages - Jean-Michel Quillardet, Bertrand Levergeois p. 5-10 Lors du prochain Convent de Lyon, en septembre, un nouveau Grand Maître sera élu. Le Frère Jean-Michel Quillardet achève en effet son triennat. Une réussite, si l'on en juge précisément par cette longévité : il faut remonter au moins au temps des Frères Alain Bauer (2000-2003) et Jean-Robert Ragache (1989-1992), sans parler du Frère Roger Leray (1979-1981 et 1984-1987), pour connaître un telle durée. Mais ces trois années n'ont pas été sans heurts : elles ont même été marquées par des attaques qui, si elles n'étaient pas venues de l'intérieur, ne trouveraient d'écho qu'aux heures du plus noir antimaçonnisme. Années de contraste donc, qui ont permis d'ouvrir des chantiers sur le long terme et de faire rayonner l'Obédience, tout en entrouvrant parfois la boîte de Pandore. Avant de laisser en héritage les fruits de son travail, le Grand Maître d'aujourd'hui a tenu à dresser un bilan dans Humanisme. Une exclusivité qui livre certains enseignements et réserve plus d'une surprise.
- Trois années de lumière : Et quelques nuages - Jean-Michel Quillardet, Bertrand Levergeois p. 5-10
Mémoire
- La Shoah par balles : Témoigner, informer, inhumer - Patrick Desbois, Bertrand Levergeois p. 11-21 Nous entrons dans une nouvelle histoire de la Shoah : après celle des camps, voici la Shoah orchestrée à partir de 1941 par les Einsatzgruppen ou commandos de la mort, assassinant plus d'un million et demi de juifs et prenant soin de n'en laisser aucune trace. Cette Shoah par balles, le père Patrick Desbois et son équipe en révèlent depuis plusieurs années toute l'horreur : au moins 800 fosses communes ont été déjà mises au jour grâce à leur travail en Ukraine. Un catholique est donc au cœur de cette résurrection sans précédent du souvenir juif. Après avoir appris à connaître la culture juive, ce prêtre s'est engagé à révéler cette autre Shoah dans le but essentiel de donner une sépulture à ceux qui ont été oubliés. Inhumer, témoigner, informer : triple mission qui ne fait que commencer, à preuve la parution de son livre Porteur de mémoires (Michel Lafon, 2007). Après sa venue au Grand Orient le 23 avril dernier, Humanisme a tenu à pousser plus avant avec lui la réflexion, au siège de l'association qu'il préside : Yahad-In Unum (en hébreu et en latin « ensemble »), une initiative visant à approfondir connaissance et coopération entre catholiques et juifs. Cette association a été créée en 2004 à l'initiative du cardinal Lustiger avec l'archevêque de Lyon Philippe Barbarin, l'archevêque de Bordeaux Jean-Pierre Ricard, le rabbin Israël Singer, président du Directoire du Congrès juif mondial, et Serge Cwajgenbaum, Secrétaire Général du Congrès Juif Mondial. Yahad-In Unum est par ailleurs financée par la Fondation pour la mémoire de la Shoah que préside Simone Veil.
- La Shoah par balles : Témoigner, informer, inhumer - Patrick Desbois, Bertrand Levergeois p. 11-21
Portrait
- Aimé Césaire : Le nègre humaniste - Denis Lefebvre p. 22-28 Aimé Césaire est décédé en Martinique le 17 avril à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. La France – certes au prix de certaines récupérations et sur fond d'éventuelle panthéonisation – a retrouvé cet homme qui a marqué son époque dans biens des domaines dès les années 1930, ou presque, de la politique à la littérature. La littérature, dont ce poète, dramaturge et essayiste a écrit un jour qu'elle constitue une des « fraîches oasis de la fraternité ».
- Aimé Césaire : Le nègre humaniste - Denis Lefebvre p. 22-28
Dossier. États-Unis. Grand Miroir
- États-Unis. Grand Miroir - Bertrand Levergeois p. 29-30 La célèbre phrase d'Herman Melville résume-t-elle tous les États-Unis ? À la fois son histoire, ses erreurs et sa gloire ? De ce côté-ci de l'Atlantique, on s'en étonne encore mais à la base de la vocation universelle des États-Unis il y a Dieu. In God they trust. Une manière messianique qui trouve son pendant en France, le soutien des religions en moins. Raison sans doute de notre éternel dialogue avec ce Grand Miroir que sont pour nous, et peut-être pour tous, les États-Unis. Miroir qui déforme, semble-t-il, nos propres aspirations, qui ne renvoie qu'une vision toujours surdimensionnée de l'Homme. L'Homme enrichi par Dieu, l'Homme triomphant du Mal par Dieu, l'Homme à la conquête des étoiles comme si, encore une fois, Dieu le tenait par la main. Comment, dès lors, ne pas tenter de comprendre de quoi est fait ce Grand Miroir ? D'autant que si l'on en croit le Frère Churchill, « les Américains essaient toujours ce qui convient le mieux après avoir essayé tout le reste »… Tant mieux : comme l'a dit Gilles Deleuze : « On ne peut vraiment compter que sur les gens qui ne sont pas fiables. » Se méfier du prévisible, cette Tyrannie. Se fier à Bartleby, le scribe inventé par Melville comme une invitation à résister toujours, y compris à soi-même. Oui décidément, que chacun n'ait pas peur d'être ainsi américain en répétant : « J'aimerais mieux pas. » D'autant que les rengaines de l'actualité sont autant de Sirènes entonnant leur chant de la Célébrité et de la Domestication. Et si les États-Unis, imperceptiblement, luttaient, contre toute apparence et contre toute attente, contre la Servitude universelle ? Voilà qui, finalement, nous transporterait, de ce côté-ci de l'Atlantique. À condition, bien sûr, de ne pas se livrer aveuglément aux illusions de la Maîtrise. Aussi un état des lieux s'impose-t-il pour éclairer ce qu'obscurcit l'ombre portée par la statue du Frère Bartholdi. Car l'Impuissance peut aussi se travestir en Liberté et nous rejouer l'air du flûtiste de Hamelin. Petit Poucet, ramassons une à une les pierres posées sur le chemin par les collaborateurs de ce nouveau dossier. Qui sait, elles pourraient bien nous conduire hors du Dédale, au bras d'Ariane.
- L'Amérique enchaînée : Le duel Obama-McCain - Susan George, Bertrand Levergeois p. 31-36 En novembre prochain, les Américains auront à choisir entre deux avenirs bien différents, et pour la première fois dans l'histoire un Noir aura été candidat à la présidence des États-Unis. Mais l'Amérique arrivera-t-il à se défaire des chaînes auxquelles les néolibéraux et les néoconservateurs l'ont liée depuis des années ? Au lendemain de la défaite d'Hillary Clinton, alors même que la campagne va véritablement s'ouvrir, c'est de quoi nous avons voulu nous entretenir avec la politologue Susan George, auteur d'un essai décapant sur l'emprise des droits laïque et religieuse sur les États-Unis.
- Dieu est-il américain ? - Alain Simon p. 37-44 L'Amérique serait-elle secouée à nouveau d'un « grand réveil » comme ce fut le cas il y a deux siècles, puis régulièrement au cours des grandes vagues de faveur religieuse qui balayèrent l'espace public ? Ces derniers mois, la campagne, dite des primaires, fait redouter un retour de Dieu dans la politique américaine, au point que quelques observateurs ne craignent pas d'envisager un glissement de la plus grande démocratie du monde vers une forme de « théocratie ». Cette interprétation à l'évidence excessive, voire « inappropriée », rend pourtant compte d'un phénomène inquiétant dans un État laïque mais où, paradoxalement, l'extrême latitude consentie légalement aux groupes religieux favorise les débordements au point de voir le religieux interférer directement avec le politique, sans parler de ses interventions agressives dans l'espace social.
- Politique made in USA : L'évidence cachée du populisme ? - Alexandre Dorna p. 45-56 Le populisme aux États-Unis est l'un des paradigmes modernes de cette représentation de la politique : mais curieusement, c'est l'un des moins connus. Pourtant, il reste représentatif de l'Amérique depuis plus d'un siècle. Les figures de Ross Perot, Arnold Schwarzenegger, Jesse Jackson, sans oublier celles de John Kennedy, Ronald Reagan et Bill Clinton, rappellent d'une manière ou d'une autre – démocrate ou républicaine – les racines populistes. Aujourd'hui, nous assistons, avec Barack Obama, John McCain et Hillary Clinton, à une sorte d'actualisation des questions qui ont toujours inspiré la tradition populiste américaine.
- Les écoles françaises aux États-Unis - Jean-Claude Zambelli, Camille Binder p. 57-62 Les États-Unis sont riches de nos écoles françaises : ce constat mérite d'être rappelé, alors que s'engage plus avant le chantier du Grand Orient de France sur l'École républicaine du futur. Jean-Claude Zambelli, lui, fait figure d'expert en la matière. Ingénieur, il vit aux États-Unis depuis une trentaine d′années et joue un rôle déterminant pour la promotion de nos écoles outre-Atlantique. Président de l′Association des Français de l′étranger, il est très sensible à la scolarisation des enfants de Français hors de France. À ce titre, il a présidé le conseil d′administration du lycée La Pérouse à San Francisco et a participé à la création d′une école dans la Silicon Valley.
- Les Chevaliers de Colomb : Une société secrète catholique au Nouveau Monde - Pierre Mollier p. 63-71 La Franc-maçonnerie n'est pas la seule à alimenter l'imaginaire des influences occultes. Comme par un effet de miroir, l'Église romaine elle-même a suscité des accusations similaires. Au XVIIIe siècle, la dénonciation du « complot jésuitique » acquiert une telle force qu'elle aboutit à la dissolution et à l'interdiction de la Compagnie de Jésus dans plusieurs états, y compris parmi les plus catholiques. Aujourd'hui, les médias – ou la littérature avec l'affaire extraordinaire du Da Vinci Code – alertent régulièrement l'opinion publique sur le poids de l'Opus Dei et de ses réseaux sur certains milieux dirigeants. Mais il existe aussi une authentique société secrète catholique : l'Ordre des Chevaliers de Colomb. Les Chevaliers de Colomb sont assez peu connus car ils sont une institution essentiellement américaine. Cette véritable Franc-maçonnerie catholique est née aux États-Unis, son organisation, son mode de fonctionnement et son imaginaire sont profondément marqués par la culture américaine et notamment par ce qu'elle a de plus exotique pour les Européens, d'où notre difficulté à cerner le phénomène. Des États-Unis, les Chevaliers de Colomb ont étendu leur action à tout le continent américain, au Canada où s'est notamment constituée une branche francophone au Québec et dans les différents pays d'Amérique latine et surtout au Mexique où ils ont joué un rôle important. Or, les Chevaliers de Colomb ont emprunté leur forme à la Franc-maçonnerie et ils constituent, depuis maintenant un peu plus d'un siècle, l'une des composantes du lobby catholique conservateur outre-Atlantique.
- États-Unis. Grand Miroir - Bertrand Levergeois p. 29-30
Voyages
- Naissance du GOUSA - Patrice Billaud, Bertrand Levergeois p. 72-76 Outre-Atlantique, l'année 2008 sera marquée par un tournant. Outre celui des élections présidentielles, il va falloir compter avec celui de la naissance du GOUSA ou Grand Orient of the United States of America, une nouvelle Obédience s'inscrivant résolument dans l'héritage et les valeurs du Grand Orient de France. Une première qui pourrait bien s'étendre à tout le continent américain.
- `ibL'Atlantide`/ib. Le Grand Orient de France à New York - p. 77-82 Le Grand Orient de France est riche de plusieurs loges en Amérique du Nord : outre Force et Courage à l'Orient de Montréal, il faut également compter avec Art et Lumière à l'Orient de Los Angeles, Pacifica à l'Orient de San Francisco, La Fayette 89 à Washington et L'Atlandide à l'Orient de New York. Cette dernière, la plus ancienne, est l'une des portes des États-Unis qui s'ouvre aux Frères de l'Europe. En guise d'invitation, en voici l'histoire et le portrait, réalisés par les Frères de cet Atelier qui savent aussi parler des quatre autres portes occidentales du Grand Orient de France.
- Naissance du GOUSA - Patrice Billaud, Bertrand Levergeois p. 72-76
Philosophie
- Repenser l'État : Désassujettir les individualités - Michael Hirsch, Bertrand Levergeois p. 83-92 En avril dernier, le philosophe allemand Michael Hirsch, encore peu connu du grand public français, est intervenu au Grand Orient de France dans le cadre d'une conférence publique visant à repenser l'État-Providence. La poursuite d'un dialogue s'imposait avec ce théoricien politique qui enseigne à l'Université de Francfort : pour comprendre comment il repensait l'État, d'où il parlait sur le plan philosophique et quels étaient ses remèdes aux problèmes posés par la crise de l'État-Providence et les assujettissements institués par la politique du chômage et du plein emploi. Et si le regain de l'esprit des Lumières devait venir de son projet d'émancipation, fondé sur une idée qui nous est chère – la libre association des individualités ?
- Repenser l'État : Désassujettir les individualités - Michael Hirsch, Bertrand Levergeois p. 83-92
Histoire
- L'affaire des fiches : Quand le Grand Orient de France espionnait l'armée française - Emmanuel Thiébot, Jean-Marc Binot p. 93-97 En 1904 éclate « l'affaire des fiches » : le Grand Orient de France aide le gouvernement à classer les officiers de l'armée en fonction de leurs opinions politiques et religieuses. Historien au Mémorial de Caen, Emmanuel Thiébot, fin connaisseur de la franc-maçonnerie sous la Troisième République, décortique les tenants et les aboutissants du dossier dans un livre, Scandale au Grand Orient, paru en mai chez Larousse.
- L'affaire des fiches : Quand le Grand Orient de France espionnait l'armée française - Emmanuel Thiébot, Jean-Marc Binot p. 93-97
7`supbe`/supb art
- Hollywood en tablier - Jean-Louis Coy p. 98-101 Le cinéma américain fourmille de références maçonniques, anodines ou notables, inoffensives ou hostiles et ce serait un jeu que d'en découvrir, au hasard des pellicules, les traces souvent fugaces. La raison en est simple, cette Maçonnerie américaine entre naturellement dans la culture populaire comme d'autres courants de pensée et son évocation tant en politique qu'en art ne choque personne. À la différence des Obédiences françaises plutôt discrètes, celles qui sont présentes aux États-Unis n'hésitent pas à se dévoiler : on peut découvrir en Arizona ou au Texas, au coin d'une rue, un temple annoncé par un placard lumineux.
- Hollywood en tablier - Jean-Louis Coy p. 98-101
Musique
- Musique halles : Rodgers et Hammerstein II - Jean Kriff p. 102-112 Story-telling et parc d'attraction. Art Buchwald écrivait : « Chez Walt Disney, il ne faut pas confondre ceux qui visitent et ceux qui y travaillent. » Respect aux passages cloutés. Nous les poserons, vous les passerez. Ensemble tout est possible. Si la raison suffisait, plus personne ne croirait en rien mais le ventre demeure. Danger ! Le lyrisme fait pleurer les crocodiles nostalgiques. Je suis, tu es, il est un monstre froid, un de ceux qui ne transpirent jamais ; même l'œil est interdit d'humidité. Comment nous rapprocher alors ? Le grand Sentimental ou Dieu et son ego, c'est-à-dire le nôtre ? L'antiracisme ordinaire ? Le développement durable ? Il nous faudrait un univers privé d'existence. Juste de l'essence. Verbe-voix, musique des sphères et danse des heures. Vibration obligatoire et quasi-orgasme partagé, voilà pourquoi les Américains sont de grands enfants qui rêvent : à preuve les musicals de Broadway et le duo formé à partir des années 1940 par Rodgers et Hammerstein II.
- Musique halles : Rodgers et Hammerstein II - Jean Kriff p. 102-112
Livres
- Stendhal contre l'Amérique - Bertrand Levergeois p. 113-115 Réfléchissez : si vous pensez à la première méditation profonde sur l'Amérique, aussitôt le nom de Tocqueville s'impose. Mais il existe parallèlement un autre Français préoccupé par le cas américain : le Frère Stendhal. Assurément, la vision des deux hommes diverge : le Normand a la lucidité d'un libéral ; le « Milanais », les doutes qui font l'apanage d'un être libre attaché à la virtù. Stendhal se veut face à l'Amérique à l'instar de Guitry vis-à-vis des femmes – contre… tout contre.
- République. De l'utopie à la critique - Bertrand Levergeois p. 116-118
- Stendhal contre l'Amérique - Bertrand Levergeois p. 113-115
Expos
- Le mythe de l'Ouest - Bertrand Levergeois p. 119-122 Avant le cinéma, bien avant les westerns qui nous ont laissé pour longtemps une certaine image de l'Ouest américain, des dessinateurs et des peintres ont su rendre outre-Atlantique un mythe sans plan américain, où la Destinée manifeste, cette conquête du continent guidée par la Providence, l'a bien souvent cédé à la fascination du mystère. Une récente exposition qui, après Rouen et Rennes, vient s'offrir à Marseille, au bord de la Méditerranée, en donne la haute mesure. De quoi oublier nos stéréotypes en Cinémascope pour nous faire épouser l'admiration de Baudelaire.
- Le mythe de l'Ouest - Bertrand Levergeois p. 119-122