Contenu du sommaire : L'espace : la « nouvelle frontière » de la Chine
Revue | Monde Chinois |
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Numéro | no 64, 2020/4 |
Titre du numéro | L'espace : la « nouvelle frontière » de la Chine |
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- Éditorial. L'espace : la « nouvelle frontière » de la Chine - Philippe Achilleas, Jean-Paul Maréchal p. 5-14
Dossier : L'espace : la « nouvelle frontière » de la Chine
- La Chine dans l'espace et le rêve chinois - Isabelle Sourbès-Verger p. 16-35 L'importance symbolique des capacités spatiales comme démonstration de la modernité et de la puissance chinoise est clairement énoncée dès 1956, un an avant le lancement par l'Union soviétique de Spoutnik, le premier satellite artificiel de la Terre. Si certaines factions de la Révolution culturelle dénoncent les scientifiques et ingénieurs du spatial comme trop éloignés des préoccupations des masses, les leaders politiques de tout bord soutiennent le programme et célèbrent le lancement en 1970 du premier satellite chinois. La normalisation des années 1980 influence le développement du secteur qui s'institutionnalise et s'ouvre à l'international en proposant des services de lancement commerciaux. Les avantages des technologies spatiales pour suppléer au déficit d'infrastructures terrestres justifient à eux seuls les investissements consentis et le secteur s'adapte aisément aux différents mots d'ordre des dirigeants politiques. Enfin, l'histoire du secteur spatial et son statut « stratégique » se traduisent par des relations particulières avec le monde de la Défense. Ce soutien politique constant, même s'il a évolué selon les priorités du moment a conduit à la construction de compétences spatiales variées. La volonté de rattrapage technologique, un objectif que la Chine s'est donné dans tous les domaines, se traduit logiquement dans le milieu spatial où orbitent les satellites devenus indispensables aux activités terrestres. La politique américaine d'exclusion de la Chine de tout transfert de technologie a renforcé l'autonomie de cette dernière qui s'affiche désormais comme une alternative et propose ses capacités spatiales sur la scène internationale.La question des compétences spatiales de la Chine prend donc une importance nouvelle dans un contexte où l'affirmation du rêve chinois ne cache pas ses ambitions.The symbolic importance of space capabilities as a demonstration of China's modernity and national power was clearly stated as early as 1956, a year before the Soviet Union launched Sputnik, the Earth's first artificial satellite. While some factions of the Cultural Revolution criticized space scientists and engineers as too far from the concerns of the masses, political leaders of all stripes supported the program and celebrated the launch of China's first satellite in 1970. The normalization of the 1980s influenced the development of the sector, which became institutionalized and opened up to the international market by offering commercial launch services. The advantages of space technologies compensate for the lack of ground infrastructures and the sector easily adapts to the diverse slogans of political leaders. Finally, the history of the space sector and its «strategic» status lead to special relations with the defence sector. The constant political support, even if it has evolved according to the priorities, has led to the construction of various space competences. The desire to catch up technologically, an objective that China has set for itself in all fields, is logically reflected into space. The U.S. policy of excluding China from any technology transfer has strengthened China's autonomy. It is now presenting itself as an alternative and offering its space capabilities on the international scene.The question of China's space skills is therefore of new importance in a context where the Xi slogan of the Chinese dream is not hiding its ambitions.
- How prepared is China to seize geopolitical benefits out of space industry privatization? - Julien Breuzon p. 36-59 Cet article vise à analyser la stratégie géopolitique de l'industrie spatiale chinoise dans le contexte de privatisation déclenché par les Etats-Unis. Cet article vise notamment à démontrer que tout en ouvrant la porte à un secteur privé, la Chine garde à moyen terme son option la plus efficace en s'appuyant sur la réactivité de ses entreprises publiques. La stratégie suiviste de ces entreprises publiques semble en mesure de contenir le retard technologique vis-à-vis des Etats-Unis, suffisamment pour assurer à la Chine, à coûts limités, la poursuite de ses objectifs dans la configuration géopolitique d'aujourd'hui.Cette publication se divise en trois parties. La première section examine les enjeux géopolitiques de la Chine liés à son industrie spatiale, et comment ils pourraient être affectés par la privatisation. La seconde section donne une vue d'ensemble du secteur privé chinois, de ses interfaces aux institutions, et étudie sa capacité à s'insérer dans une chaine de valeur privée et mondialisée structurée par les Etats-Unis. La troisième section se penche sur les mesures économiques et politiques de partenariats que la Chine pourrait mettre en place pour tirer des bénéfices géopolitiques de sa très particulière organisation industrielle.This article aims at analyzing the geopolitical strategy of the Chinese space industry in the context of privatization triggered by the US. This article notably aims at demonstrating that while opening the door to a private space sector, China keeps mid-term its most effective strategic option in relying on the reactivity of its state owned enterprises (SOE's). The “fast-follower” approach of these SOE's seems able to contain the technology gap vs the US, enough for China to pursue its goals at limited cost in the current specific geopolitical configuration.This paper has three parts. Section one examines what is geopolitically at stake for China with its space industry, and how it could be affected by privatization. Section two gives an overview of the Chinese private sector, its interfaces with institutions and investigates its capacity to insert into a nascent global private value chain led by the US. Section three investigates what economic measures and partnership policies China could implement to secure geopolitical benefits out of its peculiar space industry set-up.
- Chinese commercial space – A policies crossroad - Lucie Sénéchal-Perrouault p. 60-75 Alors que l'importance du pays croît sur la scène internationale, notamment dans les domaines haute technologie, le secteur spatial chinois est devenu un sujet à la mode, générant un nombre croissant de communications. Le prisme analytique de la politique spatiale du pays reste néanmoins encore principalement influencé par les acteurs traditionnels de la défense américaine et se concentre sur la composante militaire de la politique spatiale chinoise. Pourtant, dans le contexte d'une internationalisation du New Space, la logique économique a un rôle prépondérant à jouer. Basé sur des documents du niveau exécutif de la RPC qui n'ont pas été officiellement traduits à ce jour, cet article présente trois politiques au sein desquelles l'espace commercial chinois est inscrit : la réforme économique, l'initiative des nouvelles routes de la soie, l'intégration civilo-militaire.As the country's importance on the international scene has grown, especially in the high-tech field, the Chinese space sector has become a fashionable subject, generating an increasing number of communications. The analytical prism of the country's space policies is still mostly influenced by the traditional US defence-related actors and focuses heavily on the military aspect of Chinese space policies. Yet in the case of New Space, economic logic have a preponderant role to play. Based on documents from PRC executive level that have not been officially translated to date, this article introduces three policies within with Chinese commercial space is enshrined: the economic reform, the Belt and Road initiative, the civil military integration.
- China's BeiDou Navigation Satellite System: Past Achievements and Future Challenges - Du Li p. 76-89 Le système de navigation par satellites BeiDou a été développé par la Chine de façon autonome afin de remplir des missions tant au plan national qu'international. Si les politiques chinoises déployées aussi bien nationalement que localement concernant le GNSS ont ouvert la voie à l'édification de BeiDou et au développement de ses applications, la promotion de ce système dans le monde entier rencontre de nombreux défis légaux parmi lesquels la demande concernant une gestion saine, un régime de responsabilité à l'égard des tiers, les moyens de protéger la vie privée des utilisateurs etc… La Chine doit régler ces problèmes légaux si elle veut que BeiDou parvienne aux buts qui lui ont été assignés.The Bei
Dou Navigation Satellite System (the BDS) has been developed independently by China for both internal and external purposes. While the Chinese national and local policies concerning the GNSS have paved the ways for the construction of the Chinese system and the expansion of its applications, promoting the BDS all over the world still faces great legal challenges, such as the demand for establishing a sound governance and management regime, the need for a reasonable third-party liability regime, and the ways to protect privacies, etc. It would be indispensable for China to tackle with these legal problems in order to fulfill the goals set for the BDS. - La guerre des talents aura-t-elle lieu ? Panorama des enjeux humains dans l'essor du spatial chinois - Jean Deville, Guillaume Thibault p. 90-105 Le secteur spatial chinois connaît depuis un peu moins d'une décennie une petite révolution : commercialisation, ouverture aux capitaux privés, important rattrapage technologique, pression sur les conglomérats d'Etat suite aux succès de SpaceX et plus généralement du NewSpace américain. Ces changements, couplés avec les évolutions récentes de l'économie numérique chinoise (succès des géants de la tech, digitalisation des industries traditionnelles), entraînent aujourd'hui des changements profonds sur les ressources humaines dans l'industrie spatiale. L'objectif de cet article est double : après un panorama de l'enseignement supérieur spatial chinois et le parcours des dirigeants du secteur, il s'agira de discuter de l'attractivité du spatial vis-à-vis d'autres secteurs, les flux de talents entre sociétés d'Etat et sociétés privées, et l'impact sur les salaires.The Chinese space sector has been experiencing a small revolution: increased commercialization, opening up to private capital, technological catch-up, and increased pressure from the successes of SpaceX and more generally from the thriving US New Space ecosystem. These changes, coupled with the recent evolutions of China's digital economy (emergence of tech giants, digitalisation of traditional industries), has triggered profound changes on the space industry's human resources.This article draws a broad portrait of the Chinese space-related universities and the academic background of the Chinese space leadership. It then discusses the attractiveness of space companies vis-a-vis other tech sectors, the flows of talent between state-owned and private companies, and the impact on compensation.
- La Chine dans l'espace et le rêve chinois - Isabelle Sourbès-Verger p. 16-35
Varia
- Postologies et nouveaux conservatismes - Henry Zhao, David Bartel p. 107-122 Ce texte est important pour deux raisons. D'abord, c'est la première fois qu'est utilisé le terme de « houxue » – traduit ici par postologie – pour regrouper, non sans une pointe d'humour, les différents discours « post- », poststructuralisme, postmodernisme, postcolonialisme, postsocialisme ou postrévolutionnaire qui ont fleuri en Chine au lendemain des drames nationaux et internationaux de l'année 1989. Si ces discours théoriques, importés d'Occident ont été méthodiquement introduits en Chine dès le début des années 1980, notamment avec les travaux novateurs de Yue Daiyun (樂黛雲) dans le domaine de la littérature comparée, la spécificité des discours post- entendus comme houxue, est qu'à la différence du postmodernisme, ou du postcolonialisme, les houxue sont exclusivement orientés contre un Occident perçu comme impérialiste et/ou hégémonique. Tout l'appareil théorique critique contre les discours du pouvoir sont savamment ignorés. C'est ce que montre ce texte avec une pertinence que l'on peut qualifier de pionnière. À ce titre, cette traduction peut intégrer les différents textes déjà publiés par Monde Chinois Nouvelle Asie sur le thème des Lumières chinoises [2]. En effet, les différents discours qui forment les houxue partagent la volonté unique de remettre en cause, l'ensemble de ce qui a été fait en Chine et ailleurs au nom de la modernité. On laissera cette antinomie continuer à travailler un Parti communiste, justement né de ce que le regretté Arif Dirlik appelait la « victoire » du moderne. Le Parti n'étant plus à une équivoque près quant à sa légitimité historique. L'importance de ce texte est donc qu'il met le doigt sur ce « pli » intellectuel conservateur qui marque encore aujourd'hui le renouveau théorique d'un discours nationaliste devenu plus petit dénominateur commun de l'idéologieThis text is important for two reasons. First, it is the first time that the term “houxue” – translated here by postology – has been used to bring together, not without a touch of humor, the various “posts-” discourses, poststructuralism, postmodernism, postcolonialism, post-socialism or post-revolutionary which flourished in China in the aftermath of the national and international dramas of 1989. If these theoretical discourses, imported from the West were methodically introduced in China from the beginning of the 1980s, with the pioneering works of Yue Daiyun (樂 黛雲) in the field of comparative literature, the specificity of the discourses defined as “houxue”, is that unlike postmodernism, or postcolonialism, the houxue are exclusively directed against a West perceived as imperialist and / or hegemonic. The whole theoretical apparatus aiming at criticizing the discourses of power is cleverly ignored. This is what this text shows with a relevance that can be described as pioneering. As such, this translation can integrate the various texts already published by Monde Chinois Nouvelle Asie on the theme of the Chinese Enlightenment [4]. Indeed, the different discourses that form the houxue share the unique desire to question all of what has been done in China and elsewhere in the name of modernity. This antinomy continues to work inside a Communist Party born of what the late Arif Dirlik called the “victory” of the modern. The Party is no longer left in ambiguity as to its historical legitimacy. The importance of this text is therefore that it puts its fingers on this conservative intellectual “fold” which still marks today the theoretical renewal of a nationalist discourse that has become the lowest common denominator of ideology
- Postologies et nouveaux conservatismes - Henry Zhao, David Bartel p. 107-122
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 123-138