Contenu du sommaire : Vers de nouvelles écologies populaires ?

Revue Ecologie & politique Mir@bel
Numéro no 62, 2021/1
Titre du numéro Vers de nouvelles écologies populaires ?
Texte intégral en ligne Accès réservé
  • Chine–États-Unis : un duo menaçant - Jean-Paul Deléage p. 5-10 accès réservé
  • Dossier. Vers de nouvelles écologies populaires ?

    • Gilets jaunes et écologie : vers un écologisme des pauvres ? - Fabrice Flipo p. 13-24 accès réservé
    • Quand le vert divise le jaune : Comment les clivages sur l'écologie opèrent au sein des Gilets jaunes - Jean-Yves Dormagen, Laura Michel, Emmanuelle Reungoat p. 25-47 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse les rapports entre les Gilets jaunes et l'écologie sur la base d'une approche quantitative échantillonnée. Nos résultats montrent que les Gilets jaunes entretiennent le même rapport à l'écologie que le reste de la population. Ils adhèrent, eux aussi, dans leur très grande majorité au paradigme du changement climatique mais sont profondément divisés sur les réponses à apporter et l'adoption de mesures clivantes. Notre enquête confirme également la grande hétérogénéité sociale et politique du mouvement et révèle l'absence d'homogénéité en son sein à l'égard de l'écologie. Une approche statistique par clusters permet d'aller plus loin et de dégager une singularité du mouvement puisque les Gilets jaunes ont réuni dans un même conglomérat à la fois les segments les plus pro-écologie et les plus anti-écologie de la population. Cette étude a été menée sur la base d'une enquête réalisée à partir d'un échantillon représentatif de 2 000 inscrits sur les listes électorales de l'Occitanie, dont 243 individus ayant participé à la mobilisation des Gilets jaunes. Elle exploite des questions portant sur la perception du changement climatique, sur des pratiques considérées comme écologiquement vertueuses, sur des mesures clivantes en matière d'écologie et sur la possibilité de voter pour Europe Écologie-Les Verts.
      Based on a sample survey, this article analyzes the relationship between Yellow vests and ecology. Our results show that Yellow vests have the same relationship to ecology as the rest of the population. They too, overwhelmingly believe in the climate change, but are deeply divided on the answers to be given and on the public policies to be implemented. Our survey also confirms the great social and political heterogeneity of the social movement and reveals the lack of homogeneity within it with regard to ecology. A statistical cluster approach makes it possible to go further and to identify a singularity of the movement since it has gathered both the most pro-ecological and the most anti-ecological segments of the population. This survey was carried out on the basis of a representative sample of 2,000 people registered on the electoral rolls of Occitania (France), including 243 who participated in the mobilization of the Yellow vests. It exploits items relating to the perception of climate change, practices considered as environmentally-friendly, polarizing measures in terms of ecology and the possibility of voting for the French Green party, Europe Écologie-Les Verts.
    • Faut-il soutenir les Gilets jaunes ? : Le rôle des positions de classe dans le mouvement climat - Yann Le Lann, Giuseppe Cugnata, Nathan Gaborit, Maxime Gaborit p. 49-66 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      L'article propose d'analyser le jugement des militants du mouvement pour le climat sur les Gilets jaunes à partir des résultats des enquêtes par questionnaire menées par le collectif Quantité critique. Il met en évidence le fait que le regard sur les Gilets jaunes est structuré par l'âge et la classe sociale. Les jugements souvent positifs des minorités issues des groupes populaires, et ceux des fonctionnaires de l'éducation et de la culture, s'opposent à l'indifférence et l'hostilité des ingénieurs et techniciens du privé. L'article démontre également que ces divisions sociales tendent à s'estomper au sein des groupes de manifestants les plus mobilisés dans le mouvement écologiste.
      This article proposes to analyze the judgement of climate movement activists on the Yellow vests based on the results of questionnaire surveys carried out by the Quantité critique collective. It highlights the fact that the perception of the Yellow vests is structured by age and social class. The often positive judgments of minorities from working-class groups, and those of civil servants from education and culture, are opposed to the indifference and hostility of engineers and technicians from the private sector. The article also shows that these social divisions tend to be blurred within the most mobilized groups of protesters in the environmental movement.
    • La place est-elle prise ? : Contributions des Gilets jaunes aux luttes socio-environnementales locales. Pistes d'analyse à partir du cas finistérien - Christèle Dondeyne, Alix Levain p. 67-82 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le rapport des Gilets jaunes à l'écologie peut se saisir à la fois dans les spatialités et les habitats qu'ils s'approprient, ou par les relations – souvent distantes – qu'ils entretiennent avec l'écologie politique institutionnalisée, mais aussi par les façons dont le local, comme échelle de définition de ce qui fait commun et de construction des attachements, est investi. À travers la présence des Gilets jaunes sur les fronts locaux de luttes socio-environnementales, se donnent à voir les prises – au sens pragmatique des saillances offertes par les situations et qui permettent de déployer un processus critique générateur de transformation sociale – par lesquelles ils amplifient ces fronts et se reconfigurent à leur contact. C'est ainsi la façon à la fois résolue et précaire dont les Gilets jaunes investissent ces fronts que nous explorons dans cet article, à partir d'une enquête ethnographique multi-située. Vu depuis les plages et les champs du Finistère, le mouvement des Gilets jaunes trouve dans la protestation contre l'emprise spatiale et symbolique de l'agriculture productiviste, la critique de la gestion des ressources en eau et en énergie, l'attachement au littoral, des prises nouvelles et situées d'articulation progressive entre injustices sociales et inégalités environnementales.
      The ecology of the Yellow Vests can be captured by observing both the way they appropriate space and habitats and their—often distant—relationship to institutionalized political ecology. It can also be approached by studying the various ways by which they are locally invested, here understood as a scale that is best made up of their common values, and where attachments take form. Scrutinizing the participation of Yellow vests in local environmental struggles on eco-frontiers allows to seize grips—in the pragmatic sense of affordances provided by problematic situations, which help trigger and deploy critical capabilities and processes towards social transformation—by which the Yellow vests amplify these struggles and are transformed by them in return. Building on the results of a multi-sited ethnographic inquiry, this article explores the determined and precarious ways by which the movement's protagonists engage in these fronts. Seen from the vantage point of the beaches and the fields of Finistère (France), the Yellow vests movement finds in the protest against the spatial and symbolic ascendency of productionist farming, in the critique of the management of water and energy resources and in the attachments to seashores, new and situated grips to relate social injustice and environmental inequalities.
    • Les femmes Gilets jaunes : un écologisme des pauvres ? - Édith Gaillard p. 83-96 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      À partir des conditions matérielles d'existence des femmes Gilets jaunes, l'objectif de cet article est d'engager le dialogue entre la question écologique associée à la pauvreté et les questions de genre liées à la forte présence de femmes dans le mouvement des Gilets jaunes. De quelles manières expliquer les slogans Fin du monde, fin du mois, même combat ! et Gilets jaunes pour une planète plus verte et un compte moins rouge en replaçant la question du côté des rapports de genre, du travail domestique, du « mode de production domestique » comme restant l'apanage des femmes ? Et plus globalement, la mobilisation de femmes issues des catégories les plus précaires et les résistances qu'elles élaborent pour parer leurs conditions de vie précaires rendent-elles compte de l'expression d'un écologisme des pauvres ? Il s'agit de cerner le discours des femmes, les formes par lesquelles elles évoquent, conçoivent et expliquent leur rapport à l'environnement et à l'écologie dans cet engagement, afin d'identifier les fonctions idéologiques et interpersonnelles de ce discours à partir de la question écologique associée à la pauvreté.
      Using the material living conditions of women in the Yellow vests movement in France as a starting point, the aim of this article is to develop a dialogue on the relationship between poverty and the environment, and on the gender issues related to the strong representation of women in the Yellow vests movement. “End of the world, end of the month, same struggle”, “Yellow vests for a greener planet and a less red bank account”: how can these slogans be explained by putting the issue in the context of gender relations, domestic work, and the “mode of domestic production” as still being the domain of women? And more broadly, does the mobilization of women with the most precarious livelihoods and the acts of resistance they develop to overcome their unstable living conditions reflect an environmentalism of the poor? This question is addressed by defining these women's discourse, how they evoke, conceive and explain their relationship with and committed stance to the environment and to ecology, along with their daily life, in order to identify the ideological and interpersonal functions of this discourse using the issues of ecology and poverty as the basis.
    • Des ronds-points et manifestations au potager : un exemple d'écologisme populaire chez les Gilets jaunes ? - Pierre Chiron p. 97-110 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le 17 novembre 2018, les Gilets jaunes descendent sur les ronds-points contre la taxe sur les carburants et les politiques publiques de transition environnementale. Progressivement, l'occupation du rond-point se déplace et se transforme en culture de jardins potagers. Joan Martínez Alier définit l'écologisme comme l'« idéologie et la pratique des luttes populaires pour la préservation des ressources naturelles dans la sphère de l'économie morale » et considère que les classes aisées n'ont pas le monopole des revendications environnementales. L'article s'interroge alors sur la réinscription des pratiques potagères dans un écologisme populaire. Conduite auprès d'un groupe de Gilets jaunes du Sud-Ouest, l'enquête de terrain analyse l'émergence de ce répertoire d'action collective, les registres de justification de ces pratiques et les transformations du rapport à l'environnement exprimé en termes de valeur. Tenant compte à la fois de la question sociale et de la question environnementale, le groupe refuse de s'identifier à une écologie politique décriée et leur écologisme populaire prend la forme d'une expérience localisée et inscrite dans l'ordinaire.
      On November 17, 2018, the Yellow vests occupied roundabouts against fuel tax and government's green policies. Time after time, the repertoire shifted from demonstrations and occupations toward new forms of collective actions such as vegetable gardens. Joan Martínez Alier defines environmentalism as an ideology and popular struggles for the preservation of natural resources in the sphere of moral economy. The environmentalism of the poor leads us to consider that wealthy classes do not have the monopoly of environmental claims. The article gives a fresh insight on the environmentalism of the poor in France through vegetable garden practices. The case study in a small town of southern France focuses on the emergence of the repertoire of collective action, the justifications for these practices and the transformations in the relationship with the environment expressed in terms of value. Finally, the Yellow vests group brings together environmental question and social question in this situated experience located in ordinary practice, while refusing to identify with political ecology.
    • Les Gilets jaunes dans une pensée de l'écosophie - Christiane Vollaire p. 111-126 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le travail présenté ici, mené par une philosophe sur le mouvement des Gilets jaunes, s'inscrit dans la ligne de l'ouvrage publié en 2017, Pour une philosophie de terrain. Les rencontres et entretiens montrent que ce mouvement constitue une véritable thérapie sociale et un espace de respiration. Et à ce titre, les violences policières dont il fait l'objet accentuent chez beaucoup de sujets la conscience d'une pathogénie du pouvoir. Les pistes ouvertes ici peuvent s'ordonner progressivement autour du concept guattarien d'écosophie. Pour Guattari en effet, comme il le développe en 1989 dans Les trois écologies, il est impossible de dissocier les trois dimensions de l'environnement : naturelle, sociale et mentale. Les Gilets jaunes, même s'ils présentent une origine et une spécificité françaises, sont cependant conscients d'inscrire leur mouvement à l'encontre de la violence transnationale de processus de globalisation qui, en menaçant l'environnement, mutilent l'espace social et politique tout comme l'espace mental et relationnel. Et ils revendiquent, dans leur mouvement populaire, la puissance transformatrice d'une authentique écologie sociale, mentale et environnementale.
      The work presented here, led by a philosopher on the Yellow vests movement, is in line with the work published in 2017, For a Field Philosophy. The meetings and interviews show that this movement constitutes a real social therapy and a space for breathing. And as such, the police violence of which it is the object accentuates in many subjects the awareness of a pathogenesis of power. The avenues opened here can gradually be organized around the Guattarian concept of ecosophy. Indeed, for Guattari (The Three Ecologies, 1989), it is impossible to dissociate the three dimensions of the environment: natural, social and mental. The Yellow vests, even if they have a French origin and specificity, are however aware of their movement against the transnational violence of the process of globalization which, by threatening the environment, mutilates the social and political space as well as the mental and relational space. And they claim, in their popular movement, the transformative power of an authentic social, mental and environmental ecology.
    • L'imaginaire écologique des Gilets jaunes : Entre écologie populaire et écologie relationnelle - Guillaume Faburel, Maële Giard, Mathilde Girault, Ewa Chuecos p. 127-142 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article se propose de situer politiquement les Gilets jaunes selon leurs imaginaires écologiques. À l'inverse des imaginaires prométhéens portés par une partie de la gauche et qui, par la ville verte notamment, promeuvent des solutions techniques et une rationalité aménagiste face à la crise écologique, les actions développées par les Gilets jaunes visent moins à modifier leurs cadres de vie qu'à prendre autrement soin de leur environnement. L'environnement y est ainsi d'abord vécu et familier, et la vision de l'écologie se construit à partir de conditions socio-économiques et de manières d'habiter les espaces périphériques. Cette écologie située et pratique repose sur des valeurs puisant dans les cultures populaires et les solidarités relationnelles : décence, dignité, simplicité et sobriété. Cela se traduit par un réinvestissement des espaces locaux et de leurs temps sociaux, loin du sentiment d'assignation dans lequel les enferment les discours dominants. Les imaginaires et pratiques écologiques des Gilets jaunes contribuent alors à questionner les différentes écologies en tension, singulièrement celle, dominante, des grands espaces métropolitains… loin des ronds-points.
      This article proposes to politically situate the Yellow vests movement according to their ecological imaginaries. Unlike the Promethean imaginaries promoted by part of the political left and which, through the green city in particular, advocate technical solutions and a planning rationality in the face of the ecological crisis, the actions developed by the Yellow vests movement aim less to modify their environment than to take care of it. The environment is thus first experienced and familiar, and the vision of ecology is constructed from socio-economic conditions and ways of inhabiting peripheral spaces. This situated and practical ecology is based on values drawing on popular cultures and relational solidarities: decency, dignity, simplicity and sobriety. This results in a reinvestment of local places and their social times, far from the sense of assignment in which the dominant discourses lock them. The imaginaries and ecological practices of the Yellow vests movement then contribute to questioning the different ecologies in tension, particularly the dominant one of large metropolitan areas… far from roundabouts.
  • Variations

  • Sources et fondements

  • Notes de lecture