Contenu du sommaire : Le droit des étrangers
Revue | Titre VII |
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Numéro | no 6, avril 2021 |
Titre du numéro | Le droit des étrangers |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : Le droit des étrangers
- La constitutionnalisation du droit des étrangers : essai de synthèse - Vincent Tchen p. 1-11 Le bilan de la jurisprudence constitutionnelle en droit des étrangers illustre à sa manière les limites du pouvoir d'interprétation des juges de la rue de Montpensier dans un domaine où l'appareil normatif est pour l'essentiel silencieux. Il révèle par ailleurs une volonté du Conseil constitutionnel de conforter la nature historique d'un droit qui prend à titre principal la forme d'une police administrative et par là même le statut administratif des étrangers. Ce statut n'est pas anodin, car il précarise les droits de valeur constitutionnelle reconnus aux étrangers. Ces droits sont en effet conditionnés au maintien d'une législation et balisés par les nécessités de l'ordre public.
- Conseil constitutionnel et éloignement des étrangers : un tonneau des Danaïdes constitutionnel - Serge Slama p. 12-22 Depuis 1980, le Conseil constitutionnel a forgé, en une quinzaine de décisions DC ou QPC une protection en demi-teinte des étrangers en instance d'éloignement. Appréhendé comme un tonneau des Danaïdes constitutionnel, ce contentieux pose des difficultés au juge constitutionnel pour dégager une protection satisfaisante dans le contexte où il reconnaît une large marge d'appréciation au législateur en matière migratoire. Certes, le Conseil s'est montré exigeant lorsqu'il s'est agi de préserver les compétences respectives des deux ordres de juridiction, ainsi que les garanties formelles s'y rattachant. Toutefois, réforme après réforme, il a eu tendance à valider les affaiblissements successifs et continus des garanties substantielles au nom de l'efficacité des procédures et de la lutte contre l'immigration irrégulière.
- La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au droit d'asile mise en perspective avec celle du Conseil d'État : l'art de l'ouroboros - Alexis Marie, Thibaut Fleury Graff p. 23-32 Bien que le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État soient les organes de sources distinctes du droit d'asile, leurs jurisprudences présentent une grande homogénéité. Marquées par plusieurs phases, celles-ci convergent toujours et inévitablement vers un horizon commun : l'absence de spécificité, voire d'autonomie, du fondement constitutionnel du droit d'asile vis-à-vis du droit international puis du droit de l'Union européenne. Dans un premier temps, ce droit se fond dans le régime de la convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié. Même après que la valeur constitutionnelle du droit d'asile ait été ensuite consacrée, celui-ci peine à s'émanciper de cette dernière si bien qu'en définitive les deux fondements garantissent les mêmes droits aux mêmes personnes. En un troisième mouvement conjoint, les deux Conseils laissent plus tard le droit de l'Union européenne phagocyter le droit d'asile. Le dernier acte viendra bientôt où, comme la convention en son temps, le droit de l'Union européenne assurera la mise en œuvre du droit d'asile constitutionnellement garanti et, sauf changement de cap jurisprudentiel, le contrôle de constitutionnalité en sera de nouveau neutralisé.
- La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux mineurs étrangers à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel - Sabine Corneloup p. 33-40 Dans sa décision n° 2018-768 QPC M. Adama S. du 21 mars 2019 relative au recours à l'examen osseux afin de déterminer l'âge d'un mineur étranger, le Conseil constitutionnel a énoncé, sur le fondement de l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant, un certain nombre de garanties dont il appartient aux autorités compétentes de donner leur plein effet. L'étude des arrêts rendus par la Cour de cassation depuis mars 2019 révèle que celle-ci assure l'application effective de la garantie constitutionnelle et conventionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les principales fragilités du régime paraissent liées à l'office du juge de cassation. Sur le terrain des éléments qui dépendent de l'appréciation souveraine des juges du fond, le tableau fait apparaître des disparités dans les pratiques judiciaires, qui sont susceptibles de placer le mineur dans l'impossibilité pratique d'apporter la preuve de son âge et qui le privent ainsi de l'accès à toute protection en France.
- La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme - Béatrice Pastre-Belda p. 41-49 La protection des droits fondamentaux de l'étranger par la Cour européenne des droits de l'homme se déploie tant de manière indirecte, par le contrôle des mesures d'éloignement du territoire, que de manière directe, par l'examen des conditions de vie et de rétention sur le territoire d'accueil et des conditions de son éloignement. Dans cette perspective, un double mouvement peut être caractérisé : d'une part, une mutation de la protection indirecte, sur le fondement, notamment, du principe de subsidiarité et eu égard à l'approfondissement du contrôle de conventionnalité effectué par le juge interne et, d'autre part, un enrichissement de la protection directe de l'étranger sur le territoire d'accueil par le biais de la technique prétorienne des obligations positives.
- Au-delà de la casuistique ? La part de la Cour de justice dans la construction du droit des migrations de l'Union européenne - Ségolène Barbou des Places p. 50-57 La jurisprudence « migratoire » de la Cour de Justice de l'Union européenne est souvent considérée comme manquant de cohérence. La Cour ne parvient qu'imparfaitement à ordonner un corpus technique et lacunaire. Le constat d'une pure casuistique doit cependant être nuancé, en s'attachant à l'examen de l'office du juge de l'Union. Comme juge du droit des étrangers, la Cour attache une importance particulière aux procédures et garanties procédurales du droit des migrations de l'UE. Mais la Cour de justice est aussi juge de l'intégration européenne. La volonté de préserver les équilibres institutionnels de la construction européenne affecte son travail de pesée des droits des étrangers et de la compétence migratoire des États. Enfin, l'horizon d'une politique d'immigration et d'asile véritablement commune et intégrée guide le juge dans son appréciation.
- La contribution du Défenseur des droits au respect effectif des droits des étrangers - Constance Rivière p. 58-66
- La constitutionnalisation du droit des étrangers : essai de synthèse - Vincent Tchen p. 1-11
Autour du monde
- La Cour suprême des États-Unis et le droit des étrangers - Johann Morri p. 67-76 Tout au long de son histoire, la Cour suprême des États-Unis a fait preuve d'une certaine réserve en matière de droit des étrangers. Sa jurisprudence est marquée par une déférence à l'égard du législateur et de l'exécutif. Sur le plan du droit objectif, la Cour a affirmé la compétence fédérale pour réguler l'immigration, dans le silence de la Constitution. Elle a aussi reconnu une large marge de manœuvre au pouvoir législatif dans le cadre de la doctrine du plenary power , qui limite le contrôle de constitutionnalité des lois en matière d'immigration, et dans une moindre mesure, reconnait un large pouvoir d'appréciation à l'exécutif. S'agissant des droits subjectifs, la cour a reconnu les droits procéduraux des étrangers présents sur le territoire. Sa contribution en matière de droits substantiels est plus limitée, même si elle comporte d'intéressants développements en matière de liberté et d'égalité. La présidence Trump, qui aurait pu être l'occasion d'une évolution de la jurisprudence, n'a pas bouleversé la donne, et peut apparaître comme une occasion manquée. Au total, la jurisprudence de la Cour révèle les limites de l'État de droit en matière de protection des étrangers et une conception large de la souveraineté nationale.
- Migrations, vulnérabilité et dignité dans la jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l'homme - Hélène Tigroudja p. 77-85 Face aux mouvements massifs de population qui ont longtemps marqué et continuent de marquer la réalité du continent américain, la Cour interaméricaine des droits de l'homme, organe judiciaire de surveillance de la Convention américaine des droits de l'homme adoptée en 1969, interprète les droits des personnes migrantes, quel que soit leur statut, à l'aune d'un principe pro persona. Prenant acte de l'extrême vulnérabilité matérielle, sanitaire, économique et juridique dans laquelle elles peuvent se trouver, le Tribunal interaméricain a développé une interprétation ample et exigeante de l'obligation de non-discrimination, de la protection spéciale due par les États à certaines catégories de migrants et en particulier, les enfants et adolescents, ainsi que les droits substantiels et procéduraux déduits de l'article 22 de la CADH. Loin de relativiser cette protection, la Cour interaméricaine a indiqué que le contexte exceptionnel lié à la pandémie de COVID19 conduisant à une fermeture quasi-généralisée des frontières accroit d'autant les obligations des États, dont celle de protéger la vie, la santé et la dignité des personnes privées de liberté pour des motifs migratoires.
- La Cour suprême des États-Unis et le droit des étrangers - Johann Morri p. 67-76
Chroniques
- Chronique de droits fondamentaux et libertés publiques (juillet 2020 à décembre 2020) - Jean-Philippe Derosier, Emmanuel Cartier p. 86-95
- Chronique de droit pénal et de procédure pénale (juillet 2020 à décembre 2020) - Évelyne Bonis, Virginie Peltier p. 96-109
- Chronique de droit privé (juillet 2020 à décembre 2020) - Thomas Piazzon p. 110-124
- Chronique de droit public (juillet 2020 à décembre 2020) - Pierre-Yves Gahdoun p. 125-131
- Chronique de droit économique et fiscal (juillet 2020 à décembre 2020) - Stéphane Austry p. 132-137
- Chronique Conseil constitutionnel et jurisprudence de la CEDH (juillet 2020 à décembre 2020) - Hélène Surrel p. 138-144
- Chronique de droit constitutionnel comparé (juillet 2020 à décembre 2020) - Eleonora Bottini, Antoine Corre-Basset p. 145-159