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Revue | Politiques de communication |
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Numéro | no 15, automne 2021 |
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- Présentation du dossier : Argent et politique : peut-on publiciser la relation ? - Stéphane Cadiou, Clément Desrumaux p. 5-19
- Usages de l'indemnité parlementaire : De sa dénonciation à sa réhabilitation sous le Second Empire - Nicolas Tardits p. 21-48 Si l'encadrement de la rémunération des élus semble essentiel pour laver la démocratie de ses imperfections et abus, qu'en est-il des régimes autoritaires pouvant employer ce mot d'ordre politique pour contrôler et assurer une stabilité de l'ordre établi ? Le contre-exemple qu'est le Second Empire français (1852-1870) interroge cette quotidienneté des débats contemporains pouvant faire illusion sur le caractère inédit d'un problème devenu public. De l'usage d'un discours – invoquant « l'éthique » comme la « bonne » ligne de conduite d'un député – à sa réalisation et objectivation constitutionnelle par la suppression éphémère, onze mois, du traitement des parlementaires (article 37 de la Constitution du 14 janvier 1852), ces outils de délégitimation des élus permettent un renouvellement du personnel politique impérial. L'étude des discours parlementaires et écrits d'agents sociaux contemporains sur la moralisation de la vie politique, des recommandations préfectorales ou des comptes rendus des réunions informelles, permet d'étudier un moment clé de l'agencement normatif de la rémunération des élus et conséquences dans le jeu politique. Autrement dit, nous réaliserons un détour historique pour analyser la genèse d'un mot d'ordre antiparlementaire, la moralisation de la vie politique, vecteur de dispositifs institutionnels destinés à contrôler la rémunération des élus et, avec lui, l'ordre politique impérial.Supervising the remuneration of elected representatives seems essential to cleanse democracy of its imperfections and abuses. But what about authoritarian regimes that can use this political watchword to control the stability of the established order? The counterexample of the Second French Empire (1852-1870) questions this daily debate and contradicts the novelty of this public problem. The use of a discourse making “ethical conduct” the “right” course of action for a deputy, and its implementation through the short-lived abolition, lasting eleven months, of payment for parliamentarians (Article 37 of the Constitution of January 14, 1852), were tools of delegitimization of elected representatives that made it possible to renew Parliament. The study of parliamentary speeches and the writings of contemporary social agents on the moralization of political life, prefectural recommendations, and the minutes of informal meetings allows us to examine an important moment in the remuneration of elected representatives and its political consequences. This historical case makes it possible to understand the genesis of an antiparliamentary watchword, the moralization of political life, and the mechanisms for controlling the remuneration of elected representatives and, with it, the imperial political order.
- Comment confiner un débat ? : Le ministère de l'Intérieur face au problème de la rémunération des conseillers généraux en 1980 - Sébastien Segas p. 49-79 En croisant les analyses qui étudient la circulation des problèmes publics et les recherches qui s'intéressent aux processus d'agenda denial et au contrôle de la contestation, cet article met en lumière les tactiques de confinement mises en place par le ministère de l'Intérieur en 1980 pour entraver ou contrôler la formulation et la circulation du problème de la rémunération des élus départementaux. Il contribue ainsi à l'enrichissement des recherches qui étudient les articulations et les tensions entre espaces publics de débat et espaces discrets de négociation dans la dynamique des luttes définitionnelles autour des problèmes publics.Built upon the concepts of “arenas”, “agenda denial” and “soft repression”, this article highlights the containment tactics implemented by the French Ministry of the Interior in 1980 to prevent and /or to control the formulation and circulation of a specific public problem: the remuneration of local elected representatives. This paper studies the way in which the links and tensions between public and discrete arenas affected the competition for the definition of this problem.
- Des résistances à la transparence ? : Débattre et légiférer sur les fonds privés des députés en France et en Allemagne - Martin Baloge p. 81-108 Au début des années 2010, la France et l'Allemagne sont confrontées à deux scandales politiques concernant les activités financières privées d'élus de premier plan : Jérôme Cahuzac, alors ministre délégué au Budget et Peer Steinbrück, candidat SPD à la chancellerie. Dans les deux cas, ces affaires vont faire évoluer la législation en matière de transparence politique. Cet article cherche à mieux comprendre, grâce à la comparaison, les conditions de mise en discussion des usages (illégaux dans un cas et légaux dans l'autre) de l'argent par les élus, au sein du Bundestag et de l'Assemblée nationale. Nous nous concentrons sur la question des rapports à l'argent par les élites politiques dans les deux pays, aux conditions de mise à l'agenda de ce thème, et aux modalités du débat public en nous concentrant sur les oppositions aux dispositifs votés dans les deux assemblées. L'étude montre qu'en dépit d'un problème public similaire, les débats ne se déroulent pas de la même manière, du fait de majorités politiques différentes. De plus, les tenants d'une transparence limitée se trouvent au sein des partis comptant le plus d'élus poursuivant une activité parallèle à leur mandat, c'est-à-dire à droite (CDU/CSU, FDP, Les Républicains), qui mobilisent différents registres argumentatifs pour limiter la portée des textes votés.In the early 2010s, France and Germany faced two political scandals concerning the private financial activities of leading elected officials: Jérôme Cahuzac, then junior minister for the budget; and Peer Steinbrück, SPD candidate for the chancellery. In both situations, these cases would go on to change the legislation on political transparency. This article seeks to better understand, through a comparison, the conditions under which the uses (illegal in one case and legal in the other) of money by elected officials in the Bundestag and the National Assembly are discussed. We focus on the relationship to money of the political elites in the two countries, the conditions for putting this issue on the agenda, and the modalities of public debate by concentrating on the opposition to the policies voted on in the two assemblies. The study shows that despite a similar public problem, the debates did not unfold in the same way, due to different political majorities. Moreover, those in favor of limited transparency could be found within the parties with the most elected officials who pursued an activity parallel to their mandate, i.e., those on the right (CDU/ CSU, FDP, Les Républicains), who mobilized different argumentative registers to limit the scope of the texts voted on.
- Devenir lanceur d'alerte ? : Les dynamiques politiques locales de dénonciation des usages de l'argent public - Stéphane Cadiou, Clément Desrumaux p. 109-138 Cet article se propose de comprendre les conditions de possibilité des pratiques de lutte contre la corruption au sein d'espaces politiques locaux. Les rares dénonciations de pratiques politiques et financières vouées à demeurer discrètes supposent de s'extraire de l'arène politique mais le déplacement de la compétition politique sur le terrain judiciaire et médiatique recèle des coûts politiques. S'ils peuvent figurer comme des « chevaliers blancs » de la vie locale, les dénonciateurs s'exposent au risque de se laisser enfermer dans un registre moral. Ils doivent, de surcroît, articuler des scènes, sans doute complémentaires mais aussi disjointes. L'article revient au final sur les dénonciations des affaires locales de corruption et sur leurs coûts en termes de carrière politique.This article scrutinizes the conditions of possibility of anti-corruption practices in local political spaces. Most of the time, political and financial practices are destined to remain behind the scenes, thus denunciations are rare and require leaving the political arena. However, the displacement of political competition to the judicial and media fields comes with political costs. Seen as “white knights” in local areas, whistleblowers run the risk of being trapped in the moral register. They must, moreover, connect scenes that are no doubt complementary, yet also separated. This article analyzes the possibility of denouncing local corruption and its costs in terms of one's political career.
- Faire rendre des comptes : Les conditions de l'investigation journalistique à l'échelle locale - Nicolas Kaciaf p. 139-166 La presse locale est-elle en capacité de surveiller les élus et rendre compte de leurs éventuels écarts ? À partir d'une monographie consacrée au site Médiacités, journal en ligne d'enquêtes consacrées à quatre métropoles françaises, cet article vise à saisir l'ensemble des conditions qui rendent possibles la publication d'informations potentiellement « dérangeantes » pour les acteurs occupant des positions de pouvoir à l'échelle locale. L'observation de l'édition lilloise de ce pure player permet de comprendre, en creux, pourquoi les médias régionaux dominants s'avèrent si peu incisifs et curieux vis-à-vis des élites politiques locales et de leur rapport à l'argent. Nous identifions l'imbrication de quatre difficultés que les spécificités des échelles territoriales infranationales tendent à exacerber : garantir la viabilité économique du média ; accéder à des informateurs et /ou à des documents divulguant des faits susceptibles de nourrir la réprobation ; bénéficier de rédacteurs disposés à l'enquête et capables de résister aux réactions des personnalités mises en cause ; bénéficier de relais dans l'espace public local pour que les informations puissent enclencher des controverses visibles et durables.Is the local press capable of monitoring elected officials and reporting on their deviations? Drawing on the case of Médiacités, an online investigative journal devoted to four French cities, this article aims to grasp the conditions that make it possible to publish information that is potentially “disturbing” for local political elites. Observing the Lille edition of this pure player allows us to understand why the dominant regional media are rarely incisive or curious about local political elites and their relationship to money. We identify the interweaving of four difficulties that tend to be exacerbated by the specificities of the subnational territorial scale: guaranteeing the economic viability of the media; accessing informants and/or documents disclosing potentially disturbing facts; benefiting from editors willing to investigate and capable of overcoming the costs of the reactions of the personalities involved; benefiting from contacts in the local public space so that the information can trigger visible and lasting controversies.
- Tel propriétaire, tel dirigeant de presse ? : Une exploration statistique des liens entre actionnaires et dirigeants de médias d'information - Julie Sedel p. 169-195 Alors qu'elle est au centre du débat sur l'indépendance des médias, la question des relations entre l'actionnariat et les politiques éditoriales est longtemps restée une boîte noire en sociologie. Cet article propose des pistes pour analyser ces relations. Après avoir présenté les obstacles méthodologiques et épistémologiques rencontrés par le chercheur, l'article propose d'examiner le lien statistique entre des types de régimes de propriétés et des profils de dirigeants (en termes de métier d'origine, de formation notamment). Il étudie ensuite, à travers une analyse des correspondances multiples, l'impact des différents régimes de propriété sur la structuration du groupe des dirigeants. Soulignant le poids de la modalité « Sociétés civile » (médias détenus par des journalistes, des organisations religieuses, militantes, associatives, syndicales) dans la construction de l'ACM, il s'efforce de décrire les profils de ces dirigeants par rapport à ceux d'autres médias. L'article conclut sur l'existence d'une certaine inertie des structures.Even though it is crucial in the debate on the independence of the media, the question of the relations between shareholders and editorial policies has for too long been ignored in sociology. This article suggests a few avenues of research into these relations. First, it discusses the methodological and epistemological challenges of such an endeavor. Then, it analyzes the statistical link between different forms of ownership and the profiles of executives (in terms of initial occupation, training, for instance). Multiple correspondence analysis (MCA) is subsequently used to ascertain the impact of forms of ownership on the structure of the executive team. The weight of the “civil society” modality (referring to media owned by journalists, religious organizations, activists, NGOs, unions) of the MCA is emphasized, and the specificities of the executives of such outlets are described. In conclusion, a degree of inertia is found in media outlets.