Contenu du sommaire : Travail des corps, travail de la beauté. Approches sociologiques
Revue | Recherches Sociologiques et Anthropologiques |
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Numéro | vol. 51, no 2, 2020 |
Titre du numéro | Travail des corps, travail de la beauté. Approches sociologiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- Présentation - Pascal Barbier, Ya-Han Chuang, Fanny Gallot p. 1-9
- Le travail corporel dans le contexte des élections de Miss - Camille Couvry p. 11-35 L'article s'attache à analyser les déplacements, dans l'expérience de femmes ayant participé à des élections de Miss, d'un travail du corps réalisé dans le cadre des concours à l'échelon local vers des formes de travail esthétique. À quelles conditions le travail du corps effectué dans le contexte des élections peut-il favoriser l'accès des femmes à un travail esthétique rémunéré ? Comment le cadre associatif des élections de Miss et les interactions autour du travail du corps favorisent-ils ces dynamiques ? Après avoir illustré les réappropriations, par les femmes, de l'expérience des concours dans la vie professionnelle à l'aide d'exemples concrets, l'article rend compte de la socialisation au travail du corps à l'œuvre dans les concours et de ce que produit la configuration des concours en termes d'accès potentiel à des emplois qui impliquent un travail esthétique. L'accès à une forme rémunérée de travail esthétique est néanmoins contingent à des effets de classe, de genre et d'âge. De plus, si le travail corporel au sein des concours constitue un moyen de renforcer le capital corporel, celui-ci n'est pas efficace dans tous les espaces du travail esthétique. Par ailleurs, le capital corporel n'opère pas seul et son efficacité dans les trajectoires individuelles dépend d'autres capitaux, en particulier social et culturel.The article attempts to analyse the displacements, in the experience of women having taken part in Miss contests, from body work carried out within the context of local level contests towards forms of aesthetic labour. Under what conditions can body work carried out in the context of contests support the access of women to remunerat-ed aesthetic labour? How does the associative context of Miss contests and their in-teractions involving body work support these dynamics? After having illustrated the women's reappropriations of their experiences in contests into professional life, using concrete examples, the article provides an account of the socialisation of the body at work in the contests and of what the configuration of contests produces in terms of potential access to employment involving aesthetic labour. Access to a remunerated form of aesthetic labour is nevertheless contingent on the effects of class, gender and age. Moreover, if body work done within the contests represents a means of reinforc-ing body capital, it is not effective in every space of aesthetic labour. In addition, that body capital does not operate alone and its effectiveness in individual trajectories depends on other capital, in particular social and cultural.
- S'embellir en apprenant à se mettre au service de l'embellissement des autres - Fanny Renard p. 37-60 À partir d'une enquête menée dans des classes de CAP coiffure dans un centre de formation pour apprentis et un lycée professionnel, nous examinons dans cet article le travail du corps et la transformation de l'apparence au cours de la formation à un métier visant l'embellissement des autres, qui attire et recrute majoritairement des jeunes femmes d'origines populaires. Nous analysons d'abord les contenus de cette socialisation corporelle et les modalités par lesquelles elle s'exerce en établissement scolaire et dans les entreprises. Nous mettons en évidence ensuite que les sociabilités juvéniles offrent une caisse de résonance à cette socialisation corporelle. Nous évoquons enfin les appropriations par les jeunes des normes esthétiques auxquelles elles sont confrontées et rendons compte des conditions d'efficacité de ce programme socialisateur.Based on a survey carried out in CAP hairstyling classes in both a training centre for apprentices and a vocational school, in this article we examine body work and transformations in appearance during training in a trade aimed at beautifying others, which mainly attracts and recruits young women of working-class origin. We first analyse the contents of this body socialisation and methods for exercising it in schools and enterprises. We then show that youth sociabilities provide a sounding board for body socialisation. Finally we look at how these young people appropriate the aesthetic standards they are confronted with and provide an account of the conditions of effectiveness of this socializing programme.
- Performer pour durer - Tanguy Dufournet p. 61-86 Faisant le choix d'adopter une approche critique et de partir des discours des acteurs, producteurs et réalisateurs de films pornographiques gay, cet article vise à montrer que les injonctions du travail pornographique et les logiques de professionnalisation produisent des normes de beauté qui s'intègrent sous la forme de compétences corporelles. Ce rapport au travail spécifique tend à produire le “beau pornographique” qui, parfois, tire profit du potentiel de la marge pour produire des contre-discours érotiques et, d'autres fois, réaffirme des normes esthétiques dominantes. L'adoption d'une grille de lecture intersectionnelle permet de donner à voir les processus paradoxaux et les logiques sous-jacentes à ce travail de “la beauté” et des corps à travers, en particulier, le rapport à la santé, à l'alimentation, aux rythmes de vie et au sport ainsi qu'aux rythmiques et cadences pornographiques.Choosing to adopt an approach that is both critical and based on the discourses of actors, producers and directors of gay pornographic films, this article seeks to show that the injunctions of pornographic work and the logics of professionalisation produce standards of beauty that mix together in the form of corporeal competencies. This relationship to a specific work tends to produce “the pornographically handsome”, which sometimes profits from potentials on the margins to produce erotic counter-discourses and, at other times, reaffirms prevailing aesthetic standards. Adopting an intersectional interpretation grid allows us to illustrate the paradoxical processes and logics subjacent to this work on “beauty” and bodies, particularly through its relationship to health, food, life rhythms and sports, as well as to pornographic rhythms and rates.
- La fabrique de la beauté ethnique - Daphné Bédinadé p. 87-107 L'industrie cosmétique brésilienne s'est construite autour de normes de beauté qui faisaient la promotion de représentations eurocentrées de la féminité. Si celle-ci s'est attachée depuis la fin des années 1970 à élargir son offre de produits cosmétiques aux femmes noires, cette dernière est longtemps restée limitée. L'émergence d'un “mouvement naturel” impulsé par des femmes noires, consommatrices et blogueuses, par le biais des réseaux sociaux, visant la valorisation du cheveu afro, bouclé et crépu, a conduit l'industrie à reconsidérer son approche du segment dit “ethnique” de la beauté ainsi que les normes qu'elle promeut. Peut-on parler d'une révision effective des représentations et des styles de féminité par l'industrie ? Que signifie la visibilité accrue des femmes, et plus largement, des populations noires ? S'intéresser à la manière dont l'industrie cosmétique généraliste fabrique la beauté ethnique implique de prendre en considération les productions matérielles et discursives de celle-ci et la façon dont elles s'insèrent dans des structures de domination qui croisent des questions de race, de genre et de classe.The Brazilian cosmetics industry was built around standards of beauty fostering the promotion of Euro-centred representations of femininity. If, since the late 1970s, it has focused its attention on broadening its offer of cosmetic products to black women, it has long remained limited. The emergence of a “natural movement” driven by black women, consumers and bloggers, via social media, aimed at the valorisation of afro hair, curly and frizzy, has led the industry to reconsider its approach to a segment of beauty known as “ethnic” as well as the norms it promotes. Can we talk about an effective revision of the representations and styles of femininity by the industry? What does the increased visibility of women, and more broadly, of black populations signify? Being interested in how the general cosmetics industry manufactures ethnic beauty involves taking its material and discursive productions, and how they are integrated into the structures of domination criss-crossing questions of race, gender and class, into account.
- Les esthéticiennes, “petites mains” de l'industrie cosmétique ? - Françoise de Barros p. 109-137 L'article traite d'une profession des classes populaires fortement féminisée, les esthéticiennes, en la replaçant dans le secteur économique auquel elle appartient : l'esthétique-cosmétique. Or celui-ci est dominé par l'industrie cosmétique qui produit les différentes substances utilisées dans les soins esthétiques à la fois par les professionnelles (les esthéticiennes) et les consommatrices. Une première partie dessine à grands traits les contours de ces relations entre profession d'esthéticienne et industrie cosmétique : l'histoire de cette relation initiée dans l'invention, au début du 20ème siècle, de la profession d'esthéticienne, la structuration économique et représentative du secteur autour des canaux de distribution de la production cosmétique dont les esthéticiennes et leurs lieux de travail font partie. Les deux parties suivantes sont consacrées à la façon dont ces liens s'incarnent dans le travail des esthéticiennes en s'attachant à la place prise par les produits cosmétiques. D'un côté, le travail de vente, et les relations commerciales avec les marques productrices des produits utilisés dans le cadre des prestations, placent les esthéticiennes dans un rapport de dépendance à l'égard de ces marques, et entrainent un sentiment de déqualification. Mais d'un autre côté, les esthéticiennes se dégagent de l'emprise de l'industrie cométique en développant leur propre expertise cosmétologique.The article deals with a highly feminized, working class profession, beauticians, in placing it in the economic sector it belongs to: aesthetics-cosmetics. It is however dominated by a cosmetics industry which produces the various substances used in beauty care by both the professionals (beauticians) and consumers. Our first part rapidly sketches the contours of the relations existing between the profession of beautician and the cosmetics industry: the history of this relationship began with the invention, in the early 20th century, of the profession of beautician, as well as the economic and representative structuring of the sector around the distribution channels for cosmetics production the beauticians and their work places formed part of. The next two parts are devoted to how these bonds are incarnated in the beauticians' work, all in focusing on the place taken by the cosmetic products. On the one hand, the work of sales, and the commercial relations with the brands producing the products used as a part of services, place the beauticians in a relationship of dependence with regard to those brands, and lead to a feeling of disqualification. But the other hand, beauticians may free themselves from the cosmetics industry's grasp in developing their own cosmetological expertise.
- Ethnographic Account - Valeria Lotti p. 139-162 The economic reforms that triggered China's extremely fast development since the 1980s have also involved the beauty sector: the so-called beauty economy has flourished along with all the commercial activities related to the beauty industry, from pageants to fitness, to cosmetic treatments. This article focuses on beauty salons and the beauticians who work there, considering some particular treatments performed in that environment. It is common to find beauty parlors that have an agreement with “specialists” who perform “advanced treatments” in a separate room. The treatments range from wrinkle removal to filler injection, up to double eyelid creation – procedures that are typical of cosmetic surgery clinics, but those in the beauty salon are performed with non-surgical methods. The treatments are performed in a warm and cozy environment, as opposed to the cold and intimidating clinics where surgeries take place. The beauticians who perform them are usually friendly and far from the impassive image of doctors. This suggests a negotiation of the boundary between medical and non-medical settings that is carried out by the beauty workers, and creates a “gray zone” that needs to be explored. What role do the beauty salons and the beauty workers play in this negotiation? I attempt to answer this question by analysing the data collected during my research stay in Hangzhou and Shanghai in autumn 2018. This insight has been further enhanced by some of the findings of my previous stay in the same area, when I was carrying out broader research on cosmetic surgery trends.
Varia
- Analyser le phénomène controversé de “radicalisation” dans les sciences sociales - Éric Marlière p. 163-181 L'objectif de cet article consiste à interroger les concepts utilisés par les chercheurs en sciences sociales afin d'appréhender les processus de radicalisations qualifiées d'islamiques. Si certaines disciplines universitaires comme la géopolitique ou la psychologie proposent des explications globales au sujet de la radicalisation, les sociologues se montrent plus réservés ou, en tout cas, plus nuancés sur les analyses à apporter au phénomène. La notion de radicalisation fait d'ailleurs débat au sein de la discipline. En effet, les différentes approches restent trop cloisonnées en sociologie pour faire émerger une analyse consensuelle sur le jihadisme. Il s'agit donc ici de proposer un inventaire de quelques concepts mobilisés en sciences sociales sur les révoltes urbaines afin de prendre du recul sur les lectures surplombantes du phénomène. Ainsi les notions exposées ici peuvent non seulement éclairer certains aspects de cet objet complexe en analysant au plus près les parcours de jihadistes, mais aussi faire preuve de complémentarité afin d'enrichir la connaissance d'un phénomène controversé.This article's objective consists in questioning the concepts used by researchers in the social sciences so as to understand radicalisation processes described as Islamic. If certain university disciplines like geopolitics or psychology propose global explanations on the subject of radicalisation, sociologists appear to be more reserved or, in any case, more moderate as to the analyses to bring to the phenomenon. For that matter, the very concept of radicalisation is provoking debate within the discipline. Indeed, the various approaches in sociology remain too compartmentalised to permit a consensual analysis of jihadism to emerge. Hence the task here is one of proposing an inventory of some of the concepts mobilized in the social sciences on urban revolts in order to take a step back from the overarching interpretations of the phenomenon. Thus the concepts exposed here may not only clarify certain aspects of this complex object in analysing the paths of jihadists more closely, but also demonstrate complementarity with a view to enriching our knowledge of a controversial phenomenon.
- Analyser le phénomène controversé de “radicalisation” dans les sciences sociales - Éric Marlière p. 163-181
À propos de livres
- Jean-Louis Genard, Marta Roca i Escoda, Éthique de la recherche en sociologie - Jean-Michel Chaumont p. 183-188