Contenu du sommaire : “Due Influence”: Anita Brookner's Legacy
Revue | Etudes anglaises |
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Numéro | vol. 74, no 2, avril-juin 2021 |
Titre du numéro | “Due Influence”: Anita Brookner's Legacy |
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Articles
- Preface: Constructing the Past, Re-viewing the Present - Deborah C. Bowen p. 131-134
- “Due Influence”: Anita Brookner's Legacy. An Introduction - Laurence Petit p. 135-139
- Intertextuality as Subversive Moral Metacomment in the Novels of Anita Brookner - Eileen Williams-Wanquet p. 140-154 Il est possible de se fonder sur des éléments autobiographiques pour explorer les phénomènes d'intertextualité si fréquents dans les vingt-quatre brefs romans d'Anita Brookner. Ces références intertextuelles ont souvent été ignorées, ou bien considérées comme signe de snobisme intellectuel. Même si la critique est assez unanime à reconnaître l'élégance classique du style de Brookner, concis et contrôlé, ainsi que son intuition psychologique et son ironie, ses œuvres ont trop souvent été lues comme des versions allégées et assez ennuyeuses de romances de type Harlequin, anti-féministes et résolument pré-modernistes. Cet article montre que la fiction très cohérente de Brookner pose continuellement la même question éthique : « Comment aurais-je dû vivre ma vie ? ». Brookner utilise de nombreuses références intertextuelles (à la fois à la littérature et à l'art) pour offrir une réflexion philosophique sur la constitution du sujet, les capacités de l'être humain, et le dilemme éthique fondamental et éternel qu'est la division entre soi et autrui — grande question éthique que Zygmunt Bauman définit comme « mise en synchronie des conduites individuelles et du bien-être collectif » (4). En éclairant et en interrogeant la tradition européenne du dualisme cartésien, tel qu'il se manifeste dans l'humanisme libéral, ces romans proposent une réflexion résolument post-moderne sur le rationalisme chrétien de la modernité, qui sous-tend toute une culture et trouve son expression dans sa littérature.The autobiographical element in Anita Brookner's twenty-four short novels can be taken as a starting point to explore the role played by the pervasive intertextuality. This has often been ignored or taken to be simply a form of intellectual snobbery. Although critics tend to be unanimous in praising her classically elegant, concise and controlled style, psychological insight and wit, Brookner has too often been read as a soft option and her novels as rather boring anti-feminist and resolutely pre-modern Harlequin romance for bluestockings. This article shows how, by constantly addressing the ethical question “How should my life have been lived?” Brookner's monolithic fiction uses the numerous intertextual references to literature and to art in order to offer a philosophical reflection on subject-formation, on the power of the human subject, and on the age-old fundamental ethical dilemma of the split between self and other, which is ethics' great issue, defined by Zygmunt Bauman as the “synchronization of individual conduct and collective welfare” (4). By bringing to light and challenging the western tradition of Cartesian dualism in its liberal-humanist version, these novels offer a resolutely postmodern reflection upon Modernity's Christian Rationalism, that underpins an entire culture and is embodied in its literature.
- Anita Brookner and the Servants: Power Struggles and British Jewish Domestic Spaces in her Early Fiction - Margaret D. Stetz p. 155-169 Quoique le service domestique ait disparu en tant qu'institution après la Seconde Guerre mondiale, il n'en reste pas moins un élément majeur dans les romans qu'Anita Brookner publia au début des années 1980, tout comme dans l'œuvre d'avant-guerre de Virginia Woolf. Cependant, le rôle joué par le personnel de maison, notamment féminin, chez Brookner n'est pas une survivance uniforme du passé, ni le signe d'une forme de nostalgie envers les hiérarchies sociales de l'époque de Woolf, mais plutôt un rôle ambigu, instable et déconcertant. Maîtres et serviteurs sont liés par des relations d'hostilité et de dévouement, mais aussi d'amour, de dépendance et de tensions inter-générationnelles qui reflètent les dynamiques familiales compliquées dans lesquelles évoluent les protagonistes de Brookner. Compliquant encore les relations entre ces serviteurs et leurs maîtresses, dans la fiction, se trouve l'identité juive de ces dernières. Brookner déploie tout un réseau métaphorique autour de l'occupation et du confinement d'une part, et du déplacement d'autre part, qui permet de lire, derrière les conflits de pouvoir entre maîtres et serviteurs pour le contrôle de l'espace domestique, de nombreuses allusions à la situation historique des Juifs européens au XXe siècle.Although domestic service as a British social institution largely disappeared after 1945, it remains an important reality in Anita Brookner's fiction of the early 1980s, just as it was in Virginia Woolf's pre-World War II novels. The role, however, that servants—women servants, in particular—play in Brookner's works is not an anachronistically stable one, nor does it evince nostalgia for the social hierarchies of Woolf's day. It is instead amorphous, shifting, and discomfiting. There is hostility and devotion on both sides, along with intergenerational love, dependence, and tensions that echo the difficult familial dynamics experienced by Brookner's protagonists. Raising the stakes in these complicated relations between fictional servants and women employers are the Jewish backgrounds of the latter. The battles for power and control of domestic space are rich with allusions to the historical situation of European Jews in the twentieth century, as Brookner deploys tropes of occupation and confinement on the one hand and of displacement on the other.
- Anita Brookner: Necromantic - Clara Tuite p. 170-186 Anita Brookner est venue à la fiction tardivement, publiant son premier roman à l'âge de cinquante-trois ans, après une brillante carrière d'historienne de l'art français. Ce simple fait soulève bien des questions concernant son œuvre. Comment expliquer le rapport entre l'histoire de l'art et les romans, la non-fiction et la fiction, l'art français et la littérature anglaise ? Cet article envisage ces questions en se penchant sur le rôle majeur de l'intertextualité dans les romans de Brookner. Il montre non seulement la cohérence des rapports intertextuels dans les deux formes, critique et romanesque, de son écriture, mais révèle aussi un mode de fonctionnement particulièrement prégnant, dans ces deux formes : il s'agit de la logique particulière qui guide la carrière de l'homme de lettres du XIXe siècle, une carrière que Brookner avait analysée en tant qu'universitaire, et qu'elle a elle-même fini par embrasser, comme si elle y avait été destinée. L'article se concentre sur les premiers romans, correspondant au moment de la transition entre ces deux carrières de l'auteur, et analyse les rapports de ressemblance et d'engendrement entre sa fiction et sa production critique, tant dans le domaine de l'art que de la littérature, pour montrer à quel point pratique critique et production créative sont intimement imbriquées.Anita Brookner came to fiction late, publishing her first novel at the age of fifty-three after a distinguished career as an historian of French art. This commonplace fact raises enduring questions about her œuvre. How do we explain the relationship between “the art history” and “the novels,” the non-fiction and the fiction, the French and the English? This essay engages these questions through a study of Brookner's powerful intertextuality. It highlights not just the coincidence of intertextual relations, but takes this a step further to consider a highly motivated relationship at work between the two forms of writing. This relationship suggests a particular logic: the career of the nineteenth-century man of letters, a career Brookner had laid out as a scholar, then herself took up as a prophetic latecomer. Focusing on her early novels—the œuvre at the moment of transition—the essay examines the reflexive and generative relations between Brookner's fiction and her art-historical and literary-critical work, to illuminate the profoundly imbricated nature of her critical and creative practice.
- The Gloved Fist: Confirmations, Subversions, and Leave-Taking in Anita Brookner's "Strangers" - Manini Nayar p. 187-202 Les critiques font preuve d'un certain nombre d'hésitations et de divergences au sujet d'Anita Brookner, la comparant à des auteurs aussi différents que Proust et Barbara Cartland. Certaines réflexions genrées, notamment de la part de critiques masculins, ont relégué son œuvre au rang de « romans féminins », qui offriraient un panorama étriqué et déprimant, fait de gémissements bien orchestrés sur les « douleurs menstruelles » et les « attaques chroniques de migraine ». À ce mépris disproportionné s'opposent les approches féministes indépendantes qui rangent Brookner parmi les auteurs femmes interrogeant le canon par l'intermédiaire de personnages focalisateurs — ou, selon les termes employés par Adrienne Rich, « en étant elles-mêmes et en parlant d'elles-mêmes ». Se positionnant d'emblée au-delà du rejet facile de ses œuvres comme « romans féminins » médiocres, cet article replace Brookner dans le contexte vibrant d'une écriture féministe réflexive, position qu'elle démontre dans son dernier roman, Strangers, en reprenant et en subvertissant certains paradigmes romanesques pour présenter un adieu à la fois ludique et résilient.In comparing Anita Brookner to writers as dissimilar as Proust and Barbara Cartland, critics reveal a level of uncertainty and dissonance in their approaches to her œuvre. Not surprisingly, gendered reactions, primarily from male critics, have relegated her work to “women's novels,” a bleak and limited landscape of organized complaint about “menstrual cramps” and “recurring migraines.” Their intemperate dismissals contrast with feminist approaches situating Brookner within the range of autonomous women writers who interrogate the canon by prioritizing the focalized subject; or, in the words of Adrienne Rich, “by being and saying themselves.” This article posits that easy dismissals of her novels as effete “women's work” are past consideration; instead it locates Brookner within the dynamic scope of reflexive feminist writing, a position she affirms in her final novel Strangers, by reiterating or subverting paradigmatic textual devices toward a ludic and resilient leave-taking.
- Framing Terror: Illness and Art in Anita Brookner's "Look at Me" - Laurence Petit p. 203-219 Le roman Look at Me d'Anita Brookner, publié en 1983, raconte l'histoire de Frances Hinton, bibliothécaire documentaliste dans un institut médical. La tâche de Frances consiste à archiver des reproductions d'œuvres d'art dépeignant les pathologies à travers les âges, véritable « encyclopédie de la maladie et de la mort », pour reprendre sa propre formulation. À mesure que se développe l'intrigue, centrée sur les interactions de Frances avec les autres personnages de la bibliothèque, le roman lui-même devient une véritable encyclopédie de la maladie et de la mort dans laquelle les images picturales fonctionnent comme des métaphores de la désintégration physique et mentale de Frances. Après être passée très près de la mort, Frances réussit à créer les conditions d'une retraite thérapeutique qui va lui permettre de se lancer dans son grand projet, l'écriture d'un roman autobiographique basé sur l'institut, en d'autres termes, l'écriture du roman même que nous venons de lire. En s'inspirant des travaux de philosophes et de critiques littéraires tels que Kristeva, Derrida, Hirsch, Woolf, Caws et Restuccia, ainsi que de spécialistes de Brookner telles que Bowen, Williams-Wanquet et Stetz, cet essai explore la manière dont la peinture et l'écriture, qui permettent à Frances de contrôler sa vie et celle des autres, peuvent être vues comme des cadres métaphoriques contre la terreur, selon une perspective ontologique aussi bien qu'historique.`np pagenum="204"/bAnita Brookner's 1983 novel, Look at Me, recounts the story of Frances Hinton, the reference librarian of a medical institute. Frances's task consists in archiving reproductions of works of art depicting maladies through the ages—a veritable “encyclopaedia of illness and death,” as she puts it. As the plot unfolds, centring upon Frances's interaction with the other characters in the library, the novel itself develops into a veritable narrative of illness and death in which the pictorial material acts as a metaphor for Frances's gradual mental and physical disintegration. Following a near-death experience, Frances manages to create the conditions for a therapeutic writing retreat in which she can embark on her lifetime project—writing an autobiographical novel centred on the medical institute, in other words writing the very novel that we have been reading throughout. Drawing from philosophers and literary critics such as Kristeva, Derrida, Hirsch, Woolf, Caws, and Restuccia, as well as from Brookner scholars such as Bowen, Williams-Wanquet, and Stetz, this essay explores the way in which the pictorial and writing frames that Frances sets up in order to try to control her life and that of others can be seen as metaphorical frames against terror, from an ontological as well as a historicized perspective.
Regards croisés
- Anita Brookner and Julian Barnes: Paths Crossing - Vanessa Guignery p. 220-229 En 1984, Anita Brookner et Julian Barnes apparurent tous deux sur la liste du Booker Prize, respectivement pour Hotel du Lac et Flaubert's Parrot. Bien que ces deux romans et l'œuvre fictionnelle des deux auteurs dans leur ensemble présentent de grandes différences, ce qui explique qu'ils n'aient pas encore donné lieu à des travaux critiques comparatifs, les chemins de Brookner et Barnes se sont croisés à plusieurs reprises, en partie en raison d'intérêts communs pour les arts visuels mais aussi pour la culture et la littérature françaises. Une brève présentation de ces points de convergence est suivie des réponses de Julian Barnes à trois questions relatives à Anita Brookner.In 1984, Anita Brookner and Julian Barnes appeared on the shortlist for the Booker Prize, respectively for Hotel du Lac and Flaubert's Parrot. Although these two novels and the two writers' fictional works as a whole greatly differ and therefore have not been the subject of comparative studies, Brookner's and Barnes's paths crossed on a number of occasions, partly because of their common interests in visual arts as well as in French literature and culture. A brief presentation of these points of convergence is followed by Julian Barnes's answers to three questions relating to Anita Brookner.
- Misreading Anita Brookner - Anne-Laure Fortin-Tournès p. 230-233
- Anita Brookner and Julian Barnes: Paths Crossing - Vanessa Guignery p. 220-229
Varia
- Derrière l'écran, la scène. "The Flick" ou le manifeste théâtral d'Annie Baker - Julie Vatain-Corfdir p. 234-250 Dans The Flick, pièce d'Annie Baker récompensée par le prix Pulitzer en 2014, le quatrième mur devient un écran de cinéma, derrière lequel le public est invité à observer une salle de spectacle vide que les personnages balayent inlassablement. Si ce dispositif interroge la condition du théâtre à l'ère de tous les écrans, il engage aussi une réflexion sur l'esthétique réaliste de son autrice. Cet article analyse la façon dont Baker fait renaître le théâtre autour du cinéma (Sontag), et examine son positionnement face au paradoxe du réalisme américain (Robinson). Échappant aux catégories, le style minutieux de Baker évoque des modèles contraires ; il réinvente la tradition américaine dans une langue contemporaine, traversée par une poétique du silence qui concentre l'attention sur les modalités de la représentation, sur la présence, et suscite une réflexion sur l'ontologie du théâtre (Phelan, Auslander).In Annie Baker's The Flick, winner of the 2014 Pulitzer Prize for drama, the Fourth Wall becomes a movie screen, from behind which the audience is invited to observe an empty auditorium, endlessly being cleaned up by the play's characters. While this set-up questions the condition of theatre in the era of ever-present screens, it also prompts an investigation into the realistic aesthetics of its author. This essay explores the way Baker allows theatre to be reborn around cinema (Sontag), and examines the play's position with regards to American “realism against itself” (Robinson). Evading categories, Baker's meticulous style evokes opposing models; it reinvents American tradition in a contemporary language shot through with a poetics of silence which focuses our attention on the modalities of performance, on presence, and on the ontology of performance (Phelan, Auslander).
- Derrière l'écran, la scène. "The Flick" ou le manifeste théâtral d'Annie Baker - Julie Vatain-Corfdir p. 234-250