Contenu du sommaire : Libye : guerres et convoitises
Revue | Confluences Méditerranée |
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Numéro | no 118, automne 2021 |
Titre du numéro | Libye : guerres et convoitises |
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Dossier. Libye : guerres et convoitises
- Libye, une faillite révolutionnaire ? - Barah Mikaïl p. 9-13
- Entretien avec le ministre libyen du Pétrole Mohammed Aoun - Mohammed Aoun, Tarek Ibrahim al-Shalmani, Barah Mikaïl p. 15-21
- Libya's Government of National (Dis)Unity: the misleading choreography of conflict resolution - Emadeddin Badi p. 23-35 Après le succès surprise d'une liste conduite par Abd al-Hamid Dabaiba aux élections du Forum de dialogue politique libyen (FDPL) en février 2021, un nouveau Conseil de présidence tripartite a été mis en place et un nouveau gouvernement a été formé en Libye - baptisé Gouvernement d'unité nationale (GUN). L'approbation du gouvernement d'unité nationale - tant au niveau national qu'international - a toutefois été le sous-produit d'une convergence temporaire des intérêts nationaux et internationaux dans la « guerre par d'autres moyens ». Les progrès apparents réalisés en vue de résoudre la crise libyenne sous les auspices des Nations unies n'ont, quant à eux, guère atténué les intérêts réels des parties belligérantes de la Libye et de leurs sponsors étrangers. Cet article cherche à définir les continuités et les discontinuités de l'ordre qui caractérisent cette nouvelle période en Libye d'un point de vue politique, socio-économique et militaire. Une telle analyse révélera les défauts inhérents au processus de formation du gouvernement d'unité nationale, qui entraveront sa capacité à gouverner et à unifier les institutions, tout en affectant considérablement le paysage sécuritaire du pays. Cela a également des implications sur les perspectives de réussite de la feuille de route établie dans le cadre du Forum de dialogue politique libyen et du processus de suffrage prévu pour le 24 décembre 2021. Plus largement, l'analyse présentée et les continuités et discontinuités de l'ordre caractérisant l'ère pré et post-LPDF révèlent que le processus politique a créé une situation dans laquelle le conflit est simplement géré dans les limites d'une nouvelle structure politique. Si cette stratégie de gestion des conflits limitée dans le temps peut durer un certain temps, elle est également - de par sa conception - mal adaptée à la mise en œuvre de changements qui contribueraient à une résolution efficace des conflits en Libye. De ce point de vue, ce document est également pertinent au-delà de la Libye, en particulier pour ceux qui examinent de manière critique les domaines de la médiation et des approches multilatérales de résolution des conflits négociées par l'ONU.Following the surprise success of a list headed by Abd al-Hamid Dabaiba in the Libyan Political Dialogue Forum (LPDF) elections in February 2021, a new tripartite Presidency Council was established, and a new government was formed in Libya - dubbed the Government of National Unity (GNU). The Government of National Unity's endorsement – both domestically and internationally – was however the by-product of a temporary convergence of national and international interests in “war by other means”. The face-value progress achieved towards solving the Libyan crisis under the UN's auspices, in turn, did little to dim the actual interests of Libya's warring parties and their foreign sponsors. This paper will seek to map out the continuities and discontinuities of order that characterize this new period in Libya from a political, socio-economic, and military standpoint. Such an analysis will reveal inherent flaws in the Government of National Unity's formation process which will hamper its ability to govern and unify institutions while substantially affecting the country's security landscape. This also has implications on the prospects for success of the roadmap set in the Libyan Political Dialogue Forum and the suffrage process set for the 24th of December 2021. More broadly, the analysis outlined and continuities and discontinuities of order characterizing the pre-and post-LPDF era reveal that the political process has created a situation whereby conflict is merely being managed within the confines of a new political structure. While this time-bound conflict management strategy can endure for some time, it is also – by design – ill-fit to effect changes that would contribute to effective conflict resolution in Libya. From these vantage points, this paper also has relevance beyond Libya, particularly for those critically looking at the areas of mediation, and multilateral UN-brokered conflict resolution approaches.
- Stratégies russes en Libye : le déploiement d'une politique étrangère multifacette - Adlene Mohammedi p. 37-47 L'intervention militaire en Libye en 2011 est l'un des facteurs qui expliquent la posture de défiance adoptée par la Russie à l'égard de ses interlocuteurs occidentaux. Au-delà de cette défiance, que l'on retrouve notamment en Syrie, la Russie déploie sur le théâtre libyen une politique multifacette dont les outils sont parfois contradictoires : du droit à l'usage de la force et à la clandestinité, de l'unilatéralisme à la concertation entre puissances et à la médiation.The military intervention in Libya in 2011 is one of the factors that explain the posture of defiance adopted by Russia towards its Western counterparts. Beyond this posture, noticeable in Syria, Russia has deployed in Libya a multifaceted foreign policy whose tools may seem contradictory: from law to the use of force and clandestinity, from unilateralism to bilateral talks and mediation.
- Turkey's Evolving Strategy in Libya: A Winning Gambit for Erdoğan? - Samuel Ramani p. 49-64 Initiée en janvier 2020, l'intervention militaire de la Turquie en Libye dérouta la marche du général Khalifa Haftar sur Tripoli et modifia le cours de la guerre civile. Aujourd'hui, le Gouvernement d'Union Nationale libyen consolide ses positions. Cependant que le pays se prépare pour les élections de décembre 2021, Ankara aspire à consolider des contrats juteux sur le marché de la reconstruction, à préserver sa présence militaire formelle en Libye, et à s'affirmer comme un partenaire diplomatique indispensable.Turkey's military intervention in Libya, which began in January 2020, derailed Khalifa Haftar's march on Tripoli and changed the course of its civil war. As the Government of National Unity consolidates its authority and Libya prepares for the December 2021 elections, Turkey wishes to secure lucrative reconstruction contracts, preserve its formal military presence in Libya and ensconce itself as an indispensable diplomatic stakeholder.
- Égypte : affaiblir les islamistes en Libye - Hicham Mourad p. 65-76 L'action de l'Égypte envers le conflit en Libye a été dictée, dès le début, par un intérêt majeur : empêcher les islamistes de dominer le pouvoir. Pour y parvenir, Le Caire a soutenu politiquement et militairement le chef de l'Armée nationale libyenne, Khalifa Haftar, qu'il considérait comme le meilleur rempart contre les islamistes. L'échec de Haftar à renverser le gouvernement d'accord national (GAN) en juin 2020, en raison de l'intervention militaire de la Turquie, a contraint l'Égypte à modifier sa politique et à s'ouvrir finalement aux formations, y compris islamistes, qui composent le GAN. Désormais, l'Égypte cherche à atteindre son objectif anti-islamiste à travers l'exercice de son nouveau rôle de médiateur entre protagonistes libyens.Egypt's action towards the conflict in Libya was dictated, from the beginning, by one major interest: preventing the islamists from dominating power. To achieve this, Cairo gave political and military support to the leader of the Libyan National Army, Khalifa Haftar, whom it saw as the best bulwark against the islamists. Haftar's failure to topple the Government of National Accord (GNA) in June 2020, due to Turkey's military intervention, forced Egypt to change its policy and finally open up to the formations, including islamists, that make up the GNA. Egypt now seeks to achieve its anti-Islamist objective through its new role as mediator between Libyan protagonists.
- The mirror effect: the EU, Libya, and their fractures - Arturo Varvelli, Lorena Stella Martini p. 77-87 Depuis le début de la crise libyenne en 2011, le rôle de l'Union européenne (UE) en Libye a souvent été dénoncé pour son incohérence et ses contradictions. Cela s'expliquait notamment par les profondes divergences des Européens, la France et l'Italie en l'occurrence campant sur des postures diamétralement opposées. Néanmoins, à certains moments, l'Union européenne a aussi pu faire montre d'un rôle plus pro-actif. Aujourd'hui, la crise libyenne compte au rang des tests auxquels l'UE se voit confrontée.Since the beginning of the crisis, in 2011, the role of the European Union (EU) in Libya has often been criticized as incoherent and contradictory, as EU member States have remained divided on the issue and were not able to respond promptly, with France and Italy on opposite sides. However, in some periods, the EU also played a very proactive role. Today the Libyan crisis remains one of the main tests of the EU's “geopolitical” ambitions.
- Les errances de la politique de la France en Libye - Roland Lombardi p. 89-104 Tout au long de la période s'étendant depuis la révolution libyenne du 15 février 2011 – à laquelle participa activement la France pour faire chuter le régime de Muammar Kadhafi – jusqu'à aujourd'hui, la politique de Paris en Libye connut des réajustements permanents. L'article présent se propose d'analyser l'évolution du rôle de la France durant ces dix dernières années de guerre civile.Since the start of the Libyan revolution on February 15th, 2011 – in which France actively worked on bringing down the Gaddafi regime – until today, the French policy in Libya underwent permanent readjustments. This article will review and analyze the evolution of France's role during the last ten years of civil war.
- Repenser la gouvernance sécuritaire en Libye : contraintes et opportunités - Chloé Berger p. 105-118 Les perspectives pour une stabilisation de la Libye et la résolution de ses conflits internes sont généralement abordées par le prisme d'une reconstruction et d'une consolidation répondant à l'existence d'institutions fortes. Or, la Libye a hérité de Muammar Kadhafi une faiblesse institutionnelle qui touche tous les secteurs, institution militaire comprise, dont les effets n'ont fait qu'empirer tout au long de ces dix dernières années. Penser une solution en Libye nécessite de revenir sur certaines idées préconçues et de repenser un modèle qui corresponde à la réalité du pays.We generally tend to think that the reconstruction and the strengthening of Libyan strong institutions would pave the way towards a stabilization of the country and a resolution of its internal conflicts. The fact is that Libya inherited from Muammar Gaddafi an institutional weakness that prevails in all the country's sectors, including the military. This Libyan specificity explains why the situation has worsened since 2011. If we want to define a real solution for Libya, we need to review some of our preconceived ideas and to rethink the country based on a model that corresponds to realities.
- Les salafistes libyens après la révolution - Théo Blanc, Virginie Collombier p. 119-132 La révolution libyenne (2011) a profondément transformé le champ socio-politique salafiste et son rapport à l'État et au politique. Ces transformations recouvrent trois dynamiques principales : participation politique dans les instances de la transition, ‘milicisation' dans le chaos sécuritaire libyen, et compétition dans le champ religieux entre mouvances salafistes. Celles-ci ont adopté des stratégies différentes pour répondre au nouvel environnement politico-militaire : influence par le bas pour les Madkhalis et influence par le haut pour les salafistes politiques et post-jihadistes. Par ailleurs, les dynamiques d'allégeance dans le contexte de polarisation Est-Ouest sont tributaires à la fois de l'équilibre des forces en présence et de considérations idéologiques. Dans un environnement politico-sécuritaire mouvant, il n'est toutefois pas toujours possible de faire coïncider impératifs idéologiques et impératifs stratégiques, lesquels semblent toujours primer sur l'idéologie.The Libyan Revolution in 2011 brought durable change to the Salafist sociopolitical regional landscape and its relation to politics. Those transformations are characterized by three main dynamics : political participation to the institutions of the transition, “militiazation” amidst the Libyan security chaos, and inter-Salafist competition in the religious field. To answer this new political and military reality, Salafi movements adopted various strategies: Madkhalis tried to exert influence from the bottom-up, while political Salafists and post-Jihadists favored a top-down strategy. Besides, in a context characterized by intense polarization between the rival power centers in western and eastern Libya, allegiances have depended on both evolving balance of power and ideological considerations. Nevertheless, due to the unstable political and security environment, it has not always been possible to make ideological and strategic priorities coincide. Strategic considerations tend to have primacy over ideology.
- Khalifa Haftar : économie de guerre et militarisation du jeu politique - Mouloud Souilah p. 133-146 Cet article examine l'usage de la prédation en vue de construire une économie de guerre, particulièrement dans la période post-Kadhafi. Il met en lumière le rôle joué par le maréchal Khalifa Haftar dans la militarisation du jeu politique. Par une lecture empirique de la guerre civile libyenne et de ses dynamiques et évolutions, l'auteur expose ici les aspects les plus importants de cette économie de guerre.This article looks into the use of predation as an aim to build a war economy, focusing on the post-Muammar Gaddafi period in particular. It highlights the role played by Marshall Khalifa Haftar, focusing on the way he ended up militarizing the political game. By favoring an empirical reading of Libya's civil war and its dynamics and evolutions, the author exposes the most important aspect of Libya's war economy.
Variations
- Le développement du discours israélien sur l'association Breaking The Silence : quand les fils du peuple deviennent l'ennemi du peuple - Nitzan Perelman p. 149-164 Cet article traite de la manière dont s'est développé le discours israélien sur l'association Breaking the Silence, de sa fondation en juin 2004 à la promulgation de la Loi Breaking The Silence en juillet 2018. En analysant ce discours dans trois sphères – politique, médiatique et civile –, il est possible de mettre en lumière la grande différence entre l'attention positive qu'attiraient les militants de l'association au début de leur travail et la manière dont on les qualifie actuellement en Israël : « les traîtres ». Il s'agit donc d'une analyse chronologique marquée par trois revirements principaux, influençant le discours public israélien en général et celui sur l'association en particulier : la seconde Intifada et les deux opérations militaires israéliennes à Gaza – Plomb Durci (2008) et Bordure protectrice (2014).This article discusses how the Israeli discourse on Breaking the Silence developed from its founding in June 2004 to the enactment of the Breaking the Silence Law in July 2018. By analysing this discourse in three spheres - political, media and civil - it is possible to highlight the great difference between the positive attention that Breaking the Silence activists attracted at the beginning of their work and the way they are currently referred to in Israel as ‘the traitors'. This is therefore a chronological analysis marked by three main reversals, influencing Israeli public discourse in general and that on the association in particular: the second Intifada and the two Israeli military operations in Gaza - Cast Lead (2008) and Protective Edge (2014).
- Hommage à Mikis Théodorakis et Vassos Lyssarides - Christophe Chiclet p. 165-169
- Le développement du discours israélien sur l'association Breaking The Silence : quand les fils du peuple deviennent l'ennemi du peuple - Nitzan Perelman p. 149-164
Notes de lecture
- Notes de lecture - Christophe Chiclet p. 173-177