Contenu du sommaire : La communication, enjeu stratégique
Revue | La revue internationale et stratégique |
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Numéro | no 56, hiver 2004-2005 |
Titre du numéro | La communication, enjeu stratégique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Entretiens
- Le déclin de l'Amérique néoconservatrice - William Pfaff p. 13
- L'opposition juive au sionisme - Yakov M. Rabkin p. 17
Eclairages
- Le Brésil : une nouvelle puissance internationale ? - Jean-Jacques Kourliandsky p. 25 L'élection au Brésil, le 27 octobre 2002, d'un président de la République atypique, Luiz Inacio Lula da Silva, dit « Lula », avait suscité beaucoup d'interrogations concernant les orientations de sa politique intérieure comme extérieure. Un an et demi après sa prise de fonctions, la place du Brésil dans la société internationale a profondément évolué. Si la politique étrangère actuelle du Brésil n'a pas opéré de réelle rupture avec les politiques suivies auparavant, le sentiment général, au Brésil comme à l'étranger, est pourtant celui d'une politique qui s'en différencie. L'examen des propos, décisions et initiatives des autorités brésiliennes depuis l'arrivée au pouvoir de « Lula » permet d'émettre une hypothèse explicative, selon laquelle le nouveau président brésilien aurait initié une diplomatie en mouvement, coopérative et offensive, combinant habilement hard power et soft power.Brazil : A New International Power ? The election of an atypical president in Brazil on October 27th, 2002, Luiz Inacio Lula da Silva, called « Lula », has aroused many questions concerning the orientations of his domestic and foreign policy. A year and a half after he took office, Brazil's place in the international society has profoundly evolved. If Brazil's current foreign policy has not operated any breakdown, the general feeling, in Brazil and abroad, is that this policy is different. The analysis of discourses, decisions and initiatives of Brazilian authorities since « Lula » came to power allows to put forward the explanatory hypothesis according to which the new Brazilian president would have initiated an active diplomacy, cooperative and offensive, combining skilfully hard and soft power.
- La nouvelle politique étrangère italienne - Fabio Liberti p. 37 Après trois ans de gouvernement Berlusconi, dont l'arrivée au pouvoir fut marquée par un scepticisme à peine voilé, cet article se propose d'esquisser un bilan de la politique étrangère italienne. Pour cela, il convient d'analyser auparavant les grands lignes directrices traditionnelles de cette politique étrangère depuis 1945 (ancrage européen et atlantique, position italienne durant la guerre froide, années 1990) et de les comparer aux changements survenus pendant les trois dernières années. Connu pour ses prises de position controversées sur la Tchétchénie, le terrorisme, le conflit israélo-palestinien, ainsi que pour son soutien à la politique menée par l'Administration Bush, Silvio Berlusconi a-t-il pour autant procédé à un changement radical dans la politique étrangère italienne ? L'analyse de la politique européenne de son gouvernement, de ses relations avec les États-Unis ainsi que de sa politique vis-à-vis de la Russie et des pays arabes offre des éléments de réponse allant à l'encontre de beaucoup d'idées reçues.The New Italian Foreign Policy After three years of Berlusconi government, whose accession to power was characterised by a thinly veiled scepticism, this article aims at assessing the Italian foreign policy. In this respect, one should analyse beforehand traditional trends in Italian foreign policy since 1945 (European and Atlantic commitments, Italian strategy during the Cold War, the 1990s) and to compare them to the changes which occurred during the last three years. Even if he is known for his controversial stance on Chechnya, terrorism, the Israelo-Palestinian conflict, and also his support for the Bush administration, has Silvio Berlusconi radically changed Italian foreign policy ? The analysis of his government's European policy, of Italy's relations with the United States, and also of his policy towards Russia and the Arab countries offers many elements, which are contrary to general belief, to answer to this question.
- Industries aéronautiques russes : une consolidation précaire - Constantin Makienko p. 47 Moribondes, les industries aéronautiques russes ne le sont plus depuis l'arrivée de Vladimir Poutine et l'amélioration du climat économique après une désastreuse décennie de « transition ». Mais, au-delà de cette embellie conjoncturelle, la situation de ce secteur reste très fragile et les stratégies qui l'animent pour le moins confuses. Certes, un positionnement agressif sur les marchés du Tiers Monde et des volontés politiques, même contradictoires, ont permis l'émergence d'acteurs de masse critique dont certains tirent leur épingle du jeu. Néanmoins, ces grandes manœuvres échappent à toute cohérence, si ce n'est celle de la valse des portefeuilles, et les maigres finances de l'État fédéral mettent en péril la moindre projection stratégique à moyen terme. La recherche de partenariat n'en est rendue que plus difficile. L'ouverture sur l'étranger est pourtant un impératif pour tout ce secteur. Mais les récents accords avec des avionneurs français prouvent qu'une fois ces problèmes résolus en interne, diversification, modernisation et reprise sont possibles.Russian Aeronautical Industry : A Flimsy Consolidation Vladimir Putin's accession to power, combined with an improvement of the Russian economy, put an end to a disastrous ten-year transition. But beyond the short-term upturn, Russia's aeronautical, whose strategies are, at least, confuse, remains very weak. Certainly, an aggressive policy on the Third World market and industry, sometimes contradictory political wills, have enabled the emergence of a few competitive holdings. Nevertheless, those large restructuring moves often inconsistent – but with governmental reshuffles –, added to a poorly funded Federal state, threaten any kind of strategic planning. The pursuit of the international partnership is however an absolute necessity for this industry. Recent agreements with French aircraft manufacturers are the proof that, once those troubles domestically solved, diversification, modernisation and economic success are possible.
- Le Brésil : une nouvelle puissance internationale ? - Jean-Jacques Kourliandsky p. 25
Dossier : La communication, enjeu stratégique
- Introduction : La communication, au coeur de la décision - Olivier Da Lage p. 59
- De la légitimité de la guerre cognitive - Christian Harbulot p. 63 Depuis la fin de la guerre froide, campagnes militaires et conquêtes commerciales ne semblent plus être les attributs tangibles de la puissance d'un État. Plus feutrées, devenues presque immatérielles, les guerres que se livrent aujourd'hui les alliés idéologiques d'hier n'en sont pas moins primordiales. La maîtrise et la manipulation des informations ont été la preuve récente et éclatante d'une nécessaire réévaluation du concept de puissance. Désormais, le savoir pour lui-même, ainsi que sa production représentent l'enjeu principal. Dans cette guerre cognitive, il s'agit tant de développer des technologies clés, que de créer une dépendance du reste du monde à son avantage. Dans ce domaine aussi ce sont les États-Unis qui mènent la danse, parfois même ouvertement. Les protagonistes de ces conflits ont évolué autant que leurs enjeux : outre les États et les entreprises, les organisation non gouvernementales (ONG), les organisation internationales, voire les opinions publiques, en sont des acteurs à part entière.The Legitimacy of Cognitive War Since the end of the Cold War, military campaigns and commercial conquests are no longer what they used to be. At least, they have lost their status of obvious signs of power for a state. More insidious, quite immaterial, the new forms of conflict, which pit former ideological allies, are nevertheless essential. Information control and manipulation have recently been the compelling proof in favour of a reappraisal of the concept of power. But the real stakes are the knowledge itself and its production. In this cognitive war, every single country tries not only to develop critical technologies but also to create a dependency for its profit. In this area, the United States are leaders, and sometimes boasts it. Just like its stakes, the environment of those conflicts has changed : along with states and corporations, non governmental organisations (NGOs), international organisations (IOs), and opinions are now entirely actors of this game.
- L'impact des chaînes satellitaires arabes - Olfa Lamloum p. 69 La décision récente du Premier ministre irakien de fermer le bureau de la télévision satellitaire Al-Jazira à Bagdad a suscité la réprobation quasi unanime des médias arabes et internationaux. Cet épisode souligne l'importance considérable revêtue par les médias dans la couverture de l'espace arabo-musulman. Il témoigne également du ressentiment populaire dans cette région du monde vis-à-vis des États-Unis, qui ont échoué dans leur tentative de « gagner les cœurs et les esprits ». Cet article présente d'abord le traitement par la presse américaine des guerres d'Afghanistan et d'Irak, qui fut caractérisé par la difficulté de prendre du recul sur les événements. Comparativement, Al-Jazira comme d'autres chaînes de la scène satellitaire arabe semblent avoir plus de facilités pour rapporter les informations, ce qui les conduit à devenir la référence des médias occidentaux, ainsi qu'à témoigner du ressentiment anti-impérial contre les États-Unis. Les chaînes satellitaires arabes deviennent ainsi un nouvel acteur de plus en plus incoutournable, au sein d'un espace arabe en pleine mutation depuis la fin de la guerre froide.The Impact of Arab Satellite Channels The recent decision of the Iraqi Prime minister to close down the office of the satellite television Al-Jazeera in Baghdad has almost unanimously given rise to reprobation from Arab and international media. This episode underlines the considerable significance taken on by the media in the coverage of the Arabo-Muslim world. It also shows the popular resentment in this region of the world against the United States (US), which has failed in its attempt to « win hearts and minds ». This article first introduces the treatment by the American press of the wars in Afghanistan and Iraq, which was characterised by the difficulty to look at the situation objectively. Comparatively, Al-Jazeera, as well as other channels of the Arab satellite scene seem to have more ease to report news, which lead them to become the reference of western media, and also to show the anti-imperial resentment against the US. The Arab satellite channels are becoming a new actor, which cannot be ignored, within an Arab world in a process of radical transformation since the end of the Cold War.
- Internet, métamédia - Olivier Da Lage p. 77 Depuis près d?une dizaine d?années, Internet est sorti du cénacle de ses utilisateurs professionnels initiaux, militaires et universitaires, pour gagner progressivement le grand public. En une décennie, Internet a profondément bouleversé les équilibres sociaux, économiques, politiques et culturels sur pratiquement l'ensemble de la planète. Mais cela s?est produit de façon inégale : la « fracture numérique », sans se réduire à une opposition Nord-Sud, est une réalité porteuse de tensions géopolitiques. De plus, Internet est difficilement identifiable : est-il, à proprement parler, un média ? Dans quelle mesure peut-on le qualifier d?outil d?émancipation, ou d?arme de guerre ? Comment expliquer le « paradoxe Internet », qui fait parfois coexister un « village planétaire » avec un « esprit de clocher » ?The Internet, More than a Media Since more than ten years, the Internet has come out of the inner circle of its initial professional users, military or academic, in order to gain progressively a wide audience. Within a decade, the Internet has profoundly changed social, economic, political and cultural balances throughout almost the entire planet. However, this happened in an unequal way : the « digital gap », if it cannot be reduced to the North/South opposition, is a reality carrying geopolitical tensions. Moreover, the Internet is hardly identifiable : is it, strictly speaking, a media ? To what extent can we characterise it as a means of emancipation, or as a military weapon ? How can we explain the « Internet paradox », which sometimes makes that a « global village » coexists with chauvinism ?
- L'emprise de la communication de guerre. Médias et journalistes face à l'ambition de la démocratie - Michel Mathien p. 89 Plus qu'aucune « communication de crise », la communication de guerre est le prolongement direct du dessein politique de « faire la guerre » et de sa logique : la poussée aux extrêmes dans l'usage de la force qui en découle pour les parties. Le changement de contexte international depuis la chute du mur de Berlin a permis la révélation d'une pratique communicationnelle d'une ampleur encore inégalée. Celle-ci a donné l'impression d'une nouvelle communication de guerre après les attentats du 11 septembre 2001. Et plus qu'aucune autre crise de l'ère moderne, la crise irakienne a suscité de multiples questions sur les pratiques médiatiques des États-Unis. L'information officielle, présentée comme étant fondée sur des sources fiables, n'a-t-elle donc pas gagné les opinions publiques via les médias de masse qui avaient oublié leurs principes de base dans un système social se voulant démocratique ?The Influence of War Communication. Media and Journalists Facing the Ambition of Democracy More than any other « crisis communication », war communication is the direct continuation of the political grand design to wage war and of its logic : taking to the extremes the use of force which derives from it for the parties involved. The change in the international context since the fall of the Berlin Wall has allowed to reveal a communication practice of a so far unequalled scope. This has given the impression of a new war communication after September 11. And more than any other crisis of the modern era, the Iraqi crisis has aroused multiple questions on the practices of the media in the United States. Hasn't the official information, presented as being based on reliable sources, won public opinions via mass media, which had forgotten their basic principles in a social system meant to be democratic ?
- Les spin doctors au centre du pouvoir - Jean-Marie Charon p. 99 La préparation et la conduite de la guerre d'Irak ont été l'occasion pour le grand public de découvrir une nouvelle figure du paysage politique : le spin doctor. Aucune définition française ne saisit de façon satisfaisante les fonctions de ce spécialiste de la communication et du marketing politique. Malgré la chute spectaculaire de Alastair Campbell, le spin doctor de Downing Street, ces « docteurs Folimage » témoignent certainement de l'évolution générale des démocraties occidentales. L'importance qu'ils ont prise, quoique variable selon les États, illustre tant la personnalisation de l'action politique que sa nécessaire articulation à une stratégie médiatique de moyen ou de long terme. Cependant, au-delà des questions universitaires que soulève, en France comme ailleurs, ce nouveau symbole de l'action politique, il suscite bien des interrogations quant à sa légitimité.Spin Doctors at the Centre of Power The run-up to the war in Iraq and the war itself, were the occasion for the opinion to discover a new emblematic figure of the political landscape : the spin doctor. Typically English, this expression, which designates a specialist in political communication and marketing, is hardly translatable into French. Despite the dramatic ousting of Alastair Campbell from Downing Street, these « Dr Strangeimage » are symptomatic of some current evolutions in western democracies. Their increasing influence, even if the phenomenon is not uniform, testifies the personification of the political arena as well as the necessity to coordinate any political action with a communication strategy. However, beyond academic interests aroused in France and abroad by this new symbol of political action, its role gives rise to many doubts about its political legitimacy.
- La communication des ONG : une affaire d'Etats ? - Rony Brauman (entretien) p. 109 NGOs Communication : Are States to be Concerned ? Governments frequently complain that their international and diplomatic agenda is partially determined by Non-Governmental Organisations' (NGOs) priorities and the media pressure that usually goes along with it. However, is there a general NGOs agenda towards governments ? Or even a media-related NGOs pressure ? On the other hand, NGOs communication campaigns, initially intended to fund raising, tend more and more to supervise journalists and the information they convey. Could it be said then that NGOs have established a favourable media framework related to their priorities ?