Contenu du sommaire : André Gorz, une pensée vivante
Revue | EcoRev' : revue critique d'écologie politique |
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Numéro | no 45, 2017 |
Titre du numéro | André Gorz, une pensée vivante |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Édito - p. 3-4
Classiques
- Quel type de travail prend fin ? - André Gorz, Willy Gianinazzi p. 5-16 Cet entretien avec André Gorz, inédit en français, a été réalisé dans sa maison de Vosnon (Aube) par le journaliste indépendant Thomas Schaffroth en 1997`renvoi id="re2no2" idref="no2" typeref="note"b1`/renvoib. Il témoigne de l'acuité des réflexions de Gorz au plus fort de son combat en faveur de l'allocation universelle ou revenu d'existence. Chacun mesurera par ailleurs l'actualité persistante de ses propositions. Elles s'inscrivent en antidote non pas contre la flexibilisation du travail qui participe d'un processus d'élimination du travail-emploi traditionnel de type fordiste, initié il y a plus de quarante ans sans retour possible, mais contre la précarité qu'elle implique aujourd'hui et que de plus en plus de gens sont amenés à subir.
- De la mise au travail à la production de soi - André Gorz p. 17-28 Ce texte a été écrit en septembre 2001, sous le titre « Tous entrepreneurs ? », à destination d'un recueil dirigé par Annie Dreuille qui rassemblait des témoignages sur la création d'activités de la part de chômeurs. Annie Dreuille, en étroite relation avec André Gorz, animait alors un réseau de citoyenneté sociale issu de la Maison des chômeurs de Toulouse (créée en 1986), elle-même émanation du Mouvement national des chômeurs et des précaires (MNCP), syndicat impliqué dans les luttes et les occupations de l'hiver 1997-1998 aux côtés d'Agir contre le chômage (Ac !) et de la CGT-chômeurs. Cette Maison des chômeurs, comme d'autres qui s'étaient créées en France, était un lieu de rencontre ayant pour but de promouvoir auprès des chômeurs des activités culturelles, artistiques et sociales, mais aussi de favoriser leur implication dans l'économie solidaire.Cet article se donne justement pour tâche d'explorer les voies de l'autoactivité par-delà les ornières du travail autonome qu'exige des salariés le management moderne, et par-delà celles de la mise au travail qu'impliquent les injonctions à l'« employabilité » que subissent les chômeurs et les précaires.
- Quel type de travail prend fin ? - André Gorz, Willy Gianinazzi p. 5-16
Dossier
- André Gorz, du « paria » aux « parias » - Anita Rozenholc, Emmanuel Dessendier p. 29-35 Dans sa remarquable recension du Traître, en 1958, Maurice Blanchot a souligné le refus d'André Gorz à l'assignation d'une identité, sans remarquer que cette non-identité, incarnée par les figures assumées de l'exilé, de l'étranger, du déraciné et du demi-juif, renvoie en creux à une expérience de l'identité vécue et subie dans son enfance. Anita Rozenholc et Emmanuel Dessendier exhument ici de longs passages de l'autobiographie où l'auteur, confronté en personne à l'antisémitisme dans une Autriche fasciste, développe une philosophie de vie compréhensive de cette expérience. Comme Hannah Arendt l'a théorisé de manière générale, André Gorz ne serait pas alors seulement un « paria », mais un « paria conscient », à même de maîtriser et construire son destin. Une disposition qui n'aura eu de cesse d'influencer son travail philosophique et politique, dans un souci permanent de produire des outils d'émancipation potentiellement destinés à tous les parias, actuels et à venir.
- Le postcapitalisme sur le terrain de la modernité : André Gorz en quête de liberté et d'autonomie - Serge Audier p. 36-50 En soulignant combien André Gorz a été marqué par la philosophie du sujet de Sartre, puis par ses affinités et liens intellectuels avec la gauche « libérale-communiste » italienne, Serge Audier revient sur ce qui constitue l'une des lignes directrices de la pensée gorzienne : la quête de la liberté et de l'autonomie de l'individu confronté aux appareils de domination, qu'ils soient économiques ou politiques.
- Première théorisation de l'écologie politique en France - Stéphane Lavignotte p. 51-56 La marée noire du Torrey Canyon, la lutte pour le parc de la Vanoise, les premières manifestations antinucléaires… La fin des années 60 et le début des années 70 voient les premiers surgissements de l'écologie pour le grand public. Il y a alors peu de théorisations de ce qui deviendra l'écologie politique. André Gorz, sous la plume de Michel Bosquet, est l'un des premiers à promouvoir cette prise de conscience et à opérer le basculement de la protection de la nature à l'écologie proprement politique.
- Leur écologie et la nôtre, selon André Gorz - Élise Löwy p. 57-62 Le texte d'André Gorz, « Leur écologie et la nôtre », initialement paru dans Le Sauvage (12, avril 1974), sous le titre « Partage ou crève ! », et repris en introduction de son recueil Écologie et politique, s'est avéré une référence incontournable pour plusieurs générations d'écologistes, à côté des autres textes classiques d'Illich, d'Ellul ou de Castoriadis. Il nous a ainsi paru indispensable un rappel des fondamentaux que Gorz y pose, lesquels sont plus que jamais d'actualité.
- André Gorz, une écologie à même le corps - Françoise Gollain p. 63-70 Dans ce texte, qui s'inspire de passages de son nouveau livre à paraître, André Gorz, une philosophie de l'émancipation, Françoise Gollain distingue, à la suite de Gorz, la « nature extérieure » qui nous environne et la « nature intérieure », source corporelle de notre sensibilité et de notre vécu, à partir de laquelle seulement il est possible de fonder les conditions de notre liberté et de notre autonomie. Stigmatisant les prétentions transhumanistes à développer des cyborgs privés de corporalité sensible, Gorz prônait une écologie multicritères capable de réhabiliter le sujet dans toute son humanité.
- Comment André Gorz définit le travail à l'ère de son dépassement - André Langer, Willy Gianinazzi p. 71-74 André Langer est un philosophe, sociologue et théologien brésilien, dont les recherches ont porté sur le travail, en particulier celui des travailleurs pauvres. Ce texte est tiré d'un mémoire qu'il a présenté à l'université Unisinos du Rio Grande do Sul. Sous l'impulsion de son président Inácio Neutzling, l'Instituto Humanitas de cette université jésuite a beaucoup contribué, à travers ses revues et son site, à divulguer la pensée d'André Gorz au Brésil. Cet extrait, qui a quelques années, fait le point avec diligence sur la notion de travail que Gorz a creusée dans un but précis : cerner sous quelle forme historique et spécifique, et avec quelles modalités le « travail » décline à l'ère du postfordisme et de la révolution informationnelle.
- Simone Weil et André Gorz : Deux versions d'une sortie du capitalisme - Robert Chenavier p. 75-84 Opposés sur la solution à apporter à la démesure prise par la lutte pour la puissance économique, source de gaspillage et d'oppression, Simone Weil, dans les années 30, et André Gorz, de nos jours, font un diagnostic comparable, libérateur pour la pensée. Le philosophe Robert Chenavier, spécialiste de l'œuvre de Simone Weil qu'il a fait connaître à Gorz et qui a entretenu avec lui une longue correspondance intellectuelle, nous livre une fine comparaison des analyses convergentes des deux philosophes sur le travail aliéné, mais aussi de leurs voies divergentes quant à la désignation du lieu de la libération humaine.
- André Gorz et le revenu d'existence : Vers une société de culture - Alice Sternberg p. 85-94 C'est à l'aune d'une pensée du temps libéré, puis d'une « société de culture » qu'André Gorz conçoit le revenu social, puis le revenu d'existence inconditionnel. Ce faisant, il explore en profondeur le domaine du temps libre, du « travail pour soi » aux « activités coopératives » en passant par les « activités autonomes ». Ces diverses activités sont le fondement d'un changement social radical, support d'une émancipation et d'une revitalisation de la société civile. Face aux changements produits par le capitalisme de la connaissance, qui investit les domaines du « travail pour soi » et des services à la personne tout en exigeant un engagement total dans la « production de soi », André Gorz s'attarde longuement sur la notion de « valeur intrinsèque » et appuie sur celle-ci sa pensée d'une inconditionnalité du revenu d'existence.Loin de proposer des solutions toutes faites, André Gorz permet, à travers l'élaboration du « revenu d'existence suffisant et inconditionnel », d'ouvrir notre imaginaire endormi et d'élaborer quelques pistes d'une « utopie sociale » fondée sur des valeurs culturelles et sociales et non plus seulement économiques.
- Pour un revenu d'existence distributif : À partir d'André Gorz - Antonella Corsani, Emmanuel Dessendier p. 95-103 Dans un précédent entretien, paru dans notre numéro 28, il y a tout juste 10 ans, Antonella Corsani invitait, dans le sillage d'André Gorz, à considérer l'urgence qu'il y avait à élaborer les conditions civilisées d'une sortie du capitalisme. Depuis, elle n'a cessé de chercher à « distinguer les tendances et les pratiques qui en annoncent la possibilité ». Forte de son expérience, elle éclaire le débat qui revient actuellement en force autour de la question du « revenu de base » – dans un contexte où le précariat est en train de devenir l'état dominant d'un salariat de plus en plus voué à la flexibilité.
- Le marxisme d'André Gorz - Michael Löwy p. 104-115 Qu'y a-t-il encore de marxiste chez André Gorz qui fait ses « adieux au prolétariat » dans son célèbre livre éponyme de 1980 ? Assurément, « son » marxisme est sélectif et mérite d'être catalogué au rang de l'hétérodoxie antidoctrinaire qui se nourrit du Marx humaniste, antiproductiviste et libertaire. Sur deux aspects essentiels de l'œuvre marxienne, il demeure particulièrement fidèle : l'anticapitalisme et l'alternative communiste comme civilisation du temps libéré.
- Le moment Gorz - Jean Zin p. 116-124 Jean Zin a dialogué longtemps avec André Gorz sans que les deux écologistes ne se rencontrent jamais. Il tire le bilan de leurs engagements théoriques, parfois parallèles, souvent convergents, en faveur d'une alternative écologiste qui a pris entre autres les couleurs du revenu social garanti et des productions coopératives. Il reste convaincu qu'il faut continuer de donner la priorité à nos agissements au niveau local.
- Actualité d'André Gorz - Willy Gianinazzi p. 125-129 Dans l'article qui précède, Jean Zin renvoie « le moment Gorz » au passé, celui de nos utopies écolos échouées sur les récifs de l'économie libérale mondialisée. Willy Gianinazzi veut réagir en pointant ce qui, dans la pensée de Gorz, dix ans après sa mort – et celles de deux autres penseurs du même acabit qui mériteraient un traitement similaire, Jean Baudrillard et Jacques Robin –, reste de pertinent dans l'analyse du réel, et de revigorant pour nos vies et nos luttes dans la mise au jour des possibles en vue d'une société désirable de l'après-croissance.
- Vers un communisme de la connaissance ? : Derniers écrits d'André Gorz - Stefan Meretz, Luke Haywood, Willy Gianinazzi p. 130-138 Dans L'immatériel, André Gorz se demandait si on n'allait pas « vers une société de l'intelligence ». Dans la version en allemand remaniée de cet ouvrage, sortie un an après, en 2004, l'auteur reformulait la question dans les termes d'« un communisme de la connaissance ». Entre-temps, il avait pris connaissance du mouvement du logiciel libre qui se développait en Allemagne grâce notamment à Stefan Meretz – avec qui il avait noué une dense correspondance intellectuelle –, et à d'autres théoriciens et praticiens comme Wolf Göhring et Stefan Merten. De la sorte, Gorz prolongeait sa réflexion sur le capitalisme cognitif en étudiant la possibilité de voir germer la production de richesses intrinsèques sans valeur marchande.
- André Gorz face à Uber : Le travail autonome au risque du capitalisme de plate-forme - Patrick Dieuaide p. 139-144 Le déclin du capitalisme industriel a permis de dégager des moments de hors travail à partir desquels pouvait naître un espace de luttes pour que le « prolétaire postindustriel » puisse exister sous des formes de vie alternatives. L'avènement du capitalisme cognitif a donné carrière à une production de soi à la fois autonome et soumise au travail. Après avoir résumé ces deux temps de l'analyse gorzienne, Patrick Dieuaide, lui-même spécialiste du « capitalisme cognitif », pose la question : est-ce qu'en dépit des espoirs d'André Gorz, l'économie collaborative, qui est issue de ce dernier avatar du système, ne s'est pas principalement transformée en un « capitalisme de plate-forme », attestant que le capitalisme aspire à devenir « un fait social total » ?
- Introduction à la « critique de la valeur » - Gérard Briche p. 145-152 André Gorz a découvert en 2003 la théorie néomarxiste dite de la « critique de la valeur », élaborée par Robert Kurz en Allemagne et Moishe Postone aux États-Unis. Mais Gérard Briche fait remonter aux Adieux au prolétariat (1980) les convergences entre la critique du travail qu'a menée Gorz et la mise en exergue par cette théorie de la sujétion du procès de travail et de la puissance de travail au « sujet automate » de la valeur. Capitalistes et travailleurs se retrouvent poings et mains liés sous le joug du « fétichisme » de l'argent et de la marchandise. La simple socialisation des moyens de production ne résout donc rien. Mais Gorz ne balaie pas pour autant l'histoire du mouvement ouvrier qui s'est toujours battu pour réduire l'emprise sur la vie du temps de travail.Il se trouve aujourd'hui, comme il l'analyse avec les théoriciens de la « critique de la valeur », que la troisième révolution industrielle – automatisation, informatisation, robotisation – réduit d'elle-même le travail productif. Aussi se demande-t-il avec eux comment le capitalisme va assurer la solvabilité en distribuant toujours moins de salaires : la financiarisation de l'économie, autrement dit la création de capital fictif, est la solution. Mais elle pourrait bien signifier le stade ultime du capitalisme en tant que palliatif du manque de rentabilité du travail nécessaire, dont le volume par unité produite ne cesse de baisser.
- André Gorz, du « paria » aux « parias » - Anita Rozenholc, Emmanuel Dessendier p. 29-35
Utopie(s) 2050
- Une utopie possible parmi d'autres - André Gorz p. 153-160 Pour notre rubrique tournée vers l'avenir, nous choisissons cette fois-ci de repêcher dans le passé cette utopie d'André Gorz. Imprégnée de l'esprit de 68, elle a été placée par son auteur en appendice de son manifeste écologiste qu'il publia en 1977 sous le titre Écologie et liberté. Il la jugea suffisamment savoureuse et pertinente pour l'insérer en 1980 parmi les annexes de ses Adieux au prolétariat
- Une utopie possible parmi d'autres - André Gorz p. 153-160
Théâtre
- Représenter Doreen et Gérard - David Geselson p. 161-172 Nous avons été plusieurs au sein du comité de rédaction à avoir le plaisir de plonger dans l'atmosphère intimiste de Doreen, pièce de théâtre jouée en avant-première au Théâtre de Vanves, puis au Théâtre de la Bastille à Paris, avant d'être représentée en tournée un peu partout en France. Cette réussite, corroborée par le prix de la Meilleure création en langue française pour 2017, nous a incités à faire participer à ce « numéro Gorz » le metteur en scène David Geselson pour qu'il nous présente l'esprit de sa pièce, mélange de réel documentaire et de mise en fiction, et nous propose quelques extraits du script.David Geselson est un comédien qui écrit, monte et joue ses propres pièces. Il connaît André Gorz et son œuvre philosophique, mais la lecture du récit qui lui a un jour été offert, Lettre à D. Histoire d'un amour, l'a bouleversé et lui a donné envie de mettre en scène l'expérience de vie du couple, à la fois ordinaire et extraordinaire dans sa façon de vivre concrètement l'écologie tout en aspirant à un changement de société permettant sa pleine réalisation. Il lui aura fallu attendre dix ans pour que son projet mûrisse et arrive à bon port.
- Représenter Doreen et Gérard - David Geselson p. 161-172
Kit militant
- Se désintégrer - Josep Rafanell i Orra p. 173-184 Depuis janvier 2016, Josep Rafanell I Orra organise le séminaire Pratiques de soin et collectifs dans le cadre du Printemps des laboratoires, une plate-forme de recherche partagée avec l'équipe des Laboratoires d'Aubervilliers. Aux travers de ses lectures vagabondes, de ses expériences vécues durant le séminaire et de son invitation à « habiter la politique » – déjà au cœur de son précédent article pour ÉcoRev', l'auteur dessine les contours d'un cadre écosophique propre à « fragmenter le monde de la gouvernementalité », à « lui refuser le pouvoir de constituer le monde global où tout doit s'intégrer ou disparaître », à porter « la fabrique des différences contre la gestion des identités », autrement dit, à vivre.
- Se désintégrer - Josep Rafanell i Orra p. 173-184