Contenu du sommaire : La violence au nom de Dieu
Revue | La revue internationale et stratégique |
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Numéro | no 57, printemps 2005 |
Titre du numéro | La violence au nom de Dieu |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Eclairages
- L'invasion de l'Irak : les dessous de la prise de décision de la présidence Bush - Charles-Philippe David p. 9 Dans la foulée des événements du 11 septembre, l'Administration Bush amorce une véritable révolution qui va altérer le cours de la politique étrangère américaine. L'ensemble de l'approche décisionnelle est réorienté tandis que les rivalités administratives, traditionnellement vivaces, s'atténuent considérablement. La gestion du processus décisionnel se fait moins formelle, notamment parce que le risque terroriste impose une réactivité accrue. Le « cabinet de guerre » qui se met en place réunit les principaux décideurs du Conseil de sécurité nationale (NSC) et prend une série de décisions qui vont marquer le cours des relations internationales. Dans le même temps, le processus décisionnel marqué par la guerre en Afghanistan évolue, tandis que derrière l'émergence d'une véritable pensée unique, se profile déjà l'invasion de l'Irak.The Invasion of Iraq : Behind President Bush's Decision Making ProcessIn the aftermath of the September 11 terrorist attacks, the Bush administration initiated a revolution altering the course of American foreign policy. The entire decision making process was re-orientated while traditional administrative rivalries faded considerably. Decision making management became less formal primarily because the terrorist threat required an increased reactivity. The « War Cabinet » that was set up gathered the main decision makers of the National Security Council (NSC) and took a series of decisions that were to change the course of international relations. At the same time, the decision making process evolved, marked by the war in Afghanistan, while the invasion of Iraq emerged in the shadow of a one-sided vision of the international system's construction.
- Afghanistan : l'incertaine transition vers la démocratie - Karim Pakzad p. 21 Trois ans après l'intervention américaine en Afghanistan et la chute des talibans, l'élection présidentielle du 9 octobre 2004 — la première dans l'histoire de ce pays — ouvre une nouvelle étape sur la voie de sa reconstruction et de sa démocratisation. Toutefois, les séquelles de vingt-cinq années de guerre sont toujours présentes et l'avenir est encore incertain. Cette élection a été l'aboutissement des accords de Bonn, imposés à l'opposition anti-talibans par la communauté internationale, notamment les États-Unis, qui règnent en maîtres dans un pays sous leur protection. Les raisons de cette incertitude se trouvent dans les conditions de l'intervention américaine, qui était davantage une réponse circonstancielle aux attentats du 11 septembre qu'une véritable volonté de démocratisation de l'Afghanistan. D'où la persistance du pouvoir des seigneurs de la guerre, du trafic de drogue et de l'idéologie des talibans.Afghanistan : An Uncertain Democratic TransitionThree years after the American intervention in Afghanistan and the fall of the Taliban's regime, the October 9, 2004 presidential election — the first in Afghanistan's history — paves the way for reconstruction and democratization. However, the consequences of twenty-five years of war are still present and the future is still uncertain. These elections were the result of the Bonn's agreements, imposed to the anti-Taliban opposition by the international community, led by the United States which reigns supreme over a country under its protection. This uncertainty derives mainly from the conditions of the American intervention, which was a circumstantial response to the 9/11 attacks more than the result of a real willingness to establish democracy in Afghanistan. Hence the persistence of warlords'power, of drugs trafficking, and of Taliban's ideology.
- Huntington face à l'enjeu migratoire Mexique/Etats-Unis : fausses alertes et vrais débats - Rodrigo Pintado p. 31 La « menace » hispanique de Samuel P. Huntington n'en est pas une. Contrairement à ce qu'affirme ce professeur de Harvard dans son dernier ouvrage, l'afflux de Mexicains aux États-Unis au cours des dernières décennies ne signifie pas la fin de l'identité nationale américaine ou la partition de ce pays autour de deux langues et deux cultures. Malgré le nombre et la persistance de l'immigration mexicaine, majoritairement catholique et parlant l'espagnol, plusieurs études révèlent que les Hispaniques aux États-Unis intègrent rapidement la culture et la langue américaines, tout en conservant une attache particulière avec leur culture d'origine. La peur que suscite la communauté hispanique auprès de ce professeur, qui s'érige en défenseur des valeurs anglo-protestantes qui ont façonné l'Amérique, révèle néanmoins la nécessité de régulariser et de contrôler le flux migratoire entre le Mexique et les États-Unis. Après trois ans de rapports tendus entre les deux gouvernements, il est grand temps que le Mexique et les États-Unis se penchent sérieusement sur la question migratoire.Huntington and the Mexico/US Immigration Challenge : False Alarms but Real DebatesSamuel P. Huntington's warnings of a « Hispanic threat » do not seem to be justified. Contrary to what this Harvard professor asserts in his latest book, the flood of Mexican immigrants to the United States during the last decades does not imply the end of the American national identity nor the division of the country around two languages and two cultures. Despite the number and the persistence of a mostly Catholic and Spanish speaking Mexican immigration, several studies reveal that Hispanics integrate the American culture and language quite rapidly, while keeping a distinctive tie to their original culture. While Huntington sets himself up as the defender of the Anglo-Protestant values that shaped America, his fear of the Hispanic community underlines the necessity to regularize and control the influx of Mexican immigrants. After three years of tense relations between the two governments, it is time for both countries to look seriously into the immigration issue.
- La Corée du Nord en 2005 : décomposition ou ultimes métamorphoses ? - Marianne Péron-Doise p. 43 Alors que la crise nucléaire nord-coréenne entre dans sa troisième année, les capacités de résistance du régime de Pyongyang suscitent des interrogations. Face à des pressions diplomatico-militaires intenses, tandis que le pays s'enfonce dans le sous-développement, la logique des orientations politico-économiques prises par Kim Jong-il n'apparaît pas clairement : s'agit-il du dernier expédient d'un système en décomposition ou de changements réels ? À y regarder de près, les soubresauts éventuels du régime nord-coréen ne sont pas les signes les plus alarmants. Le renforcement des appareils militaires régionaux apparaît en effet sans commune mesure avec la « réalité » de la menace nord-coréenne, nucléaire ou pas.North Korea in 2005 : Decomposition or Last Reforms ?As North-Korea's nuclear crisis enters its third year, resistance capacities of Pyongyang's regime raise a growing number of questions. Facing intense diplomatic and military pressures as the country sinks into under-development, the logic behind Kim Jong-il's political and economic orientations is not clear : are these the last moments of a decomposing system or, on the contrary, real changes ? Taking a closer look, the death throes of North Korea's regime do not constitute the most alarming sign. The reinforcement of regional military capacities is indeed far more disturbing than the « reality » of North Korea's threat, whether it is nuclear or not.
- La Russie : entre réformes et réaction - Georges Sokoloff p. 55 Libéralisme économique et durcissement politique semblent constituer les traits marquants de l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Le temps des réformes, amené par Mikhaïl Gorbatchev, laisse la place à une réaction conservatrice sous V. Poutine et ses « tchékistes ». La mise au pas des désormais ex-contre-pouvoirs est pourtant difficilement acceptable pour la société russe et pour les démocraties occidentales. La nature du conservatisme apporté par V. Poutine est ici abordée au travers l'histoire récente de la Russie, sa puissance précédente, mais aussi au regard des attentes de la société russe. La popularité du régime de V. Poutine y est donc analysée selon les perspectives économiques et politiques du président.Russia between Reform and ReactionEconomic liberalism and the hardening of the political regime seem to be the characteristics of Vladimir Putin's come to power. The reforms initiated by Mikhail Gorbachev have been replaced by a conservative reaction under V. Putin's « chequists ». However, the control of the opposition forces is hardly acceptable for the Russian society as well as for Western democracies. The nature of V. Putin's conservatism is analyzed in this article through the lenses of Russia's recent history, its past power and the hopes of Russian society. The popularity of V. Putin's regime is studied with regard to the president's economic and political prospects of accomplishment.
- Les enjeux de la coopération décentralisée - Bertrand Gallet p. 61 Mentionnées de manière allusive dans les ouvrages de relations internationales, les collectivités locales sont devenues, avec leurs coopérations, des acteurs à part entière des relations internationales. Sous le nom de « coopération décentralisée », leur politique se développe depuis cinquante ans. Née en France, elle a pris aujourd'hui une ampleur mondiale, se déployant aussi bien dans le bilatéral que dans le multilatéral. Cette nouvelle « diplomatie des villes » s'est fondée sur des valeurs de paix et de réconciliation en Europe, avant de découvrir la solidarité et le développement, puis l'accompagnement du vaste mouvement de décentralisation qui touche aussi bien les pays d'Europe centrale et orientale que ceux de la Méditerranée, de l'Amérique latine et de l'Afrique.Decentralized Cooperation at StakeThe French administrative divisions known as « collectivités locales », although they are briefly mentioned in international relations publications, have become, thanks to the cooperation they engage, full actors of international relations. Known as « decentralized cooperation », their particular policy has been developed for fifty years. Born in France, decentralized cooperation has reached a world scale and is developed in a bilateral and a multilateral way. This new « diplomacy of the cities » was originally based on the values of peace and reconciliation in Europe, before enlarging to solidarity and development, and to the attendance of the vast decentralization movement in Central and Eastern Europe, as well as in the Mediterranean, Latin America and Africa.
- L'invasion de l'Irak : les dessous de la prise de décision de la présidence Bush - Charles-Philippe David p. 9
Dossier : La violence au nom de Dieu
- Introduction : La violence au nom de Dieu - Pierre Conesa p. 73
- Extrémismes religieux : Les différents types de légitimation de la violence - Odon Vallet (entretien) p. 83 La violence religieuse n'est ni le privilège d'une religion ou d'une secte, ni d'une époque ni même d'une région du monde. Il s'agit donc de puiser des éléments de compréhension dans le temps long mais également dans la comparaison du phénomène de la violence religieuse. Tout en évitant un hasardeux décryptage approximatif de l'actualité qui conduit souvent à entretenir la confusion à propos de tels sujets, l'auteur aborde le rapport entre la violence et la religion notamment à travers le prisme de la légitimité. En effet, de nombreux mouvements violents recherchent une légitimité en se proclamant au service d'une religion. Le monopole de la violence légitime par l'État est-il nécessairement remis en cause par cette forme de violence qui recherche une légitimité dans le ciel ?Different Sorts of Violence LegitimizationReligious violence is neither the privilege of a particular religion or cult, nor of a particular period in history or a region of the world. In order to understand this kind of violence, it is necessary to analyze the development of this phenomena in the long term, but also to compare different manifestations of religious violence. While avoiding a rough examination of current affairs that could lead to a confusion on this matter, the author tackles the link between violence and religion, particularly through the prism of legitimacy. Indeed, numerous violent groups seek legitimacy by claiming to serve a religion. Is state's control of legitimate violence threatened by this form of violence that looks for its legitimacy in heaven ?
- L'intégrisme juif et la colonisation dans les Territoires palestiniens occupés - Barah Mikaïl p. 93 Les tentations extrémistes du judaïsme existent tant au sein de la société israélienne que chez les membres de la diaspora juive. Une tendance qui se traduit souvent par un clair rigorisme, et dont on peut retrouver les prémices dans l'histoire européenne, ainsi que dans les soubresauts moyen-orientaux, particulièrement caractérisés par les guerres israélo-arabes de 1967 et de 1973. Bien qu'ayant été un projet politique au départ, la colonisation israélienne des Territoires palestiniens, apparue dès la fin des années 1960, aura ainsi permis à des groupes et à des formations extrémistes juifs de s'approprier cette notion au nom de l'impératif religieux. Une situation qui conduit aujourd'hui les formations politiques traditionnelles de l'État hébreu à devoir composer avec une minorité influente et parfois violente de l'échiquier politique israélien.Jewish Fundamentalism and the Colonization of Palestinian TerritoriesJudaism's fundamentalist temptation is present no only within the Israeli society, but also in the Diaspora. This trend is characterized by rigorist interpretations whose origins can be found in Europe's history and in the Middle East wars, particularly those of 1967 and 1973. The colonization of the Palestinian Territories, which began in the 1960's as a political project, was appropriated by Jewish extremist groups that translated this policy into religious terms. Today, traditional Israeli political groups have to deal with this influent and sometimes violent minority present on Israel's political scene.
- Religion et stratégie aux Etats-Unis - Jean-Michel Valentin p. 103 L'habitus collectif des États-Unis est imprégné de la notion d'exceptionalisme américain. Cet appareil de certitudes religieuses joue un rôle déterminant dans la production américaine de stratégie et d'usage de la violence armée. Celle-ci est censée promouvoir les intérêts américains, tout en préservant l'entité « États-Unis » de toute interaction avec l'extérieur qui pourrait en altérer la nature « providentielle ». Il en résulte, entre autres, un surinvestissement dans la technologie. Cette relation entre perception d'une « Destinée Manifeste » et de la stratégie s'est construite depuis le XVIIe siècle, se perpétue et s'accroît avec la tendance actuelle au « néomessianisme », mis à l'épreuve en Irak.Strategy and Religion in the United StatesUnited States' collective habitus is influenced by the notion of American exceptionalism. This religious system largely plays a part in the definition of the US strategy and in the use of military power. Indeed, military power is supposed to promote American interests while preserving the country from any interactions with the outside world that could alter the US « providential » nature. This results, among other things, in a US technological over-investment. The relationship between the « Manifest Destiny » and the American strategy has been built since the 18 th century, and is perpetuated and increased with the US current neo-messianic trend, which was applied in Iraq.
- L'autolégitimation de la violence islamiste - Kader Abderrahim p. 115 Cet article aborde les causes sociales et politiques du développement du fondamentalisme dans le monde arabo-musulman. Il apparaît que deux acteurs, l'Iran et l'Arabie Saoudite ont joué un rôle majeur dans l'histoire récente de ce développement. Les objectifs et les stratégies de ces mouvements sont ici analysés pour nous permettre de comprendre les ressorts stratégiques et politiques de ces choix. Mais les blocages internes des différents régimes du monde arabo-musulman expliquent en grande partie l'influence des mouvements fondamentalistes au sein des sociétés musulmanes, puis de leur passage progressif à la violence. Les rapports entre l'islam et la politique sont également analysés tout comme le rapport à l'Occident avec cet effet attraction/répulsion. Pourquoi l'islamisme politique a-t-il tant d'écho dans les sociétés musulmanes ? L'islamisme radical est-il un avatar des échecs du nationalisme panarabe ?The Self-Legitimization of Islamist ViolenceThe author describes in this article the social and political causes of the fundamentalist progression in the Muslim world. Two actors, Iran and Saudi Arabia, have played a major role in the recent development of this trend. Their goals and strategies are analyzed in order to understand these strategic and political choices. In this regard, the internal deadlocks of Arab regimes seem to be the main explanation for these islamist groups' influence in Muslim societies, and of their progressive radicalization into violence. The link between Islam and politics is also considered, as well as the relation of attraction/repulsion with the western world. Why do Islamists have such an impact on Muslim societies ? Is radical Islamism the result of pan-Arabic nationalism failures ?
- Relecture de quelques conflits récents et moins récents : Religions et violences ethniques en Bosnie-Herzégovine - Arnaud Latapie p. 125 Les appareils religieux de Bosnie-Herzégovine ne peuvent être accusés d'avoir favorisé les violences ethniques lors du dernier conflit. L'Église orthodoxe a certes profité de l'occasion pour opérer un retour, mais celui-ci reste limité chez les Serbes de culture yougoslave, c'est-à-dire socialistes et athées. De l'autre bord, l'islam constitue un instrument fédérateur et identitaire totalement aux mains du parti d'Alija Izetbégovic. En fait, seule l'Église catholique peut exercer un véritable pouvoir sur son peuple, les Croates. Or dès le début des troubles, le clergé diocésain et les franciscains de Srébrénice ont fortement exprimé leur volonté de préserver la mixité ethnique sur l'ensemble du territoire. Plus ambigus, les franciscains d'Herzégovine ne se sont pas opposés formellement à la politique d'épuration menée par les Croates de cette région méridionale.Religion and Ethnic Violence in Bosnia and HerzegovinaThe religious system in Bosnia and Herzegovina cannot be accused of having nurtured ethnic violence during the last war in this region. The Orthodox Church took without any doubt profit of the situation to reinforce itself, but this trend was limited among the Serbs who had a Yugoslav culture, that is Serbs who were both socialist and atheistic. On the other side, the Muslim religion has become an instrument of unification and identity for Alija Izetbegovic's party. Actually, the only church capable of exerting a real power over its people — i.e. Croats — is the Catholic Church. However, since the beginning of the hostilities, Srebrenice's Diocesan and Franciscan clergy have strongly articulated their will to preserve ethnic mixing all over the region. More ambiguously, Franciscans from Herzegovina weren't formally opposed to the Croat's ethnic cleansing policy in this region.
- La dimension religieuse du conflit irakien - Khattar Abou Diab p. 135 L'Irak est, en termes géopolitiques, une zone de « confins » de plusieurs ensembles : ligne de fracture entre l'islam sunnite et chiite, frontière entre le monde arabe d'une part, et les mondes persan et turc d'autre part. L'actuelle guerre d'Irak semble un révélateur des défis de notre temps où les identités, les religions et les cultures occupent une place particulière dans les ressorts de la conflictualité. À la place d'un idéal « nouveau Moyen-Orient » promis par les idéologues néoconservateurs, c'est plutôt le scénario désastreux du choc des civilisations qui semble se réaliser. Il est prématuré de juger aujourd'hui l'entreprise américaine dans l'ancienne Mésopotamie, mais la « libanisation » de la situation irakienne incite à s'interroger sur l'influence du facteur religieux.The Religious Dimension of the Iraqi WarIn geopolitical terms, Iraq is a zone combining multiple religious groups : it is the borderline between Sunni and Shiite Islam, between the Arab world on the one hand, and the Persian and Turkish worlds on the other. Thus, the Iraqi war seems to reveal the current challenges of the world were identities, religions and cultures have a predominant place when it comes to conflict causes. Instead of the « New Middle East » promised by neo-conservative ideologists, it is rather the catastrophic scenario of the clash of civilizations that seems to be prevailing. It would be premature to condemn today the American project in the ancient Mesopotamia, but the « libanization » of Iraq's situation forces us to wonder about the influence of the religious issue.
En librairie
- Etat de la littérature : Bilan critique de la littérature récente sur l'Afrique subsaharienne - Philippe Hugon p. 145