Contenu du sommaire : La science et sa culture
Revue | Revue internationale des sciences sociales |
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Numéro | no 168, juin 2001 |
Titre du numéro | La science et sa culture |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La science et sa culture
- Résumés - p. 195
- Introduction : la science et ses cultures - Hebe Vessuri p. 199
- Biologie moléculaire et cultures britannique, française et américaine - Pnina Géraldine Abir-Am p. 207 L'auteur du présent article étudie le contexte culturel dans lequel est apparu ce nouveau domaine transdisciplinaire qu'est la biologie moléculaire dans les trois pays qui ont le plus contribué à sa constitution : la Grande-Bretagne, les États-Unis d'Amérique et la France. Elle se penche sur trois aspects de ces cultures nationales qui peuvent contribuer à expliquer la place importante que chacune occupe aux origines de la biologie moléculaire : 1. La culture politique, en particulier la politique scientifique en tant que domaine qui touche le plus directement à la production de savoir scientifique ; 2. La culture intellectuelle, en particulier le rôle des scientifiques dans la tradition nationale des « intellectuels engagés » ; 3. La culture institutionnelle, ou les cultures sociales et matérielles qui ont prévalu dans les grands laboratoires et instituts de recherche. L'auteur se penche aussi sur la convergence de ces trois traditions nationales dans les années soixante, en relation avec le développement de collaborations internationales et des institutions internationales. Il semblerait que cette tendance doive se poursuivre au XXIe siècle, la biologie moléculaire étant de plus en plus confrontée au contexte culturel nouveau suscité par la mondialisation transnationale et le multiculturalisme.
- La coopération franco-vénézuélienne dans le domaine de la catalyse - Rigas Arvanitis et Hebe Vessuri p. 221 L'analyse au niveau micro de la collaboration scientifique entre chercheurs de différents pays est un instrument particulièrement adapté pour saisir les mouvements complexes de la production scientifique et la position relative occupée par un pays dans un domaine scientifique particulier, ainsi que l'influence des variables culturelles dans la communication scientifique. La forme qu'adopte la collaboration scientifique résulte toujours d'un ensemble complexe de facteurs et doit être interprétée différemment selon la situation des acteurs concernés. Dans cet article, nous examinons un programme de collaboration entre des scientifiques universitaires français et vénézuéliens, appelé Programme de coopération « post-gradués » (pcp), qui a pour but la mise en place de réseaux dans les deux pays de laboratoires d'excellence, en association avec des industriels, réseaux dont les objectifs seront fixés conjointement par les industries et les laboratoires participants. Le programme de collaboration analysé, dont l'histoire est longue et fructueuse, se situe dans le domaine de la catalyse, secteur dont l'importance du point de vue économique, mais aussi géostratégique, répond à celle des ressources pétrolières.
- La science pour le XXIe siècle : du contrat social aux fondements scientifiques - Giberto C. Gallopin, Silvio Funtowicz, Martin O'Connor, Jerry Raventz p. 239 Cet article traite de la nécessité de modifier la méthode et la pratique de la science pour relever les défis que posent le développement durable et l'évolution du contexte au début du XXIe siècle. L'exigence majeure d'une science soucieuse de durabilité découle de la complexification croissante aux niveaux ontologique, épistémologique et politique, qui requiert une science intégrée allant bien au-delà d'un style de recherche interdisciplinaire. Ce qu'il faut donc, c'est la conception, l'adoption et la diffusion d'un modèle de recherche scientifique qui soit véritablement fondé sur les systèmes complexes. Les systèmes socio-écologiques complexes ont en commun un certain nombre de propriétés fondamentales qui exigent un changement des méthodes scientifiques, des critères de vérité et de qualité, et des cadres conceptuels. Parmi ces propriétés figurent la non-linéarité, la multiplicité des points de vue, l'émergence de propriétés, l'auto-organisation, la multiplicité des échelles et l'incertitude irréductible. Certaines conséquences de l'analyse sont signalées sous forme de recommandations pratiques. Les auteurs plaident pour une participation des spécialistes à la fois des sciences sociales et des sciences exactes et naturelles à l'étude des mesures nécessaires pour développer une science soucieuse de durabilité.
- La place de la science universitaire en Inde : reflexions sur une évolution - V.V. Krishna p. 251 En Inde, l'histoire de la science moderne, issue du contexte colonial du XVIIIe siècle, se confond avec le processus de professionnalisation, marqué par un long combat pour l'affranchir de l'emprise tentaculaire de la « science coloniale », qui devait aboutir à la formation de ce que l'on appelle la communauté scientifique indienne et à l'essor de la science universitaire. L'auteur se livre ici à une analyse des différentes formes que cette lutte a revêtues de la fin du XIXe siècle à nos jours. Il en ressort, comme divers écrits le confirment, que la science universitaire était tenue en plus haute estime, plus respectée et plus résolument attachée au progrès de la connaissance avant qu'après l'indépendance. À notre époque, dans ses diverses ramifications, elle ne bénéficie plus que d'un financement, d'une infrastructure, d'un prestige et d'un soutien très médiocres et se trouve ainsi reléguée en position d'infériorité par rapport à l'activité des organismes scientifiques chargés de missions précises sous l'égide de l'appareil scientifique étatique.
- Evolution des modes de financements de la recherche (1960-2000) - James Mullin p. 269 Le présent article a pour propos d'examiner l'évolution des politiques gouvernementales de financement de la recherche scientifique au cours de laquelle le financement direct de chercheurs indépendants, qui était le système le plus répandu pendant les années soixante, a été remplacé par un éventail plus complexe de moyens de financement. Nombre de ces modalités sont destinées à fournir un appui à de vastes réseaux de chercheurs multidisciplinaires et multi-institutionnels, dont les travaux portent sur des problèmes pouvant présenter un intérêt économique ou social. L'émergence de ces nouveaux types de financement est étudiée au Canada, au Chili et en Afrique du Sud.
- La communication scientifique à l'aube du XXIe siècle - Jane M. Russel p. 297 Le développement rapide de la technologie de l'information, des réseaux télématiques et de l'édition électronique a suscité l'apparition d'interfaces, de « liens » et d'inforoutes qui facilitent la circulation de l'information formelle et informelle sur l'ensemble du globe. La prolifération des ordinateurs individuels connectés aux réseaux institutionnels et internationaux permet aux chercheurs d'avoir rapidement accès à leurs collègues, aux éditeurs, aux publications électroniques, aux logiciels et aux bases de données spécialisées, où que ceux-ci se trouvent dans le monde. La capacité de tous ces nœuds de communiquer les uns avec les autres autorise désormais un échange instantané de l'information, facilitant ainsi les différentes étapes du travail de recherche et la constitution de « collaboratoires » – c'est-à-dire de laboratoires de recherche virtuels. Reste à savoir dans quelle mesure le changement technologique affecte la nature même de la communication entre chercheurs. La communication par ordinateur n'aura-t-elle pour effet que de faciliter le travail des chercheurs, sans le transformer réellement ? Jusqu'à quel point les chercheurs appartenant aux différents domaines du savoir ont-ils recours aux médias électroniques pour mener à bien telle ou telle tâche ? La participation des scientifiques de la périphérie aux réseaux mondiaux fera-t-elle de leur isolement un vestige d'une ère révolue, où l'électronique n'avait pas encore sa place ? Telles sont les grandes questions, touchant aux relations entre technologie de l'information et pratiques des chercheurs en matière de communication dans un monde en pleine évolution, auxquelles tente de répondre le présent article.
- Centres et périphéries : les tendances de la politique scientifique et de la biologie moléculaire en Espagne - Maria Jesus Santesmases p. 311 La biologie moléculaire a été introduite dans les centres de recherche et les universités espagnoles sous l'effet de deux influences étrangères principales. L'une d'entre elles a été la promotion par l'oece (devenue en 1961 l'ocde) de la politique scientifique et technique en Europe après la Seconde Guerre mondiale. Les sciences de la vie, en particulier, ont reçu un appui considérable aux États-Unis, contrairement à la physique, qui avait donné naissance à la bombe atomique. Les autorités scientifiques, académiques et politiques espagnoles ont été sensibles à ces tendances qui se dessinaient dans les centres de pouvoir économique européens de l'après-guerre. Ainsi, quand la conjoncture politique et économique est devenue favorable, elles ont contribué à la promotion des recherches biomédicales en Espagne. En pleine décennie de développement économique et sous la conduite scientifique du prix Nobel de médecine Severo Ochoa (Espagnol de nationalité étasunienne), la recherche en biochimie et en biologie moléculaire a reçu l'appui politique et scientifique nécessaire à la création de nouveaux groupes et centres de recherche en Espagne à partir de 1970.
- La dynamique de l'apprentissage technologique dans l'indutrialisation - Linsu Kim p. 327 Le cadre d'analyse élaboré par l'auteur permet de voir comment l'industrialisation se réalise à travers la création d'un potentiel technologique interagissant avec l'évolution de la concurrence sur les marchés, la politique gouvernementale, la stratégie des entreprises et la culture sociale dans un pays en développement. Ce cadre est appliqué à la Corée pour décrire la dynamique de l'apprentissage technologique dans le processus d'industrialisation. De l'exemple coréen se dégagent un ensemble de conséquences pour les autres pays en développement.
- Nomadisme des scientifiques et nouvelle géopolitique du savoir - Jean-Baptiste Meyer, David Kaplan, Jorge Charum p. 341 La mobilité des professionnels hautement qualifiés est désormais au cœur de l'actualité en raison de la mondialisation et du rôle accru du savoir dans les relations socio-économiques d'aujourd'hui. Cependant, la propension des scientifiques à se déplacer géographiquement en réponse à des besoins intellectuels, sociaux et autres n'est pas sans antécédents. Les auteurs du présent article étudient la mobilité dans son contexte actuel et à la lumière de ses aspects traditionnels pour la mettre en perspective et en saisir la dynamique. Ils ne prétendent pas donner du phénomène une représentation exhaustive et achevée, s'efforçant plutôt d'en dégager les implications théoriques et politiques en apportant des données nouvelles et en prenant une distance critique.
- Le nouveau décor des politiques de la science - Jean-Jacques Salomon p. 355 Les urgences et les surenchères de la guerre froide en matière d'armements se prolongent aujourd'hui dans le domaine économique au nom de la compétitivité des entreprises et de la mondialisation. La révolution scientifique et technique dont nous sommes les témoins (information, biotechnologies, nouveaux matériaux) contribue au même phénomène de dématérialisation qui définit les sociétés postindustrielles, mais la promesse hâtive du « village global » demeure sous la menace de la tyrannie du marché et de l'explosion de la bulle spéculative. D'un côté, accumulation inouïe de découvertes, d'applications et de nouveaux savoir-faire ; de l'autre, les inégalités entre nations et au sein de certaines nations demeurent et même s'accroissent, et les menaces nées des développements mêmes de la science se multiplient (des armes nucléaires aux organismes génétiquement modifiés ou à la possibilité du clonage humain). Le nouveau contrat entre la science et la société suppose une prise de conscience plus affirmée de la responsabilité sociale des scientifiques ; il demande, en somme, de reconnaître que la science ne fait pas de nous des dieux. Le principe de précaution, introduit dans les législations nationales et internationales, loin de disqualifier l'intelligence ou d'inhiber l'innovation, revient tout simplement à renouer avec la prudence de l'humanisme, c'est-à-dire la sagesse des limites.
- Les numéros parus - p. 369