Contenu du sommaire : Le trafic international des drogues : dimensions économiques et sociales

Revue Revue internationale des sciences sociales Mir@bel
Numéro no 169, septembre 2001
Titre du numéro Le trafic international des drogues : dimensions économiques et sociales
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  • Le trafic international des drogues : dimensions économiques et sociales

    • Résumés
    • Le projet MOST : transformations économiques et sociales liées au problème international des drogues - Secrétariat de MOST p. 385 accès libre
    • Drogues, organisations criminelles et politiques publiques
      • Introduction : trafic de drogues, organisations criminelles et politiques publiques de contrôle - Michel Schiray p. 389 accès libre avec résumé
        Cette introduction aux enquêtes menées principalement au Brésil, en Inde, en Chine s'attache à montrer l'importance de la recherche pour pallier les limites de l'information des médias et des institutions officielles spécialisées, pour une connaissance du trafic de drogues et de ses conséquences. Elle esquisse un panorama de l'effort scientifique développé à travers le monde, en relevant la suprématie indéniable des États-Unis et les efforts exceptionnels déployés par les chercheurs de quelques pays fortement impliqués, parmi lesquels la Colombie et l'Italie, qui contrastent avec les réserves étonnantes des milieux académiques de la plupart des autres pays. Elle tente de sélectionner et de discuter quelques résultats issus des divers travaux qui pourraient orienter les prolongements de la recherche. Elle suggère la variété des questions soulevées, selon que l'on se situe au niveau local, national ou international, et tente d'en identifier quelques-unes. Elle montre que le trafic de drogues est lié aux autres activités criminelles et s'efforce d'analyser les formes d'organisation qui le contrôlent. La conclusion propose quelques questions essentielles sur la contribution que peut apporter la recherche pour les politiques publiques nationales et internationales de contrôle.
  • Le développement et les activités du crime organisé à Bombay - Molly Charles p. 397 accès libre avec résumé
    Dès les années 1790, le port de Bombay (Mumbai) s'est développé grâce à la contrebande de l'opium en direction de la Chine. À présent, c'est à la fois la capitale financière et le centre névralgique des groupes criminels organisés (gco) de l'Inde. La structure de ces gco a évolué en s'adaptant aux exigences des différentes périodes qui ont suivi l'indépendance. Ils sont gérés selon le principe du profit, et ils changent de marchandises en fonction des possibilités qu'offrent les politiques du gouvernement. De plus, les changements géopolitiques qu'ont connus les pays voisins ont créé une atmosphère favorable au trafic de stupéfiants. La puissance de ces gco leur a permis d'infiltrer les organismes publics et la légèreté des peines sanctionnant la délinquance en col blanc leur a donné l'occasion d'opérer dans un certain nombre de domaines, développant ainsi leur base de revenus bien au-delà du racket de rue. La mondialisation a élargi leur champ d'action et a multiplié les possibilités de blanchiment d'argent. Certains de leurs membres appartiennent à la nouvelle génération d'hommes d'affaires internationaux. Leurs réseaux sont à la fois nationaux et internationaux, ce qui limite l'impact des faibles efforts que le gouvernement déploie pour combattre les activités des gco. Le présent article, qui s'appuie sur des données primaires et secondaires, décrit le développement et les activités de certains groupes et fait quelques propositions d'action.
  • Violence à Rio de Janeiro : styles de loisirs, de consommation et de trafic de la drogue - Alba Zaluar p. 407 accès libre avec résumé
    Dans le présent article, nous tenterons de comprendre les liens entre pauvreté et trafic de drogue au détail ; nous nous intéresserons aux mécanismes qui ont provoqué les changements économiques, sociaux et politiques survenus dans les quartiers pauvres. Bien qu'il ne faille pas perdre de vue le contexte historique de ces changements, dans lequel prospèrent la violence et le trafic de la drogue, cet article porte sur les données que les recherches sur le terrain, notamment celles effectuées de 1997 à 2000, ont permis de rassembler. La dernière de ces enquêtes compare les données sur la criminalité et les indicateurs sociaux, et les interprète à la lumière des matériels ethnographiques sur les différents styles de consommation et de trafic de drogue dans trois districts de Rio de Janeiro : Copacabana, dans la zone la plus riche de la ville ; Tijuca, dans un secteur où dominent les classes moyennes ; Madureira, dans un quartier habité surtout par les plus pauvres. Cette enquête montre comment les jeunes favelados sont séduits par la vie dangereuse et la culture de la virilité associées à un certain style de commerce de la drogue, où beaucoup trouvent la mort.
  • L'argent et le trafic de drogues à São Paulo - Guaracy Mingardi p. 419 accès libre avec résumé
    La littérature sur le crime organisé présente couramment le phénomène comme transnational : c'est ce que l'auteur discute. Il n'existe pas, en effet, d'organisation criminelle qui puisse se dispenser du concours de personnes ayant une influence locale, qu'elles soient elles-mêmes des criminels ou des membres de l'appareil d'État. L'article analyse quels types de relations existent entre les organisations étrangères engagées dans le trafic de drogues et les organisations criminelles proprement brésiliennes.
  • Le complexe coca-cocaïne dans le secteur oriental du bassin de l'Amazone - Lia Osorio Machado p. 427 accès libre avec résumé
    L'auteur de cet article examine quelques-unes des interactions existant entre le trafic de la drogue et l'utilisation du territoire dans le bassin de l'Amazone, et notamment dans sa partie orientale, qui appartient au Brésil. Bien que les processus de peuplement présentent certaines ressemblances dans l'ensemble du bassin de l'Amazone, il existe aussi sur ce point, entre les secteurs occidental et oriental, d'importantes différences liées à différents types de relation avec les réseaux internationaux de trafiquants de drogue. L'analyse de quelques-uns des effets d'ordre territorial et économique produits par la transformation du mode d'organisation du complexe coca-cocaïne suggère que les activités des organisations criminelles, bien que sensibles au contexte local et capables de s'y adapter, reproduisent ce qu'il y a de pire dans les pratiques sociales et économiques licites, ces organisations devenant les parasites d'autres parasites.
  • Brésil : nouveaux espaces de criminalité en Amazonie - Regine Schönenberg p. 437 accès libre avec résumé
    L'auteur examine l'effet régional et local des processus de transformation sociale rapide, s'agissant des causes profondes de la réceptivité croissante au trafic international des drogues. L'Amazonie brésilienne connaît depuis trente ans un processus de reconstruction des schémas sociaux, des rapports de pouvoir, des institutions et des réseaux de redistribution. Dans les régions d'occupation traditionnelle comme dans les régions d'intense migration, l'absence d'une régulation étatique cohérente a ouvert un champ propice aux nouvelles activités criminelles. Deux exemples à cet égard sont examinés et comparés.
  • Drogues en Afrique australe : les affaires continuent - Laurent laniel p. 447 accès libre avec résumé
    Les années quatre-vingt-dix ont vu une Afrique australe plus pacifique s'ouvrir au monde et devenir une plaque tournante et un marché pour les flux internationaux de drogues illicites. Une situation paradoxale, semble-t-il, étant donné que le phénomène de la drogue, surtout dans les régions en développement, est habituellement attribué à des circonstances exceptionnelles – guerre, absence d'État de droit ou, au contraire, règne d'une dictature ou d'un autre régime d'oppression. Comment expliquer que cette explosion des activités liées à la drogue survienne après la période de « normalisation » qui a permis à l'Afrique australe de rallier le mouvement de « mondialisation » et non lorsqu'elle était la proie d'un racisme institutionnalisé et d'une guerre ? Le présent article tente de fournir des éléments de réponse en suggérant qu'à l'heure actuelle ces activités sont l'un des modes d'expression et de reproduction de mécanismes historiques, politiques, sociaux et économiques majeurs qui interviennent au sein de l'Afrique australe et entre cette région et le reste du monde.
  • Trafic et consommation de drogues en Chine : deux études de cas - deng Zhenlai et al. p. 457 accès libre avec résumé
    Cet article traite des résultats d'un travail de recherche sur le trafic et la consommation de drogue en Chine, laquelle a considérablement augmenté ces dernières années. La recherche s'appuie sur la documentation existant au niveau national et, au niveau local, sur des études de terrain effectuées dans deux villes : Guangzhou et Shenzhen, dans la province du Guangdong. Elles analysent les aspects géographique, économique et sociologique du phénomène.
  • Drogues et Etat
    • Introduction : trafic de drogues et Etat - Christian Geffray p. 463 accès libre avec résumé
      Cet article attire l'attention sur deux figures génériques de la délinquance étatique liées au trafic de drogue : la corruption par neutralisation du pouvoir d'État, lorsque l'initiative appartient aux trafiquants, et par abus de pouvoir, lorsque l'initiative revient aux fonctionnaires. Les études présentées dans ce chapitre suggèrent, en effet, que la prédominance de l'une ou l'autre forme de corruption dépend étroitement de l'histoire de l'État et du rapport de force prévalant entre les institutions publiques et les réseaux trafiquants. La situation mexicaine par exemple, où les administrations sont demeurées longtemps sous la tutelle de facto d'un parti unique, peut s'avérer plus proche à cet égard de la situation chinoise que de celles du Brésil, de l'Inde ou de la Colombie… Au-delà de ces différences et quel que soit le degré d'autonomie des trafiquants relativement au pouvoir d'État, la question politique du clientélisme se trouve posée.
    • Les limites de la politique antidrogue au Mexique - Luis Astorga p. 469 accès libre avec résumé
      L'intervention de l'État mexicain dans la lutte contre le trafic de drogue est passée par plusieurs étapes, caractérisées essentiellement par des actions juridiques et policières et inspirées du modèle que les États-Unis ont institué au début du XXe siècle. Cet article se propose de mettre en relief certaines des limites que présente ce modèle, que vient renforcer, ces dernières années, une participation militaire croissante, alors que l'histoire particulière des rapports entre trafic de drogue et pouvoir politique dans un régime de parti d'État est éludée. Il s'agit, par ailleurs, de cerner jusqu'où peut aller l'autonomie du président élu le 2 juillet 2000 et de son gouvernement, qui n'appartiennent pas au parti d'État, à l'heure de définir le contenu et l'orientation de la politique antidrogue.
    • Violence, argent facile et justice au Brésil : 1980 - 1995 - Alba Zaluar p. 477 accès libre avec résumé
      Le but de cet article est de discuter des liens entre le trafic de drogues et la pauvreté, en spécifiant les différents mécanismes institutionnels de l'État qui conditionnent ces liens. On y présente les résultats de recherches de terrain effectuées dans trois quartiers de la ville de Rio de Janeiro entre 1998 et 2000, et d'une enquête sur le fonctionnement du système de justice réalisée à Campinas et Rio de Janeiro entre 1993 et 1998, et portant sur les crimes liés à la drogue. Les résultats se présentent sous forme de données statistiques (rassemblées à partir d'enquêtes et de dossiers judiciaires enregistrés dans le Livro de Tombo des juridictions criminelles) et d'interprétations procédant de la lecture de 364 dossiers présentés à l'institution judiciaire en 1991 ou d'entrevues accordées par des juges, avocats, défenseurs publics, procureurs et détenus dans les deux villes.
    • Brésil : le trafic de drogues dans l'Etat fédéré du Rondônia - Christian Geffray p. 485 accès libre avec résumé
      Le trafic de drogues a profondément affecté la vie sociale, politique et économique des États brésiliens frontaliers de la Bolivie. L'article analyse et périodise ce « cycle amazonien de la cocaïne » depuis le début des années quatre-vingt dans l'État fédéré du Rondônia : la formation des premiers réseaux du grand trafic ; la ruée vers l'or du fleuve Madeira et la popularisation de l'accès à la cocaïne à travers le troc de biens volés (ou exportés en contrebande), contemporaines de la formation d'un important marché intérieur de la drogue au Brésil ; le déclin commercial des villes-frontière et la prospérité, grâce au trafic, des villes de l'intérieur. L'auteur articule cette évolution historique avec la montée en puissance de certains trafiquants à l'intérieur de l'appareil de l'État fédéré par la conquête de charges électorales.
    • Trafic de drogues, économies illicites et société en Amazonie occidentale - Roberto Araujo p. 493 accès libre avec résumé
      Cet article décrit quelques-unes des principales conséquences sociales et politiques de l'émergence du commerce de la cocaïne en Amazonie brésilienne, à partir de l'exemple de l'État de l'Acre. Touchant l'ensemble des couches de la population, le trafic de drogues s'y affirme depuis les années quatre-vingt, à l'instar d'autres filières illicites, comme une alternative à la crise de l'économie du caoutchouc. Mais ses implications sont différentes pour les régions septentrionales et méridionales de l'État. Dans ces dernières, et notamment dans la capitale de l'Acre, le développement d'un marché local de consommateurs urbains apparaît fortement lié à la corruption policière et à l'exercice illégal de la violence par les organismes de répression. Dans les premières, où les mécanismes de redistribution sociale des revenus illégaux semblent être plus effectifs, le commerce de la cocaïne contribue à une certaine prospérité des populations, grâce notamment à un nouvel essor du secteur tertiaire. Si la violence y est relativement moins nécessaire comme garante du contrôle social, la mainmise des grands trafiquants et hommes d'affaires sur les fonctions exécutives dans l'appareil d'État soumet le champ politique tout entier aux rapports noués dans la sphère de la criminalité.
    • Etat, corruption et criminalisation en Chine - Guilhem Fabre p. 501 accès libre avec résumé
      Avec la décentralisation et l'ouverture que connaît la Chine depuis 1979, la montée de la corruption et de l'économie criminelle s'explique par la multiplication des opportunités, démontrée au niveau macro-économique, dans un contexte de relative impunité pour les délits les plus graves. Les interprétations fonctionnalistes et culturalistes de la corruption ne rendent pas compte de sa dimension politique, qui n'est pas réductible à son instrumentalisation dans la lutte entre factions dirigeantes. Contrairement à la situation qui prévaut dans certains pays démocratiques en développement, les criminels, en Chine, n'ont pas la possibilité de devenir représentants de l'État, mais certains représentants de l'État, notamment à l'échelon local, sont en situation d'effectuer des arbitrages en faveur de milieux criminels, comme au Mexique, et de toucher ainsi une part des profits illicites.
  • Perspective culturelle
    • Le contexte socioculturel de l'usage des drogues et ses implications pour les politiques de lutte contre la toxicomanie - Molly Charles, Gabriel Britto p. 509 accès libre avec résumé
      Pendant des siècles, la diversité culturelle de l'Inde a favorisé le développement de l'usage des substances psychotropes sans faire naître d'inquiétude majeure concernant la toxicomanie. Le présent article s'appuie sur une recherche menée par les auteurs et sur des données secondaires pour tenter de présenter les modes d'usage des drogues en Inde et leurs dimensions sociale, culturelle, religieuse et utilitaire ; les auteurs examinent quelques-uns des facteurs responsables des changements radicaux qui sont intervenus depuis les années quatre-vingt. Ils montrent en particulier que la loi sur les stupéfiants et les substances psychotropes (Narcotics Drugs and Psychotropic Substances Act) de 1985 a retiré à la société le pouvoir de lutter contre la toxicomanie pour le confier à un système judiciaire moribond ; la loi a aussi fait se multiplier la consommation d'alcool, d'héroïne et d'autres médicaments plus nocifs en criminalisant l'usage social, religieux, culturel et récréatif de l'opium et du cannabis ; elle a également donné une nouvelle vigueur aux maffias du crime organisé. Enfin, elle a produit un effet pervers, auquel il faudrait remédier de toute urgence, en supprimant la possibilité de se faire soigner facilement et à peu de frais par les guérisseurs traditionnels. L'article formule certaines recommandations en matière d'action publique à l'intention des organismes des Nations Unies, des États membres, et plus particulièrement des décideurs publics indiens.
  • Dossiers ouverts

    • Opinion publique et sondages au Cameroun - M. Engueleguele p. 519 accès libre avec résumé
      Ce qui est aujourd'hui qualifié d'« opinion publique » camerounaise correspond en fait au dernier état d'un long processus historique, social et politique ; une reconstitution généalogique de l'irruption de ce vocable dans le discours des acteurs publics permettant d'opérer une mise en perspective. Sont rapidement retracés les « trois états » de l'« opinion publique » camerounaise – c'est-à-dire ses figures de référence au tournant de la décolonisation, pendant la phase monolithique et depuis la relative libéralisation de l'ordre politique ; états qui sont en interaction permanente, entretiennent une étroite relation avec les structurations successives des champs politiques camerounais et définissent des espaces de débat public à géométrie variable permettant de délimiter les participants au jeu politique national et d'envisager sa topographie. Sont également mis en lumière les apports des « sondages » de cette « opinion publique » à l'éclairage de différents pans du débat, de « l'activité » (plutôt que du « métier ») et du jeu politique au Cameroun depuis le début de la « transition » des années quatre-vingt-dix.
    • La pauvreté, le microcrédit et les enseignements du Mahatma Gandhi : un exemple à suivre pour les donateurs - K. P. Padmanabhan p. 533 accès libre avec résumé
      Le problème le plus angoissant de notre époque sur le plan moral, politique et économique est celui de la pauvreté dans les pays en développement. L'aide massive accordée par les donateurs pour soutenir les efforts de lutte contre la pauvreté n'a pas donné les résultats escomptés. La raison principale en est l'incompatibilité entre, d'une part, les macropolitiques qui vont de pair avec la mondialisation, la libéralisation et la privatisation et, d'autre part, les objectifs visés par les différents projets. C'est dans le secteur du microcrédit qu'une telle incompatibilité est la plus flagrante. D'une part, les donateurs appuient les prêts consentis aux micro-entreprises et, d'autre part, les macropolitiques font que ces mêmes micro-entreprises ne sont pas viables et que les institutions de microfinance deviennent dépendantes de subventions. L'une des façons de résoudre de telles contradictions et de venir en aide aux plus démunis pourrait être d'adapter la pensée de Gandhi au développement économique. Si les donateurs consacraient davantage de ressources à la promotion d'emplois salariés au sein de micro-entreprises viables plutôt que d'encourager le travail indépendant par le biais de microfinancements, ils pourraient ainsi secourir des millions de personnes menant une existence précaire et vivant dans la misère, fléau qui touche plus particulièrement les femmes, et leur permettre d'échapper à la pauvreté. Ainsi que l'a souligné Gandhi, l'idée maîtresse est de conférer aux pauvres un pouvoir d'achat tout en préservant leur dignité.
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