Contenu du sommaire : Walter Benjamin Vol. 1

Dans le Passagen-Werk, Walter Benjamin révèle qu'au-delà des styles et des époques les passages couverts peuvent devenir l'objet d'une interprétation, en tant qu'espaces « baroques » d'un monde spéculaire, car ils offrent une dilatation des espaces créés par le reflet à demi voilé des miroirs salis. Ces jeux de glaces plongent le passant dans la multiplication troublante des perspectives, lui faisant vivre l'expérience perturbante d'un labyrinthe. À cela s'ajoutent les affiches, les enseignes, les panneaux publicitaires, les annonces, etc. L'ensemble de ces inscriptions confère un aspect allégorique, car les images accompagnent les textes comme des écritures que l'on doit déchiffrer. La polyvocité des images est excentrique ; elle conduit à une sorte d'entre-pli ou de pliure entre différentes conditions : intérieur/extérieur, éclairé/sombre, privé/public, celé/révélé.

Dès son premier essai sur Dostoïevski, Walter Benjamin a découvert la dimension métaphorique des objets et de l'espace : une étape initiale vers ses approches médiologiques sur l'industrie de l'édition, les genres littéraires, la culture populaire et l'imaginaire collective, développés à la fin des années 1920. Plus tard, dans ses plus célèbres essais (1934-1936) et aussi après, malgré une position assez négative sur le roman contemporain, Benjamin a souvent vérifié sur le récit littéraire ses nouvelles hypothèses sur l'hybridation des médias, les modèles de communication épiques et la dimension prophétique et métaphorique de Kafka.

Le Livre des Passages répond à l'insatisfaction de Walter Benjamin envers la forme du livre, tout en remettant en question le concept d'« œuvre » close, à savoir ses exigences d'unité, de linéarité et d'autonomie. Ce projet inachevé devient le lieu d'une expérimentation définissable en tant qu'hypertextuel, en réalisant une convergence avec son objet d'étude : la métropole en tant que plateforme expressive et communicative implique une réinvention de la méthode. Le regard du penseur allemand brise les règles de la tradition académique faisant sien l'œil du medium qui détruit la perspective naturaliste par l'extension photographique de l'œil. Les propriétés médiales de la photographie deviennent une lentille et un diaphragme pour le chercheur, une sorte de regard latéral et poreux sur la multiplicité de la métropole, ou encore une ouverture à l'enregistrement de la différence, une nouvelle façon de vivre et de repenser la réalité.

Décrit et étudié comme une réflexion sur l'histoire du XXe siècle, l'art de Jean-Luc Godard se configure comme un atlas géographique, nous forçant à concevoir la pratique du montage comme une juxtaposition incessante de différents lieux et événements historiques. Cet article se concentre sur une séquence des Histoire(s) du cinéma, étudiant les implications politiques d'un montage anachronique et anatopique. Suivre cette voie permet de développer une dynamique faite de rencontres et de relances entre la pensée de Walter Benjamin et l'œuvre cinématographique de Godard.

Ce texte présente un parcours libre de la question du temps d'après la perspective benjaminienne, afin de récupérer la puissance philosophique qui émerge de son traitement fragmentaire de la temporalité. En effet, face aux grandes conceptualisations modernes de l'histoire et de la mémoire, W. Benjamin propose des figures attentives à repérer l'importance de faire expérience de la discontinuité. La figure du « Petit Bossu », sera une porte d'entrée dans l'espace-temps de l'enfance et dans les remparts d'une mémoire chargée d'oublis, qui donc ne se révèle à nous au présent que « par moitiés ».

Il y a un conflit invisible d'identités entre propriétaires et locataires en Chine. En complément de la recherche positiviste, une sociologie à la fois empirique et compréhensive inspirée par Gilbert Durand permet d'interpréter ce fait comme un processus de construction sociale. L'ordre totalitaire imposant une vie normative en Chine a produit un double paradoxe : en se divisant en deux groupes, les habitants agissent selon une même logique sociale problématique. C'est donc un stigmate invisible, ou alors la base sociétale du stigmate, qui constitue l'arrière-plan de ce conflit invisible des identités. C'est en référence à la capacité imaginaire que l'on peut évoquer la forme nocturne de l'imaginaire comme issue à ce problème.

Notre réflexion a pour but d'analyser certains aspects de l'art du XXe siècle à partir des transformations que l'expérience du monde a éprouvées pendant l'époque contemporaine. Comme l'ont bien illustré dans leurs œuvres Simmel et Benjamin, l'idée même d'expérience a subi une crise profonde, conjointement à la crise du quotidien que l'Occident a connue en raison du progrès technologique. L'art du XXe siècle tente de répondre à cette crise en se tournant d'une part vers la recherche de l'immédiat, d'autre part vers une réappropriation, à travers un travail artistique conscient, du faire au sens propre du terme.