Contenu du sommaire : Les villes géantes
Revue | Revue internationale des sciences sociales |
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Numéro | no 181, septembre 2004 |
Titre du numéro | Les villes géantes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Les villes géantes
- Résumés - p. 379
- Introduction : Quatre cents villes géantes au sommet du monde - Mattei Dogan p. 383 La multiplication et la croissance accélérées des villes géantes sur tous les continents, et en particulier dans les pays en voie de développement, figurent parmi les changements sociaux les plus marquants des dernières décennies. Les nations territoires deviennent progressivement des États métropolitains au sein desquels les grandes agglomérations dominent la vie économique, sociale, culturelle et politiques y compris, fréquemment, au plan international. Les villes les plus importantes constituent le lieu et le vecteur de la globalisation. Elles forment un réseau de communication au sein duquel les échanges personnels, de biens et d'idées se développement de manière intense. Si de nombreux domaines permettent d'appréhender le changement social, la métropolisation du monde figure cependant parmi ceux où ce phénomène est le plus significatif et a été abondamment analysé.
- La régionalité dans le réseau des villes mondiales - Peter J. Taylor p. 401 Les recherches les plus récentes consacrées au processus de formation d'un réseau de villes de taille mondiale ont souligné la concomitance des dynamiques d'ordre hiérarchique et régional. À partir de données inédites, et sur la base d'une modélisation analytique spécifique, ces études évaluent l'importance relative de ces dynamiques, et font la part des différents contextes régionaux. Il a ainsi été démontré que la dimension régionale est au moins aussi importante que la dimension hiérarchique pour expliquer les évolutions qui affectent ces villes de taille mondiale. Ceci marque une rupture par rapport aux recherches antérieures, puisque celles-ci avaient précisément tendance à privilégier l'approche hiérarchique et à négliger la dimension régionale. Ceci a non seulement pour conséquence de réorienter les recherches sur les mégalopoles, mais aussi de bouleverser l'approche du processus de mondialisation en général. Je défends ici la thèse que, contrairement à ce que suggère une approche hiérarchique univoque, le processus de mondialisation ne constitue pas un espace mondial homogène, et ne saurait en produire un. Bien plutôt, le processus de mondialisation – ou, plutôt, les processus de mondialisation – engendre(nt) simultanément plusieurs pôles majeurs d'activité sociale.
- Villes et hiérarchies imbriquées - Richard Child Hill p. 417 Il est nécessaire d'apporter un regard plus nuancé sur la relation qu'entretiennent les villes avec la mondialisation ; un cadre d'analyse qui puisse s'adapter aux différences fondamentales qui opposent les métropoles mondiales ainsi qu'aux similitudes qui les rapprochent de plus en plus. Ce cadre d'analyse donnerait une juste place autant aux phénomènes d'intégration à l'échelle mondiale qu'aux particularités locales. Je propose et illustre dans cet article un tel cadre d'analyse, qui est fondé sur le principe des hiérarchies imbriquées. Dans la perspective adoptée ici, les villes sont nichées au sein d'un ordre mondial interdépendant, divisé en formations régionales organisées différemment et en systèmes nationaux. L'organisation économique, spatiale et sociale des principales villes du monde est déterminée par leur participation aux différents niveaux d'une configuration intégrale comprenant : le cadre mondial, les formations régionales, les modèles de développement nationaux et les contextes historiques locaux. La croissance des relations d'interdépendance dans l'ensemble du contexte mondial est parfaitement compatible avec les différenciations qui s'opèrent entre les niveaux régionaux, nationaux et urbains du système autant qu'à l'intérieur de ces niveaux. En tant qu'élément constitutif de l'ordre mondial, les villes facilitent les processus de mondialisation tout en suivant leur propre trajectoire, de façon relativement autonome.
- Immigration et économie éthnique dans les villes géantes - Ivan Light p. 431 D'après les études qui ont été menées sur la mondialisation, l'afflux massif d'immigrants vers les villes « mondiales » est dû à une modification de la répartition des revenus. Ce raisonnement est confirmé par le fait que cette répartition des revenus prend de plus en plus la forme d'une sablier dans les villes mondiales, suite aux restructurations mondiales, ce qui y génère le renouvellement automatique de la demande de main d'œuvre qualifiée et non qualifiée. Des critiques ont déjà montré que ce raisonnement omet le rôle d'intermédiaire des réseaux de migration, et que lorsque ces derniers sont pris en considération, on dispose alors d'éléments pour expliquer que les migrations vers les villes mondiales se poursuivent et s'accélèrent en dépit de la détérioration des conditions de vie qu'elles y produisent. Cette étude traitera du rôle de l'économie ethnique au sein de ce processus obscur et défendra l'idée selon laquelle cette économie agit comme un tampon contre l'effet néfaste des migrations sur les conditions économiques des villes d'accueil. Ce tampon accroît la demande réelle de main-d'œuvre immigrée tout en procurant aux immigrants candidats, avant leur départ, l'assurance de trouver un emploi et un logement dans leurs villes de destination. Si l'on suppose une immigration continue, résultant de la mondialisation, le tampon se voit, après un temps, lui-même saturé. Lorsqu'on ajoute à cela une moindre tolérance politique qui va de pair avec l'accroissement de la pauvreté parmi les migrants, cette saturation économique détourne finalement le réseau de migration vers des villes de moindre importance, sur une échelle hiérarchique, où se répète le processus saturation de l'économie traditionnelle – expansion du tampon économique – saturation du tampon – redéploiement. La longévité des économies-tampons selon les régions ne dépend pas seulement des conditions économiques. Le degré de tolérance politique locale à leur égard pèse lourdement sur la durabilité du processus d'absorption de l'immigration dans toutes les villes. En ce sens, la politique menée en matière d'immigration est entre les mains des villes, et non pas des États.
- Les villes mondiales en Asie orientale : analyse empirique et conceptuelle - David A. Smith p. 447 L'Asie orientale est désormais le théâtre d'une croissance urbaine très rapide et dynamique. Parmi ses grandes villes, on compte Tokyo (incontestablement une « ville mondiale » clé), Hong Kong, Séoul et Taipei (qui se hissent au rang de « villes mondiales »), Jakarta ou Ho Chi Minh Ville (généralement considérées comme des « méga-cités » du monde en développement). Comment appréhender, pour les chercheurs en sciences sociales, cette dynamique d'urbanisation et de (sous-)développement ? Cet article propose d'y réfléchir à partir d'un cadre localisant les villes dans des réseaux urbains mondiaux, et en relation avec les changements systémiques globaux. Il illustre la manière dont les modèles régionaux d'Asie orientale « s'ajustent » avec les modèles mondiaux. Enfin, cet essai suggère de porter une attention renouvelée sur les villes « dépendantes-périphériques » qui se situent à la « base » de la hiérarchie urbaine mondiale.
- Comment Moscou se transforme en ville géante capitaliste - Vladimir Kolossov, John O'Loughlin p. 463 Cet article est consacré à la nouvelle transformation de Moscou en ville mondiale. Cette tendance se manifeste au travers du rôle acquis par la capitale russe dans les réseaux de communication mondiaux, des restructurations et du développement économiques, dans les services, en particulier dans le domaine de la banque et des autres services financiers. Comme dans toutes les autres villes mondiales, la mutation de Moscou, passée du statut de ville soviétique à celui de ville mondiale, accélère les phénomènes de polarisation sociale et accentue les décalages qui existent entre le centre historique et les autres zones de l'espace urbain. Les auteurs s'intéressent aux stratégies de gestion urbaine actuelles ainsi qu'aux relations entre intérêts de l'État, des autorités municipales, des capitaux privés et de la majorité des moscovites. Une attention particulière est accordée à l'analyse des lieux d'implantation et aux modalités selon lesquelles les nouvelles activités s'articulent au plan spatial. L'explication des phénomènes évoqués est trouvée dans des facteurs historiques, en particulier l'héritage de la planification urbaine socialiste dans la capitale.
Tribune libre
- Les deux cultures de la science, ou les limites du positivisme - Irving Louis Horowitz p. 481 Au XIXe siècle, la science était associée au progrès. Cet optimisme a suscité en retour une méfiance durable à l'égard de la science de la part de toutes les élites. Pourtant, ces réserves n'ont rien à voir avec l'opposition traditionnelle entre les sciences dures et les sciences humaines. Au contraire, elles participent d'un conflit au sein de la culture scientifique elle-même. Au regard de l'approche positiviste, la connaissance va avec la certitude. Le pouvoir destructeur des sciences modernes a bouleversé, y compris dans les sociétés démocratiques, les fondements épistémiques de la pratique scientifique et favorisé l'émergence d'une conception différente (et précieuse) de la relation entre science et société. Cette conception est à la base d'un certain nombre de recommandations politiques et appelle de nouveaux champs d'investigation. Dans un contexte démocratique, il est à la fois philosophiquement fragile et pragmatiquement indispensable de considérer la connaissance scientifique comme indéterminée d'un point de vue éthique.
- Du statut de la logique chez Jean Piaget - luc Reginensi p. 491 À partir d'une analyse de la manière dont Piaget articule l'analogie entre l'enfant et le primitif et une théorie de l'histoire des sciences, c'est-à-dire à partir de la version piagétienne du principe de Haeckel selon lequel l'ontogenèse récapitule la phylogenèse, nous reconstituons l'espace des opérations au travers desquelles Piaget construit et énonce sa conception de la logique. Autrement dit, nous essayons de restituer l'espace des choix et des prises de positions non objectivés en tant que tel qui informe la conception de la logique qui est à l'œuvre dans le travail scientifique et épistémologique de Piaget.
- Prolégomènes à une anthropologie de l'observateur et de l'acteur - Charlie Galibert p. 507 Le continuum épistémique de l'anthropologie s'étend « idéalement » de la position d'un observateur distancié à celle d'un acteur impliqué. Cette schématisation n'est pas sans soulever des questions. Du côté de l'observation distanciée, n'y aurait-il pas, en lieu et place d'un acteur, des structures ou des formes, l'acteur étant en quelque sorte l'observateur vérifiant ses propres modèles ? L'observation participante ne se limite-t-elle pas d'elle-même, quand elle pose comme idéal la fusion des consciences, s'interdisant alors de poser le problème de l'altérité ? L'acteur, enfin, lorsqu'il s'accorde le statut d'observateur, n'est-il pas amené à voir ce qu'il croit, de ne pouvoir se distancier ?La position extrême de l'observateur objectif bute sur l'altérité spécifique (l'identité) d'une subjectivité qu'il ne peut atteindre, et la position extrême de l'acteur subjectif immergé sur l'impossibilité de son objectivation. Une ethnographie idéalement théorique bute sur l'idiotisme de l'acteur et une ethnographie idéalement naïve sur l'exotisme de la théorie. Dans un cas, l'approche peut être ramenée à « une anthropologie en l'absence de l'homme », dans l'autre à « un homme en l'absence d'anthropologie ».L'objet de notre développement est de montrer qu'une anthropologie conjoignant l'observateur et l'acteur est possible, dans une approche mêlant à la fois un « état de la question » et un « essai » d'épistémologie anthropologique.
- Les deux cultures de la science, ou les limites du positivisme - Irving Louis Horowitz p. 481
- Les numéros parus - p. 519