Contenu du sommaire : Les politiques de l'Arctique
Revue | Etudes Internationales |
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Numéro | Volume 51, no 1, printemps 2020 |
Titre du numéro | Les politiques de l'Arctique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Section thématique
- Introduction : l'Arctique, défis et perspectives pour la gouvernance du XXIe siècle - Camille Escudé-Joffres, Pauline Pic et Florian Vidal p. 5-29 Ce numéro spécial est issu de certaines contributions présentées lors du colloque « Politiques de l'Arctique en perspective » qui s'est tenu à Sciences Po, à Paris, les 18 et 19 décembre 2019. Ces deux journées de recherches s'inscrivaient dans un contexte d'évolution internationale en Arctique où les signes d'une coopération sont toujours vibrants, comme l'indique la signature du moratoire pour l'interdiction de la pêche dans l'océan Arctique central. Dans le même temps, des signaux faibles indiquaient une montée des tensions sur le plan sécuritaire avec le brouillage du gps perturbant l'aviation civile dans la région de Barents ou le retour de la marine étatsunienne en Islande. Loin de son image d'un espace unifié, gelé et exotique, l'Arctique s'impose désormais comme un espace au coeur des relations internationales. Ce numéro spécial s'efforce ainsi de réfléchir à la diversité de ces mondes arctiques en s'appuyant sur des recherches innovantes et transdisciplinaires. Les liens entre différents prismes d'analyse – géographique, stratégique, historique, de science politique – permettent de voir dans l'océan Arctique et les territoires circumpolaires un espace particulièrement sensible à la recomposition de la scène politique internationale, comme aux bouleversements climatiques qui modifient singulièrement cette région vulnérable.This special issue showcases some contributions presented during the symposium “Arctic policies in perspective” which was held at Sciences Po, in Paris, on December 18 and 19, 2019. These two days of discussions aimed at shedding light on the Arctic in a context of the international development of the region, where the signs of cooperation are always vibrant, as indicated by the signing of the moratorium to ban fishing in the central Arctic Ocean. At the same time, weak signals would indicate an increase in security tensions with the jamming of the gps disrupting civil aviation in the Barents region or the return of the United States Navy to Iceland. Far from an image of a unified, frozen and exotic space, the Arctic is now being recognized as a space at the heart of international relations. This special issue is therefore dedicated to discussing and reflecting on the diversity of these Arctic worlds, based on innovative and transdisciplinary research. The links between different prisms of analysis - geographic, strategic, historical, political science - make it possible to see in the Arctic Ocean and the circumpolar territories a space particularly sensitive to the recomposition of the international political scene as to the climatic upheavals which modify singularly this vulnerable region.
- Le Conseil de l'Arctique est-il vraiment « le principal forum intergouvernemental pour la région arctique »? Bilan à l'occasion de son 25e anniversaire - Hélène De Pooter p. 31-58 Depuis 2019, le Conseil de l'Arctique revendique la qualité de « principal forum intergouvernemental pour la région arctique ». La formulation choisie soulève deux questions : celle de la nature du Conseil de l'Arctique et celle de l'importance de son rôle. Ces deux questions sont abordées tour à tour afin d'évaluer si l'image que le Conseil de l'Arctique veut donner de lui-même, 25 ans après sa création, relève du slogan ou correspond à la réalité. Or, s'il apparaît que l'expression « forum intergouvernemental » ne permet plus de saisir la nature du Conseil de l'Arctique dans toute sa complexité, ce dernier parvient effectivement à se positionner comme un acteur central sur les questions arctiques.Since 2019, the Arctic Council claims to be “the preeminent intergovernmental forum for the Arctic region”. This wording raises the question about the nature and the importance of the Arctic Council. We address these two aspects in order to assess the veracity of this claim, twenty-five years after the establishment of the Arctic Council. While it appears that the expression “intergovernmental forum” no longer captures the complex nature of the Arctic Council, the Council does manage to position itself as a key player on Arctic issues.
- Science en puissances : La recherche scientifique, porte d'entrée vers la gouvernance arctique pour les États observateurs - Mayline Strouk p. 59-87 Cet article propose d'analyser la recherche scientifique comme étant la principale voie d'intégration d'États extérieurs à la région arctique. Nous montrons que, pour un ensemble d'États européens et asiatiques, leur engagement scientifique en Arctique a été le moteur de leur insertion dans le système politique régional, en particulier dans la gouvernance, dont la structure principale est le Conseil de l'Arctique depuis 1996. Uniquement composé des huit États reconnus comme souverains dans la région et de six organisations autochtones, le Conseil a intégré treize États au statut d'« observateurs ». Nous nous intéressons ainsi dans cet article à l'activité scientifique de ces États observateurs et à la dimension plus large de la science comme instrument de diplomatie, pour une participation à la gouvernance. Cependant, le seul cadre du Conseil de l'Arctique est limité et nous montrons que la science est en réalité la voie vers d'autres formes d'intégration.This article proposes to analyze scientific research as the main path for the integration of states outside the Arctic region. We show that for a set of European and Asian states, their scientific involvement in the Arctic has been the driving force behind their integration into the regional political system especially in governance, and whose main structure has been the Arctic Council since 1996. Composed solely of the eight States recognized as sovereign in the region and six indigenous organizations, the Council has incorporated thirteen States with “observer” status. In this article, we, therefore, focus on the scientific activity of these Observer states and the broader dimension of science as an instrument of diplomacy, for participation in governance. However, the Arctic Council framework alone is limited and we show that science is the path to other forms of integration.
- Pour une prise en compte de la géographie dans la politique arctique de l'Union européenne - Emilie Canova p. 89-116 Sous l'impulsion de la présidence finlandaise du Conseil européen, on observe le retour de l'Arctique à l'agenda politique européen. L'Union européenne (ue) s'est engagée en Arctique depuis 2008 pour des raisons environnementales et géopolitiques. Cet article, se fondant sur une méthode géopolitique d'analyse des documents de l'ue et sur une série d'entretiens cartographiés, identifie certaines difficultés de la politique arctique de l'ue. Il aborde une dimension peu étudiée de l'action de l'ue comme acteur géopolitique arctique : son déni de la géographie. Après un retour sur les différentes étapes de la politique arctique européenne, il analyse le positionnement géopolitique de l'ue à travers ses institutions et compétences juridiques, sa capacité d'action, ses discours et sa représentation géographique. L'article montre, à travers l'étude de cas du moratoire sur la pêche, l'importance de l'articulation spatiale d'une politique qui, si elle était appliquée en général, pourrait permettre de formuler une pensée géopolitique européenne.The Arctic is back on the European political agenda, under the impetus given by the Finnish Presidency of the European Council. The European Union (eu) has been engaged in the Arctic since 2008 for environmental and geopolitical reasons. Based on a geopolitical method of analysis of eu documents and a series of mapped interviews, this article identifies some of the difficulties of eu's Arctic policy. It examines a dimension rarely studied of eu's action as an Arctic geopolitical actor: its denial of geography. After a review of the different stages of the European Arctic policy, the article analyses eu's geopolitical positioning through these categories: legal institutions and competences, capacity for action, discourse and geographical representation. The article shows, through the case study of the fishing ban, the importance of the spatial articulation of a policy. Applied in general, this could help to formulate a European geopolitical thinking.
- Les régimes juridiques dérogatoires accordés aux peuples autochtones dans les domaines de la chasse, de la pêche et de l'élevage - Florian Aumond p. 117-138 L'animal occupe une place importante dans la vie des peuples autochtones de l'Arctique. Les différents instruments internationaux réglementant les activités de chasse, de pêche et d'élevage dans la région ont ainsi institué, de manière assez précoce, des régimes dérogatoires à leur profit. D'abord concédés à titre de « privilèges » par les États, ils ont été appréhendés en termes de droits dès lors qu'ils ont été inscrits dans le contexte du droit des peuples autochtones. Ils y ont surtout été adossés à des droits que l'on peut qualifier d'« existentiels », tant d'un point de vue individuel (subsistance) que collectif (culture, identité et mode de vie). Cet ancrage n'évacue cependant pas toutes les difficultés. Déjà se pose la délicate question de l'identification des bénéficiaires des régimes dérogatoires. Ceux-ci doivent par ailleurs être conciliés avec la préservation d'autres droits et intérêts, notamment liés à la préoccupation croissante pour le bien-être et la sensibilité animale.Animals play an important part in the lives of the indigenous people of the Arctic. The various international instruments regulating hunting, fishing and herding activities have therefore early instituted derogatory regimes for them. Initially granted as a “privilege” by the states, they were perceived in terms of law as soon as they were enshrined in the context of the rights of the indigenous peoples. Above all, they have been founded on rights we can qualify as “vital”, both from an individual (subsistence) point of view and a collective (culture, identity, way of live) one. Difficulties remain despite this grounding. First, the question arises about the identification of the beneficiaries of these derogatory regimes. These regimes should furthermore be conciliated with the preservation of other rights and interests, especially those relating to the growing preoccupation for the wellbeing and the sensibility of animals.
- Déplacements climatiques des peuples autochtones de l'Arctique : Comment peuvent-ils décider librement de leur avenir ? - Adèle De Mesnard p. 139-163 À partir de l'exemple des communautés autochtones de l'Alaska, nous analysons les lacunes juridiques et institutionnelles liées à la reconnaissance des particularismes autochtones lors de la planification et la mise en oeuvre de leur réinstallation climatique. Outre l'absence d'un encadrement juridique et institutionnel du statut autochtone dans le déplacement, ces lacunes témoignent des difficultés de collaboration entre agences gouvernementales et communautés, en raison d'une application partielle des droits autochtones. Pour y faire face, la mise en place d'un cadre de gouvernance reposant sur une structure organisationnelle claire et pouvant équilibrer les pouvoirs entre les différents groupes d'intérêts (gouvernement fédéral, État d'Alaska, communautés autochtones) est un préalable. La réinterprétation du droit à l'autodétermination permet d'envisager une réinstallation guidée par la communauté et reposant sur ses aspirations pour l'avenir, ce qui permettrait de dépasser une approche statique des identités autochtones et la reproduction de schémas historiques de marginalisation.Taking the indigenous communities of the North American Arctic as an example, we analyze the legal and institutional gaps in the recognition of indigenous particularities in displacement. In addition to the lack of a legal and institutional framework for the recognition of indigenous status in displacement, these gaps reflect the difficulties of collaboration between government agencies and communities, linked to the partial application of indigenous rights. To address it, establishing a governance based on a clear organizational structure to balance power between the different stakeholders (federal government, Alaska state, Native communities) is a prerequisite. The reinterpretation of the right to self-determination makes it possible to envisage community-driven climate relocation, based on community aspirations for the future, which would make it possible to move beyond a static approach to indigenous identities and the reproduction of historical patterns of marginalization.
- La route de la soie numérique, outil d'influence chinois, y compris dans l'Arctique ? - Michael Delaunay p. 165-192 L'Arctique n'échappe pas à l'extension du réseau physique d'Internet soutenu par les câbles sous-marins de fibre optique, dont plusieurs projets sont en cours ou réalisés. Cette possible nouvelle route des données est plus rapide et plus sûre que les routes habituelles reliant l'Amérique du Nord, l'Europe et l'Asie. La Chine, qui souhaite mettre en place une route de la soie numérique chinoise, est fortement intéressée par cette nouvelle route et pourrait y prendre pied par l'intermédiaire du projet de câble Arctic Connect. Dans un contexte de guerre commerciale et technologique entre la Chine et les États-Unis, on peut se poser des questions quant aux intentions réelles de la Chine pour ce qui est de ce projet de réseau Internet 100 % chinois. En effet, le financement et la construction par la Chine de ce genre d'infrastructure vitale pour l'économie mondiale ne sont-ils pas pour elle un moyen d'étendre son influence, dans la région mais aussi au niveau global?The Arctic do not elude the extension of the Internet network, supported by fibre optic submarine cables. Several submarine cable projects are in progress, or are already completed in the region. This new route promises a shorter distance, not for the containers this time, but for the transport of data between North America, Europe and Asia. China, which invests in a global Internet infrastructure, The Digital Silk Road, is very interested by this new route and could gain a foothold via the cable project Arctic Connect. In the context of a commercial and technological war between China and the United States, questions arise about the real intentions of China when it comes to this 100 % Chinese Internet network project. The financing and the construction by China of this type of infrastructure, vital for the global economy, might be a means to extend its regional and global influence.
- Introduction : l'Arctique, défis et perspectives pour la gouvernance du XXIe siècle - Camille Escudé-Joffres, Pauline Pic et Florian Vidal p. 5-29